Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 109

Date de la décision : 2013-06-19                    TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Goudreau Gage Dubuc, visant l’enregistrement no TMA646 653 de la marque de commerce LE TEMPS DES CERISES au nom de 2430-2614 Québec Inc.

[1]               Le 28 avril 2011, à la demande de Goudreau Gage Dubuc, le registraire a envoyé un avis aux termes de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. [1985], ch. T -13) (la Loi) à 2430-2614 Québec Inc. (le Propriétaire inscrit), le propriétaire inscrit de l’enregistrement LMC646653 pour la marque de commerce LE TEMPS DES CERISES (la Marque). La Marque est enregistrée en liaison avec les marchandises suivantes :

Vêtements d’exercice pour hommes, femmes et enfants, nommément chemises, chandails, vestes, pantalons, jeans, tenues de jogging, survêtements, chemisiers, tee-shirts, jupes, robes, maillots de bain et vêtements de plein air, nommément vestes, manteaux et vêtements de ski (les marchandises).

[2]               L’article 45 de la Loi oblige le Propriétaire inscrit à indiquer si la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacune des Marchandises à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente dans le présent cas s’étend du 28 avril 2008 au 28 avril 2011.

[3]               En réponse à l’avis du registraire, le propriétaire inscrit a déposé l’affidavit de monsieur Kenneth Hollinger, président et secrétaire de la société depuis le 16 février 1987, ainsi que les preuves A à H. Les deux parties ont soumis des mémoires et étaient représentées lors de l’audience.

[4]               J’aimerais souligner que le 6 juin 2013, soit une semaine avant l’audience, le propriétaire inscrit a sollicité une prorogation rétroactive du délai aux termes du paragraphe 47(2) de la Loi afin de déposer des preuves supplémentaires. Dans une décision rendue le 11 juin 2013, le registraire a repoussé la demande pour les motifs énumérés dans la présente.

[5]               La procédure de radiation prévue à l’article 45 est simple, rapide et vise à éliminer les éléments improductifs du registraire; conséquemment, les exigences à l’égard de la preuve sont plus souples et le seuil pour établir l’emploi d’une marque est relativement bas [voir Woods Canada ltd c. Lang Michener (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.)].

[6]               Toutefois, une simple allégation de l’utilisation de la Marque ne suffit pas à prouver qu’elle est réputée employée en liaison avec les Marchandises, conformément au paragraphe 4(1) de la Loi, et toute ambiguïté à l’égard de la preuve est interprétée en défaveur du propriétaire inscrit [voir Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980) 53 CPR (4th) 62 (CAF)].

[7]               Je dois donc déterminer si la preuve déposée par le Propriétaire me permet de conclure que ce dernier a utilisé la Marque au Canada à l’égard des Marchandises durant la période pertinente.

[8]               Dans son affidavit, monsieur Hollinger affirme qu’il est également président de RD International Style Collections Ltd. (RD) depuis le 1er décembre 1994. RD œuvre dans la vente et la distribution de vêtements pour hommes, pour femmes et pour enfants.

[9]               Monsieur Hollinger affirme que le 5 décembre 2005, le Propriétaire a octroyé une licence à RD pour l’utilisation de la Marque. L’entente en question assure au Propriétaire un contrôle direct quant au style et à la qualité des marchandises visées par la licence. Une copie de cette licence est jointe à son affidavit.

[10]           Monsieur Hollinger explique en outre que chacune des Marchandises porte une étiquette ou une étiquette volante arborant la Marque, achetée par RD. Il a déposé, comme preuve C, des photos de divers vêtements auxquels sont attachés de telles étiquettes et étiquettes volantes. Toutefois, seules l’étiquette 1178 et l’étiquette mobile 624 semblent avoir fait l’objet de commandes durant la période pertinente.

[11]           Monsieur Hollinger a également présenté comme preuve F ce qu’il a décrit comme des factures produites par RD durant la période pertinente afin d’illustrer la vente des Marchandises portant la Marque. À l’exception de quelques une des Marchandises, toutes les dates correspondaient à la période pertinente et faisaient référence à la Marque.

[12]           Monsieur Hollinger souligne que, chaque année, RD fournit un livret des marchandises offertes à ses clients. Il a déposé, comme preuve G, le livret pour l’automne 2010. Il a finalement ajouté que RD a participé à plusieurs salons professionnels dans le but de promouvoir les Marchandises, notamment lors d’événements se tenant à Atlanta, à Los Angeles, à New York et à Las Vegas. Je souligne que tous ces salons professionnels se tenaient à l’extérieur du Canada.

[13]           Durant l’audience, le Requérant a tenté d’isoler chacune des affirmations des paragraphes 8 à 11 de l’affidavit présenté par monsieur Hollinger dans le but de prouver qu’il ne fait pas référence au Canada ou à la période pertinente et que, par conséquent, ces affirmations ne peuvent pas étayer l’allégation que la Marque a été utilisée au Canada à l’égard des Marchandises au cours de la période pertinente.

