Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                               THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 67

Date de la décision : 2010-05-17

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par L’Oréal à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1201383 pour la marque de commerce L’ORÉAL PARIS au nom de Robert V Marcon

 

 

[1]               Le 11 décembre 2003, Robert V Marcon (le « Requérant ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce L’OREAL PARIS (la « Marque ») fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

 

(1)   Vitamines, suppléments minéraux à base d’herbes et combinaisons de ces produits.

(2)   Boissons à aloès vulgaire.

            (les « Marchandises »)

 

[2]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 3 janvier 2007. Le 31 mai 2007, L’Oréal (l’« Opposante ») a produit une déclaration d’opposition. Le 15 août 2007, le Requérant a déposé et signifié une contre‑déclaration dans laquelle il niait les allégations de l’Opposante.

[3]               La preuve de l’Opposante est constituée de l’affidavit de Christian Bourque souscrit le 20 novembre 2007, et des pièces y jointes CB-1 à CB-6 (l’« affidavit Bourque »), l’affidavit de Fabyenne Le Charlès, souscrit le 29 janvier 2008, et des pièces y jointes FLC-1 à FLC-17 (l’« affidavit Le Charlès »), l’affidavit de Dominique De Celles, souscrit le 12 mars 2008, et des pièces y jointes DDC-1 à DDC-17 (l’« affidavit De Celles »), l’affidavit complémentaire de Dominique De Celles, souscrit le 17 mars 2008 (l’« affidavit De Celles no 2 »), l’affidavit de Karine Jarry, souscrit le 14 mars 2008, et des pièces y jointes KJ-1 à KJ-4 (l’« affidavit Jarry »). L’Opposante a produit également des copies conformes de dix-sept enregistrements et demandes d’enregistrement de marques de commerce comprenant :

  • Douze marques de commerce déposées appartenant à des tiers.
  • Deux des marques de commerce déposées de l’Opposante, à savoir L’OREAL (numéro d’enregistrement LMCDF29020) et L’OREAL PARIS (numéro d’enregistrement LMC655217).
  • Trois demandes d’enregistrement de marques de commerce de l’Opposante, à savoir L’OREAL VITA LIFT (1255313), L’OREAL PREMIUM (1201383) et L’OREAL VIVE PRO (1287473).

 

[4]               La preuve du Requérant est constituée de son propre affidavit (souscrit le 17 mars 2008). Seul le Requérant a produit un plaidoyer écrit et seule l’Opposante a été représentée à l’audience.

 

[5]               Dans sa déclaration d’opposition, de l’Opposante fait valoir les motifs suivants, dont voici un résumé :

 

  1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi), en ce que le Requérant ne pouvait être convaincu qu’il avait le droit d’employer la Marque au Canada parce qu’il a adopté un « modus operandi » consistant à déposer des demandes relatives à des marques de commerce bien connues dans des domaines identiques ou connexes au Canada et aux États‑Unis.

 

  1. La Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec plusieurs marques de l’Opposante, contrairement à l’al. 12(1)d) de la Loi, particulièrement avec la marque L’OREAL PARIS, enregistrée sous le numéro LMC655217, et la marque L’OREAL enregistrée sous le numéro LMCDF29020. Les détails relatifs aux enregistrements de l’Opposante figurent à l’annexe A de la présente décision et les marques sont ci‑après parfois collectivement appelées « les marques de commerce L’OREAL ».

 

  1. Le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, compte tenu des dispositions de l’art. 16 de la Loi, parce que la Marque crée de la confusion avec :
    1. plusieurs marques de l’Opposante, particulièrement avec les marques L’OREAL PARIS et L’OREAL antérieurement employées ou révélées au Canada par l’Opposante ou par ses prédécesseurs en titre, en liaison avec des marchandises, des services et des entreprises dans le domaine des produits de beauté, des parfums, des produits de soin ou de traitement, ou dans des domaines connexes, contrairement à l’al. 16(3)a) de la Loi;
    2. les noms commerciaux de l’Opposante, particulièrement avec L’Oréal et L’Oréal Paris, antérieurement employés au Canada par l’Opposante ou à son nom, ou par ses prédécesseurs en titre, en liaison avec ses marchandises, ses services et ses entreprises dans le domaine des produits de beauté, des parfums, des produits de soin ou de traitement, ou dans des domaines connexes, contrairement à l’al. 16(3)c) de la Loi.

