Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Natrel Inc. à la demande no 1011587 produite par Dow Agrosciences LLC en vue de l’enregistrement de la marque de commerce NATREON et Dessin.

 

 

I           Les actes de procédure

 

 

Le 7 avril 1999, Dow Agrosciences LLC (la « requérante ») a produit la demande numéro 1011587 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce NATREON et Dessin (la « marque »), figurant ci­‑dessous :

La demande est fondée sur un emploi projeté de la marque en liaison avec des huiles alimentaires, à savoir de l’huile de canola (les « marchandises »).

 

Le 31 mai 2000, la demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition. Le 31 juillet 2000, Natrel Inc. (« Natrel »), a produit une déclaration d’opposition, dont une copie a été expédiée à la requérante le 29 août 2000.

 

Les motifs d’opposition peuvent être résumés de la façon suivante :

1)      En vertu de l’alinéa 38(2)a) et de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce (la « Loi »), la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 en ce que la requérante, à la date du dépôt de la demande, n’avait pas l’intention d’employer la marque en liaison avec les marchandises.

2)      En vertu des alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la marque n’est pas enregistrable en ce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce énumérées à l’annexe A ci-jointe.

3)      En vertu des alinéas 38(2)c) et 16(3)a) de la Loi, la requérante n’est pas la personne admise à l’enregistrement de la marque en ce que, à la date du dépôt de la demande au Canada, celle­‑ci créait de la confusion avec les marques énumérées à l’annexe B ci‑jointe, antérieurement employées au Canada par l’opposante et parfois par son prédécesseur en titre.

4)      En vertu des alinéas 38(2)c) et 16(3)b) de la Loi, la requérante n’est pas la personne admise à l’enregistrement en ce que, à la date du dépôt de la demande au Canada, la marque créait de la confusion avec les marques de commerce énumérées à l’annexe C ci-jointe, lesquelles étaient déjà visées par des demandes déposées au Canada.

5)      En vertu de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2, la marque ne distingue pas et ne saurait distinguer les marchandises de la requérante des marchandises et des services de l’opposante et n’est pas adaptée à les distinguer.

 

Le 25 septembre 2000, la requérante a produit une contre-déclaration par laquelle elle a réfuté chacun des motifs d’opposition.

 

L’opposante a soumis en preuve les affidavits de M. Jean-Paul Clément, ainsi que les pièces JPC-1 à JPC-40.  La preuve soumise par la requérante est composée des affidavits de Gay Owens et de Claire Gordon.  L’opposante a produit en contre-preuve un deuxième affidavit de M. Clément ainsi que les pièces JPC-1 à JPC-5.

 

Les parties ont produit une argumentation écrite et chacune d’elles a formulé des observations lors de l’audition.

 

II La preuve de l’opposante

 

M. Clément est chef de l’emballage et du marchandisage d’Agropur Coopérative depuis le 1er décembre 2001.  Il affirme que Natrel a été constituée en personne morale en 1990 et qu’elle est une filiale d’Agropur, autrefois connue sous le nom d’Agropur, Coopérative Agro-Alimentaire.

 

Natrel fabrique des produits alimentaires et est l’un des chefs de fil de l’industrie laitière au Canada.  Le 1er décembre 2000, les actifs de Natrel ont été vendus à Agropur, y compris les enregistrements et les demandes de marques de commerce figurant aux annexes A, B et C ci‑jointes.  La division Natrel, qui n’est pas une entité en soi, exerce maintenant les activités commerciales de Natrel.  Sauf exception, j’emploierai indifféremment ci-après le terme « opposante » pour désigner Natrel ou Agropur, selon le cas, étant donné qu’Agropur est le successeur en titre des droits de Natrel dans les marques de commerce et la présente opposition, tel qu’il appert de l’acte de cession de ces droits produit comme pièces JPC-1 et JPC-23 jointes au premier affidavit de M. Clément.

 

Une brochure illustrant les emballages de différents produits laitiers affichant la marque de commerce NATREL a été déposée comme pièces JPC-24, 26, 27 et 28.

