Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Modis, Inc. à la demande n882,376 produite par Modis Communications Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce MODIS

 

 

 

 

Le 25 juin 1998, la requérante, Modis Communications Inc. a demandé l’enregistrement de la marque de commerce MODIS.  La demande était fondée sur l’emploi de la marque au Canada en liaison avec les services suivants :

(1) Services de consultation en informatique, nommément services de placement d’employés, services de diagnostic informatique, services d’installation et de réparation d’ordinateurs, services de conception de logiciels;
(2)
Consultation en informatique en rapport avec un réseau d’information mondial; conception informatique de sites Web; services de gestion et de conception de bases de données informatiques.

 

La demande d’enregistrement a été annoncée pour fin d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 31 mai 2000.  L’opposante, Modis Communications Inc., a produit une déclaration d’opposition le 21 juillet 2000, dans laquelle elle invoque cinq motifs :

1.      la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi) parce que la requérante a déclaré faussement qu’elle avait employé la marque au Canada;

2.      la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce qu’au moment où elle a produit sa demande d’enregistrement la requérante connaissait l’existence des marques de commerce de l’opposante MODIS & Dessin, MODIS SOLUTIONS et MODIS PROFESSIONAL SERVICES;

3.      la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de sa marque, en raison de l’alinéa 16(3)b) de la Loi, parce qu’à la date à laquelle elle a produit sa demande, cette marque créait de la confusion avec les marques de commerce MODIS & Dessin, MODIS SOLUTIONS et MODIS PROFESSIONAL SERVICES pour lesquelles une demande d’enregistrement avait déjà été produite au Canada par le prédécesseur en titre de l’opposante;

4.      subsidiairement, la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de sa marque, en raison de l’alinéa 16(1)b) de la Loi, parce qu’à la date à laquelle elle a produit sa demande, cette marque créait de la confusion avec les marques de commerce MODIS & Dessin, MODIS SOLUTIONS et MODIS PROFESSIONAL SERVICES pour lesquelles une demande d’enregistrement avait déjà été produite au Canada par le prédécesseur en titre de l’opposante;

5.      la marque n’est pas distinctive, car elle ne distingue pas les services de la requérante décrits dans la demande n882,376 d’autres marchandises ou services et n’est pas adaptée à les distinguer.

 

La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’opposante et fait valoir que les motifs d’opposition fondés sur l’article 16 ne sauraient être retenus parce que l’opposante a produit ses demandes d’enregistrement après la date de premier emploi déclarée par la requérante.  Je signale, toutefois, que lorsqu’un opposant conteste avec succès la date de premier emploi revendiquée par le requérant, la date pertinente pour l’examen d’un motif fondé sur l’article 16 peut devenir la date de la demande d’enregistrement du requérant.

 

L’opposante a déposé en preuve les affidavits d’Andrian (Abe) Snidanko, Marc M. Mayo, Sheri O’Brien, Nicholas McHaffie, Rachel Dudelzak, Tina Campagna et Nicole Brousseau.

 

M. Snidanko, détective privé, décrit l’enquête qu’il a effectuée pour trouver Richard Godwin (le mandant de la requérante) et Modis Communications Inc.  Bien qu’il ait fini par découvrir M. Godwin et qu’il soit tombé sur le site web www.modis.com, il n’a jamais trouvé [traduction] « la moindre preuve de l’existence d’une entreprise appelée “ Modis Communications Inc.  ou de services fournis en liaison avec la marque de commerce MODIS ».

