Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de l’Association médicale canadienne à la demande no 1,055,488 pour la marque de commerce DRSOY.COM déposée par Ari Babaknia, M.D.________________________

                                                         

 

Le 17 avril 2000, Ari Babaknia, M.D. (le « requérant »), a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce DRSOY.COM (la « marque »). La demande est fondée sur un emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec des suppléments nutritionnels et hormonaux, nommément vitamines, minéraux, acides gras et lécithine pour suppléments et substituts de repas complets sur le plan nutritionnel, barres d’aliments et mélanges pour boissons protéinées (collectivement les « marchandises »).

 

La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 5 mars 2003 aux fins d’opposition. L’Association médicale canadienne (l’« opposante ») a déposé une déclaration d’opposition le 1er août 2003. Les motifs d’opposition sont résumés ci‑après :

 

1.                       La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce,  L.R.C. (1985), ch. T-13 (la « Loi »), au motif que le requérant ne pouvait être convaincu qu’il avait le droit d’employer la marque au Canada, puisque l’emploi de la marque contrevient à diverses dispositions législatives, dont l’article 33 de la Loi sur les professions de la santé réglementées de l’Ontario, qui interdit à quiconque d’employer le titre de DOCTEUR ou une abréviation lorsqu’il donne ou propose de donner des soins médicaux à des particuliers à moins d’être membre de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, de l’Ordre des chiropraticiens de l’Ontario, de l’Ordre des optométristes de l’Ontario, de l’Ordre des psychologues de l’Ontario ou de l’Ordre royal des chirurgiens dentistes de l’Ontario. 

 

2.                       La marque n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi, au motif qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles on projette de l’employer ou des personnes qui les produisent. L’opposante affirme que le consommateur moyen supposerait que les marchandises ont été approuvées, formulées, vendues, autorisées ou parrainées par un médecin et, par conséquent, qu’elles ont des propriétés thérapeutiques ou médicales ou autres bienfaits reconnus sur la santé, ce qui peut ne pas être le cas.

 

3.                       La marque n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)e) de la Loi, aux motifs suivants :

i)                    elle est une marque dont le sous‑alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi interdit l’emploi ou l’adoption parce que sa ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec une ou plusieurs des marques officielles suivantes, dont l’opposante est propriétaire : DR.; Dr; DOCTOR; et  DOCTEUR (numéros de série 912,999, 913,001, 907,423, 912,998 et 913,000);

ii)                  en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, le terme DOCTEUR et son abréviation habituelle et équivalent phonétique Dr, dans les deux langues officielles, sont devenus reconnus au Canada comme désignant le genre et la qualité des services fournis par les médecins et l’opposante. Pour cette raison, l’adoption et l’emploi de la marque sont interdits par l’article 10 de la Loi;

iii)                l’adoption et l’emploi de la marque par le requérant sont susceptibles d’induire en erreur (ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 2) et sont par conséquent interdits par l’article 10.

 

4.   La marque n’est pas distinctive, au motif qu’elle ne distingue ni ne peut distinguer les marchandises du requérant des marchandises et services des autres, dont ceux de l’opposante.

 

Le requérant a déposé et signifié une contre‑déclaration. En plus de nier les allégations de l’opposante, il y fait valoir ce qui suit : 

 

1.                       l’opposante n’est pas une autorité publique au sens de l’article 9 de la Loi et, quoi qu’il en soit, elle n’a pas le droit de demander ou d’obtenir des marques visées à l’article 9;

 

2.                       l’opposante n’a pas adopté ni employé les marques officielles qu’elle invoque avant sa demande de publication ou la publication de ses marques officielles.

 

L’opposante a déposé en preuve l’affidavit de Charlene Pries. Le requérant a obtenu une ordonnance aux fins de contre‑interroger Mme Pries, et la transcription de ce contre‑interrogatoire, ainsi que les pièces qui s’y rapportent, font partie du dossier.

 

À titre de preuve, le requérant a déposé l’affidavit de Ari Babaknia. Toutefois, cet « affidavit » est vicié en ce qu’il n’a pas été signé devant un commissaire à l’assermentation ou un notaire public. Je n’en tiendrai donc pas compte. [Voir la décision du commissaire Carrière rendue le 19 juin 2006 relativement à la demande no 1093341 pour MAGIC THE CHAMPION.]