 

M. Clément a produit des échantillons de matériel publicitaire (pièces JPC-32 à 39 inclusivement) sur lesquels figure la marque de commerce NATREL en liaison avec divers produits laitiers.  Entre 1996 et 2001, l’opposante a dépensé environ 40 millions de dollars pour promouvoir les différents produits laitiers affichant la marque de commerce NATREL ou l’une ou l’autre des marques énumérées aux annexes ci‑jointes.  En 1999 et en 2000, l’opposante a vendu un milliard six cent millions unités de produit laitier affichant la marque de commerce NATREL ou l’une ou l’autre des marques énumérées aux annexes susmentionnées.  On a signalé lors de l’audition que M. Clément n’a présenté aucune ventilation des ventes par marque de commerce.  Il ressort toutefois des annexes que la marque de commerce NATREL est un élément de toutes les marques,  sauf deux.

 

III La preuve de la requérante

 

Mme Gay Owens a été recherchiste en marques de commerce au sein du cabinet d’agents de marques de commerce employé par la requérante.  Le 26 septembre 2000, elle a effectué une recherche à l’aide du système CDNameSearch Corp en vue de repérer les enregistrements et les demandes de marque de commerce en vigueur comportant le préfixe NATR en liaison avec des produits alimentaires.  Elle a fourni une liste de 35 marques, parmi lesquelles 19 appartiennent à l’opposante, dont la présente demande, et la demande numéro 888932 appartient à la requérante relativement à la marque de commerce NATREON.  À l’exception des marques de commerce de l’opposante et de la requérante, aucune des marques mentionnées ne comportait l’élément NATRE.

 

Le 22 juillet 2002, elle a actualisé sa recherche et les résultats de cette deuxième recherche ont révélé l’existence de 26 demandes ou enregistrements de marques de commerce inscrits au registre qui comportaient le préfixe NATR, tous en liaison avec des produits alimentaires; 23 d’entre eux appartenaient à l’opposante.

 

Elle a aussi produit ce qui suit :

 

Pièce C : certificat d’enregistrement TMA509511 visant la marque de commerce NATRAMED en liaison avec un supplément alimentaire.

Pièce D : certificat d’enregistrement TMA371761 visant la marque de commerce NATRA-LITE en liaison avec un édulcorant artificiel.

Pièce E : certificat d’enregistrement TMA381882 visant la marque de commerce NATRA-TASTE en liaison avec un édulcorant artificiel.

Pièce F : certificat d’enregistrement TMA478852 visant la marque de commerce NATRAFED en liaison avec un supplément alimentaire.

Pièce G : certificat d’enregistrement TMA507781 visant la marque de commerce NATRAJ en liaison avec du riz, des grains, du thé et du café.

Pièce H : certificat d’enregistrement TMA562415 visant la marque de commerce NATRA-SEA 6000 et Dessin en liaison avec des extraits d’aliments naturels.

Pièce I : certificat d’enregistrement TMA564294 visant la marque NATROL et Dessin en liaison avec des suppléments naturels et des vitamines.

Pièce J : une copie des renseignements relatifs à la demande approuvée numéro 888932 visant la marque NATREON appartenant à la requérante, incluant une copie de la demande, en liaison avec des huiles alimentaires, à savoir de l’huile de canola.

Pièce K : une copie des renseignements relatifs à la demande numéro 888931 (abandonnée) visant la marque NATRICA appartenant à la requérante, incluant une copie de la demande, en liaison avec des huiles alimentaires, à savoir de l’huile de canola.

 

Mme Gordon a aussi travaillé pour le cabinet d’agents de marques de commerce employé par la requérante.  Elle a déposé des extraits des sites WEB de Natrol, Cumberland Packing Corp. et d’Ocean Nutrition Canada.  Elle a aussi acheté et soumis en preuve une bouteille de 500 mg d’huile d’onagre affichant la marque de commerce NATROl, un bocal et une boîte de succédané de sucre affichant la marque de commerce NATRA TASTE, ces deux derniers produits ayant été commandés par la poste à Cumberland Packing Corp., à Brooklyn (New York).  Elle a aussi déposé une copie certifiée du certificat d’enregistrement TMA564294 visant la marque de commerce NATROL en liaison avec, notamment, des additifs nutritionnels destinés à l’alimentation humaine, des vitamines, des huiles de poissons et d’animaux marins.  Elle a produit une copie certifiée de l’enregistrement TMA381882 visant la marque de commerce NATRA-TASTE en liaison avec un édulcorant de synthèse.  Enfin, elle a produit une copie certifiée de l’enregistrement TMA562415 visant la marque de commerce NATRA-SEA 6000 & Dessin en liaison avec des extraits alimentaires naturels.