 

M. Mayo, premier vice‑président et secrétaire de l’opposante, déclare que l’opposante a été constituée en personne morale en 1997 et qu’elle fait maintenant partie des principales entreprises mondiales de fourniture de services de consultation en matière de technologie de l’information.  Il dépose des copies des demandes d’enregistrement de marque de commerce no 887,640 et 888,794 produites par la société à l’égard des marques de commerce MODIS Dessin et MODIS SOLUTIONS.  Les deux demandes sont postérieures à la demande de la requérante, mais, pour chacune, est revendiquée une date de priorité conventionnelle antérieure à la date de la production de la présente demande.  Les deux demandes sont fondées sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec les services suivants :

[traduction] Services de consultation dans le domaine des technologies de l’information, nommément  : développement et maintenance de logiciels, gestion de projets, analyse de systèmes, administration de bases de données, soutien technique de matériel et de logiciels, assistance technique, soutien de réseaux, rédaction technique, planification de l’utilisation des ressources, implantation de logiciels, intégration de systèmes, entreposage de données, développement de tout le cycle de vie des applications, remodelage de processus, conseil en gestion, développement orienté objet, développement pour le Web, analyse et planification de l’architecture technologique et des stratégies.

 

L’opposante, tout en contrôlant les caractéristiques et la qualité des services, a autorisé par licence sa filiale en propriété exclusive Modis International Co. à employer ses marques de commerce au Canada, et celle‑ci y a employé sans interruption la marque MODIS Dessin.  Modis International Co. fournit des services de technologie de l’information à des clients canadiens en liaison avec la marque MODIS Dessin depuis le mois de janvier 2000 et, pour l’année 2000, les revenus annuels tirés de cette entreprise ont dépassé 17 millions de dollars.

 

M. Mayo a fourni des copies de factures portant la marque MODIS Dessin qui ont été remises à des clients canadiens relativement à des services de technologie de l’information rendus par Modis International Co.  Il a également déposé des feuillets d’information, de la papeterie, des cartes d’affaires et de la publicité portant cette marque de commerce et qui ont été distribués ou employés au Canada.

 

Mme O’Brien, première vice-présidente à l’exploitation de l’opposante, décrit des discussions qu’ont eues les parties au sujet de la vente des droits de la requérante dans le nom de domaine modis.com.

 

Mme Campagna, secrétaire, a visité le site www.modis.com le 27 mars 2001.

 

M. McHaffie, avocat, explique la nature de recherches qu’il a effectuées en matière de noms de domaine appartenant à M. Godwin.  Il a repéré au moins soixante‑quatre noms, dont treize renvoient au site web de tiers; seuls cinq des noms restants ont des sites web actifs.  M McHaffie déclare qu’au moment où il a fait sa recherche, en avril 2001, modis.com avait un [traduction] « site web quasi‑actif, en ce sens que seul un message d’erreur apparaissait ».

 

Mme Brousseau, avocate, a déposé une copie du Profil de la société relatif à Modis Communications Inc.

 

Mme Dudelzak, étudiante en droit, a fait des recherches dans des annuaires téléphoniques.  Elle a trouvé une inscription pour Modis Communications Inc. dans l’annuaire Bell 1997-1998 de la communauté urbaine de Toronto.  Elle n’a trouvé aucune inscription dans les annuaires 1995‑1996, 1996‑1997, 1998‑1999, 1999‑2000 ou 2000‑2001.

 

La requérante a déposé en preuve l’affidavit de Richard Godwin.  L’opposante a obtenu une ordonnance de contre‑interrogatoire sur cet affidavit, mais elle n’y a pas procédé.

 

M. Godwin, président de la requérante, est le seul actionnaire de la société depuis la constitution de celle‑ci le 10 avril 1996.  Il a fourni une copie des statuts constitutifs de la société et une copie du Profil de la société en date du 23 octobre 2001.

 

M. Godwin déclare ce qui suit : [traduction] « Au mois d’avril 1996, j’ai commencé à employer la marque de commerce en relation avec Modis Communications Inc. pour des “ services de télécommunication ”, y compris, des “ services de consultation en informatique, nommément services de placement d’employés, services de diagnostic informatique, services d’installation et de réparation d’ordinateurs, services de conception de logiciels ” ».  Il ajoute : [traduction] « Au mois de décembre 1996, Modis Communications Inc. a commencé à employer la marque de commerce MODIS en liaison avec des services de “ consultation informatique liés au réseau global de l’information, de conception de sites web, de conception et de gestion de bases de données ” ».  Il déclare également que d’avril 1996 à avril 1998, le chiffre d’affaires de Modis Communications Inc. en liaison avec la marque de commerce MODIS a été d’environ 165 000 $.