[14]           Toutefois, je suis d’accord avec le Propriétaire, ces paragraphes doivent être lus conjointement avec le contenu du paragraphe 6 de l’affidavit soumis par monsieur Hollinger, lequel se lit ainsi [TRADUCTION] :

« 6. RD utilise et continue d’utiliser la Marque au Canada de façon continue pour les marchandises visées par la licence et ce, depuis le 22 juillet 2005. »

[15]           Néanmoins, comme je l’ai mentionné à l’audience, afin d’établir l’utilisation de la Marque au Canada au sens du paragraphe 4(1) de la Loi, il faut qu’il y ait des preuves d’au moins une transaction commerciale réalisée durant la période pertinente au Canada, laquelle inclut un transfert de propriété des Marchandises du Propriétaire ou du titulaire de la licence à un client situé au Canada, dans le cadre des opérations commerciales normales. Par conséquent, les affirmations de monsieur Hollinger ne suffisent pas à satisfaire le fardeau de la preuve qui incombe au Propriétaire.

[16]           Comme susmentionné, le Propriétaire a déposé des preuves au fait que le titulaire de la licence achetait des étiquettes et des étiquettes volantes arborant la Marque et que ces étiquettes étaient par la suite fixées aux vêtements. Toutefois, ce n’est pas ce que nous avons pu déterminer grâce aux « factures » présentées par monsieur Hollinger (preuve F jointe à son affidavit). En réalité, ces étiquettes semblent être des bons de commande produits par le titulaire de la licence à l’intention de ses fournisseurs à l’étranger. Lors de l’audience, le Propriétaire inscrit de la marque de commerce n’a pas réfuté cette conclusion.

[17]           Il n’y a aucune preuve précise indiquant que les biens commandés par RD et décrits dans ces bons de commande ont été livrés au Canada puis vendus par RD à des clients canadiens. Selon le requérant, cette omission est suffisante pour trancher en faveur de la radiation de l’enregistrement de la Marque.

[18]           D’un autre côté, le Propriétaire a cité les arrêts Diamant Elinor Inc c. 88766 Canada Inc (2010) CF 1184 et Baker & McKenzie LLP c. Dart Industries Inc (2012) COMC 20 pour étayer sa thèse : selon lui, en fonction de la preuve versée au dossier, je peux déduire qu’au moins une vente a eu lieu au Canada au cours de la période pertinente. Le Propriétaire affirme que je peux en arriver à cette conclusion car l’un des bons de commande comportait des directives pour l’insertion d’une étiquette portant un numéro CA. Selon le Propriétaire, ce nombre sert à identifier le nom et l’adresse des entreprises qui vendent des produits textiles au Canada, conformément à la Loi sur l’étiquetage des textiles. Dans son mémoire, le Propriétaire affirme que les nombres CA sont uniquement utilisés lorsque des biens sont vendus au Canada. Cependant, je constate qu’il n’y a aucune preuve au dossier pour soutenir cette allégation.

[19]           L’arrêt Diamant Elinor donne une orientation générale à l’égard des moments où le registraire peut déduire une conclusion à partir de la preuve dans son ensemble. Chaque cas doit être évalué en fonction de la preuve globale. Par exemple, dans le cas Eclipse International Fashions Canada Inc c. Cohen (2005) CAF 6, cité dans l’arrêt Diamant Elinor, le dossier contenait deux factures. Je suis conscient du fait que le dépôt de factures, même si elles sont la meilleure preuve possible pour établir le transfert de propriété des biens, n’est pas un prérequis pour établir l’utilisation d’une marque de commerce aux termes du paragraphe 4(1) de la Loi.

[20]           Dans le présent cas, le contenu du paragraphe 6 de l’affidavit de monsieur Hollinger équivaut à ce qui a été qualifié de « simple assertion ». Je reconnais que le déposant a soumis des étiquettes portant la Marque, des photos des vêtements portant ces étiquettes et des bons de commande produits par RD, mais il n’y a aucune preuve claire que les marchandises énumérées sur les bons de commande en question et portant la Marque ont été vendues à des détaillants au Canada durant la période pertinente.

[21]           Je constate que la preuve C de l’affidavit de monsieur Hollinger contient des photos de vêtements auxquels sont attachées des étiquettes volantes arborant la Marque et des étiquettes portant un numéro CA. J’ajouterais que les numéros de modèles des vêtements indiqués sur les bons de commande, également inclus dans la preuve C, ne correspondent pas aux numéros de modèles figurant sur les étiquettes des vêtements dans les photos.

[22]           Si au moins une facture produite par RD à l’intention d’un détaillant canadien avait été versée au dossier comme preuve de la vente des Marchandises portant la Marque au cours de la période pertinente afin d’établir clairement qu’il y avait eu un transfert de propriété, je n’aurais pas hésité à conclure que le Propriétaire avait utilisé la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises enregistrées.

[23]           J’aimerais souligner que le Propriétaire a admis lors de l’audience qu’il n’y a pas de preuve au dossier faisant état de l’utilisation de la Marque au Canada pour les vêtements pour hommes, les maillots de bain pour femmes et les vêtements de ski au cours de la période pertinente. En conséquence, si j’avais tort en concluant qu’il n’y a pas de preuve adéquate pour l’utilisation de la Marque en liaison avec des Marchandises au Canada durant la période pertinente, l’enregistrement devrait tout de même être modifié pour éliminer de la liste des Marchandises les éléments suivants : vêtements pour hommes, maillots de bain pour femmes et vêtements de ski.

Règlement

[24]           Conformément aux pouvoirs qui me sont accordés aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement LMC646653 sera radié du registraire, conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Catherine Dussault, trad.

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