 

IV La contre-preuve soumise par l’opposante

 

M. Clément a produit un deuxième affidavit destiné à répondre à la preuve soumise par la requérante.  Il a dit avoir pris connaissance du contenu de la preuve de la requérante.

 

Dans son argumentation écrite et à l’audience, la requérante s’est opposée au dépôt de cet affidavit, alléguant qu’il ne constituait pas une contre-preuve adéquate en ce qu’il ne se limitait pas strictement aux matières servant de réponse à la preuve contenue dans les affidavits de Mmes Owens et Gordon. [Voir art. 43 du Règlement sur les marques de commerce (1996), Canstar Sport Group Inc. c. Sport Maska Inc. (1997), 75 C.P.R. (3d) 124 et Coca-Cola Ltd. c. Compagnie Française De Commerce International Cofci, S.A. (1991), 35 C.P.R. (3d) 406 (C.O.M.C.)]]

 

Je souscris à la position de la requérante.  Celle‑ci n’a produit aucune preuve concernant les réseaux de distribution et les usages possibles de l’huile de canola.  Si l’opposante voulait démontrer l’existence d’un lien possible entre les produits laitiers et l’huile de canola, il lui était loisible de le faire dans le cadre de sa preuve principale.  Comme cette question n’a pas été soulevée dans la preuve de la requérante, il est interdit à l’opposante de le faire en réponse.  Je ne tiendrai pas compte, pour les besoins de ma décision, des allégations figurant aux paragraphes 4 à 11 inclusivement du deuxième affidavit de M. Clément et des pièces y mentionnées.

 

Le paragraphe 12 de l’affidavit susmentionné concerne la chaîne de titres des marques de commerce énumérées aux annexes jointes aux présentes.  Pendant l’instance, l’opposante a demandé l’autorisation de déposer cet élément de preuve au cas où je radierais l’affidavit du dossier en raison de sa non‑conformité à l’article 43.  J’accorde cette autorisation dans la mesure où elle permet de mettre à jour la chaîne de titres des marques de commerce de l’opposante.  Par conséquent, la pièce JPC‑5 jointe au deuxième affidavit de M. Clément, à savoir une copie de l’accord de licence intervenu entre Agropur et Natrel, ayant pris effet le 1er décembre 2000, est admise à bon droit.

 

V La preuve supplémentaire de l’opposante

 

Le 14 octobre 2003, l’opposante a demandé l’autorisation de déposer un certificat d’authenticité concernant la marque NATRAMED, numéro d’enregistrement TMA409511, et la marque NATRAFED, numéro d’enregistrement TMA478852, pour démontrer qu’elles sont réputées abandonnées pour cause d’absence de preuve d’emploi (paragraphe 40(3) de la Loi).  Par inadvertance, la Commission n’a pas répondu à cette demande.  J’accorde donc cette autorisation.

 

VI Le droit

 

Il incombe à la requérante de démontrer que sa demande respecte les dispositions de l’article 30 de la Loi, mais l’opposante a toutefois le fardeau initial d’établir les faits invoqués au soutien de chaque motif d’opposition.  Une fois que l’opposante s’est acquittée de ce fardeau, la requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition particuliers ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la marque [Voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, p. 329-330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293 et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

La date à laquelle s’apprécie la question de l’inobservation des dispositions de l’article 30 de la Loi est celle du dépôt de la demande (7 avril 1999) [Voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263].  La date pertinente pour l’examen de la question du droit à l’enregistrement fondé sur le paragraphe 16(3) de la Loi est également la date du dépôt de la demande [Voir l’article 16 de la Loi].  On s’entend généralement pour dire que la date pertinente pour l’évaluation du caractère distinctif est celle du dépôt de la déclaration d’opposition (31 juillet 2000). [Voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.), Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, p. 424 (C.A.F) et Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317].  Enfin, la question de l’enregistrabilité de la marque doit s’analyser à la date de ma décision. [Voir Park Avenue, précité]

 

L’opposante n’aura gain de cause quant à son motif d’opposition portant sur le droit à l’enregistrement fondé sur l’emploi antérieur de ses marques de commerce que si elle établit cet emploi antérieur et démontre qu’elle n’avait pas abandonné ses marques à la date de l’annonce de la présente demande (31 mai 2000) (paragraphe 16(5) de la Loi).  Quant au quatrième motif d’opposition, l’opposante doit démontrer que les demandes précédemment produites étaient toujours pendantes à la date de l’annonce de la présente demande.