 

Seule l’opposante a déposé des observations écrites. Une audience a été tenue, et les deux parties y ont pris part.

 

C’est au requérant qu’il incombe d’établir en droit, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. L’opposant a cependant la charge initiale de produire suffisamment d’éléments de preuve admissibles sur le fondement desquels l’on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. [Voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298.] 

 


Preuve de l’opposante

Mme Pries, une avocate, travaillait à titre contractuel pour l’opposante. Dans son affidavit, elle a fourni des copies de divers documents, à savoir la loi constitutive ainsi que les règlements administratifs de l’opposante, l’énoncé de mission de l’opposante, ainsi que sa vision et ses valeurs, des copies certifiées conformes des avis publiés concernant les marques officielles de l’opposante, les définitions lexicographiques de « médecin » et de « Dr », et certaines dispositions de la Loi sur les professions de la santé réglementées

 

Le contre‑interrogatoire a permis d’établir que l’opposante est une association bénévole, une association professionnelle et une organisation sans but lucratif. Mme Pries a été incapable de répondre aux questions suivantes, notamment : Peut‑on compter au sein du conseil ou des comités de l’opposante des représentants du gouvernement? Ce dernier exerce‑t‑il un contrôle quelconque à l’égard de l’opposante autre que par sa loi constituante? Effectue‑t‑il des vérifications à l’égard de l’opposante? Lui verse‑t‑il un financement? Exerce‑t‑il au quotidien une forme de contrôle ou intervient‑il à l’égard de l’opposante? Quelles sont les modalités que l’opposante doit respecter pour adopter ou obtenir une marque visée à l’article 9? L’opposante a‑t‑elle utilisé l’une de ses marques officielles avant que celles‑ci n’obtiennent le statut de marques officielles.

 

Mme Pries a admis que le public a l’habitude de l’utilisation du terme « docteur » par des groupes autres que celui de l’opposante (question 91).

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

La date pertinente aux fins de l’examen des circonstances relatives à la question du respect par le requérant des exigences énoncées à l’article 30 de la Loi est la date de dépôt de la demande. [Voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475.]

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30 i) doit être écarté puisque l’opposante n’a pas plaidé ni démontré que le requérant était au courant des faits qui, à son avis, viennent appuyer son motif. Quoi qu’il en soit, rien ne prouve que le requérant donne ou propose de donner des soins de santé à des particuliers en liaison avec la marque, condition essentielle pour conclure qu’il y a contravention à l’article 33 de la Loi sur les professions de la santé réglementées. De même, lorsqu’un requérant a fourni la déclaration requise par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cet alinéa ne sera accueilli que dans des cas exceptionnels, comme dans les cas où il y a une preuve de mauvaise foi de la part du requérant. [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155.]

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b)

La date pertinente pour ce qui est de l’alinéa 12(1)b) est la date de dépôt de la demande. [Voir Shell Canada Limited c. P.T. Sari Incofood Corporation (2005), 41 C.P.R. (4th) 250 (C.F. 1re inst.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.).]

 

La question de savoir si la marque du requérant donne une description claire doit être examinée du point de vue de l’acheteur moyen de ces marchandises. En outre, l’on ne peut disséquer la marque pour obtenir les éléments qui la composent et l’analyser ensuite soigneusement; il faut plutôt l’examiner dans son intégralité pour en dégager l’impression immédiate. [Voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25, p. 27 et 28; Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183, p. 186.] On entend par la nature d’une marque un attribut, un aspect ou une caractéristique des marchandises, tandis que « claire » signifie « facile à comprendre, qui va de soi, ordinaire ». [Voir Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29, p. 34.]

