Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Citation: 2014 COMC 169

Date de la décision: 2014-08-19

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Yogen Früz Canada Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,456,426 pour la marque de commerce FLAVÜR au nom de  Industries Lassonde Inc.

 

 

Introduction

[1]               Industries Lassonde Inc. (la Requérante) a produit 22 octobre 2009 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce FLAVÜR (la Marque), demande no 1,456,426. Cette demande est fondée sur un emploi projeté et couvre les marchandises suivantes :

 

jus de fruits, jus de légumes, boissons aux fruits et boissons aux légumes non-alcoolisées. (les Marchandises)

 

[2]               Cette demande d’enregistrement fut annoncée le 14 avril 2010 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition.

 

[3]               Yogen Früz Canada Inc. (l’Opposante) a produit le 14 juin 2010 une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition soulevés sont fondés sur les articles 30(a),(e),(i), 12(1)(d),16(3)(a),(b) et 2 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13 (la Loi). Ils sont plus amplement décrits à l’annexe A de la présente décision. La Requérante a produit une contre-déclaration niant tous et chacun des motifs d’opposition.

 

[4]               La preuve au dossier avant l’audience était constituée de :

         affidavit de M. Aaron Serruya daté du 11 février 2011 (Serruya 1) à titre de preuve de l’Opposante;

         contre-interrogatoire de M. Serruya sur son affidavit Serruya 1;

         affidavit de Mme Priscilla Bernier et des copies certifiées d’enregistrements et de demandes d’enregistrement comportant la lettre Ü à titre de preuve de la Requérante;

         contre-interrogatoire de Mme Bernier;

         un second affidavit de M. Aaron Serruya daté du 3 mai 2012 (Serruya 2) a été produit par l’Opposante à titre de preuve additionnelle, avec la permission du registraire.

 

[5]               Je tiens à souligner que l’Opposante avait également demandé la permission de produire l’affidavit de Reneta Sarur mais par décision du registraire datée du 5 juin 2012, cette permission lui fut refusée.

 

[6]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées lors d’une audience.

 

[7]               Le 23 juin 2014, soit environ 3 semaines avant l’audience, la Requérante a demandé la permission de produire à titre de preuve additionnelle d’autres copies certifiées de certificats d’enregistrement et demandes d’enregistrement concernant des marques de commerces comportant la lettre Ü.

 

[8]               Je dois d’abord déterminer si j’accorde la production de ces documents additionnels. Par la suite je déterminerai si l’Opposante a produit suffisamment de preuve pour se décharger de son fardeau initial de preuve concernant chacun des motifs d’opposition qu’elle soulève. Si c’est le cas, je ferai l’analyse de ces motifs d’opposition pour ultimement déterminer si la Requérante a droit à l’enregistrement de la Marque.

 

[9]               Pour les raisons plus amplement décrites ci-après, j’estime que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur les articles 30(a), (e) et (i). Je conclus que la Marque est enregistrable et distinctive et que la Requérante a droit à l’enregistrement de la Marque.

 

Demande pour la permission de produire une preuve additionnelle

 

[10]           Le 23 juin 2014 la Requérante a demandé la permission de produire des certificats d’authenticité pour les marques suivantes :

U-SWIRL

LMC851,561

Ü et dessin

LMC839,600

KÜHNE et dessin

LMC372,308

GPI Pür TASTE

LMC853,339

ÜBER

LMC852,805

FÜDI

LMC877,856

PÜRBLOOM

LMC864,915

STATION BLÜ

LMC806,579

FRÜH et dessin 1

1,606,738

HAGESÜD

1,567,353

DAS BRAÜ et dessin

1,624,104

KÜLT LA CULTURE DU BIEN-ÊTRE et dessin

1,598,113

NU BÜGEL

1,567,946

Efengübier

1,557,819

YÜM

1,585,826

GÜ et dessin

1,532,723

 

[11]           La Requérante admet la tardivité de cette demande mais plaide que certains de ces enregistrements correspondent à des demandes d’enregistrement qui ont déjà été mis en preuve par la Requérante. Pour ce qui est des autres demandes d’enregistrement, la Requérante prétend qu’elle n’a pas pu les produire avant car elles ont été publiées, à une exception près, postérieurement à la production de sa preuve, soit après le 10 août 2011. Ainsi elle tente simplement de compléter sa preuve de l’état du registre. Elle souligne que l’Opposante ne subira pas de préjudice puisqu’une telle preuve ne donne pas lieu à un contre-interrogatoire car il s’agit de la production de copies certifiées par le registraire.

 

[12]           L’Opposante s’objecte à la production de ces documents alléguant que la Requérante a eu l’opportunité de revoir l’ensemble de son dossier avant la production de son plaidoyer écrit, soit en mars 2013. La demande est extrêmement tardive et cette preuve était disponible depuis longtemps. La Requérante n’a pas donné d’explications pour justifier ce retard. Finalement elle prétend que l’acceptation de cette preuve additionnelle la prive de l’opportunité de produire une preuve en réplique concernant l’usage ou non de ces marques sur le marché.

 

[13]           Je constate qu’effectivement 5 des enregistrements correspondent à des demandes d’enregistrement déjà dévoilées par la Requérante dans sa preuve. Il s’agit des certificats d’enregistrements pour les marques suivantes :

Ü et dessin

LMC839,600

FÜDI

LMC877,856

PÜRBLOOM

LMC864,915

U-SWIRL

LMC851,561

STATION BLÜ

LMC806,579

 

[14]           J’accepte donc la production de ces certificats d’enregistrement puisque l’existence de ces marques avait déjà été dévoilé par la Requérante au moment de la production de sa preuve.

 

[15]           Les dates de publication des demandes d’enregistrement qui ont donné lieu aux enregistrements des marques GPI Pür TASTE (13 février 2013) et ÜBER (2 janvier 2013), ainsi que la date de production de la demande d’enregistrement pour la marque NÜ BAGEL (30 janvier 2013) sont antérieures à la production du plaidoyer écrit de la Requérante (25 mars 2013). La Requérante n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas soulevé l’existence de ces demandes d’enregistrement au moment de la production de son plaidoyer écrit. Je refuse donc la production des certificats d’authenticité concernant ces trois citations. Pour les mêmes motifs je refuse la production du certificat d’authenticité pour l’enregistrement de la marque KÜHNE et dessin, enregistrée en août 1990.

 

[16]           Les autres demandes d’enregistrement, incluant celle qui a donné lieu à l’enregistrement de la marque FRÜH et dessin, ont toutes été produites après la production du plaidoyer écrit de la Requérante et pour la plupart en 2014. Je suis conscient de la tardivité de la demande mais ces citations étaient hors de la connaissance de la Requérante au moment de la production de sa preuve et de la production de son plaidoyer écrit. Quant à l’argument de l’Opposante qu’elle subirait un préjudice car elle n’aura pas l’opportunité de présenter une preuve en réplique, je tiens à souligner qu’elle n’a pas cru bon de le faire après la production de la preuve de la Requérante de l’état du registre en août 2011. Elle avait toutefois présenté le 1er mai 2012 une requête pour produire à titre de preuve additionnelle l’affidavit de Mme Sarur qui était en quelque sorte une preuve en réplique de l’état du registre, mais permission lui fût refusée le 5 juin 2012 car elle n’avait donné aucune raison pouvant justifier le retard de la production de cette preuve.