 

  1. La Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas, et n’est pas adaptée à distinguer, les Marchandises du Requérant de celles d’autres propriétaires, dont les vitamines, les suppléments minéraux à base d’herbes et les combinaisons de ces produits ainsi que les boissons à aloès vulgaire de l’Opposante.

 

Le fardeau de preuve

[6]               Il incombe au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition (voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.)].

Enregistrabilité de la Marque

 

[7]                La date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d) est la date de ma décision (voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)). L’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve initial parce que ses enregistrements relatifs aux marques de commerce L’OREAL, présentés en détail à l’annexe A, sont en règle, surtout dans le cas de l’enregistrement no LMC655217 pour la marque de commerce L’OREAL PARIS et l’enregistrement no LMCDF29020 pour la marque de commerce L’OREAL.

 

 

Le test en matière de confusion

 

[8]               Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit prendre en compte toutes les circonstances pertinentes, y compris celles expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, c’est‑à‑dire : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à ces facteurs n’est pas forcément le même, mais il devrait être évalué selon les circonstances de l’espèce (Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.)). Enfin, le test en matière de confusion qu’il convient d’appliquer est celui de la première impression laissée dans l’esprit d’un consommateur ordinaire plutôt pressé (Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.)).  C’est en tenant compte de ces principes que j’évaluerai toutes les circonstances pertinentes et que je déterminerai la probabilité de confusion entre la marque L’OREAL PARIS du Requérant et la marque de commerce L’OREAL PARIS de l’Opposante enregistrée sous le numéro LMC655217.

 

[9]               Le Requérant soutient que la marque L’OREAL PARIS de l’Opposante est une marque faible. À cet égard, il a présenté une preuve provenant de l’Internet et consistant en une liste des noms où « Oréal » figurait comme prénom ou comme nom de famille, une liste des noms où « Loreal » figurait comme prénom ou comme nom de famille, une liste des noms où « Paris » figurait comme prénom ou comme nom de famille, des listes des emplacements géographiques au Canada et dans le monde portant le nom « Paris », ainsi qu’une explication portant sur l’emploi de l’élision en français. En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec le Requérant que la marque L’OREAL PARIS est faible. Toutefois, même s’il avait été démontré que la marque L’OREAL PARIS ne possédait pas de caractère distinctif inhérent, la preuve montre clairement que la force de la marque L’OREAL PARIS de l’Opposante s’est accrue par son emploi répandu au Canada. Comme l’a dit la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt United Artists Pictures Inc. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), au par 24:

 

Une marque qui ne possède pas de caractère distinctif inhérent peut tout de même acquérir un caractère distinctif par un emploi continu sur le marché. Pour établir ce caractère distinctif acquis, il faut démontrer que les consommateurs savent que cette marque vient d’une source en particulier.

 

[10]           En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, le Requérant n’a produit aucune preuve de l’emploi de sa Marque. Ainsi, je dois conclure que sa Marque n’est pas du tout devenue connue au Canada.

 

 

[11]           Dans son affidavit, Mme De Celles, vice‑présidente et agente en chef du marketing de L’Oreal Canada Inc., déclare que l’Opposante se spécialise dans la recherche, le développement, la fabrication, la vente et la distribution des produits de parfumerie, de cosmétique, de maquillage, de soins de la peau, de soins de beauté, ainsi que des produits pour soigner les cheveux, de coloration et de traitement capillaire (les « produits L’Oréal »). Fondée en 1909, l’Opposante a son siège à Paris et exerce ses activités partout dans le monde par l’entremise de ses licenciés, dont L’Oréal Canada. À l’échelle mondiale, l’Opposante a fabriqué environ quatre milliards d’unités de produits L’Oréal par année, du moins au cours des dix dernières années.

[12]           La preuve montre que L’Oréal Canada est une filiale en propriété exclusive de l’Opposante et le distributeur exclusif des produits L’Oréal au Canada, y compris ceux vendus sous la marque L’OREAL PARIS. La preuve montre également que l’Opposante exerce un contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des produits L’Oréal distribués par L’Oréal Canada au Canada en liaison avec les marques L’OREAL, y compris L’OREAL PARIS.

