Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

  Référence : 2013 COMC 112

Date de la décision : 2013-06-21 TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE D’UNE PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Bull, Housser & Tupper LLP visant l’enregistrement n° LMC390,097 de la marque de commerce SACHA LONDON au nom de Sacha London, S.L.

[1]                 Le 9 décembre 2009, à la demande de Bull, Housser & Tupper. (la Partie requérante), le Registraire des marques de commerce a signifié un avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C.1985, ch. T-13 (la Loi) à Sacha London, S.L. (l'Inscrivante), propriétaire de l’enregistrement nº LMC390,097 de la marque de commerce SACHA LONDON (la Marque).

[2]                 La Marque est enregistrée en vue de son emploi en liaison avec les marchandises et services suivants :

Marchandises : Chaussures, nommément souliers, bottes, pantoufles et sandales.

 

Services : Services de magasin de détail en lien avec la vente de chaussures et d’accessoires connexes.

[3]                 Selon l'article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l'égard de chacune des marchandises et de chacun des services que spécifie l'enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis, et, dans la négative, indiquer la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l'espèce, la période pertinente au cours de laquelle l'emploi doit être établi s'étend du 9 décembre 2006 au 9 décembre 2009.

[4]                 L’article 4 de la Loi définit le sens du terme « emploi ». En l’espèce, les paragraphes suivants s’appliquent :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]                 Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne suffisent pas pour démontrer l’emploi dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le critère pour établir l’emploi dans ce type de procédure ne soit pas exigeant [Woods Canada Ltd c. Lang Michener et al (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1ère inst.)], et qu’il ne soit pas nécessaire de fournir une surabondance de preuves [Union Electric Supply Co c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1ère inst.)], des faits suffisants doivent être présentés pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée, pendant la période pertinente, en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services spécifiés dans l'enregistrement.

[6]                 En ce qui a trait aux services, lorsque le propriétaire de la marque de commerce offre et est en mesure d’exécuter les services au Canada, l’emploi de la marque de commerce dans l’annonce de ces services satisfait aux exigences de la Loi [Wenward (Canada) Ltd c. Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. Autrement dit, l’annonce au Canada n’est pas suffisante, à elle seule, pour démontrer l’emploi; à tout le moins, il faut que les services puissent être exécutés au Canada. À titre d’exemple, l’emploi de la marque de commerce sur une publicité au Canada pour des services qui sont disponibles seulement aux États-Unis ne satisfait pas aux dispositions de l’article 4(2) [Porter c. Don the Beachcomber (1966), 48 CPR 280 (C. d’É.)].

[7]                 En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit l’affidavit de Julian Gabriel Sanchez, directeur général de l’Inscrivante, souscrit en Espagne, le 30 juin 2010.  

[8]                 À titre de remarque préliminaire, dans ses représentations écrites, la Partie requérante a mis en doute la validité de l’affidavit, faisant valoir qu’il était insuffisant pour apporter la preuve incombant à l’Inscrivante dans cette affaire. À cet égard, l’affidavit semble avoir été affirmé solennellement devant Julian Sanchez Fernandez. Cependant, sous le nom et la signature de M. Fernandez, apparaît le mot « procuration ». La Partie requérante fait donc valoir qu’il semble que M. Fernandez n’est pas lui-même commissaire à l’assermentation ni une personne autorisée à faire prêter serment.

[9]                 En réponse, l’Inscrivante fait valoir que l’affidavit [TRADUCTION] « semble avoir été attesté comme il se doit puisqu'il a été affirmé solennellement devant Julian Sanchez Fernandez » et que « l’ajout du terme “procuration” ne change rien au document ».

[10]             Dans une procédure en vertu de l’article 45, le registraire accepte généralement les affidavits souscrits dans un pays étranger dans la mesure où ils remplissent les exigences de ce pays [Voir Dubuc c. Montana (1991), 38 CPR (3d) 88 (COMC)]. Dans la présente affaire, rien n’indique, et on ne m’a pas démontré que l’affidavit signé et affirmé solennellement à Elda, en Espagne, ne remplit pas les exigences de ce pays. Par conséquent, étant donné le contexte limité d’une procédure en vertu de l’article 45, je conviens avec l’Inscrivante que l’affidavit doit être accepté tel quel.

Emploi en liaison avec les Marchandises

[11]             Dans son affidavit, M. Sanchez atteste que l’Inscrivante est une entreprise espagnole qui exerce son activité dans la fabrication, la distribution et la vente au détail de chaussures. Il affirme que l’Inscrivante exporte ses chaussures dans plusieurs pays à travers le monde, notamment au Canada.

[12]             M. Sanchez indique que l’Inscrivante vend ses Marchandises au Canada à la société 168700 Canada Inc. (168700), le distributeur canadien exclusif des produits de l’Inscrivante, lequel, à son tour, vend les produits à des détaillants et grossistes canadiens. M. Sanchez affirme que la société 168700 est autorisée, par une licence que lui a octroyée l’Inscrivante, à [TRADUCTION] « employer la Marque en liaison avec la vente au détail des [Marchandises] ».

[13]             Dans ses représentations écrites, la Partie requérante ne conteste pas la preuve concernant les Marchandises. Cette preuve se compose des éléments suivants :

         La pièce 1 est une photographie de la boîte dans laquelle les Marchandises sont vendues. M. Sanchez atteste qu’il s’agit d’un exemple du type d’emballage utilisé au Canada par l’Inscrivante pendant la période pertinente. La Marque apparaît sur la boîte.

