Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 277

Date de la décision : 2014-12-15

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45, engagée à la demande de Shift Law, visant l'enregistrement no LMC592,397 de la marque de commerce BROADVIEW au nom de Jefferies Group, Inc.

[1]               Le 31 octobre 2012, à la demande de Shift Law (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Jefferies Group, Inc., la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC592,397 de la marque de commerce BROADVIEW (la Marque).

[2]               Un changement de nom porté au registre le 6 juin 2013, de sorte que l'enregistrement en cause est actuellement inscrit au nom de Jefferies Group LLC (la Propriétaire).

[3]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les services suivants :

[traduction]
Fourniture de services financiers, de fusion et d’acquisition à des tiers ayant trait aux industries de la technologie de l’information, des communications et des médias, et formation, exploitation et gestion de sociétés d’investissement dans de telles industries

[4]               L'article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l'égard de chacun des services spécifiés dans l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, qu'il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l'espèce, la période pertinente au cours de laquelle l'emploi doit être établi s'étend du 31 octobre 2009 au 31 octobre 2012.

[5]               La définition d'« emploi » en liaison avec des services est énoncée à l'article 4(2) de la Loi :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

[6]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des services spécifiés dans l'enregistrement au cours de la période pertinente.

[7]               En réponse à l'avis en vertu de l'article 45, la Propriétaire a produit l'affidavit de Michael J. Sharp, avocat général de la Propriétaire, souscrit le 30 mai 2013. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; la tenue d'une audience n'a pas été sollicitée.

[8]               Dans son affidavit, M. Sharp décrit la Propriétaire comme une banque d'investissement de classe mondiale qui fournit des services bancaires ainsi que des services de vente, de transaction, de recherche et de stratégie dans les secteurs des titres participatifs, des instruments à taux fixe, des devises, des contrats à terme et des marchandises.

[9]               Il atteste que la Propriétaire a employé la Marque au Canada pendant la période pertinente en liaison avec les services spécifiés dans l'enregistrement, par l'entremise du groupe bancaire d'investissement en technologie, Broadview. À cet égard, il affirme que les services spécifiés dans l'enregistrement étaient annoncés et mis en valeur sur les sites Web de la Propriétaire, jefferies.com et broadview.com. Bien qu'il n'ait fourni aucune capture d'écran tirée de ces sites Web, il affirme que la Marque a été affichée de façon continue sur ces sites Web pendant la période pertinente.

[10]           Pour étayer son allégation d'emploi, M. Sharp a joint deux pièces à son affidavit. La pièce A est constituée de quatre [traduction] « fiches de renseignements » qui, atteste M. Sharp, peuvent être consultées sur les sites Web susmentionnés. Bien que M. Sharp n'indique pas clairement la date de production de chacune de ces fiches ni si les fiches de renseignements pouvaient être consultées pendant la période pertinente, il affirme que les fiches de renseignements [traduction] sont représentatives de la façon dont la Marque de commerce est et a été employée au Canada par Jefferies pendant la Période pertinente ».

[11]           Les deux premières fiches de renseignements, respectivement intitulées « Jefferies’ Broadview Technology Group » [Le Groupe Technologie Broadview de Jefferies] et « Jefferies. The Global Investment Banking Firm » [Jefferies. La banque d'investissement mondiale] renvoient à des dates postérieures à la période pertinente. Les dates qui sont mentionnées dans la troisième fiche, « Jefferies Broadview Technology Group » [Le Groupe Technologie Broadview de Jefferies], sont, quant à elles, toutes antérieures à la période pertinente. La seule date qui figure dans la quatrième fiche, « About Jefferies » [À propos de Jefferies], est « 10/2009 », ce qui, en principe, correspond au début de la période pertinente.

[12]           La pièce B est constituée de deux articles publiés dans des magazines Web de tiers qui, atteste M. Sharp, [traduction] « étaient accessibles au Canada pendant la période pertinente ». Il explique que ces articles [traduction] « décrivent ou mentionnent les services BROADVIEW de Jefferies ». Je souligne cependant que, si le premier article semble avoir été publié en novembre 2012, le second, lui, est daté du 19 décembre 2003. Qui plus est, aucun de ces articles ne fait mention de services offerts ou exécutés au Canada.

Analyse

[13]           En règle générale, le simple fait que des services soient annoncés au Canada n'est pas, en soi, suffisant pour établir l'emploi; il est essentiel que les services soient accessibles au Canada et puissent y être exécutés [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)].

[14]           En l'espèce, la Propriétaire n'a fourni aucune preuve que les services ont bel et bien été exécutés au Canada. En effet, bien qu'il affirme que les services [traduction] « étaient fournis au Canada pendant la période pertinente par le groupe bancaire d'investissement en technologie de Jefferies, Broadview », M. Sharp ne fournit aucun détail à cet égard. Aucun renseignement n'est fourni quant à la façon dont les services auraient été exécutés au Canada, ou quant à la façon dont le groupe Broadview de la Propriétaire aurait interagi avec des clients canadiens. Même si des Canadiens ont pu consulter le site Web de la Propriétaire, le fait est qu'il n'y a aucune indication à savoir comment ces Canadiens se seraient prévalus des services de la Propriétaire.