 

[17]           En résumé je permets la production des certificats d’authenticité pour les marques suivantes :

U-SWIRL

LMC851,561

Ü et dessin

LMC839,600

FÜDI

LMC877,856

PÜRBLOOM

LMC864,915

STATION BLÜ

LMC806,579

FRÜH et dessin

1,606,738

HAGESÜD

1,567,353

DAS BRAÜ et dessin

1,624,104

KÜLT LA CULTURE DU BIEN-ÊTRE

1,598,113

Efengübier

1,557,819

YÜM

1,585,826

GÜ et dessin

1,532,723

 

Fardeau de preuve

 

[18]           Dans le cadre de la procédure en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve concernant les motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. Si l’opposante se conforme à cette exigence, la requérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance de la preuve, que la marque de commerce est enregistrable [voir Joseph Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC) et John Labatt Ltd c Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

 

Remarques préliminaires

 

[19]           Tel que je le décrirai plus loin, les parties ont eu une relation d’affaires qui s’est malheureusement terminée sur une note acrimonieuse d’où la tangente particulièrement litigieuse qu’a prise ce dossier. Ainsi plusieurs points de droit ont été soulevés en cours d’instance qui m’apparaissent plus ou moins pertinents par rapport aux véritable questions qui devront être répondues au cours des prochains paragraphes. Je me limiterai donc aux questions de droit qui doivent être discutées pour disposer de cette opposition.

 

[20]           La prémisse de l’Opposante est que sa marque Ü et/ou dessin Ü souriant telle qu’illustrée ci-après :

 

Ü & Design

 

est l’équivalent, dans le domaine des yogourts glacés, au ‘Swoosh’ de Nike dans le domaine des articles de sport. Ainsi sa marque Ü et/ou dessin Ü souriant serait notoire. Toutefois la preuve doit supporter une telle allégation.

 

[21]           L’Opposante soutient avec preuve à l’appui que la Requérante avait connaissance de l’emploi de la lettre Ü soit seul ou en tant que lettre dans un mot formant une composante d’une des marques de commerce de l’Opposante. Ainsi la Requérante aurait été de mauvaise foi en procédant à la production de la demande d’enregistrement de la Marque pour les Marchandises. Puisqu’elle aurait été de mauvaise foi, le motif sous l’article 30(i) de la Loi devrait donc être maintenu.

 

[22]           L’article 30(i) de la Loi exige une déclaration de la part de la Requérante qu’elle était convaincue au moment de la production de la demande d’enregistrement qu’elle avait droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises. Il s’agit donc de déterminer si la Requérante pouvait faire une telle déclaration au moment de la production de sa demande d’enregistrement.

 

[23]           J’analyserai plus en détails ce motif d’opposition après avoir discuté des motifs d’opposition liés à la probabilité de confusion entre les marques des parties.

 

[24]           La preuve de l’Opposante qui sera plus amplement décrite ci-après démontre un emploi des marques Ü et/ou dessin Ü souriant et YOGEN FRÜZ. L’Opposante a admis lors de l’audience qu’il n’y a pas de ressemblance entre l’une ou l’autre de ses marques et la Marque sauf pour la présence de la lettre Ü, qui est le symbole corporatif de l’Opposante.

 

[25]           J’aborderai toutes les questions sous-jacentes à cette prise de position de l’Opposante tout en étant conscient que le fardeau ultime repose sur la Requérante de démontrer qu’il n’y a pas de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante.

 

 

[26]           Je tiens à souligner d’emblée que l’emploi de la marque dessin Ü souriant est un emploi de la marque Ü [voir Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC) et Registrar of Trade Marks c Compagnie L’informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme et al (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)].

 

Motifs d’opposition qui peuvent être tranchés sommairement

 

[27]           Aucune preuve, aucun commentaire, tant dans le plaidoyer écrit que lors de l’audience, ne traite des motifs d’opposition fondés sur les articles 30(a) et (e) de la Loi. J’ajoute, concernant le motif d’opposition fondé sur l’article 30(e) de la Loi, que la demande d’enregistrement contient une déclaration à l’effet que la Requérante a l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et il n’y a aucune preuve au dossier que cette déclaration serait fausse.

 

[28]           L’Opposante ne s’étant pas déchargée de son fardeau initial de preuve, ces motifs d’opposition sont donc rejetés.

 

Description et commentaires sur la preuve en chef de l’Opposante (Serruya 1)

 

[29]           M. Serruya est le président de l’Opposante et occupe cette position depuis 1986. Il décrit l’Opposante comme étant la plus grosse entreprise domestique et internationale qui opère des points de vente de yogourt glacé et de smoothies. Ainsi l’Opposante opère elle-même ou par l’entremise de licenciés et franchisés plus de 1200 points de vente situés dans 25 pays, incluant 200 au Canada. Son principal produit est le yogourt glacé. Elle vend aussi des breuvages et autres produits alimentaires alternatifs sains. M. Serruya a produit une liste des points de vente au Canada.

 

[30]           Je note que cette liste fait référence à 175 points de vente dont la majorité sont situés à l’intérieur d’autres établissements commerciaux, dont principalement des salles de cinéma. Je constate que cette liste ne contient aucune référence dans les provinces maritimes, sauf pour un comptoir en Nouvelle-Écosse, et au Manitoba. 114 de ces points de vente sont situés en Ontario, 26 au Québec (dont 23 dans les restaurants Pizza Hut), 10 en Colombie-Britannique, 19 en Alberta et 4 en Saskatchewan. Toutefois lors de son contre-interrogatoire M. Serruya a mentionné que l’Opposante a des places d’affaires dans toutes les provinces sauf à Terre-Neuve, ce qui est en contradiction avec le contenu de la pièce A de son affidavit. La seule façon de réconcilier ces deux versions est de considérer que la pièce A est datée du 20 janvier 2011 alors que M. Serruya a été contre-interrogé le 7 février 2012, soit un an plus tard.

 

[31]           M. Serruya affirme qu’aujourd’hui l’Opposante offre principalement du yogourt glacé servi avec des fruits ou mou ainsi que des breuvages non alcoolisés, soit des jus et des boissons gazeuses.

 

[32]           M. Serruya donne un bref historique de l’expansion de l’entreprise qu’il a fondée avec son frère. Il affirme que l’Opposante a connu du succès grâce à sa façon unique de présenter ses produits et ses points de vente et l’originalité des endroits où elle opère ses points de vente.

 

[33]           Je me permets à ce stade de me pencher sur l’objection formulée par la Requérante quant à l’admissibilité des opinions émises par M. Serruya concernant son entreprise, l’industrie du yogourt glacé et des smoothies, et sur la confusion entre les marques des parties. La Requérante plaide que M. Serruya est un représentant de la partie Opposante et par conséquent ne peut pas agir à titre d’expert. Il ne pourrait donc pas formuler des opinions.

 

[34]           Un représentant d’une partie qui possède une expertise dans un domaine peut certainement émettre une opinion dans les limites de son expertise. Toutefois la force probante de celle-ci devra être évaluée à la lumière de son intérêt au dossier. Bien que M. Serruya se prétend expert en raison de son expérience dans le domaine alimentaire, de la restauration et des breuvages au Canada, je limiterai la portée des opinions émises qu’au seul domaine du yogourt glacé et des smoothies. Toute opinion débordant le cadre de cette expertise sera tout simplement ignorée.

