Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 50

Date de la décision : 2016-03-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Maple Leaf Foods Inc./Les Aliments Maple Leaf Inc.

Opposante

et

 

Sofina Foods Inc./Aliments Sofina Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,573,956 pour la marque de commerce BONELESS BITES

 

Demande

[1]               Maple Leaf Foods Inc./Les Aliments Maple Leaf Inc. s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce BONELESS BITES (la Marque), qui fait l'objet de la demande no 1,573,956 au nom de Sofina Foods Inc./Aliments Sofina Inc.

[2]               Produite le 18 avril 2012, la demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits suivants : [Traduction] produits alimentaires frais, réfrigérés ou congelés, à savoir fruits de mer, poissons, volaille ainsi que produits de viande, nommément bœuf, veau, porc.

[3]               L'Opposante allègue ce qui suit dans sa déclaration d'opposition : i) la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); ii) la Marque n'est pas enregistrable selon l'article 12(1)b) de la Loi; et iii) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je repousse la demande.

Le dossier

[5]               L'Opposante a produit une déclaration d'opposition le 20 novembre 2013. La Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration le 28 janvier 2014.

[6]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit un affidavit de Carol E. Bell, souscrit le 26 mai 2014.

[7]                Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit d'Evelyn Dapito, souscrit le 16 septembre 2014, et un affidavit de Linda Fox, souscrit le 26 septembre 2014.

[8]               Aucun contre-interrogatoire n'a été mené.

[9]                Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit et a demandé la tenue d'une audience; elle était également la seule présente à cette audience.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[10]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298; Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

[11]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         article 38(2)a)/article 30i) – la date de production de la demande, à savoir le 18 avril 2012 [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475];

         article 38(2)b)/article 12(1)b) – la date de production de la demande, à savoir le 18 avril 2012 [voir Fiesta Barbeques Ltd c General Housewares Corp, 2003 CF 1021, 28 CPR (4th) 60];

          article 38(2)d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d'opposition, à savoir le 20 novembre 2013 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

La preuve

Preuve de l’Opposante au titre de l'article 41 du Règlement

Résumé – Affidavit de Carol E. Bell

[12]           Mme Bell exerce les fonctions de directrice du marketing, Service alimentaire chez l'Opposante. Elle affirme qu'à sa connaissance, le terme « boneless bites » [bouchées sans os; désossées] est couramment employé comme terme descriptif et même comme terme générique dans les secteurs de l'alimentation et des services de restauration. Pour appuyer ses dires, elle a joint, comme pièces A à D, des exemples tirés des sites Web de différentes sociétés :

         Pièce A – imprimés tirés du site Web de Pizza Hut Canada en date du 30 octobre 2013. Mme Bell insiste particulièrement sur la catégorie des produits d'ailes, dans laquelle, allègue-t-elle, le terme « boneless bites » [bouchées sans os; désossées] est employé comme nom de produit générique.

         Pièce B – une page du menu en ligne de Boston’s Restaurant & Sports Bar en date du 4 janvier 2013. Mme Bell atteste que, dans la catégorie de produits « starters and wings » [hors d'œuvre et ailes] qui figure sur le menu, le terme « hand-breaded boneless bites » [bouchées sans os panées à la main] semble être employé comme nom de produit.

         Pièce C – imprimés tirés du site Web de Walgreens en date du 21 avril 2014. Mme Bell atteste que, sur le site Web, le terme « boneless bites » [bouchées sans os; désossées] est employé comme nom de produit pour un produit de poulet vendu sous le nom de marque NICE.

         Pièce D – imprimés non datés tirés du propre site Web de la Requérante dans lequel, atteste Mme Bell, les noms génériques suivants sont employés pour désigner des produits Janes sous la bannière Boneless Chicken Bites [bouchées de poulet sans os] : boneless buffalo bites [bouchées buffalo sans os], boneless plain bites [bouchées nature sans os], boneless bbq bites [bouchées BBQ sans os], buffalo boneless bites [bouchées sans os buffalo], plain boneless bites [bouchées sans os nature], et bbq boneless bites [bouchées sans os BBQ].