 

Dans son argumentation écrite, l’opposante a indiqué à la Commission qu’elle retirait son premier motif d’opposition.

 

VII Analyse du risque de confusion

 

L’existence de dates pertinentes différentes n’aura aucun effet sur cette question.  La question principale de tous les autres motifs d’opposition réside dans le risque de confusion entre la marque et les marques de commerce de l’opposante.  Je ne tiendrai pas compte du risque de confusion pouvant exister entre la marque et les deux dessins-marques reproduits aux présentes à l’annexe A, puisque la marque, considérée globalement, ne risque pas de créer de la confusion avec l’une ou l’autre de ces marques.  En fait, l’élément graphique de la marque ressemble à une route sinueuse se prolongeant au loin, alors que les deux dessins­‑marques de l’opposante, reproduits à l’annexe A, illustrent la partie supérieure d’un cornet de crème glacée.

 

J’évaluerai tout d’abord le risque de confusion entre la marque et la marque de commerce NATREL, certificat d’enregistrement TMA 410305, en liaison avec des produits laitiers, car il s’agit de la marque principale de l’opposante et de son meilleur cas de figure.

 

Afin d’établir si la marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée NATREL de l’opposante, le paragraphe 6(5) de la Loi prévoit que le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

i)          le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

ii)         la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

iii)        le genre de marchandises, services ou entreprises;

iv)        la nature du commerce;

v)                   le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

 

Il a été établi que la liste des critères énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi n’est pas exhaustive et qu’il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun d’eux [Voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Comme l’opposante s’est acquittée de son fardeau initial en produisant une copie du certificat d’enregistrement TMA410305 visant la marque de commerce NATREL, la requérante doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucun risque de confusion entre la marque et la marque de commerce déposée NATREL de l’opposante [Voir Sunshine Biscuits Inc. c. Corporate Foods Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 53, Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd [2002] 3 C.F.405 et Wrangler Apparel Corp, précité].

 

i)          le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

 

La marque de la requérante possède un caractère distinctif inhérent puisqu’il s’agit d’un mot inventé.  La marque de commerce de l’opposante NATREL est aussi un mot inventé.  Cependant, lorsqu’il est employé en liaison avec des produits laitiers, on pourrait dire que ce mot évoque les produits « naturels ». L’opposante a démontré l’emploi continu de sa marque de commerce NATREL depuis au moins 1996.  Le chiffre d’affaires et le nombre d’unités de produit laitier vendus en liaison avec cette marque sont très impressionnants.  La requérante a allégué qu’il n’existe aucune ventilation du chiffre d’affaires entre les marques de commerce.  Il serait dont impossible d’estimer quelle proportion de ces ventes est attribuable à la marque NATREL et le même raisonnement vaudrait pour les coûts de marketing.  La marque NATREL est incluse dans toutes les marques de commerce de l’opposante, sous réserve d’AGROBAR et Dessin et du dessin‑marque figurant à l’annexe A.  Il est donc raisonnable de présumer que certaines ventes et une partie des coûts de marketing étaient liées à la marque de commerce principale de l’opposante NATREL.  Je conclus que la preuve versée au dossier établit que la marque de commerce NATREL de l’opposante est connue au Canada et qu’en soi, ce facteur joue en faveur de l’opposante.