 

[35]           Ainsi au paragraphe 6 de son affidavit il émet une opinion sur l’originalité des marques de l’Opposante et que l’emploi continu de ces marques font en sorte que l’Opposante se distingue de ses compétiteurs. Je ne tiendrai pas compte de cette opinion. C’est au registraire que revient la tâche ultime de conclure sur ces questions en fonction de la preuve produite au dossier.

 

[36]           M. Serruya affirme que l’Opposante est la plus grosse entreprise domestique et internationale qui opère des points de vente de yogourt glacé et de smoothies. Je note que cette affirmation n’a pas été contredite. Il explique le succès de l’Opposante par la sélection judicieuse des principales marques de commerce de l’Opposante incluant YOGEN FRÜZ et Ü et la marque dessin Ü souriant employées en liaison avec les marchandises et services de l’Opposante. M. Serruya ait produit un certificat d’authenticité pour chacune des marques déposées citées dans la déclaration d’opposition soit :

YOGEN FRÜZ

LMC33,4270

13 Novembre 1987

FRÜZ COOL

LMC56,7079

10 Septembre 2002

FRÜZER

LMC567,080

10 septembre 2002

SMOOTHY FRÜZ

LMC567,081

10 septembre 2002

FRÜZ

LMC577,145

7 mars 2003

YOGEN FRÜZ et dessin

LMC725,046

2 octobre 2008

IT’S ALL ABOUT Ü

LMC734,846

19 février 2009

FRÜZ TEA

LMC766,944

17 mai 2010

Ü

LMC773,730

4 août 2010

YOGEN FRÜZ

LMC775,786

30 août 2010

 

Cependant, seul l’emploi des marques YOGEN FRÜZ et Ü a été prouvé en liaison avec du yogourt glacé et des smoothies. L’Opposante, lors de l’audience, a également fait référence à la marque IT’S ALL ABOUT Ü et j’en tiendrai compte dans ma décision.

 

[37]           Je note que les enregistrements pour les marques FRÜZ COOL, FRÜZER, SMOOTHY FRÜZ et FRÜZ ont été radiés du registre suite à une décision du registraire datée du 20 septembre 2013 dans le cadre d’une procédure sous l’article 45 de la Loi.

 

[38]           M. Serruya affirme que l’Opposante a obtenu à travers le monde l’enregistrement des marques YOGEN FRÜZ, dessin Ü souriant et d’autres marques vocables incorporant la lettre Ü. Or la liste produite (pièce L à son affidavit) démontre que la majorité des enregistrements obtenus concernent la marque YOGEN FRUZ et non YOGEN FRÜZ. La marque Ü n’a été enregistrée que dans 5 juridictions, en excluant le Canada.

 

[39]           M. Serruya nous fournit les chiffres des ventes annuelles de produits portant les marques YOGEN FRÜZ et Ü de l’Opposante à travers le monde et au Canada pour la période de 2005 à 2010. Les ventes au Canada varient entre plus de 10 million de dollars et plus de 20 million de dollars.

 

[40]           M. Serruya a produit 3 factures de l’Opposante démontrant la vente de contenants (coupes en carton), serviettes de table et barres de chocolat ou à la vanille en liaison avec la marque YOGEN FRÜZ. Or ces factures ne font aucunement référence à la marque Ü ou dessin Ü souriant. Ces factures remontent à 2000 et 2001. M. Serruya a admis lors de son contre-interrogatoire que l’Opposante a procédé à l’emploi d’une nouvelle image corporative associée à la lettre Ü en 2007. Je ne vois donc pas comment ces factures appuient les affirmations de M. Serruya concernant l’emploi de la lettre Ü comme symbole corporatif de l’Opposante. Le même commentaire s’applique aux chiffres de ventes antérieurs à 2007.

 

[41]           M. Serruya explique que cette emphase sur la lettre Ü se fait en utilisant cette lettre dans chacune des marques de l’Opposante et, dans la plupart des cas, en employant une couleur et un format différents des autres lettres composant les marques de commerce de l’Opposante. Je tiens à rappeler que la majorité des enregistrements obtenus à l’extérieur du Canada sont pour des marques de commerce qui ne comportent pas des trémas sur la lettre U.

 

[42]           M. Serruya a produit deux photos (pièce N à son affidavit) de la façade d’un des établissements de l’Opposante et d’une coupe en carton pour démontrer l’emploi du dessin Ü souriant ainsi que la marque YOGEN FRÜZ en liaison avec l’exploitation de son commerce et la vente de yogourt glacé. Je remarque qu’effectivement la lettre Ü dans la marque YOGEN FRÜZ est de couleur rose alors que les autres lettres de cette marque sont de couleur bleu. Toutefois M. Serruya ne peut pas dire quand la photo a été prise, ni où se trouve ce commerce au Canada.

 

[43]           La Requérante argumente que la marque dessin Ü souriant est indissociable de la marque YOGEN FRÜZ à cause de leur proximité. Avec respect pour l’opinion contraire, je ne suis pas de cet avis. Je remarque tout d’abord qu’il y a emploi du dessin Ü souriant sur les portes d’entrées du commerce alors que la marque de commerce YOGEN FRÜZ se retrouve sur l’auvent surplombant les portes d’entrées du commerce de l’Opposante. Pour ce qui est du contenant de forme circulaire illustré sur la pièce O, le dessin Ü souriant apparaît à deux endroits, en face l’un de l’autre alors que YOGEN FRÜZ se trouve également à deux endroits, face à face. En raison de la configuration du contenant il est pratiquement impossible de voir du même coup d’œil les deux marques de commerce : dessin Ü souriant et YOGEN FRÜZ. Bien que les marques en question soient situées à proximité l’une de l’autre, je ne considère pas qu’elles soient indissociables.

 

[44]           Je tiens également à souligner que je ne considère pas l’emploi de la marque YOGEN FRÜZ, où le Ü est de couleur différente et/ou de format différent comme un emploi de la marque Ü ou dessin Ü souriant [voir CII Honeywell Bull, op.cit.].

 

[45]           Je note que M. Serruya mentionne dans son affidavit que les contenants illustrés à la pièce O représentent des spécimens d’emploi de la marque dessin Ü souriant en liaison avec des breuvages. Or il apparaît clairement de la forme et du format de ce contenant qu’il est utilisé que pour la vente de yogourt glacé et non pour des breuvages. D’ailleurs les contenants pour les breuvages apparaissent plutôt sur les illustrations des publicités produites comme pièce P à son affidavit. Malgré l’affirmation que la pièce P contient des exemples d’emploi de la marque dessin Ü souriant, aucun des contenants illustrés sur ces publicités ne porte cette marque. Ils portent tous la marque YOGEN FRÜZ. Sauf pour une de ces publicités, la lettre Ü est de la même couleur et du même format que les autres lettres qui composent les mots YOGEN et FRÜZ.

 

[46]           Je tiens à souligner également que je n’ai aucune date associée à l’usage des contenants illustrés aux pièces O et P ainsi que la façade du commerce illustrée à la pièce N, sauf pour le témoignage de M. Serruya lors de son contre-interrogatoire qui affirme que l’Opposante a changé son image corporative en 2007 (voir page 40 de la transcription de son contre-interrogatoire). Il ne se rappelle pas exactement quand l’Opposante a commencé la transformation de l’image corporative en ajoutant à la marque YOGEN FRÜZ la marque dessin Ü souriant, ni de l’endroit où cette transformation fut effectuée en premier.