 

Le requérant soutient qu’il n’y a aucune preuve qu’en voyant la marque DRSOY.COM, le public qui consomme les marchandises prononcerait celle‑ci « doctor soy dot com ». Il soutient que le morphème « drsoy » pourrait être un mot inventé ou pourrait être prononcé avec référence à d’autres sens de l’abréviation « dr » », à savoir notamment, dans la langue anglaise, « drive », « debtor » et « dram ». Bien qu’il n’y ait aucune preuve portant sur la prononciation probable, je crois pouvoir conclure qu’un nombre raisonnable d’acheteurs de « suppléments nutritionnels et hormonaux » verraient dans la première partie de la marque l’équivalent de « docteur », étant donné que les marchandises comportent un aspect lié à la santé. [Voir Mitel Corp. c. Registraire des marques de commerce (1984), 79 CPR (2d) 202 (C.F. 1re inst.), p. 208.]

 

Peu importe la manière dont la marque pourrait être prononcée, j’arrive à la conclusion qu’il va de soi que, dans son intégralité, cette marque ne donne pas une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises, ni des personnes qui les produisent. L’opposante a établi un lien entre la présente affaire et l’affaire Association of Professional Engineers of Ontario c. Parametric Technology Corp. (1995), 60 C.P.R. (3d) 269 (C.O.M.C.). Plus particulièrement, elle m’a renvoyée à la page 275 de cette décision, où l’on a statué que la marque PRO/ENGINEER soit donnait une description claire, soit donnait une description fausse et trompeuse du logiciel, car les consommateurs pourraient supposer que des ingénieurs de profession avaient participé à sa production. Cette affaire se distingue nettement de la présente affaire puisque, dans le cas qui nous occupe, le renvoi potentiel à la profession médicale n’existe pas de lui‑même; il est lié à d’autres mots, ce qui écarte tout doute et indique que la marque, dans son entièreté, donne une description claire des personnes qui produisent les marchandises. En d’autres termes, l’argument de l’opposante aurait été plus convaincant si le requérant avait présenté sa demande à l’égard simplement de « DR », plutôt que de « DRSOY.COM ».

 

J’en arrive à la question de savoir si la marque donne une description fausse et trompeuse. Dans l’affaire Canadian Council of Professional Engineers c. John Brooks Co. (2004), 35 C.P.R. (4th) 507 (C.F. 1re inst.), p. 514, le juge O’Reilly a déclaré ceci :

Lorsqu'une partie d'une marque de commerce proposée est contestable, il convient de se demander s'il demeure possible d'enregistrer la totalité de la marque. Dans la présente affaire, étant donné que JBCL ne peut enregistrer les mots « Spray Engineering », peut-elle enregistrer « Brooks Brooks Spray Engineering »? La réponse dépend de la question de savoir si la partie contestable de la marque de commerce proposée constitue un élément important de l'ensemble et fait de celui-ci une marque qui donne une description fausse et trompeuse. Les parties ne s'entendaient pas sur la question de savoir si la partie contestable de la marque de commerce doit constituer l'élément dominant de celle-ci ou simplement l'une des caractéristiques dominantes. D'après la jurisprudence, le critère applicable est la question de savoir si les mots donnant une description fausse et trompeuse [TRADUCTION] « dominent la marque de commerce visée par la demande au point [...] de faire obstacle à l'enregistrement de celle-ci ... » Chocosuisse Union des Fabricants -- Suisses de Chocolate c. Hiram Walker & Sons Ltd., (1983), 77 C.P.R. (2d) 246 (C.O.M.C.), citant Lake Ontario Cement Ltd. c. Registrar of Trade Marks (1976), 31 C.P.R. (2d) 103. (C.F. 1re inst.).

 

Dans la présente affaire, la question est celle de savoir si « dr » donne une description fausse et trompeuse des marchandises et, dans l’affirmative, si « dr » domine la marque au point de faire obstacle à l’enregistrement de celle‑ci. 

 

En soi, « DR » donnerait une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des suppléments nutritionnels et hormonaux ou des personnes qui les produisent si le public en général estimait que les suppléments sont de la nature ou de la qualité de ceux que des médecins emploieraient, ou qu’un médecin a participé à leur production, et que ce n’était pas le cas dans les faits. Il n’y a aucune preuve à l’appui de ces deux conclusions nécessaires. Au contraire, ainsi que le représentant de l’opposante l’a souligné dans un contexte différent, le propriétaire de la marque est identifié comme étant un M.D., ce qui donne à penser qu’un médecin est d’une certaine manière effectivement associé aux marchandises. Je conclus par conséquent que « DR » ne paraît pas donner une description fausse et trompeuse dans la présente affaire. Étant donné cette conclusion, je n’ai pas à répondre à la question de savoir si « DR » domine la marque au point de faire obstacle à l’enregistrement de celle‑ci.