 

La preuve documentaire présentée par M. Godwin comprend les pièce suivantes :

         une entente d’affinité conclue entre la requérante et plusieurs parties le 13 septembre 1996 établissant diverses relations d’entrepreneur indépendant et prévoyant notamment la commercialisation par la requérante des services de télécommunications d’une des parties (bien que l’entente ne fasse pas mention de services de consultation informatique et de dotation de personnel informatique, M. Godwin déclare que de tels services étaient également fournis);

         un chèque de commission daté du 31 octobre 1996 payable à Richard Godwin, Modis Communications, Inc.;

         deux chèques datés de mai 1997 payables à Modis Communications Inc., qui, selon M. Godwin, avaient servi à régler des [traduction] « services de consultation et de dotation ordinaires ».

 

M. Godwin a fait la déclaration suivante : [traduction] « de 1996 jusqu’à maintenant, le gros de mon entreprise s’est exercé par l’intermédiaire du réseau global de l’information et par courriels ».  Il a ajouté que www.modis.com a été enregistré au mois de décembre 1996, et a produit un extrait d’une page du site, imprimé le 16 novembre 2001.  Je reproduis les paragraphes 21 et 22 de son affidavit :

[traduction] 21. De l’automne 1997 jusqu’à maintenant, mes numéros 604‑938‑0548 et 604‑938‑0590 ont reçu environ 40 000 appels téléphoniques, et approximativement 40 000 courriels ont été acheminés à modis.com pour MODIS.  À cause d’une confusion manifeste dans le marché, dont l’opposante semble responsable, j’estime que 75 % des appels téléphoniques et 35 000 des courriels n’étaient pas destinés à ma société. À partir de l’automne 1997, les appels téléphoniques et les courriels ont connu une augmentation incontrôlable.

 

22. Le ou vers le mois de mars 1996 [sic], le site web www.modis.com a été réduit à la seule page d’accueil, et on en a retranché l’adresse et le numéro de téléphone.  continue [sic] en liaison avec la marque de commerce MODIS.  Il est devenu de plus en plus difficile d’exploiter l’entreprise MODIS, mais elle est toujours exploitée à partir du site web www.modis.com, de pages inaccessibles à partir de la page d’accueil.  L’exploitation de MODIS se continue aussi par le bouche à oreille.

 

 

Je présume que la mention du mois de mars 1996, au paragraphe 22 est une erreur, car elle contredit la déclaration de M. Godwin selon laquelle le site web n’a été enregistré qu’au mois de décembre 1996.

 

L’affidavit de M. Godwin aborde plusieurs autres sujets, mais je n’estime pas utile d’en faire état.

 

Chaque partie a déposé un plaidoyer écrit.  Une audience a été tenue, à laquelle seule l’opposante était représentée.

 

La date pertinente pour l’examen des circonstances se rapportant à la conformité de la demande d’enregistrement à l’article 30 est la date à laquelle la demande a été produite [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469, p. 475].  C’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que sa demande est conforme à l’article 30, mais l’opposante a le fardeau de prouver les allégations de fait qu’elle présente à l’appui du motif de la non‑conformité à l’article 30 [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, p. 329-330].  Pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard d’une question particulière, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de la question existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, p. 298].  Toutefois, ce fardeau de preuve de l’opposante relativement à la non‑conformité à l’alinéa 30b) est léger, et la preuve exigée peut être faite par les éléments de preuve de l’opposante mais également par ceux de la requérante [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune, 10 C.P.R. (3d) 84, p. 89; Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) (C.F., 1re inst.) 216, p. 230].  Je suis d’avis que l’opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve.  La preuve permet de conclure que la requérante n’a pas employé MODIS en liaison avec les services visés par la demande, à compter des dates à laquelle elle prétend l’avoir fait.