 

[47]           M. Serruya a admis également durant son contre-interrogatoire que les contenants illustrés à la pièce O datent de 2007. Je note que le certificat d’enregistrement pour la marque dessin Ü souriant (LMC773730) produit par M. Serruya résulte d’une demande d’enregistrement produite le 7 août 2007 et que la déclaration d’emploi a été produite le 4 août 2010. Ceci semble confirmer que l’Opposante aurait débuté l’emploi de cette marque qu’à une date postérieure au 7 août 2007.

 

[48]           M. Serruya allègue que les marques dessin Ü souriant et YOGEN FRÜZ ont fait l’objet d’articles dans les journaux et il a produit un échantillonnage de ces articles. Je note qu’aucun de ces articles ne fait référence à la marque dessin Ü souriant. Ceci n’est pas surprenant considérant que les extraits produits remontent à 1995, 1998, 1999 et 2000. Or à cette époque l’Opposante n’avait pas encore changé son image corporative pour mettre l’emphase sur le dessin Ü souriant.

 

[49]           M. Serruya explique qu’en 2008 la Requérante a approché l’Opposante pour qu’elle distribue les jus OASIS et les sodas JONES de la Requérante. Ainsi en 2008 l’Opposante a distribué ces produits de la Requérante en les offrant pour la vente à l’intérieur de ses commerces au Canada. Il a fourni les chiffres de vente de ces jus.

 

[50]           M. Serruya affirme qu’en janvier 2010 la Requérante lui a présenté des jus et du thé glacé pour être commercialisés sous la marque FLAVÜR et il a produit un échantillon d’un pamphlet publicitaire proposé par la Requérante. Il allègue qu’il est évident que la Requérante a décidé d’adopter le ‘dessin Ü souriant’ alors qu’elle était au courant de l’emploi de ce symbole par l’Opposante. Cette dernière a informé la Requérante qu’elle s’objectait à l’emploi du dessin Ü souriant par la Requérante.

 

[51]           M. Serruya allègue que par la suite la Requérante a décidé unilatéralement de procéder au dépôt d’une demande d’enregistrement pour la Marque. Or cette version des faits est quelque peu inexacte car la demande d’enregistrement a été produite le 22 octobre 2009, donc avant que la Marque ait été présentée à M. Serruya.

 

[52]           Le dernier paragraphe de son affidavit est une opinion sur le risque de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante, question que je dois trancher.

 

[53]           Je retiens également les éléments supplémentaires suivants provenant de son contre-interrogatoire:

 

         70% des ventes de l’Opposante sont associées au yogourt glacé et 30% aux breuvages (incluant les smoothies). Les ventes de smoothies représentent, dépendant des magasins, de 10 à 25% des ventes totales et les ventes de jus et d’eau embouteillé représentent environ de 2 à 9% des ventes totales (page 21 et suivantes);

         la Requérante était la seule compagnie qui fournissait des jus à l’Opposante. Les smoothies étaient faits à partir des jus de la Requérante;

         l’Opposante n’a pas fait d’études pour déterminer si les consommateurs associent la lettre Ü à la marque dessin Ü souriant de l’Opposante;

         sous l’ancien dessin de YOGEN FRÜZ, le Ü avait la même couleur et le même format que les autres lettres;

         les chiffres des ventes de l’Opposante couvrent les ventes en liaison avec les marques YOGEN FRÜZ et Ü car ces marques apparaissent dans tous les établissements.

 

Conclusions concernant la preuve d’emploi des marques YOGEN FRÜZ et Ü

 

[54]           De toute cette preuve je conclus que :

         la marque YOGEN FRÜZ est employée au Canada depuis au moins 1987;

         la marque Ü et/ou dessin Ü souriant est employée au Canada depuis une date postérieure à août 2007 en liaison avec l’exploitation de commerces offrant des yogourts glacés et des smoothies et en liaison avec des yogourts glacés.

 

[55]           Je suis parfaitement conscient que cette opposition ne vise pas la validité des enregistrements des marques de l’Opposante comme me l’a fait remarquer l’Opposante lors de l’audience. Le fardeau ultime repose effectivement sur les épaules de la Requérante qui doit démontrer qu’elle a droit à l’enregistrement de la Marque et que celle-ci est enregistrable.

 

[56]           Toutefois, considérant la position prise par l’Opposante concernant la notoriété de sa marque Ü et/ou Ü dessin souriant, je me dois de trancher si effectivement je suis en présence d’une marque de commerce notoire. Si c’est le cas, l’Opposante prétend pouvoir bénéficier d’un certain monopole sur la lettre Ü lorsqu’elle se retrouve comme composante d’une marque de commerce employée en liaison avec du yogourt glacé et des smoothies ou tout autre produit semblable.

 

[57]           Malgré les vaillants efforts de l’Opposante, je ne peux pas conclure en ce sens. Certes la preuve au dossier, et plus particulièrement les chiffres des ventes de l’Opposante en 2008 et subséquemment, démontre que la marque Ü et/ou dessin Ü souriant est connue au Canada en liaison avec des yogourts glacés et des smoothies, mais je ne peux la qualifier de notoire pour les motifs qui suivent.

 

[58]           Premièrement la marque Ü et/ou dessin Ü souriant est employée au Canada que depuis au plus tôt août 2007. Or les motifs d’opposition sous les articles 16(3)(a) (droit à l’enregistrement) et 2 (caractère distinctif) sont fondés sur l’emploi antérieur de cette marque de commerce. Le premier motif s’analyse à la date de production de la demande d’enregistrement (22 octobre 2009), donc à peine deux ans plus tard, et celui de l’absence de caractère distinctif de la Marque s’analyse à la date de production de la déclaration d’opposition (14 juin 2010), soit moins de 3 ans après le début de l’emploi de la marque Ü et/ou dessin Ü souriant au Canada. Même si sous le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi je peux tenir compte des ventes de l’Opposante en 2010, les chiffres des ventes à eux seul ne sont pas un élément suffisant pour conclure que la marque Ü et/ou dessin Ü souriant est notoire de telle sorte qu’aucune tierce partie ne pourrait incorporer cet élément dans sa propre marque de commerce.

 

[59]           L’Opposante n’a pas produit de publicité où l’Opposante tente de promouvoir cette marque au Canada ou ailleurs.

 

[60]           Il ne faut pas oublier que cette marque de commerce est une lettre de l’alphabet à laquelle on a ajouté que de simples trémas. Il est bien établi que les lettres de l’alphabet possèdent un caractère distinctif inhérent faible [voir GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst.) aux pages 162-164]. Pour bénéficier d’un champ de protection plus vaste il faut certainement plus que ce qui a été mis en preuve au dossier soit : des photos d’une façade de commerce dont le lieu du commerce et la date des photos demeurent inconnus; photos de contenants; et des chiffres de ventes sur une période d’au plus 3 ans.