         La pièce 2 comprend des exemplaires des catalogues de l’Inscrivante pour les années 2007, 2009 et 2010 montrant divers articles chaussants SACHA LONDON. M. Sanchez atteste que ces catalogues sont des exemples du type de catalogues promotionnels utilisés au Canada par l’Inscrivante pendant la période pertinente.

         La pièce 3 comprend des photocopies de six factures représentatives, portant une date comprise dans la période pertinente, et émises à la société 168700 par Asociacion de Exportadores, S.L. (AESL). M. Sanchez explique que AESL, filiale détenue à 100 % par l’Inscrivante, est autorisée sous licence à s’occuper de l’exportation des produits de l’Inscrivante, sous le contrôle de celle-ci. Je remarque que les factures montrent des ventes en dizaines de milliers d’euros et font référence à des volumes importants et à divers modèles de chaussures dont M. Sanchez atteste qu’ils correspondent aux chaussures SACHA LONDON décrites dans les catalogues en pièce 2.

         La pièce 4(e) se compose des pages du numéro de l’automne 2007 du magazine canadien Elle Québec Accessoires. M. Sanchez atteste que les Marchandises vendues au Canada pendant la période pertinente portent la Marque [TRADUCTION] « sur la semelle intérieure et/ou extérieure ». La page 3 du magazine joint à titre de pièce montre un exemple de cette présentation de la Marque sur les chaussures de l’Inscrivante.

[14]             En outre, M. Sanchez atteste que, pendant la période pertinente et dans la pratique normale du commerce, l’Inscrivante a vendu pour plus de 190 000 euros de ses Marchandises à la société 168700.

[15]             Pour les motifs exposés ci-dessus, je suis convaincu que l’Inscrivante a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises, au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Emploi en liaison avec les Services

[16]             En revanche, la Partie requérante soutient que l’affidavit de M. Sanchez ne montre pas l’emploi de la Marque en liaison avec les Services pendant la période pertinente. Elle note que même dans la conclusion de son affidavit, M. Sanchez affirme seulement qu' « il est clair » que l’Inscrivante a employé et emploie la Marque « en liaison avec les produits », et que « les consommateurs canadiens associent la [Marque] avec ses marchandises », sans la moindre référence aux Services [italiques ajoutés]. Les seules assertions de M. Sanchez relatives aux Services se trouvent aux paragraphes 21 et 22 de son affidavit, où il décrit brièvement le site Web de l’Inscrivante et le distributeur exclusif de l’Inscrivante au Canada, la société 168700.

[17]             Au paragraphe 21 de son affidavit, M. Sanchez affirme que l’Inscrivante exploitait un site Web, www.sachalondon.com, par lequel « il était possible » d’acheter les Marchandises pendant la période pertinente. Toutefois, il ne fournit aucune pièce pour montrer la présentation du site Web pendant la période pertinente ou autrement, et il indique simplement que le « site Web peut être consulté dans le monde entier, y compris au Canada » [italiques ajoutés]. Il n’est pas établi clairement que les consommateurs canadiens pouvaient effectuer des achats sur le site Web et se les faire livrer à des adresses au Canada. Il n’apparaît guère plus clairement que les consommateurs canadiens pouvaient bénéficier d’autres services correspondant à des services de magasin de détail par l’entremise du site Web [voir, par exemple, Lapointe Rosenstein LLP c. West Seal Inc. (2012), 103 CPR (4th) 136 (COMC)]. Ainsi, la preuve qui m’a été présentée ne me convainc pas que l’Inscrivante a été en mesure d’exécuter des services de magasin de détail au Canada par l’entremise de son site Web.

[18]             Au paragraphe 22 de son affidavit, M. Sanchez affirme que la société 168700 est autorisée par une licence à employer la Marque en liaison avec la vente au détail des Marchandises. À l’appui, des photographies du bureau canadien de la société 168700, montrant des enseignes extérieures représentant la Marque, sont fournies à titre de pièce 5.

[19]             Comme le soutient la Partie requérante, toutefois, même si les enseignes présentent la Marque à l’extérieur d’un bureau, rien n’indique que les enseignes sont une signalétique de magasin de détail. Je conviens que le bureau représenté semble être un siège social avec des entrepôts dans un parc industriel. Rien n’indique, dans les photographies jointes à titre de pièce ou dans les déclarations de M. Sanchez, que d’éventuels consommateurs aient fréquenté le bureau de la société 168700 pour y acheter les Marchandises de l’Inscrivante. Ainsi, je ne peux conclure que la présentation de la Marque sur des enseignes à l’extérieur du bureau de la société 168700 constitue un emploi de la Marque en liaison avec les Services mentionnés dans l’enregistrement.

[20]             En effet, il ressort clairement de l’affidavit que la société 168700 est seulement un distributeur des Marchandises de l’Inscrivante. Dans son affidavit, M. Sanchez décrit à plusieurs reprises la société 168700 comme étant le distributeur exclusif de l’Inscrivante au Canada. Par conséquent, j'estime que la société 168700 exerce seulement son activité dans la vente en gros et la distribution des Marchandises de l’Inscrivante, et non dans leur vente au détail.

[21]             En l’absence d’autres preuves concernant les opérations de la société 168700, je ne peux conclure que la société 168700, en tant que titulaire de licence, a employé la Marque dans l’annonce ou l’exécution de services de magasin de détail, en lien avec des chaussures et des accessoires connexes.

[22]             Compte tenu des motifs exposés ci-dessus, je ne peux conclure qu’il y a eu emploi de la Marque en liaison avec les Services pendant la période pertinente au Canada au sens des articles 4 et 45 de la Loi. De plus, l’Inscrivante n’a pas fourni la preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.

Décision

[23]             Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié pour radier les services, selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Dard, trad. a.

 

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