Preuve de la Requérante au titre de l'article 42 du Règlement

Résumé – Affidavit d'Evelyn Dapito

[13]           Mme Dapito est une technicienne juridique à l'emploi des agents de la Requérante; elle travaille au sein du groupe de la propriété intellectuelle. Elle atteste avoir reçu le mandat d'effectuer des recherches dans la base de données sur les marques de commerce de l'OPIC afin de repérer les marques de commerce déposées et admises appartenant à des tiers, y compris l'Opposante, qui combinent le mot BITES [bouchées] avec un ou plusieurs mots pour emploi en liaison avec une variété de produits alimentaires. Elle a joint les résultats de ses recherches comme pièces A à C :

         Pièce A – un tableau qui, atteste Mme Dapito, contient une liste de marques de commerce déposées appartenant à l'Opposante qui comprennent le mot BITES et sont enregistrées en liaison avec une variété de produits alimentaires. Je souligne que ces marques déposées, qui sont au nombre de huit, sont les suivantes :

o   PORK BITES (le mot PORK [porc] fait l'objet d'une renonciation)

o   HOT ROD JERKY BITES & Dessin

o   HOT ROD BITES & Dessin

o   MAPLE LEAF TOP DOGS MINI BITES

o   MEGA BITES

o   TOP DOGS MEGA BITES

o   BEEF BITES (le mot BEEF [bœuf] fait l'objet d'une renonciation)

o   MAPLE LEAF EXTRA LONGS & Dessin

         Pièce B – un tableau qui, atteste-t-elle, contient une liste de marques de commerce admises appartenant à diverses parties qui comprennent le mot BITES et dont l'enregistrement est demandé en liaison avec une variété de produits alimentaires. Je souligne que 17 marques de commerce figurent dans ce tableau et qu'elles sont liées à divers produits alimentaires (p. ex. bonbons, céréales, fruits séchés, légumes en conserve) et même à de la nourriture pour animaux de compagnie.

         Pièce C – un tableau qui, atteste-t-elle, contient une liste de marques de commerce déposées appartenant à diverses parties qui comprennent le mot BITES et sont enregistrées en liaison avec une variété de produits alimentaires. Je souligne que 83 marques déposées figurent dans cette liste et qu'elles sont liées, là encore, à un large éventail de produits alimentaires.

Résumé – Affidavit de Linda Fox

[14]           Mme Fox est la directrice du marketing de la Requérante. Elle atteste que la Requérante était la société mère de Janes Family Foods, l'entité qui était la Requérante au moment où elle a souscrit son affidavit. Elle atteste que la Requérante a fait l'acquisition de Janes Family Foods en 2012. Je souligne que le registraire a inscrit la Requérante comme propriétaire de la demande pour la Marque le 8 avril 2015, à la suite d'une fusion.

[15]           Mme Fox fournit des renseignements sur l'historique de Janes Family Foods et sa participation à l'industrie de la fabrication des aliments au Canada au fil des ans. Elle atteste que Janes Family Foods fabrique un large éventail de produits sous de nombreuses marques et qu'elle a lancé ses produits de marque BONELESS BITES après avoir produit la demande pour la Marque, vers la fin avril 2012.

[16]           Mme Fox atteste que les produits de marque BONELESS BITES ont connu un vif succès sur le marché canadien et ont remporté, en février 2014, le prestigieux prix Product of the Year Canada™ 2013, qui est décerné en fonction du vote des consommateurs. Elle a joint, comme pièce A, des renseignements au sujet de ce prix.

[17]           En ce qui concerne l'emploi de la Marque avec les produits auxquels elle est liée, Mme Fox atteste que les produits sont vendus dans des emballages sur lesquels la Marque figure bien en vue. À l'appui, elle a joint des maquettes d'emballages de produits arborant la Marque destinés à des produits de formats différents (800 g et 1,82 kg); l'une de ces maquettes comportant une mention du prix Product of the Year Canada™ 2013 (pièces B à E). Mme Fox atteste que les différentes maquettes d'emballages de produits sont représentatives des emballages dans lesquels les produits de marque BONELESS BITES ont été vendus sur le marché canadien d'avril 2012 à aujourd'hui, y compris dans les magasins Costco West depuis septembre 2013.

[18]           En ce qui concerne les ventes au Canada, Mme Fox fournit des chiffres de ventes substantiels pour les produits arborant la Marque au cours de chacune des années financières 2012, 2013 et 2014 (jusqu'au 31 août 2014) de la Requérante. Elle atteste que la Requérante distribue ses produits de marque BONELESS BITES en format de 800 g par l'intermédiaire de divers détaillants locaux et chaînes de détaillants qui comprennent, entre autres, Loblaw (Ontario), Metro (Ontario) et Safeway (Ouest canadien). Le format plus imposant de 1,82 kg est distribué exclusivement dans les magasins Costco West.