 

[61]           Finalement je m’en voudrais de ne pas souligner l’absence de preuve d’études pour prouver que le consommateur moyen Canadien associe la marque Ü et/ou dessin Ü souriant à l’Opposante de telle sorte que toute marque comportant cet élément employée en liaison avec des yogourts glacés, des smoothies, ou tout autre produit de même nature serait associée à l’Opposante. Je suis conscient que la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc et al 2011 CSC 27 a émis l’opinion qu’il est préférable de ne pas se fonder sur des sondages pour prouver l’absence ou la présence de risque de confusion entre deux marques de commerce. Je crois toutefois que la présente situation pouvait se prêter à l’exercice. En effet si l’Opposante prétend que sa marque Ü et/ou dessin Ü souriant est devenue notoire de telle sorte qu’elle constitue un symbole corporatif distinctif au même type que le ‘swoosh’ de Nike, une étude du marché aurait pu nous éclairer sur ce point.

 

[62]           Je procèderai donc maintenant à l’analyse des différents motifs d’opposition soulevés par l’Opposante en tenant compte de la conclusion que je viens de formuler sur l’absence de notoriété de la marque Ü et/ou dessin Ü souriant de l’Opposante.

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi

 

[63]           La date pertinente pour analyser ce motif d’opposition est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413, à la page 424 (CAF)].

 

[64]           L’Opposante fonde ce motif d’opposition sur les enregistrements suivants :

YOGEN FRÜZ

LMC334,270

FRÜZ COOL

LMC567,079

FRÜZER

LMC567,080

SMOOTHY FRÜZ

LMC567,081

FRÜZ

LMC577,145

YOGEN FRÜZ et dessin

LMC725,046

IT’S ALL ABOUT Ü

LMC734,846

FRÜZ TEA

LMC766,944

 

[65]           Je tiens à souligner que malgré la production d’un certificat d’enregistrement pour la marque Ü par M. Serruya, l’Opposante n’a pas amendé sa déclaration d’opposition pour ajouter cet enregistrement à la liste des enregistrements énumérés précédemment. Je ne considèrerai donc pas cette marque sous ce motif d’opposition.

 

[66]           J’ai vérifié l’état du registre et seules les marques YOGEN FRÜZ, YOGEN FRÜZ et dessin, IT’S ALL ABOUT Ü et FRÜZ TEA sont toujours inscrites au registre. Je considère que l’Opposante a de meilleures chances de succès avec les marques YOGEN FRÜZ (en raison de la preuve d’usage de cette marque) enregistrée en liaison avec du yogourt glacé, yogourt, coupes de fruits, tofu lait frappé et lait glacé; et IT’S ALL ABOUT Ü enregistrée en liaison avec de la crème glacée, yogourt glacé, tartes et gâteaux au yogourt glacé ainsi que friandises glacées et les services de restaurant et de repas à emporter. Je ferai donc l’analyse de ce motif en fonction de ces deux marques uniquement.

 

[67]           Il incombe à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises ne risque pas de créer de la confusion avec l’une des marques de l’Opposante. Le test à appliquer pour trancher cette question est énoncé à l’article 6(2) de la Loi. Ce test ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais plutôt la confusion quant à l’origine des Marchandises. Ainsi je dois déterminer si un consommateur qui voit les Marchandises en liaison avec la Marque, croirait qu’elles proviennent de l’Opposante ou sont autorisées par cette dernière.

 

[68]           Je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces facteurs.

 

[69]           La Cour suprême du Canada dans l’arrêt de Masterpiece, op.cit. a interprété l’article 6(2) de la Loi et nous a éclairé sur la portée des différents critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi. Elle a clairement indiqué que, dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques est le facteur le plus important. Je commencerai donc mon analyse par ce critère.

 

Le degré de ressemblance entre les marques

 

[70]           Lors de l’audience l’Opposante a admis que la Marque, prise dans son ensemble, ne ressemble pas à ses marques déposées dont YOGEN FRÜZ et IT’S ALL ABOUT Ü. Ceci serait suffisant pour conclure que ce facteur favorise la Requérante.

 

[71]           Outre la présence de la lettre Ü dans la Marque, il n’y a aucune ressemblance tant visuelle, phonétique ou dans les idées suggérées par les marques en présence. Sur ce dernier point je tiens à souligner que la Marque ressemble phonétiquement et visuellement au mot anglais ‘flavour’ qui se traduit par ‘saveur’ alors que la marque YOGEN FRÜZ est composée de deux mots inventés qui peuvent suggérés ‘yogourt and fresh; frozen fruit’ tel que mentionné dans un des articles produits au soutien de l’affidavit de M. Serruya. Quant à la marque IT’S ALL ABOUT Ü, elle suggère ‘tout est au sujet de vous’ ou ‘tout est au sujet de Ü’. Peu importe le sens qu’on lui donne, l’idée suggérée par cette marque diffère de l’idée suggérée par la Marque.

 

[72]           Ainsi ce facteur favorise la Requérante.

 

[73]           Dans Masterpiece, l’honorable juge Rothstein mentionna :

 

Comme le souligne le professeur Vaver, si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l'analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires (Vaver, p. 532). En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l'étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l'analyse relative à la confusion (Vaver, p. 532).

 

[74]           Ainsi comme il n’y a pas de ressemblance entre les marques des parties, ceci serait suffisant à mon avis pour disposer du dossier. Toutefois je procéderai à l’analyse sommaire des autres facteurs énumérés à l’article 6(5) de la Loi.

 

Le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

[75]           Bien que la Marque soit un mot inventé, phonétiquement et visuellement elle ressemble au mot ‘flavour’, qui se traduit en français par ‘saveur’. Donc lorsque la Marque est employée en liaison avec les Marchandises, elle suggère que le jus vendu en liaison avec la Marque est d’une quelconque saveur.

 

[76]           Quant à la marque YOGEN FRÜZ, il s’agit de deux mots inventés qui n’ont aucune signification particulière. Elle possède donc un caractère distinctif inhérent fort.

 

[77]           Pour ce qui est de la marque IT’S ALL ABOUT Ü, il s’agit d’un slogan où la lettre Ü se prononce comme le mot anglais ‘you’. Ainsi, je ne considère pas que cette marque possède un caractère distinctif inhérent plus élevé que la Marque.

 

[78]           J’ai déjà passé en revue la preuve d’emploi de la marque YOGEN FRÜZ. Cette marque est connue au Canada. Toutefois je n’ai aucune preuve de l’emploi de la marque IT’S ALL ABOUT Ü.

 

[79]           La seule preuve d’emploi de la Marque provient de l’affidavit de Mme Bernier, une stagiaire au cabinet des agents de la Requérante. Le 21 juin 2011 elle s’est présentée à un supermarché opéré sous la bannière IGA à Montréal et s’est procurée en autre un jus portant la Marque. Outre ce fait, nous n’avons aucune autre information concernant l’ampleur de l’emploi de la Marque.

 

[80]           Ce facteur favorise donc l’Opposante uniquement en ce qui concerne sa marque YOGEN FRÜZ.

 

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

 

[81]           La preuve ci-haut décrite démontre que la marque YOGEN FRÜZ est employée au Canada depuis 1987. Quant à la marque IT’S ALL ABOUT Ü, il n’y a aucune preuve de son emploi au Canada. Bien que le certificat d’enregistrement fasse état de la production d’une déclaration d’emploi le 19 février 2009, je peux inférer qu’un emploi minime de cette marque qui n’aura aucune incidence sur le poids accordé à ce facteur [voir Entre Computer Centers, Inc v Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

 

[82]           Quant à l’emploi de la Marque, elle remonte qu’au 21 juin 2011.