 

ii)         la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

 

La présente demande est fondée sur un emploi projeté et il n’existe aucune preuve de l’emploi de la marque par la requérante, alors que l’opposante a fait la preuve d’un usage étendu de sa marque NATREL depuis au moins 1996.  La requérante n’a pas abordé ce critère dans ses observations écrites.  À l’audition, elle a cependant prétendu que même si je consentais à ce que l’accord de licence, la pièce JPC-5, soit déposé en preuve, le libellé du paragraphe 12 du deuxième affidavit de M. Clément n’établirait pas qu’Agropur a contrôlé la qualité des produits vendus en liaison avec les marques de commerce de l’opposante, dont la marque de commerce NATREL.  L’accord de licence, pièce JCP-5, contient des dispositions sur le contrôle de la qualité. [Voir par exemple, les clauses 2.4, 3.1.1 à 3.1.6, et 4.1.7 à 4.1.9] Le paragraphe 50(1) de la Loi est ainsi rédigé :

 

50. (1) Pour l'application de la présente loi, si une licence d'emploi d'une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l'emploi, la publicité ou l'exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s'il s'agissait de ceux du propriétaire.

Agropur devait seulement prouver, en application de l’article 50 de la Loi, l’existence de ces dispositions dans l’accord de licence. Agropur s’est acquittée de son fardeau et, à ce titre, tout emploi démontré de la marque NATREL par le titulaire de la licence est réputé être un emploi par Agropur. Ce facteur joue donc aussi en faveur de l’opposante.

 

iii)                            le genre de marchandises, services ou entreprises

 

Après avoir radié du dossier la contre-preuve, à l’exception de l’accord de licence entre Agropur et Natrel, je n’ai aucun élément de preuve m’indiquant ce qu’est de l’« huile de canola ».  Je peux consulter les dictionnaires pour obtenir une définition des mots.  Dans Insurance Co. of Prince Edward Island c. Prince Edward Island Insurance Co. (1999) 2 C.P.R.(4th) 103, M. Gary Partington, alors qu’il était président de la Commission des oppositions des marques de commerce, a consulté un dictionnaire pour déterminer le sens d’un mot, même si les extraits pertinents ne faisaient pas partie de la preuve produite.  Selon le Oxford Canadian Dictionary, le mot « canola » s’entend de :

[traduction] « Une des nombreuses variétés de colza, faible en acide érucique, produisant une huile propre à l’alimentation ».

 

Les produits de l’opposante qui sont vendus en liaison avec la marque de commerce NATREL sont des produits laitiers, notamment du beurre.  Il existe donc un certain chevauchement entre les marchandises en ce que le beurre et l’huile de canola peuvent tous les deux être utilisés en cuisine.

 

Il n’existe aucune preuve relative aux voies commerciales servant ou destinées à servir à la vente des marchandises de la requérante. Je dois examiner la description des marchandises figurant dans la demande de la requérante et la comparer à la description des marchandises de l’opposante apparaissant au certificat d’enregistrement TMA 410305 pour décider s’il existe un chevauchement dans le genre des marchandises respectives des parties. [Voir Multiplicant Inc. c. Petit Bateau Valton S.A. (1994) 55 C.P.R. (3d) 372 et William H. Kaufman Inc c. North American Design Workshop Inc, (1995) 61 C.P.R. (3d) 259] Une interprétation libérale, et pourtant raisonnable, de la description des marchandises peut mener à la conclusion que celles‑ci pourraient être vendues dans les épiceries;  cette conclusion vaut aussi pour les produits laitiers de l’opposante.  Enfin, la requérante n’a pas limité dans sa demande la distribution de ses marchandises à certaines voies commerciales. Ce facteur favorise donc aussi l’opposante.

 

v)         le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent

 

Les marques doivent être examinées dans leur ensemble. Il ne convient pas de disséquer les marques et d’analyser ensuite les similitudes de leurs différents éléments respectifs pour conclure que, dans l’ensemble, les marques de commerce prêtent à confusion. [Voir Sealy Sleep Products Ltd. c. Simpson Sears Ltd. (1960), 33 C.P.R. 129]

 

Dans Pernod Ricard c. Brasseries Molson (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, qui a résumé le critère applicable pour apprécier le degré de ressemblance entre les marques des parties, le juge Denault, de la Cour fédérale, s’est exprimé de la façon suivante :