 

Motif d’opposition fondé sur le sous-alinéa 9(1)n)(iii)

Dans l’affaire WWF-World Wide Fund for Nature c. 615334 Alberta Limited (2000), 6 C.P.R. (4th) 247 (C.O.M.C.), p. 253, le commissaire Martin a analysé dans les termes suivants le critère qui doit être appliqué aux termes du sous‑alinéa 9(1)n)(iii) en renvoyant aux décisions judiciaires rendues dans les affaires Association des grandes soeurs de l’Ontario c. Grands frères du Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (C.A.F.); conf. (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.) :

   Ainsi que le prévoit le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, le critère à appliquer est celui de savoir si la marque du requérant est composée de la marque officielle ou de savoir si la ressemblance de la marque du requérant avec la marque officielle est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec cette dernière. En d'autres mots, la marque du requérant est-elle identique ou presque identique à l'une ou l'autre des marques officielles de l'opposant? Voir la page 217 de la décision rendue en première instance dans l'affaire Big Sisters, susmentionnée. Aux pages 218 et 219 de la décision rendue en première instance, le juge Gibson a confirmé que, pour se prononcer sur la ressemblance entre les marques en litige, il y a peut-être lieu de tenir compte des facteurs énoncés à l'alinéa 6(5)e) de la Loi. En outre, à la page 218, le juge Gibson a indiqué que le critère devait être appliqué au titre de la première impression et du souvenir imparfait : voir également les pages 8 et 9 de la décision non publiée de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Association olympique canadienne c. Techniquip Limited (no de greffe A-266-98; 10 novembre 1999).

 

Dans la présente affaire, la marque de l’opposante n’est identique à aucune des marques officielles de l’opposante. En outre, bien que DRSOY.COM inclue la marque officielle de l’opposante, « DR », j’arrive à la conclusion que la marque du requérant, vue dans son ensemble, ressemble peu, dans la présentation ou le son ou dans l’idée qu’elle suggère, à la marque officielle « DR », ou à l’une ou l’autre des marques officielles de l’opposante. En conséquence, la marque du requérant n’est pas presque identique à l’une ou l’autre des marques officielles de l’opposante, et ce motif d’opposition doit être écarté.

 

Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, dans sa contre‑déclaration, le requérant conteste le statut de l’opposante à titre d’autorité publique, ainsi que l’emploi ou l’adoption allégués de ses marques officielles avant leur publication. Le représentant du requérant en a rajouté à l’audience, faisant valoir que le contre‑interrogatoire de Mme Pries lui a permis de s’acquitter de la charge dont le requérant pourrait devoir s’acquitter pour forcer l’opposante à produire une preuve visant à établir son statut ainsi que l’emploi ou l’adoption.

 

Dans l’affaire Canadian Council of Professional Engineers c. John Brooks Company Limited (2001), 21 C.P.R. (4th) 397, le commissaire Martin a résumé dans les termes suivants certains aspects relatifs aux motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 12(1)e), aux pages 406 à 408 :

[traduction] La date pertinente aux fins d’examiner les circonstances qui se rapportent au quatrième motif d’opposition est la date de ma décision : voir les décisions Allied Corporation c. Association olympique canadienne (1989), 28 C.P.R.(3d) 161 (C.A.F.), et Olympus Optical Company Limited c. Association olympique canadienne (1991), 38 C.P.R.(3d) 1 (C.A.F.). En outre, l’opposante n’est pas tenue de faire la preuve de l’emploi et de l’adoption des marques officielles qu’elle invoque, à tout le moins pas en l’absence d’une preuve indiquant que les marques n’ont pas été utilisées : voir page 166 de la décision Allied.  La requérante a fait valoir que la décision rendue en première instance dans l’affaire Techniquip Limited c. Association olympique canadienne (1999), 3 C.P.R.(4th) 298 (C.A.F.); conf. (1998), 80 C.P.R. (3d) 225, p. 233 (C.F. 1re inst.), permet de soutenir que soulever simplement la question de la non‑adoption et du non‑emploi possibles des marques officielles invoquées suffit pour forcer l’opposante à faire la preuve de l’emploi de ces marques. Je ne suis pas d’accord. La décision rendue en première instance dans l’affaire Techniquip est à mon avis contraire à la décision rendue dans l’affaire Allied. Dans la mesure où cela est possible, la décision rendue dans l’affaire Allied doit l’emporter, puisqu’il s’agit d’une décision de la Cour d’appel fédérale. 