 

[83]           Dans les circonstances ce facteur favorise l’Opposante en ce qui concerne la marque YOGEN FRÜZ.

 

 

 

Le genre de marchandises et la nature du commerce

 

[84]           Il existe une différence entre des jus d’une part et du yogourt glacé, yogourt, coupes de fruits, lait frappé et lait glacé d’autre part. Toutefois j’estime qu’il existe un chevauchement entre le lait frappé et des jus car ces produits sont des breuvages non-alcoolisés. De plus le certificat d’enregistrement pour la marque YOGEN FRÜZ couvre les services de restaurants, de repas à emporter et de snack-bars. Or la preuve démontre tel que ci-haut décrit que les jus de la Requérante ont déjà été vendus dans les établissements opérés sous la marque YOGEN FRÜZ.

 

[85]           La Requérante plaide que, selon le témoignage de M. Serruya, les ventes de produits embouteillés à l’intérieur des commerces opérés sous la marque YOGEN FRÜZ représentent seulement 2% à 9% des ventes totales. Il s’agirait donc de chiffres de ventes très faibles. Or sous l’article 12(1)(d), je dois comparer les Marchandises avec les marchandises et services couverts par les certificats d’enregistrement de l’Opposante. Il importe peu que les ventes soient importantes ou non. Le chevauchement existe et la preuve démontre que des jus ont été vendus dans les commerces de l’Opposante.

 

[86]           L’affidavit Serruya 2 contient certaines informations concernant l’emploi de la marque de commerce YOGEN FRÜZ en liaison avec des ensembles de préparation pour smoothies vendus dans les supermarchés Sobeys, IGA ainsi que chez Costco. Toutefois ces marchandises ne sont pas couvertes par le certificat d’enregistrement de cette marque de commerce.

 

[87]           Je considère qu’ultimement ces facteurs favorisent l’Opposante.

Famille de marques de commerces comportant la lettre Ü

[88]           L’Opposante allègue avoir démontré qu’elle est propriétaire d’une famille de marques de commerce comportant la lettre Ü par la production des certificats d’enregistrements des marques de commerce citées au soutien de ce motif d’opposition. Il est bien établi que pour plaider l’existence d’une famille de marques de commerce il faut non seulement prouver la propriété de ces marques mais également leur emploi au Canada [voir McDonald’s Corp v Yogi Yogurt Ltd (1983), 66 CPR (2d) 101 (CF1re inst)]. Or je n’ai aucune preuve au dossier de l’emploi des marques citées par l’Opposante sous ce motif d’opposition outre la marque YOGEN FRÜZ.

 

[89]           Même en considérant l’emploi de la marque dessin Ü souriant, ceci serait insuffisant pour conclure à l’existence d’une famille de marques puisque nous serions en présence de seulement deux marques de commerce : YOGEN FRÜZ et dessin Ü souriant.

La preuve de l’état du marché

[90]           La Requérante a produit une preuve de l’état du marché et de l’état du registre pour établir qu’il existe sur le marché plusieurs marques de commerce comportant la lettre Ü de sorte que le consommateur moyen canadien serait habitué à distinguer des marques comportant la lettre Ü. Ainsi dans un premier temps elle a produit des copies certifiées des enregistrements et des demandes d’enregistrement pour les marques suivantes :

BLÜ BOTOL et dessin

LMC508,557

eau de source

BLÜ BOTOL

LMC489,455

eau de source

7-ELEVEN FRÜT COOLER

LMC550,914

boissons gazeuses à saveur de fruits

SUSHI YU MI et dessin

LMC765,471

services de restaurant

STATION BLÜ

1,313,108

cosmétiques et produits pour soin de la peau

Ü et dessin

1,464,730

boissons énergisantes

ÜBERSHOT

1,464,728

boissons énergisantes

PÜRBLOOM

1,479,943

jus de fruits et boissons aux fruits non alcoolisés

SUSHI YÜ MI et dessin

1,479,186

services de restaurant

U-SWIRL

1,460,141

service de vente au détail de yogourt glacé

IÜNI et dessin

1,451,654

Bonbon et gomme

SCHÜETZLI

1,450,653

yogourt et boissons non alcoolisées

FÜDI

1,437,505

entrées et épices

PÜR GUM et dessin

1,492,706

gomme à mâcher

 

[91]           De plus Mme Bernier affirme :

                     avoir acheté en ligne le 20 juin 2011 une boîte de chocolat belge vendue par Hümeur Groupe Conseil inc. portant la marque HÜMEUR. Elle a produit des photographies de la boîte et d’une tablette individuelle portant cette marque;

                     s’être rendue le 21 juin 2011 au restaurant NÜVÜ situé sur la rue Sainte-Catherine à Montréal; a photographié la façade de ce restaurant; et a pris possession d’une carte d’affaires. Elle a produit les photos et la carte d’affaires;

                     avoir acheté à un supermarché IGA des jus portant les marques INÜ et FLAVÜR. Elle a produit des photos ainsi que les bouteilles portant ces marques;

                     avoir visité le restaurant SUSHI YÜ MI situé sur la rue Sherbrooke à Montréal; a pris des photos du restaurant; a pris une carte d’affaires; et a produit tous ces éléments de preuve;

                     avoir acheté au Marché Tau à Laval un paquet de gomme à mâcher de marque PÜR GUM. Elle a produit des photos et le paquet de gomme à mâcher;

                     avoir effectué les recherches suivantes sur Internet :

site Flickr montrant Marie-Claude Bergevin tenant une bouteille de jus portant la marque INÜ;

site de pur-gum pour la gomme PÜR GUM;

site HÜMEUR Campagne de financement;

site de Fruitti & Confetti pour sa section PÜRBLOOM;

site Catamaran-Lounge BELVÜ.

 

[92]           En considérant la preuve additionnelle qui est au dossier en vertu de la décision que j’ai rendu plus tôt sur ce sujet, les marques suivantes sont également au registre :

U-SWIRL

LMC851,561

service de vente au détail de yogourt glacé

Ü

LMC839,600

distribution de produits pour campagnes de financement incluant du chocolat

FÜDI

LMC877,856

entrées et épices

PÜRBLOOM

LMC864,915

jus de fruits et boissons aux fruits non alcoolisés

STATION BLÜ

LMC806,579

 services de spa

FRÜH et dessin

1,606,738

bière

HAGESÜD

1,567,353

épices et condiments

DAS BRAÜ et dessin

1,624,104

bière

KÜLT LA CULTURE DU BIEN-ÊTRE

1,598,113

breuvages non alcoolisés fait de café et breuvages fait à partir de thé

Efengübier

1,557,819

bière

YÜM

1,585,826

barres granola

GÜ et dessin

1,532,723

yogourts

 

[93]           De la preuve du registre et de l’état du marché, je ne retiens que les marques qui couvrent des boissons non alcoolisées et du yogourt. Ainsi les citations suivantes m’apparaissent les plus pertinentes :

PÜRBLOOM

LMC864,915

jus de fruits et boissons aux fruits;

KÜLT LA CULTURE DU BIEN-ÊTRE

1,598,113

breuvages non alcoolisés fait de café et breuvages fait à partir de thé;

GÜ et dessin

1,532,723

yogourts;

SCHÜETZLI

1,450,653

yogourt et boissons non alcoolisées;

Ü et dessin

1,464,730

boissons énergisantes;

ÜBERSHOT

1,464,728

boissons énergisantes;

BLÜ BOTOL et dessin

LMC508,557

eau de source;

BLÜ BOTOL

LMC489,455

eau de source;

7-ELEVEN FRÜT COOLER

LMC550,914

boissons gazeuses à saveur de fruits;

 

[94]           Outre les marques des parties en présence, il existe 9 marques au registre détenues par 7 entités différentes comportant la composante Ü dans le domaine des boissons non alcoolisées et des yogourts. Ce nombre est insuffisant pour en tirer une conclusion qui pourrait être favorable à la Requérante, à savoir qu’il existe sur le marché de nombreuses marques de commerce comportant cette caractéristique de tel sorte que le consommateur canadien moyen est habitué à faire la distinction entre ces marques [Voir Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1993), 44 CPR (3d) 205 et Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432].