[19]           Mme Fox atteste que la Marque est annoncée et mise en valeur sur le site Web de Janes Family Foods depuis au moins mai 2012. Comme pièce F, elle a joint des imprimés tirés du site Web tel qu'il se présentait à la date du 10 septembre 2014 et, comme pièce G, des imprimés tirés du site Web tel qu'il se présentait en mai 2012, en janvier, mars, avril, juin, août, septembre, octobre et décembre 2013 ainsi qu'en janvier 2014, obtenus sur le site d'archives Internet Wayback Machine. Elle atteste que les imprimés sont représentatifs de la façon dont la Marque est et a été affichée sur le site Web en liaison avec les produits depuis au moins mai 2012.

[20]           Elle fournit des détails sur les autres moyens publicitaires et promotionnels utilisés ainsi que des exemples de ces moyens, qui comprennent des coupons-rabais (pièce H), les médias sociaux (pièce I), des courriels, des recettes publiées sur des sites Web secondaires appartenant à la Requérante (pièce J), des circulaires (pièce K) et des magazines (pièce L).

[21]           Enfin, elle atteste que la Requérante a obtenu des données de mesure de la consommation auprès de Nielsen, une société spécialisée dans les services de mesure des ventes au détail. Elle a fourni des imprimés tirés du site Web de Nielsen (pièce M) qui décrivent le modèle d'entreprise de Nielsen et les méthodes qu'elle emploie. De plus, comme pièce N, elle a fourni des mesures reçues de Nielsen concernant les ventes des produits de marque BONELESS BITES de la Requérante au Canada. Elle atteste que ces données métriques, qui datent du 23 août 2012, montrent que les produits de marque BONELESS BITES de la Requérante étaient très bien classés en ce qui a trait à la vente de produits.

Motifs d'opposition

Article 30i)

[22]           L'Opposante allègue que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les produits étant donné la nature descriptive de la marque de commerce.

[23]           Or, lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée par l'article 30i) de la Loi, un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]. En l'espèce, la Requérante a produit la déclaration exigée et il ne s'agit pas d'un cas exceptionnel; en conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 30i) est rejeté.

Article 12(1)b)

[24]           L'Opposante a allégué que la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)b) de la Loi, car elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des produits. Plus précisément, l'Opposante a allégué que la Marque donne une description claire de la nature et/ou d'une caractéristique des produits, à savoir les produits eux-mêmes, qui comprennent des produits de volaille et de viande, des fruits de mer et du poisson, ne contiennent pas d'os et sont offerts dans un format qui entre en entier dans la bouche, c.-à-d. en bouchées.

[25]           L'interdiction prévue à l'article 12(1)b) de la Loi vise à empêcher un commerçant unique de monopoliser un terme qui donne une description claire ou qui est usuel dans le commerce et de placer ainsi des commerçants légitimes dans une position désavantageuse [Canadian Parking Equipment Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 CPR (3d) 154 (CF 1re inst)].

[26]           La question de savoir si la Marque donne une description claire doit être envisagée du point de vue de l'acheteur moyen des produits auxquels la Marque est liée. La Marque doit être envisagée sous l'angle de la première impression dans le contexte des produits auxquels elle est liée [voir John Labatt Ltd c Carling Breweries Ltd (1974), 18 CPR (2d) 15, à la p 19 (CF 1re inst) – No 1]. Le mot « nature » s'entend d'une particularité, d'un trait ou d'une caractéristique des produits et le mot « claire » signifie « facile à comprendre, évident ou simple » [Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29, à la p 34]. Ces principes directeurs, qu'il convient d'appliquer pour déterminer si une marque de commerce donne une description claire, ont également été résumés dans Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario c Canada 2012 CAF 60, 99 CPR (4th) 213, au para 29.

[27]           Outre les principes susmentionnés, il a été statué que lorsqu'il s'emploie à déterminer si une marque de commerce donne une description claire ou une description fausse et trompeuse aux termes de l'article 12(1)b) de la Loi, le registraire doit non seulement considérer la preuve dont il dispose, mais également appliquer son sens commun à l'appréciation des faits [Neptune SA c Canada (Procureur général) (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst), au para 11].