 

[13]           L’Opposante a lancé les produits L’Oréal au Canada en 1959 sous la marque L’OREAL ou l’une de ses variantes. La marque L’OREAL PARIS a été lancée au Canada dès 1993. Les ventes nettes des produits au Canada en liaison avec la marque L’OREAL PARIS entre 1997 et 2007 sont passées de 117 millions de dollars à 228 millions de dollars par année et les dépenses de publicité et de promotion sont passées de 12 millions de dollars à 30 millions de dollars par année. L’Opposante a  fourni également des exemples d’emballages et de matériel publicitaire qui illustrent la façon dont les marques L’OREAL, notamment L’OREAL PARIS et L’OREAL, ont été employées au Canada en liaison avec les produits L’Oréal entre 2001 et 2007.

 

[14]           Dans l’enregistrement de la marque L’OREAL PARIS, l’Opposante revendique l’emploi au Canada au moins depuis avril 1993. L’Opposante n’a pas démontré l’emploi continu de la marque L’OREAL PARIS depuis avril 1993 en liaison avec toutes les marchandises visées par l’enregistrement, mais elle a démontré l’emploi prolongé et à grande échelle de ses marques L’OREAL au Canada, y compris l’emploi de la marque L’OREAL PARIS, en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement. Compte tenu de cette preuve, je suis convaincue que la marque L’OREAL PARIS de l’Opposante est devenue très connue au Canada. La période pendant laquelle les marques L’OREAL de l’Opposante, y compris la marque L’OREAL PARIS, ont été en usage favorise également l’Opposante.

 

[15]           S’agissant des marchandises, des services et des commerces des parties, c’est l’état déclaratif des marchandises, modifié, joint à la demande du Requérant, et l’enregistrement de la marque de commerce L’OREAL PARIS de l’Opposante qu’il faut prendre en considération pour déterminer s’il y a confusion au sens de l’al. 12(1)d) (Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)).

 

[16]           En l’espèce, les produits de parfumerie de l’Opposante, de cosmétique, de maquillage, de soins de la peau, de soins de beauté, ainsi que les produits pour soigner les cheveux, les produits de coloration et de traitement capillaire diffèrent des « vitamines, suppléments minéraux à base d’herbes et combinaisons de ces produits » et des « boissons à aloès vulgaire ». Selon l’Opposante, bien que ses produits ne soient pas identiques à ceux de la Requérante, il existe néanmoins un lien. À cet égard, il ressort de la preuve de l’Opposante que celle‑ci détient environ 120 brevets liés aux produits cosmétiques au Canada, dont des brevets dans le domaine de la nutricosmétique, décrits comme une autre forme de produits cosmétiques qui activent les ressources biologiques à partir de l’intérieur de la peau. En particulier, l’Opposante a fourni une copie du brevet canadien no 2352618 pour une composition à base de vitamines ou de minéraux, conçue pour être administrée par voie orale, qui combat la perte de cheveux et qui favorise la repousse des cheveux. L’Opposante a fourni également des éléments de preuve établissant que, dans le cadre de l’expansion de son entreprise, elle a signé un contrat de société avec Nestlé en 2002 en vue de mettre au point et de commercialiser des produits cosmétiques conçus pour être administrés par voie orale, sous l’égide des Laboratoires Innéov. L’Opposante affirme aussi que les Laboratoires Innéov ont été chargés de mettre au point des produits de nutricosmétique. Enfin, l’Opposante a fourni des éléments de preuve qui montrent que l’aloès vulgaire constitue un composant usuel pour les produits de soins de la peau, de soins de beauté et de traitement capillaire, et que certains produits L’Oréal vendus en liaison avec les marques de commerce L’OREAL, y compris ceux vendus sous la marque L’OREAL PARIS au Canada, contiennent des vitamines ou des minéraux.

 

[17]           Le fait que l’Opposante peut également exercer ses activités dans le domaine de la nutricosmetique, que les produits de beauté peuvent contenir de l’aloès vulgaire, des vitamines ou des minéraux, ou le fait que l’ Opposante a conclu un contrat de société en vue de mettre au point et de commercialiser des produits cosmétiques conçus pour être administrés par voie orale ne m’amène pas nécessairement à conclure que les marchandises sont semblables. Par conséquent, ce facteur tend à favoriser le Requérant.