« Bien qu’on ne doive pas disséquer les marques pour trancher la question de la confusion, on a jugé que la première partie d'une marque de commerce était la plus pertinente pour les fins de la distinction (Molson Companies Ltd. v. John Labatt Ltd., (1990), 28 C.P.R. (3d) 457, à la p. 461 (C.F. 1re inst.); Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions modernes, (1979), 46 C.P.R. (2d) 183, à la p. 188 (C.F. 1re inst.)). Je trouve les propos suivants du Président Thorson dans l'arrêt British Drug Houses Ltd. v. Battle Pharmaceuticals, (1944), 4 C.P.R. 48, aux pp. 57 et 58 (C. de l'É.) particulièrement utiles pour expliquer la raison pour laquelle on devrait attirer l'attention sur la première partie de la marque de l'appelante en l’espèce :

[traduction] [...] la Cour devrait plutôt chercher à se placer dans la position d'une personne qui ne possède qu'un souvenir général et non précis de la marque précédente et qui voit ensuite la marque récente seule; si cette personne est susceptible de penser que les marchandises sur lesquelles la marque récente est apposée sont produites par les mêmes personnes que les marchandises vendues sous la marque dont il n'a que le souvenir, la Cour peut à bon droit conclure que les marques sont semblables.

À mon avis, le consommateur moyen dont l’intelligence est ordinaire et le souvenir plutôt vague risque de ne pas faire la distinction entre la marque de l’intimée et le premier mot de la marque de l’appelante. En conséquence, à mon avis, les consommateurs risquent de croire que l’intimée a lancé un nouveau produit auquel elle a ajouté le terme « RED » dans le but de le distinguer de ses autres produits.

 

 

L’élément nominal de la marque de la requérante est composé des cinq premières lettres de la marque de commerce NATREL de l’opposante. Sur le plan visuel, un élément graphique permet de distinguer la marque en cause de la marque NATREL, mais dans l’ensemble, la caractéristique dominante de la marque est l’élément nominal NATREON.  Il existe donc un certain degré de ressemblance entre NATREON et NATREL.  Les parties n’ont produit aucun élément de preuve concernant la prononciation de la marque.  Comme il s’agit d’un mot inventé, je ne suis pas prêt à adopter la prononciation proposée par l’une ou l’autre des parties. Les idées que suggèrent les marques en litige sont semblables puisque le mot NATRE évoque la « nature ». Ce facteur favorise aussi l’opposante.

 

vi) Autres circonstances de l’espèce

 

La requérante a déposé une preuve relative à l’état du registre alléguant que les marques de commerce comportant le préfixe NATR sont courantes dans l’industrie alimentaire. Elle a aussi soumis une preuve d’emploi de la marque de commerce NATROL en liaison avec un supplément alimentaire et de la marque de commerce NATRA TASTE en liaison avec un édulcorant artificiel au Canada. Il faut faire la distinction entre la preuve relative à l’état du registre et celle de l’emploi véritable d’une certaine marque de commerce.  Si la preuve relative à l’état du registre révèle l’existence d’un grand nombre de marques de commerce ayant un élément commun dans une industrie donnée, on peut conclure que certaines d’entre elles sont employées au Canada et que, pour cette raison, les consommateurs canadiens seraient en mesure de les distinguer. [Voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 et T. Eaton Co. c. Viking GmbH & Co. (1998), 86 C.P.R. (3d) 382]

 

Quant à la preuve relative à l’état du registre, la mise en commun des deux recherches et de la preuve supplémentaire sur l’état du registre produite par l’opposante révèle que seules huit (8) marques de commerce déposées ou demandes accueillies, détenues par des parties autres que l’opposante en liaison avec des produits alimentaires, comportent le préfixe NATR.  Une seule marque de commerce (LAITERIE NATRACIA DAIRY) est enregistrée en liaison avec des produits laitiers et aucune ne vise de l’huile de canola.