[28]           La Requérante soutient que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif. À cet égard, la Requérante soutient que la preuve de l'Opposante est lacunaire pour diverses raisons. Dans un premier temps, l'Opposante [sic] soutient que Mme Bell n'a pas fourni la moindre preuve pour confirmer qu'un ou plusieurs des sites Web dont sont tirés les imprimés joints comme pièces A à C à son affidavit sont consultés par des Canadiens, ou dans quelle mesure ils sont consultés par des Canadiens, et que, par conséquent, aucun poids ne devrait être accordé à ces pièces dans la présente procédure. La Requérante soutient que la Commission a à maintes reprises conclu que de telles lacunes rendaient la preuve insuffisante [citant Anheuser-Busch, Inc c Molson Breweries, a Partnership (24 février 1999) COMC No 49; Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et Primo Bedding c HSM Pressen, 2009 CanLII 90391 (COMC), 72 CPR (4th) 370].

[29]           Bien que je convienne que la preuve de l'Opposante comporte certaines lacunes, je souligne qu'un opposant peut s'acquitter de son fardeau initial à l'égard d'un motif fondé sur l'article 12(1)b) simplement par référence à la signification habituelle, indiquée dans les dictionnaires, des mots qui forment la marque d'un requérant [voir Flowers Canada/Fleurs Canada Inc c Maple Ridge Florist Ltd (1998), 86 CPR (3d) 110 (COMC)]. L'Opposante n'a mentionné aucun dictionnaire précis relativement aux significations qu'elle attribue aux mots « boneless » [sans os; désossé] (c.-à-d. qui ne contient pas d'os) et « bites » [bouchées] (c.-à-d. qui ont la taille d'une seule bouchée) dans son argumentation; or, je souligne que je peux moi-même consulter des dictionnaires [voir Insurance Co of Prince Edward Island c Prince Edward Island Mutual Insurance Co (1999), 2 CPR (4th) 103 (COMC)]. Ce faisant, j'ai trouvé les définitions suivantes dans The Oxford Dictionary of English (3e édition), lesquelles concordent avec celles proposées par l'Opposante :

Boneless [sans os; désossé] : adjectif [Traduction] ▪ (Relativement à de la viande ou du poisson) dont les os ont été retirés avant la vente, la cuisson ou le service : poitrines de poulet désossées.

Bite [bouchée] : nom [Traduction]Petit morceau de nourriture préparée destiné à entrer en entier dans la bouche : bouchées de bacon au fromage.        

[30]           Compte tenu de ce qui précède, j'admets que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau initial.

[31]           La Requérante soutient que, même si j'estime que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau initial, elle a démontré que sa Marque ne contrevient pas aux dispositions de l'article 12(1)b) pour les raisons qui suivent. Dans un premier temps, la Requérante soutient que sa Marque est simplement suggestive de la présentation, de la forme, de la taille ou de la façon dont de tels produits sont susceptibles d'être consommés [citant Reed Stenhouse Company Limited c le Registraire des marques de commerce (1993), 45 CPR (3rd) 79 (CF 1re inst); et Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2011 CF 58, 89 CPR (4th) 301, conf par 2012 CAF 60, 99 CPR (4th) 213].

[32]           La Requérante soutient en outre que l'expression BONELESS BITES [bouchées sans os; désossées] ne donne pas une description claire d'une caractéristique ou d'une qualité intrinsèque des produits; elle est plutôt simplement suggestive d'une caractéristique secondaire des produits, c.-à-d. leur taille, le fait qu'ils peuvent être consommés, ou une façon de les consommer. La Requérante soutient également que l'expression BONELESS BITES [bouchées sans os; désossées] ne suggère pas au consommateur que la Requérante offre des produits de fruits de mer, de poisson, de volaille, de bœuf, de veau ou de porc, car ni le mot BONELESS [sans os; désossé] ni le mot BITES [bouchées] ne font partie des produits. La Requérante soutient que la Marque ne communique rien de précis au sujet des produits et du type d'aliments dont il s'agit (c.-à-d. qu'elle ne suggère pas qu'il s'agit de produits de viande, de volaille, de poisson ou de fruits de mer), et qu'un consommateur aurait à faire preuve d'une certaine imagination ou à réfléchir pour arriver à une conclusion juste quant à la nature des produits de la Requérante.