 

Enfin, si la requérante est en mesure de jeter un doute sur la question de savoir si le propriétaire d’une marque officielle est une autorité publique, l’opposante peut être tenue de faire la preuve de cette qualité avant de pouvoir invoquer la marque officielle en question : voir la page 216 de la décision rendue en première instance dans les affaires Association des grandes soeurs de l’Ontario c. Grands frères du Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (C.A.F.); conf. (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.), et Heritage Canada Foundation c. New England Business Service, Inc. (1997), 78 C.P.R. (3d) 531, p. 536 et 538 (C.O.M.C.).

 

[nous soulignons]

 

La question de savoir si la validité des marques officielles de l’opposante peut être invoquée dans le cadre de la présente instance soulève des doutes étant donné la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Bacardi & Co. c. Havana Club Holding S.A. (2004), 32 C.P.R. (4th) 306, qui a confirmé que le registraire n’a pas le pouvoir de modifier le registre par radiation de l’enregistrement d’une marque de commerce dans le cadre d’une instance en opposition. Toutefois, ce n’est pas exactement le cas en l’espèce. Le requérant ne me demande pas de radier les marques officielles de l’opposante, il me demande de ne leur donner aucun poids. Je ne sais trop comment concilier la jurisprudence, selon laquelle, clairement, la validité des enregistrements d’une opposante n’est pas en cause dans le cadre d’une instance en opposition, et les commentaires tirés de l’affaire Canadian Council of Professional Engineers, que nous avons soulignés. Toutefois, je n’ai pas à trancher cette question, car l’issue de la présente instance demeure la même, peu importe que je traite ou non les marques officielles de l’opposante comme étant valides.

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 10

Pour s’acquitter de la charge initiale de la preuve qui lui incombe en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 10, l’opposante devait produire une preuve visant à établir qu’en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, le terme « DOCTOR » et son abréviation « DR. » sont devenus reconnus au Canada comme désignant le genre et la qualité des services fournis par les médecins en titre et l’opposante. Je ne puis dire avec certitude de quels services l’opposante parle. Quoi qu’il en soit, le requérant n’a adopté ni « DOCTOR » ni « DR. » comme marque, et « DRSOY.COM » ne ressemble pas à DOCTOR ni à DR à un point tel qu’on puisse vraisemblablement la confondre avec l’une ou l’autre, ainsi que le requiert l’article 10. En conséquence, la marque ne contrevient pas à l’article 10 de la Loi.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

La date pertinente en ce qui concerne l’absence de caractère distinctif est la date de dépôt de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.), p. 324].

 

Bien que le requérant soit tenu en droit d’établir que la marque est adaptée de manière à distinguer ou distingue effectivement ses marchandises de celles des autres partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], l’opposante a la charge initiale d’établir les faits invoqués à l’appui du motif d’absence de caractère distinctif. Elle n’est pas tenue de démontrer que ses marques sont bien connues au Canada ou qu’elle les y a fait connaître par les seuls moyens énoncés à l’article 5 de la Loi pour s’acquitter de cette charge de la preuve. L’opposante doit simplement établir que ses marques sont « connues au moins jusqu’à un certain point ». [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.), p. 58].

 

J’en arrive à la conclusion que l’opposante ne s’est pas acquittée de sa charge initiale. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

 

Même si l’opposante avait établi que les marques « DOCTOR » ou « DR » sont devenues connues jusqu’à un certain point, cela ne changerait rien à la décision relative à ce motif, puisque la marque se distingue suffisamment tant de « DOCTOR » que de « DR ».

 

Dispositif

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 14 MARS 2007.

 

 

 

 

Jill W. Bradbury

Commissaire

Commission de l’opposition des marques de commerce

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