 

La requérante soutient que l’affaire ne peut se résumer à une « question de chiffres » et invite la Commission à prendre en considération la qualité de la preuve.  Je suppose que la requérante fait allusion à la preuve relative à l’emploi véritable de deux des huit marques figurant sur le registre.  La requérante devait prouver que, dans un domaine particulier, il est courant d’employer un mot précis ou un groupe précis de lettres de sorte que le risque de confusion est très faible. Pour être d’usage courant dans un domaine particulier, un mot ou un groupe de lettres doit être employé par un nombre suffisant de commerçants.  La jurisprudence n’a établi aucun seuil statistique, mais à la lecture des décisions susmentionnées, je conclus qu’une preuve d’emploi relative à deux marques de commerce ayant comme préfixe NATR en liaison avec trois produits alimentaires sur le marché canadien – aucune avec des produits laitiers ou de l’huile de canola – combinée à l’inscription sur le registre de huit marques déposées ou demandes accueillies concernant des marques ayant comme préfixe NATR – aucune en liaison avec des produits laitiers ou de l’huile de canola – ne permet pas de conclure à l’existence d’un usage répandu des marques ayant comme préfixe NATR en liaison avec des produits laitiers ou de l’huile de canola.

La requérante a soutenu qu’elle a obtenu l’enregistrement de la marque NATREON (certificat d’enregistrement TMA590509) en liaison avec les marchandises.  Comme l’a mentionné l’opposante, le fait que la requérante ait obtenu au Canada l’enregistrement de la marque de commerce NATREON ne donne pas à son propriétaire le droit automatique d’obtenir d’autres enregistrements, même lorsque les marques sont intimement liées à la marque visée par l’enregistrement initial. [Voir American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 571]

VIII Conclusion

La requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucun risque de confusion entre la marque et la marque de commerce NATREL de l’opposante. J’arrive à cette conclusion parce qu’il existe une certaine ressemblance entre NATREON et NATREL, qu’il existe un certain chevauchement entre le beurre et l’huile de canola et leurs réseaux de distribution, et que la marque de l’opposante est connue au Canada en liaison avec les produits laitiers.  Je reconnais par conséquent le bien‑fondé des motifs d’opposition deux, trois, quatre et cinq.

 

Par le pouvoir que m’a délégué le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande de la requérante en vue l’enregistrement de la marque en liaison avec les marchandises en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC) LE 8 JUILLET 2005.

 

 

Jean Carrière,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 


 

Annexe A

 

a)      AGROBAR & Dessin, enregistrement TMA302215

b)      Dessin, enregistrement 414612

c)      NATREL, enregistrement numéro 410305

 

d)     NATREL et Dessin, enregistrement 414612

 

 

 

 

 

                        e) NATREL & Dessin, enregistrement numéro 447126

f) LES TOQUÉS de NATREL, enregistrement numéro 472085

 

 

 


 

Annexe B

 

-          AGROBAR & Dessin, enregistrement numéro 302215.

-          DESSIN, enregistrement 414612.

-          NATREL, enregistrement numéro 410305.

-          NATREL & Dessin, enregistrement numéro 439800.

-          NATREL & Dessin, enregistrement numéro 447126.

-          LES TOQUÉS DE NATREL, enregistrement numéro 472085.

-          NATREL CALCIUM, demande numéro 1001060.

-          NATREL MOOSTACHE & Dessin, demande numéro 877666.

-          NATREL MOOSTACHE & Dessin, demande numéro 877665.

-          NATREL MOOSTACHE & Dessin, demande numéro 877664.

-          NATREL FINE-FILTERED MILK & Dessin, demande numéro 875721.

-          FROM THE WORLD OF NATREL, demande numéro 870666.

-          LE MONDE DE NATREL & Dessin, demande numéro 875720.

-          LE MONDE DE NATREL & Dessin, demande numéro 886955.

-          NATREL & Dessin, demande numéro 876058.

-          FROM THE WORLD OF NATREL & Dessin, demande numéro 886956.

 

 

 

 


 

Annexe C

 

 

-          NATREL CALCIUM, demande numéro 1001060

-          NATREL MOOSTACHE & Dessin, demande numéro 877666

-          NATREL MOOSTACHE & Dessin, demande numéro 877665

-          NATREL MOOSTACHE & Dessin, demande numéro 877664

-          NATREL FINE-FILTERED MILK & Dessin, demande numéro 

-          FROM THE WORLD OF NATREL, demande numéro 870666

-          LE MONDE DE NATREL & Dessin, demande numéro 875720

-          LE MONDE DE NATREL & Dessin, demande numéro 886955

-          NATREL & Dessin, demande numéro 876058

-          FROM THE WORLD OF NATREL & Dessin, demande numéro 886956

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