[33]           La Requérante soutient qu'à l'instar du mot SCOOP dans SCOOP N’ BAKE [citant Kraft General Foods Canada c Tradition Fine Foods Ltd (1991), 35 CPR (3d) 564 (CF 1re inst)], l'expression BONELESS BITES [bouchées sans os; désossées] est ambiguë, car elle a plusieurs significations et aucune d'elles ne donnent une description claire des produits. À titre d'exemple, la Requérante soutient que le mot BITES [bouchées] peut être suggestif de la taille des portions sous lesquelles les produits sont vendu, ou du fait qu'un consommateur peut prendre une [Traduction] « bouchée » du produit, ou du fait que les produits sont des aliments et sont destinés à être consommés. Étant donné les multiples significations que revêt l'expression « BONELESS BITES » [bouchée sans os; désossées], un consommateur ne tirerait, à la vue de la Marque, aucune conclusion claire quant à ce que comprennent exactement les produits offerts en liaison avec la Marque, sous le coup de la première impression.

[34]           Il est vrai que le mot « bite » [bouchée; mordre; morsure; piquer; piqûre] a de nombreuses significations différentes, comme je l'ai indiqué précédemment, mais la Marque doit être envisagée sous l'angle de la première impression dans le contexte des produits auxquels elle est liée. En outre, la présence d'os étant spécifique aux produits animaux, le terme « boneless » [sans os; désossé], dans ce contexte, devient descriptif d'une caractéristique des produits de la Requérante, à savoir que ces produits ont été désossés ou qu'ils ne contiennent pas d'os. Par conséquent, je ne suis pas d'accord avec la Requérante pour dire qu'à la vue de la Marque [Traduction] « un consommateur aurait à faire preuve d'une certaine imagination ou à réfléchir pour arriver à une conclusion juste quant à la nature des produits de la Requérante ».

[35]           En somme, à l'instar de la membre Reynolds, agissant au nom du registraire, dans Maple Leaf Foods Inc c Pinnacle Foods Group LLC, 2015 COMC 137 (au sujet de BOLOGNA BITES, voir para 30), j'estime raisonnable en l'espèce de conclure que l'impression immédiate que produirait BONELESS BITES serait que les produits de la Requérante sont constitués de fruits de mer, de poisson, de volaille, de bœuf, de veau et de porc désossés ou sans os offerts en petites portions ou bouchées.

[36]           Au soutien de sa demande, et de ses observations concernant l'article 12(1)b), la Requérante invoque la preuve de l'état du registre produite par le biais de l'affidavit Dapito. À cet égard, la Requérante soutient que, comme l'indique la pièce A jointe à l'affidavit Dapito, l'Opposante détient au moins huit marques de commerce qui comprennent l'élément BITES et sont enregistrées pour emploi en liaison avec une variété de produits alimentaires; les plus pertinentes de ces marques étant : PORK BITES pour emploi avec des produits de porc transformés, MEGA BITES pour emploi avec des viandes préparées, et BEEF BITES pour emploi avec des morceaux de bœuf désossé panés. La Requérante soutient que si les marques de l'Opposante ont pu être enregistrées, parce qu'elles sont simplement suggestives des produits auxquels elles sont respectivement liées, alors la Marque de la Requérante devrait, elle aussi, être considérée comme simplement suggestive et son enregistrement devrait être permis. La Requérante attire également l'attention sur un certain nombre de marques de tiers (pièces B et C de l'affidavit Dapito) qui comprennent l'élément BITES et qui sont admises ou enregistrées pour emploi en liaison avec une variété de produits alimentaires. La Requérante concède que la Commission n'est pas liée par les décisions des examinateurs de marques de commerce. Toutefois, la Requérante soutient que le fait que des examinateurs aient permis que de telles demandes passent à l'étape de l'annonce sans disposer d'une preuve établissant un caractère distinctif acquis avant la date de production de la demande donne fortement à penser que ces marques sont, à la première impression, simplement suggestive des produits auxquels elles sont respectivement liées. La Requérante soutient que sa Marque est, de façon similaire, simplement suggestive et qu'elle ne donne pas une description claire.

[37]           Or, j'estime qu'un certain nombre des marques qui sont mentionnées dans les pièces jointes à l'affidavit Dapito et sur lesquelles la Requérante a insisté ne sont pas comparables ou ne sont pas pertinentes. Elles ne sont pas descriptives lorsqu'on les considère dans leur ensemble (c'est le cas, entre autres, de marques telles que HOGBITES, SUN BITES et CHOCOBITES) et/ou ne sont pas descriptives en ce qu'elles ne sont pas liées à des produits pertinents, comme dans le cas de FROSTBITE pour emploi avec des vins ou de FLAV-R-BITES pour emploi avec des assaisonnements. En tout état de cause, bien que je reconnaisse qu'il existe un certain nombre de marques qui sont semblables à la Marque dans leur construction, par exemple BEEF BITES, PORK BITES et BAGEL BITES, je me ferai une fois de plus l'écho des remarques formulées par la membre Reynolds, qui a composé avec une situation similaire dans Maple Leaf Foods, supra (aux para 24 et 25) [Traduction] :