 

[18]           Dans l’arrêt Mattel, la Cour suprême du Canada a examiné la pertinence d’un lien ou d’une similarité entre le genre de marchandises pour évaluer la question de la confusion et a constaté qu’il n’est pas nécessaire que les marchandises appartiennent à la même catégorie générale. Il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris le genre de marchandises. Tout en soulignant l’importance de toutes les circonstances de l’espèce, la Cour a affirmé dans Mattel que la notoriété d’une marque ne constitue pas un atout propre à éliminer les autres circonstances et qu’il ne faut pas automatiquement présumer qu’il y aurait confusion dans ce cas. La Cour a dit qu’« une différence entre les marchandises ou les services n’est pas fatale, mais la notoriété de la marque de commerce n’est pas décisive non plus » (voir Mattel, au par. 72). L’ensemble du contexte factuel déterminera la probabilité de confusion; dans certains cas, certains facteurs auront plus de poids que d’autres. À cet égard, je suis d’accord avec l’Opposante qu’il n’est pas nécessaire que les parties exercent leurs activités dans le même domaine ou la même industrie pour que l’on conclue à la probabilité de confusion (Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)), ni que les marchandises ou les services appartiennent à la même catégorie générale pour que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un autre marque (Maison Cousin (1980) Inc. c. Cousins Submarines Inc. (2006), C.P.R. (4th) 369 (C.A.F.)).

 

[19]           À ce sujet, si je comprends bien l’argument du Requérant, l’al. 6(5)c) de la Loi constitue le facteur déterminant; plus particulièrement, sa Marque L’OREAL PARIS peut coexister sur le marché canadien avec la marque L’OREAL PARIS de l’Opposante parce que ses produits sont suffisamment différents des produits de l’Opposante. Il fournit en preuve des extraits imprimés à partir de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes pour montrer [traduction] « l’emploi parallèle et coexistant » de certaines marques de commerce, y compris les marques DUTCH BOYS, TRIUMPH, APOLLO, GREYHOUND, FINLANDIA et CORONA.  Le Requérant fournit également en preuve des extraits de décisions judiciaires imprimés à partir d’Internet et la copie d’un article de journal qui traite de l’enregistrabilité des marques de commerce. Je ne considère pas la preuve relative à l’existence de plusieurs marques identiques ou semblables au registre comme pertinente en l’espèce; la question de la confusion entre la Marque et la marque L’OREAL PARIS de l’Opposante doit être tranchée selon les circonstances et les faits particuliers de l’espèce. Chaque cas doit être jugé selon ses circonstances propres. De plus, les décisions de la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce concernant des demandes d’enregistrement de marques de commerce où les parties n’ont pas déposé de preuve dans le cadre de la procédure d’opposition, ne lient pas le registraire et n’a pas valeur de précédent pour lui lorsqu’il s’agit de déterminer l’enregistrabilité d’une marque de commerce dans le cadre d’une procédure d’opposition (voir Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.), et Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377 (C.O.M.C.)).

 

[20]           La preuve de l’Opposante établit que les produits L’Oréal, y compris les produits mis en vente sous la marque L’OREAL PARIS sont vendus notamment dans les pharmacies, les grands magasins et les épiceries. Le Requérant n’a déposé aucune preuve concernant les endroits où seraient vendus ses produits. Toutefois, les vitamines, les suppléments minéraux à base d’herbes ainsi que les boissons non alcoolisées sont souvent vendus dans les pharmacies, les grands magasins et les épiceries. Par conséquent, il semble qu’il peut y avoir chevauchement entre les voies de commercialisation des marchandises visées par la demande et celles des produits L’Oréal de l’Opposante, y compris les produits vendus sous la marque de commerce L’OREAL PARIS.

 

[21]           S’agissant du degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause (al. 6(5)e) de la Loi), la Marque est identique avec la marque de commerce enregistrée L’OREAL PARIS de l’Opposante.     

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

 

[22]           En appliquant le test en matière de confusion et compte tenu de mes conclusions exposées ci‑dessus, particulièrement de la renommée et de l’emploi étendu de la marque enregistrée L’OREAL PARIS de l’Opposante au Canada, du chevauchement entre les voies de commercialisation et du fait que les marques sont identiques, je conclus que le Requérant ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre sa Marque L’OREAL PARIS et la marque de commerce déposée L’OREAL PARIS de l’Opposante. Par conséquent, ce motif d’opposition est retenu.