 

J’examinerai à présent la preuve de la requérante afin de déterminer si elle s’est acquittée du fardeau qui lui incombait relativement à l’alinéa 30b).

 

Au paragraphe 4(2), la Loi énonce qu’une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.  Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire que les services aient été exécutés au Canada.  La marque est employée en liaison avec les services si ceux‑ci sont offerts à des clients potentiels au Canada en liaison avec la marque et si les services peuvent être exécutés au Canada [voir Wenward (Canada) Ltd. c. Dynaturf Co., 28 C.P.R. (2d) 20].  L’alinéa 30b) exige que la requérante ait employé la marque visée par l’enregistrement de façon continue dans le cours normal du commerce depuis la date de premier emploi déclarée [voir Labatt Brewing Company Limited c. Benson & Hedges (Canada) Limited et al. (1996), 67 C.P.R. (3d) 258, p. 262 (C.F., 1re inst.); Parfums Christian Dior c. Lander Co. Canada Ltd., 6 C.P.R. (4th) 257, 266 (C.O.M.C.)].

 

Je conclus que la requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve relativement aux services ainsi décrits : [traduction] « services de consultation en informatique, nommément services de placement d’employés, services de diagnostic informatique, services d’installation et de réparation d’ordinateurs, services de conception de logiciels », pour les motifs exposés ci‑après.  M. Godwin a fait la déclaration générale suivante : [traduction] « Au mois d’avril 1996, j’ai commencé à employer la marque de commerce en relation avec Modis Communications Inc. pour des “ services de télécommunication ”, y compris, des “ services de consultation en informatique, nommément services de placement d’employés, services de diagnostic informatique, services d’installation et de réparation d’ordinateurs, services de conception de logiciels ” ».  Toutefois, il ne donne aucun détail sur la façon dont la marque de commerce MODIS était liée aux services offerts par son entreprise au mois d’avril 1996.  La simple constitution en société de Modis Communications Inc. au mois d’avril 1996 ne peut être considérée comme un emploi de la marque MODIS.  La seule pièce où cette marque apparaît est l’imprimé de la page web de la requérante www.modis.com, mais selon M. Godwin, ce site n’a été enregistré qu’en décembre 1996.  Aucun élément de preuve ne démontre donc que la marque de commerce MODIS était employée au mois d’avril 1996.  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) est accueilli relativement aux « services de consultation en informatique, nommément services de placement d’employés, services de diagnostic informatique, services d’installation et de réparation d’ordinateurs, services de conception de logiciels ».

 

Je conclus qu’il y a également lieu d’accueillir ce motif relativement aux services de consultation en informatique en rapport avec un réseau d’information mondial, de conception informatique de sites Web et de services de gestion et de conception de bases de données informatiques.  M. Godwin déclare que le site www.modis.com a été enregistré au mois de décembre 1996, mais il ne dit pas que la page web déposée comme pièce  G (ou toute autre page web) était accessible à cette date..  Il a peut‑être présumé que le simple enregistrement d’un nom de domaine constituait un emploi, mais il avait tort.

 

L’opposante m’a aussi invitée à conclure que la requérante n’a pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer MODIS étant donné qu’elle était de mauvaise foi et qu’elle a demandé l’enregistrement d’une marque à l’égard d’une entreprise qui se livrait au cyber‑squattage.  Toutefois, comme j’ai déjà accueilli le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b), je n’examinerai pas celui‑ci.  Pour la même raison, je ne me prononcerai pas non plus sur les autres motifs d’opposition, sauf pour dire que la propre preuve de la requérante indique que la marque MODIS était dépourvue de caractère distinctif, à tout le moins à l’automne 1997.

 

Par conséquent, en vertu de la délégation de pouvoirs faite par le registraire des marques de commerce sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la demande d’enregistrement en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 22 SEPTEMBRE 2004

 

 

Jill W. Bradbury                         

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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