 [24] À plusieurs reprises, cette Commission a déjà conclu que, à l’étape de l’opposition, il ne lui revenait pas d’expliquer pourquoi l’enregistrement d’une marque en particulier a été autorisé par la section d’examen du Bureau des marques de commerce. Une telle décision a peut-être été prise parce que l’examinateur ne disposait pas de la sorte de preuve produite dans une procédure d’opposition ou parce que le fardeau de preuve ou le fardeau ultime est différent à l’étape de l’examen [Thomas J Lipton Inc c Boyd Coffee Co (1991), 40 CPR (3d) 272 (COMC) à 277; UL Canada Inc c High Liner Foods Inc (2001), 20 CPR (4th) 568 (COMC); Simmons IP Inc c Park Avenue Furniture Corp (1994), 56 CPR (3d) 284 (COMC) et Benson & Hedges Inc c Imperial Tobacco Ltd (1995), 60 CPR (3d) 567 (COMC)]. Je remarque également que les politiques et les pratiques du registraire peuvent évoluer avec le temps, ce qui peut donner une impression d’incohérence [voir Cliche c Canada (procureur général), 2012 CF 564 au para 27].

[25] De plus, comme l’a souligné le juge Kelen dans Worldwide Diamond Trademarks Limited c Canadian Jewellers Association, bien que la Cour ait reconnu que le registraire doit examiner les enregistrements précédents lorsqu’il évalue le caractère descriptif d’une marque, il est bien établi en droit que si le registraire a commis une erreur dans le passé, il n’y a pas lieu de la perpétuer [Worldwide Diamond Trademarks Limited c Canadian Jewellers Association, 2010 CF 309; confirmé par 2010 CAF 326]. Dans Worldwide Diamond Trademarks Limited, le juge Kelen a déclaré que l’état du registre à l’égard de marques semblables ne pouvait faire en sorte que les marques de commerce projetées en cause soient non descriptives et donc enregistrables. J’en suis venu à une conclusion semblable en l’espèce.

[38]            Compte tenu de ce qui précède, j'estime que la Marque donne une description claire au sens de l'article 12(1)b) de la Loi et, en conséquence, ce motif d'opposition est accueilli.

[39]           Je souligne qu'une marque de commerce qui n’est pas enregistrable parce qu'elle donne une description claire aux termes de l’article 12(1)b) de la Loi peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant [article 12(2) de la Loi; Backrack Inc c STK, LLC 2013 CF 424, 111 CPR (4th) 81]. En l'espèce, cependant, la Requérante n'a pas revendiqué le bénéfice de l'article 12(2) dans sa demande, car la demande a été produite sur la base de l'emploi projeté au Canada.

Article 2

[40]           L'Opposante a allégué que la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi, en ce sens qu'elle ne distingue pas et n'est pas adaptée à distinguer les produits de la Requérante des produits de l'Opposante et des produits de tiers en raison de sa nature descriptive et de l'usage courant du terme BONELESS BITES [bouchées sans os; désossées] comme terme descriptif dans les secteurs de l'alimentation et des services de restauration.

[41]           Comme j'ai conclu que la Marque donne une description claire de la nature des produits de la Requérante et que, par conséquent, elle n'est pas enregistrable selon l'article 12(1)b), il n'est pas nécessaire que j'examine la preuve de l'Opposante concernant toute allégation relative à l'usage courant du terme BONELESS BITES [bouchées sans os; désossées]. En effet, une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse est nécessairement dépourvue de caractère distinctif [voir Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA - The Engineered Wood, 2000 CanLII 15543 (CF), 7 CPR (4th) 239, à la p 253]. J’ai conclu que la Marque donnait une description claire de la nature des produits de la Requérante à la date de production de la demande et il m’est impossible d’arriver à une conclusion différente en ce qui concerne son caractère descriptif ou distinctif à la date de production de la déclaration d'opposition, à savoir le 30 novembre 2013.

[42]           En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est également accueilli.

Décision

[43]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2015-11-10

 

COMPARUTIONS

 

Aucune comparution                                                                           POUR L'OPPOSANTE

 

Sharon E. Groom                                                                                 POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Yue Fan                                                                                               POUR L'OPPOSANTE

 

McMillan LLP                                                                                     POUR LA REQUÉRANTE

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