Caractère notoire de la marque Ü et/ou le dessin Ü souriant

[95]           L’Opposante argumente que la Requérante a incorporé dans la Marque la lettre Ü et/ou le dessin Ü souriant. J’ai déjà abordé exhaustivement cet argument et j’en suis venu à la conclusion que la lettre Ü et/ou le Ü dessin souriant n’est pas une marque de commerce notoire et que par conséquent l’Opposante ne peut prétendre à l’exclusivité de la lettre Ü et/ou le Ü dessin souriant.

Conclusion

[96]           De cette analyse des critères pertinents, je conclus que la Requérante s’est déchargée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y absence de confusion entre la Marque et les marques déposées de l’Opposante. L’absence de ressemblance entre les marques en présence est le facteur déterminant dans ce dossier.

 

[97]           Je rejette donc ce motif d’opposition.

 

Les autres motifs d’opposition fondés sur la confusion

 

[98]           L’Opposante a soulevé les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)(a) et (b) (droit à l’enregistrement de la Marque) et 2 de la Loi (absence de caractère distinctif de la Marque). Il est bon de rappeler que ces motifs d’opposition s’analysent en fonction des mêmes facteurs pris en considération lors de l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi mais à des dates différentes soit :

 

                     droit à l’enregistrement de la Marque : la date de production de la demande d’enregistrement (22 octobre 2009) [voir article 16(3) de la Loi];

                     absence de caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition (14 juin 2010) [voir Andres Wines Ltd c E&J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF)].

 

[99]           Cette différence dans les dates pertinentes signifie que des éléments de preuve pris en considération sous le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) doivent être exclus de mon analyse des facteurs pertinents. De plus, l’Opposante se fonde sur l’emploi de la marque Ü et sur des demandes d’enregistrements de marques qui n’ont pas été considérées sous le motif d’opposition analysé précédemment. L’analyse qui va suivre se limitera à ces variantes. Toutefois la même conclusion, soit l’absence de confusion entre les marques des parties, s’applique aussi à ces motifs d’opposition.

 

Motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)(a) et 2 de la Loi

 

[100]       La preuve ci-haut décrite démontre que l’Opposante a employé les marques Ü (depuis la fin de l’année 2007) et YOGEN FRÜZ (depuis 1987) en liaison avec des yogourts glacés et smoothies ainsi que l’exploitation de commerces offrant pour la vente ces produits et que ces marques étaient suffisamment connues au Canada pour nier le caractère distinctif de la Marque. De plus l’Opposante a démontré qu’elle n’avait pas abandonné l’emploi de ses marques au Canada à la date de publication de la présente demande d’enregistrement [voir l’article 16(5) de la Loi].

 

[101]       Dans les circonstances j’estime que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de preuve qui lui incombait sous les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)(a) et 2 de la Loi.

 

[102]       La marque Ü possède un caractère distinctif inhérent faible puisqu’il s’agit de la lettre U de l’alphabet à laquelle on a ajouté des trémas. Je ne considère pas que l’ajout de ce signe sur une lettre de l’alphabet procure un caractère distinctif fort à l’ensemble de cette marque.

 

[103]       Lors de son contre-interrogatoire M. Serruya a indiqué qu’il était impossible de dissocier les chiffres des ventes de produits portant la marque YOGEN FRÜZ des ventes de produits portant la marque Ü car ces marques sont intimement liées. Effectivement tel que mentionné antérieurement ces deux marques apparaissent sur les coupes dans lesquelles sont servis le yogourt glacé et sur la façade des commerces de l’Opposante. Toutefois je dois tenir compte que des chiffres des ventes pour les années 2008 et 2009 pour le motif fondé sur l’article 16(3)(a) et ajouter à ces ventes celles de 2010 pour le motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi.

 

[104]       Je suis conscient que je devrais limiter les ventes de 2009 à la période se terminant le 22 octobre 2009 mais M. Serruya n’a pas fourni cette information précise. Toutefois même en présumant que les chiffres fournis pour l’année 2009 se limitent à cette période, je ne crois pas que cette hypothèse, favorable à l’Opposante, ait un impact marquant sur le sort réservé au motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi. La même remarque s’applique aux ventes en 2010 qui devraient se limiter à la période se terminant le 14 juin 2010 en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.

 

[105]       Tel que mentionné précédemment, ces chiffres des ventes prouvent que les marques dessin Ü souriant et YOGEN FRÜZ étaient connues au Canada aux dates pertinentes.

 

[106]       Pour ce qui est de la nature des marchandises et des commerces des parties, les mêmes conclusions que celles décrites ci-haut sous le motif d’opposition de l’enregistrabilité de la Marque s’appliquent en l’espèce.

 

[107]       Quant à la preuve de l’état du registre et du marché, en raison des dates pertinentes antérieures sous les présents motif d’opposition, certains éléments de preuve décrits sous le précédent motif d’opposition ne pourraient pas être pris en considération ce qui aurait pour effet de diminuer le nombre de citations jugées pertinentes.

 

[108]       Quant au degré de ressemblance entre la Marque et la marque Ü, outre la présence de cette lettre dans la Marque, lorsque les marques sont prises dans leur ensemble, il n’existe aucune ressemblance tant visuelle, phonétique ou dans les idées qu’elles suggèrent.

 

[109]       L’absence de degré de ressemblance entre la marque Ü et la Marque est le facteur déterminant pour conclure à l’absence de confusion entre ces marques. Par ailleurs, je me suis déjà prononcé en faveur de la Requérante en concluant à l’absence de confusion entre la Marque et la marque YOGEN FRÜZ de l’Opposante.

 

[110]       Par conséquent les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)(a) et 2 de la Loi sont rejetés.

 

 

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(b) de la Loi

 

[111]       Les demandes d’enregistrement sur lesquelles se fondent l’Opposante [voir l’annexe B à cette décision] doivent avoir été produites avant la présente demande d’enregistrement et être toujours pendantes au moment de l’annonce de cette dernière (14 avril 2010) [voir les articles 16(3) et 16(4) de la Loi]. Sur ce dernier point les demandes suivantes n’étaient plus pendantes au 14 avril 2010  tel qu’il appert des certificats d’enregistrement de ces marques produits par l’Opposante:

 

YOGEN FRÜZ et dessin

1358415

IT’S ALL ABOUT Ü

1366211

 

[112]       L’Opposante n’a pas produit des copies certifiées des demandes d’enregistrement sur lesquelles elle fonde ce motif d’opposition. Toutefois le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour vérifier si effectivement ces demandes d’enregistrement existent et si elles étaient toujours pendantes au moment de l’annonce de la présente demande d’enregistrement [voir Royal Appliance Mfg Co c Iona Appliances Inc (1990), 32 CPR (3d) 525 (COMC)].