Alinéa 30i) de la Loi

[23]           L’alinéa 30i) de la Loi prévoit que le requérant produit une demande d’enregistrement renfermant : « une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande ». Il ressort d’une simple lecture de l’al. 30i) de la Loi que la déclaration qu’il prévoit constitue essentiellement une exigence formelle. Toutefois, il me semble que cette disposition de la Loi doit exiger davantage qu’une simple déclaration sinon elle manque de sens et d’objet. Comme l’indique H.G. Richard dans l’ouvrage Canadian Trade-marks Act – Annotated Robic Leger, rev. ed. (Scarborough, Ont.: Carswell) (feuilles mobiles), aux pages 30 à 47 et 30 à 48, bien que la déclaration exigée à l’al. 30i) de la Loi puisse constituer une exigence formelle, elle établit que le requérant a présenté de bonne foi sa demande d’enregistrement de la marque de commerce visée au Canada :

[traduction] Le dernier facteur dont il faut tenir compte avant de rechercher dans les index et d’examiner la marque elle‑même est de savoir si le requérant est convaincu « qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande ». Ce facteur peut être considéré comme une sorte de contrat entre le requérant et le public établissant que tous les renseignements et les éléments de preuve à l’appui, y compris les révisions ou les ajouts apportés à ceux‑ci, ont été présentés de bonne foi et que le requérant approuve la demande, telle qu’elle est formulée […] L’examinateur peut alors procéder à l’examen de la marque et à la recherche dans les index. [Non souligné dans l’original.]

 

[24]      Si le requérant fournit la déclaration exigée à l’al. 30i) de la Loi, le motif d’opposition fondé sur cette disposition ne peut être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple, lorsque la mauvaise foi du requérant à été établie (Sapodilla Co. c. Bristol Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155). Le Requérant a de toute évidence satisfait aux exigences formelles énoncées à l’al. 30i) de la Loi. Sa demande renferme une déclaration portant qu’il est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada. Toutefois, en l’espèce, je crois comprendre que l’Opposante soutient que le Requérant a agi de mauvaise foi, ce dernier ayant apparemment un modus operandi consistant à déposer des demandes d’enregistrement de marques de commerces bien connues au Canada et aux États Unis, dont la présente demande d’enregistrement de la marque L’OREAL PARIS. Par conséquent, l’Opposante fait valoir que le Requérant n’aurait pu être convaincu qu’il avait le droit d’employer la marque de commerce L’OREAL PARIS au Canada, conformément à l’al. 30i) de la Loi.

 

[25]           À l’appui de ce motif d’opposition, l’Opposante a fourni la preuve établissant qu’en 2003, l’année où le Requérant a déposé sa demande d’enregistrement de la marque L’OREAL PARIS, il a déposé également dix-neuf autres demandes d’enregistrement au Canada pour les marques de commerce suivantes : 

 

Marque de commerce

Demande no

Date de la production

BAYER

1201366

2003-12-11

BEEFEATER

1168023

2003-02-18

BUDWEISER

1168020

2003-02-18

COORS

1168021

2003-02-18

CORONA

1168019

2003-02-18

DOM PERIGNON

1168014

2003-02-18

EVIAN

1188155

2003-09-02

FINLANDIA

1168024

2003-02-18

HEINEKEN

1168025

2003-02-18

JACK DANIEL’S

1168016

2003-02-18

JACK DANIEL’S

1202335

2003-12-29

NESCAFÉ

1201480

2003-12-11

NESTLÉ

1201360

2003-12-11

SENSODYNE

1186813

2003-08-18

TIM HORTONS

1186804

2003-08-18

ABSOLUT

1168026

2003-02-18

CANADIAN CLUB

1168022

2003-02-18

SOUTHERN COMFORT

1168272

2003-02-24

CHANEL

1202435

2003-12-30

 

[26]           Je constate que dans les demandes d’enregistrement des marques de commerces canadiennes que l’Opposante a indiquées comme ayant été déposées par le Requérant en 2003, ce dernier est identifié comme « Marcon, Robert Victor », « Robert V Marcon », « Robert V. Marcon », « Robert Victor Marcon » et « Robert Marcon », et que l’adresse postale mentionnée est la même que dans le cas de la présente demande.