[15]           Comme l'a souligné la Partie requérante, la preuve de la Propriétaire est caractérisée par une absence flagrante de références au Canada; le Canada n'est mentionné nulle part, ni dans la description des endroits où le groupe Broadview mène des activités ni dans les « fiches de renseignements », pas même dans les articles parus dans les publications de tiers.

[16]           Par conséquent, je considère que la déclaration de M. Sharp n'est qu'une simple allégation et que son affidavit est dépourvu de tout fait saillant qui aurait pu me permettre d'inférer que les services de la Propriétaire ont déjà été accessibles au Canada et prêts à y être exécutés.

[17]           Même si j'inférais que les services de la Propriétaire étaient, au minimum, accessibles aux clients canadiens pendant la période pertinente, je considérerais tout de même que la preuve n'est pas suffisante pour établir que les services spécifiés dans l'enregistrement ont été annoncés au Canada pendant la période pertinente en liaison avec la Marque telle qu'elle est enregistrée.

[18]           À cet égard, étant donné que les articles fournis comme pièce B ont été publiés par des tiers, la Propriétaire ne peut invoquer ces articles comme preuve de l'emploi de la Marque aux fins de la présente procédure. Tout au plus, ces articles de tiers peuvent-ils servir à corroborer d'autres éléments de preuve fournis. Étant donné que les déclarations de M. Sharp ne sont ni plus ni moins que des allégations d'emploi de la Marque au Canada, la question qui se pose quant à la preuve est celle de savoir si les fiches de renseignements affichées sur le site Web qui ont été produites comme pièce A constituent une preuve de l'annonce des services spécifiés dans l'enregistrement en liaison avec la Marque.

[19]           Or, les fiches de renseignements produites comme pièce A présentent plusieurs lacunes.

[20]           Premièrement, il n'y a aucune preuve que les sites Web de la Propriétaire – et, en particulier, les fiches de renseignements – ont été consultés par des Canadiens pendant la période pertinente.

[21]           Deuxièmement, même en admettant que des Canadiens aient pu consulter les sites Web, comme je l'ai souligné précédemment, il n'y a rien dans ces fiches qui indique que les services étaient destinés ou accessibles à des clients se trouvant au Canada.

[22]           Troisièmement, je ne suis pas convaincu que les fiches de renseignements montrent la Marque telle qu'elle est enregistrée. Comme je l'ai mentionné précédemment, seule la quatrième fiche de renseignements comporte une date théoriquement comprise dans la période pertinente. Après examen de cette fiche, il appert que la seule mention de « Broadview » dans cette fiche se trouve dans le pied de page où sont indiqués le nom et l'adresse de la Propriétaire, « Jefferies Broadview ». En outre, le logo de Jefferies figure bien en vue dans le coin supérieur droit de la fiche et le texte de la fiche décrit les services de la Propriétaire en liaison avec diverses entités « Jefferies », mais la Marque n'est nulle part mentionnée.

[23]           Même si je considérais que la fiche de renseignements constitue une annonce des services spécifiés dans l'enregistrement, il n'en resterait pas moins qu'à mon sens, l'emploi de « Jefferies Broadview » ne constitue pas un emploi de la Marque telle qu'elle est enregistrée. À cet égard, j'applique les principes établis par la Cour d'appel fédérale [dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie International pour linformatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF) et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)], et j'estime que l'ajout du mot JEFFERIES n'engendre pas qu'une différence mineure. En l'espèce, le mot JEFFERIES forme la première partie de la marque de commerce qui est employée et en constitue, à ce titre, l'élément dominant; en comparaison, la Marque, telle qu'elle est enregistrée, est formée uniquement du mot BROADVIEW.

[24]           Étant donné que cet emploi du mot « Broadview » ne constitue pas un emploi de la Marque telle qu'elle est enregistrée, il m'est impossible de tirer une inférence favorable à la Propriétaire de l'allégation de M. Sharp selon laquelle les fiches de renseignements sont [traduction] « représentatives » de la façon dont la Marque était employée par la Propriétaire au Canada pendant la période pertinente. Bien que M. Sharp fasse allusion à des clients au Canada, on ne sait pas si la fourniture de services à ces clients aurait eu lieu en liaison avec la Marque telle qu'elle est enregistrée. En effet, comme je l'ai indiqué précédemment, il n'apparaît pas clairement que la Propriétaire a déjà eu des clients au Canada.

[25]           Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les services spécifiés dans l'enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Qui plus est, la Propriétaire n'a produit aucune preuve de l'existence de circonstances spéciales qui justifieraient un tel défaut d'emploi.

Décision

[26]           En conséquence, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

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