 

[113]       J’ai fait les vérifications qui s’imposaient et je confirme, hormis celles ci-haut mentionnées, que des demandes d’enregistrements étaient toujours pendantes au 14 avril 2010.

 

[114]       La Requérante, lors de l’audience, a plaidé que pour satisfaire son fardeau de preuve initial l’Opposante devait démontrer l’emploi des marques faisant l’objet de ces demandes d’enregistrement. Elle se fonde sur la décision du registraire dans 2028274 Ontario Limited c B Store Limited 2011 COMC 183. Or dans cette décision le registraire a soulevé l’absence de preuve d’emploi des marques citées au soutien des motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3)(a) et (c) et non l’article 16(3)(b) de la Loi. Le texte de ces articles est très clair : alors que celui des articles 16(3)(a) et (c) fait référence à un emploi antérieur d’une marque de commerce, le texte de l’article 16(3)(b) exige que la production antérieure de la demande d’enregistrement. Il n’est aucunement question de l’emploi de la marque faisant l’objet d’une demande d’enregistrement citée au soutien d’un motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(b) de la Loi.

 

[115]       Dans les circonstances je conclus que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de preuve qui lui incombait sous l’article 16(3)(b) de la Loi.

 

[116]       Aucune des citations énumérées à l’annexe B des présentes et qui peuvent être considérées sous ce motif d’opposition ressemble à la Marque lorsqu’elles sont prises dans leur ensemble.

 

[117]       Ainsi je rejette ce motif d’opposition pour les mêmes raisons que celles formulées sous le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) en y apportant les adaptations nécessaires.

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi

 

[118]       La Requérante plaide que la mauvaise foi n’a pas été alléguée au soutien de ce motif d’opposition et que la simple allégation de la connaissance des marques de l’Opposante n’est pas suffisante pour maintenir ce motif d’opposition.

 

[119]       La jurisprudence a reconnu qu’il doit y avoir une preuve de mauvaise foi pour maintenir ce motif d’opposition. Également la jurisprudence a conclu que la simple connaissance des marques de l’Opposante n’est pas suffisante pour conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial sous ce motif d’opposition [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) et WOOT, Inc c WootRestaurants Inc 2012 COMC 197].

 

[120]       Un parallèle peut être tracé avec la situation qui prévalait dans Pélican International Inc c GSC IP Technologies LLC Corp 2011 COMC 42 où une lettre de mise en demeure avait été signifiée à la requérante avant la production de sa demande d’enregistrement. L’opposante plaidait ainsi que la requérante avait connaissance de sa marque de commerce. Cette connaissance fut jugée non pertinente en l’absence de confusion entre les marques en litige et ainsi la requérante pouvait se déclarer satisfaite d’avoir droit d’employer la marque.

 

[121]       Il y a également la décision du registraire dans Pharmacyclics Inc c McKesson Canada Corporation 2008 CanLII 88145 où la requérante avait approché l’opposante pour négocier une entente de coexistence avant la production de sa demande d’enregistrement. Le registraire a conclu que, malgré ce fait, la requérante pouvait se déclarer satisfaite d’avoir le doit d’employer la marque au Canada.

 

[122]       Je tiens à rappeler que, contrairement aux allégations de M. Serruya, la demande d’enregistrement de la Requérante a été produite avant que ce dernier signifie son désaccord à la Requérante.

 

[123]       Dans les circonstances je rejette ce motif d’opposition.

 

Disposition

 

[124]       En raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition, le tout selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

 

 

_________________________

Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

Annexe A

 

Les motifs d’opposition peuvent se résumer ainsi :

 

  1. La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux dispositions de l’article 30(a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (Loi) en ce que les marchandises ne sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce;
  2. La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux dispositions de l’article 30(e) de la Loi en ce que la demande d’enregistrement ne contient pas une déclaration à l’effet que la Requérante a l’intention d’employer la Marque au Canada non plus qu’elle ne pouvait être satisfaite de faire une telle déclaration compte tenu qu’elle connaissait l’importance des marques de l’Opposante sur lesquelles l’Opposante fonde ses motifs d’opposition et plus particulièrement les marques Ü de l’Opposante;
  3. La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux dispositions de l’article 30(i) de la Loi en ce que la demande d’enregistrement ne contient pas une déclaration à l’effet que la Requérante soit convaincue qu’elle a droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises puisqu’à la date de production de la demande la Requérante connaissait les marques de l’Opposante ci-après décrites et leur emploi continue par l’Opposante;
  4. La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi car elle crée de la confusion avec les marques déposées suivantes de l’Opposante;

YOGEN FRÜZ

LMC334,270

FRÜZ COOL

LMC567,079

FRÜZER

LMC567,080

SMOOTHY FRÜZ

LMC567,081

FRÜZ

LMC577,145

YOGEN FRÜZ Design

LMC725,046

IT’S ALL ABOUT Ü

LMC734,846

FRÜZ TEA

LMC766,944

  1. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(a) de la de la Loi puisqu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce Ü et YOGEN FRÜZ employées au Canada par l’Opposante en liaison avec de la nourriture, sucreries et des desserts et des breuvages incluant du yogourt glacé et des jus de fruit ainsi que l’exploitation de magasins offrant pour la vente des produits alimentaires incluant du yogourt glacé et des fruits;
  2. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(b) de la de la Loi puisqu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec une des marques de commerce de l’Opposante qui faisait l’objet de demandes d’enregistrement et ci-après énumérées :

1,403,739

FROYORSSEÜR

1,397,388

FRÜZ TEA

1,366,211

IT’S ALL ABOUT Ü

1,449,685

JUST BE Ü

1,359,816

LÜV LIFE

1,358,880

LÜV LIFE et dessin

1,358,878

Ü & Design

1,454,193

YOGEN FRÜZ

1,358,415

YOGEN FRÜZ et dessin

1,358,418

YOGEN FRÜZ BE GOOD TO YOURSELF et dessin

1,403,740

YOGÜRSSEÜR

  1. La Marque ne distingue pas les Marchandises de celles de l’Opposante, pas plus qu’elle n’est adaptée à les distinguer au sens de l’article 2 de la Loi des marchandises et services de l’Opposante en liaison avec les marques Ü et YOGEN FRÜZ de l’Opposante employées par cette dernière au Canada.

Annexe B

 

 

1,403,739

FROYORSSEÜR

1,397,388

FRÜZ TEA

1,366,211

IT’S ALL ABOUT Ü

1,449,685

JUST BE Ü

1,359,816

LÜV LIFE

1,358,880

LÜV LIFE et dessin

1,358,878

Ü & Design

1,454,193

YOGEN FRÜZ

1,358,415

YOGEN FRÜZ et dessin

1,358,418

YOGEN FRÜZ BE GOOD TO YOURSELF et dessin

1,403,740

YOGÜRSSEÜR

 

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