 

[27]           L’Opposante a déposé en preuve des copies conformes des enregistrements des marques de commerces canadiennes suivantes, établissant que plusieurs des marques de commerce susmentionnées visées par une demande d’enregistrement déposée par le Requérant ont déjà été enregistrées au Canada au nom de tiers, et ce, comme suit: 

 

Marque de commerce

Numéro 

d’enregistrement

Propriétaire inscrit

BAYER

LMCDF24895

Bayer Aktiengesellschaft

BEEFEATER

LMC120981

Allied Domecq Spirits & Wine Limited

CHANEL

LCD18468

Chanel S. de R.L.

COORS

LMC230978

Coors Global Properties, Inc.

CORONA

LMC598045

Cerveceria Modelo, S.A. de C.V.

DOM PERIGNON

LCD38900

Champagne Moet & Chandon

FINLANDIA & DESIGN

LMC259325

Finlandia Vodka Worldwide Ltd.

HEINEKEN

LMC554809

Heineken Brouwerijen B.V.

L’OREAL PARIS

LMC655217

L’Oreal

NESTLE

LMCDF36039

Société des Produits Nestle S.A.

SENSODYNE

LMC124139

GlaxoSmithKline Consumer Healthcare Inc.

TIM HORTONS & DESIGN

LMC226560

The TDL Marks Corporation

EVIAN

LMC306440

Société anonyme des eaux minérales d’Evian

 

[28]           L’Opposante a également produit des éléments de preuve indiquant que les propriétaires des marques déposées susmentionnées détiennent aussi au Canada plusieurs marques de commerce connexes ou liées, et ce, comme suit :

         13 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom de Bayer Aktiengesellschaft qui contiennent le mot BAYER;

         7 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom d’Allied Domecq Spirits & Wine Limited qui contiennent le mot BEEFEATER;

         13 marques de commerce déposées au nom de Chanel S. de R.L. qui contiennent le mot CHANEL;

         12 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom de Coors Global Properties, Inc. qui contiennent le mot COORS;

         10 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom de Cerveceria Modelo, S.A. de C.V. qui contiennent le mot CORONA;

         3 marques de commerce déposées au nom de Champagne Moet & Chandon qui contiennent les mots DOM PERIGNON;

         6 marques de commerce déposées au nom de la Société anonyme des eaux minérales d’Evian, dont 4 contiennent le mot EVIAN;

         12 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom de Finlandia Vodka Worldwide Ltd. qui contiennent le mot FINLANDIA;

         10 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom de Heineken Brouwerijen B.V. qui contiennent le mot HEINEKEN;

         6 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom de Jack Daniel’s Properties, Inc. qui contiennent les mots JACK DANIEL’S;

         28 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom de la Société des Produits Nestle S.A. qui contiennent le mot NESTLE;

         12 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom de GlaxoSmithKline Consumer Healthcare Inc. qui contiennent le mot SENSODYNE;

         13 marques de commerce visées par une demande ou déposées au nom de The TDL Marks Corporation qui contiennent les mots TIM HORTONS.

 

[29]           La preuve montre que plusieurs de ces marques appartenant à un tiers figurent au Registre canadien des marques de commerce depuis des années et revendiquent un emploi au Canada depuis de nombreuses années, dont certaines depuis la fin du XIXe siècle.

 

[30]           Je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve initial en produisant une preuve suffisante à partir de laquelle on puisse raisonnablement conclure à l’existence du défaut du Requérant de se conformer aux exigences de l’al. 30i) de la Loi (John Labatt Limited, précité). Compte tenu du fait que l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve initial, le Requérant doit démontrer qu’il était convaincu qu’il avait droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande. Toutefois, en l’espèce, le Requérant n’a déposé aucune preuve concernant la nature de son commerce ou l’emploi projeté de la Marque visée par la demande. De plus, l’affidavit du Requérant ne traite pas de la question de la conformité avec l’al. 30i) de la Loi. Plus particulièrement, le Requérant n’a pas déclaré qu’il était convaincu qu’il avait droit d’employer la Marque au Canada, ni n’a fourni aucune preuve à cet égard. J’estime qu’il aurait été simple pour le Requérant d’expliquer dans son affidavit pourquoi il était convaincu qu’il avait  droit d’employer la Marque au Canada. Le défaut du Requérant de présenter la preuve à laquelle on pouvait raisonnablement s’attendre dans les circonstances de l’espèce m’incite à tirer une inférence défavorable. De plus, le Requérant ne traite pas de cette question dans son plaidoyer écrit, sauf pour affirmer qu’il estime que la preuve concernant ses autres demandes d’enregistrement est non pertinente et que je ne devrais pas en tenir compte.  Je ne suis pas d’accord.

 

[31]           La preuve de l’Opposante montre clairement qu’au cours de l’année 2003 le Requérant a déposé vingt demandes distinctes et non liées à la présente demande, visant l’enregistrement de marques de commerces qui étaient déjà la propriété de tiers au Canada. Dix de ces demandes ont été déposées à la même date, à savoir le 18 février 2003, et visaient l’enregistrement des marques de commerce suivantes : BUDWEISER, COORS, DOM PERIGNON, HEINEKEN, TIM HORTONS et CANADIAN CLUB. À cet égard, j’adopte le raisonnement suivant du membre Folz dans l’affaire Cerverceria Modelo, S.A. de C.V. c. Marcon (2008), 70 C.P.R. (4th) 355 (C.O.M.C.), à la page 369, mettant en cause le même Requérant :

 

Je ne connais pas de décision qui décrit la notion de « mauvaise foi » dans le contexte de l’alinéa 30i). Bien que je ne sois pas certaine si cette notion s’applique en l’espèce, je me demande comment une personne raisonnable serait convaincue qu’elle a droit de produire des demandes d’enregistrement pour plus de 18 marques de commerce sans doute bien connues en liaison avec des marchandises et/ou services apparemment connexes. Je m’interroge également sur l’intention qui motive un requérant à le faire. À mon avis, le fait pour un requérant de tenter de profiter de la réputation établie d’un nombre important de marques bien connues devrait être le genre de situation que l’alinéa 30i) vise à empêcher.

 

[32]           La preuve montre que les circonstances pertinentes de l’espèce sont exceptionnelles. Plus précisément, compte tenu de la preuve présentée par l’Opposante et en l’absence de la preuve du Requérant, je ne suis pas convaincue que la déclaration du Requérant prévue à l’al. 30i) de la Loi a été produite de bonne foi. J’arrive également à cette conclusion en me fondant sur le fait que j’ai déjà conclu à l’existence d’une probabilité de confusion entre la Marque du Requérant et la marque de commerce enregistrée L’OREAL PARIS de l’Opposante. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’al. 30i) est également retenu.

 

 

 

Autre(s) motif(s) d’opposition

 

[33]           Comme j’ai déjà rejeté la demande pour deux motifs, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition.

 

Conclusion

 

[34]           Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement de la Marque, selon les dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

Darlene H. Carreau

Présidente

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


Annexe A

 

 

Marque de commerce

Numéro d’enregistrement

DUO L'OREAL DESSIN

LMC327867

FLOREAL L'OREAL

LMC194790

L'OREAL VIVE

LMC475212

L'OREAL AIRWEAR (DESSIN)

LMC613987

L'OREAL COVER EXPERT DESSIN

LMC631930

L'OREAL DOUBLE EXTEND (DESSIN)

LMC589174

L'OREAL ENDLESS

LMC665184

L'OREAL EXCELLENCE

LMC177145

L'OREAL HAUTE MODE; DESSIN

LMC266035

L'OREAL HYDRA-REPAIR design

LMC586713

L'OREAL INFINIUM

LMC525821

L'OREAL JET SET DESSIN

LMC518676

L'OREAL KIDS

LMC489213

L'ORÉAL LE CHIC DESSIN

LMC273740

L'OREAL PERFORMANCE DESSIN

LMC439487

L'OREAL PERFORMANCE FORTIFIANCE DESIGN

LMC455328

L'OREAL PLENITUDE FUTURE & DESSIN

LMC511303

L'OREAL PROFESSIONNEL PARIS (& DESSIN)

LMC502706

L'OREAL STUDIO LINE & DESSIN

LMC400918

L'ORÉAL TECHNIQUE PROFESSIONNELLE & DESSIN

LMC407758

L'ORÉAL ULTRA RICH DESSIN

LMC338603

L'OREAL, PARCE QUE JE LE VAUX BIEN

LMC555969

QUICK MÈCHES & DESSIN

LMC451900

STUDIO LINE L'OREAL & DESSIN

LMC357971

STUDIO LINE TOUCH'IN & DESIGN

LMC438090

SUPER BLONDE L'OREAL & DESSIN

LMC232841

 

 

 

 

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