Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2012 COMC 49

Date de la décision : 2012-03-21

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par PEI Licensing Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1270981 pour la marque de commerce CLUB PENGUIN au nom de Disney Online Studios Canada Inc.

Dossier

[1]        Le 6 septembre 2005, New Horizon Production Ltd. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce CLUB PENGUIN, fondée sur un emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec :

marchandises

vêtement, nommément tee-shirts, pulls d’entraînement, et vestes; figurines d’action jouets et accessoires connexes; affiches; cartes à jouer; autocollants.

 

services

services de divertissement, nommément fourniture de jeux d’ordinateur en ligne, excluant les services de publication de livre.

 

Le droit à l’usage exclusif du mot PENGUIN en dehors de la marque de commerce a fait l’objet d’un désistement. À la suite d’une cession, d’une fusion et d’un changement de nom, la demande est maintenant présentée au nom de Disney Online Studios Canada Inc.

[2]        La demande en question a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 14 juin 2006 et a fait l’objet d’une opposition de la part de PEI Licensing, Inc., le 14 août 2006. Le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 6 septembre 2006, tel que l’exige le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. La requérante a répondu en produisant et signifiant une contre-déclaration dans laquelle elle niait, d’une façon générale, les allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

[3]        La preuve de l’opposante est constituée de l’affidavit de Maria Folyk-Kushneir et de copies certifiées de ses enregistrements de marque de commerce pour les marques comprenant l’élément nominal PENGUIN et/ou la représentation graphique d’un pingouin. La preuve de la requérante consiste dans les affidavits d’Elenita Anastacio et de Marsha L. Reed. Seule la requérante a présenté un plaidoyer écrit, mais les parties ont toutes les deux été fort bien représentées à l’audience tenue le 1er mars 2012.

 

Déclaration d’opposition

[4]        L’opposante soutient qu’elle est propriétaire d’une série de demandes et d’enregistrements de marque de commerce, pour emploi en liaison avec des vêtements et des accessoires, comprenant l’élément nominal PENGUIN ou la représentation graphique d’un pingouin. Quatre enregistrements représentatifs sont reproduits ci‑dessous :

              

 

 

                                            

 

 

 

 

 

 

 

[5]        Les motifs d’opposition sont fondés sur les allégations suivantes :

            1.  La marque visée par la demande n’est pas enregistrable, en raison de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, étant donné que la marque visée par la demande CLUB PENGUIN crée de la confusion avec les marques déposées de l’opposante.

            2.  La requérante n’est pas admise à l’enregistrement de la marque visée par la demande CLUB PENGUIN, aux termes du paragraphe 16(3) de la Loi, parce qu’à la date de la production de la demande, la marque visée par la demande créait de la confusion avec les marques de l’opposante qui avaient été antérieurement employées au Canada et avec les marques de commerce de l’opposante à l’égard desquelles l’opposante avait produit auparavant des demandes d’enregistrement.

            3.  La marque visée par la demande CLUB PENGUIN n’est pas distinctive des marchandises et services de la requérante, compte tenu de l’emploi que fait l’opposante de ses marques.

            4.  La demande en question ne respecte pas l’alinéa 30i), étant donné que la requérante n’a pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque CLUB PENGUIN en raison de l’emploi antérieur qu’avait fait l’opposante de ses marques.

 

Je fais remarquer que le quatrième motif d’opposition n’est pas suffisamment étayé, étant donné que l’opposante n’a pas allégué qu’il y avait eu fraude de la part de la requérante ou qu’une disposition législative fédérale précise interdisait l’enregistrement de la marque visée par la demande : voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155 et Société canadienne des postes c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221. Par conséquent, le quatrième motif est rejeté dès le départ.

 

Preuve de l’opposante

Maria Folyk-Kushneir

a)  Généralités

[6]        Maria Folyk-Kushneir se présente comme étant la VP du service des licences de la société opposante. L’opposante est une filiale à 100 p. 100 de Perry Ellis International, Inc., une grande société de conception et de distribution de vêtements et accessoires pour hommes et pour femmes. Perry Ellis International, alors qu’elle exerçait ses activités sous son ancien nom Supreme International Corporation, a acquis de la société Munsingwear, Inc. les marques PENGUIN mentionnées dans la déclaration d’opposition, en 1996. En 2003, Perry Ellis International a cédé les droits relatifs à son portefeuille canadien et américain de marques nominales à l’opposante, y compris les marques nominales PENGUIN et MUNSINGWEAR.

[7]        Le logo PENGUIN a été utilisé au départ sur des chemises de golf vers 1955. Au cours des années 1970, il a été utilisé en liaison avec une gamme complète de vêtements de sport pour hommes, femmes et enfants. La marque PENGUIN a été relancée aux États-Unis sous le nom ORIGINAL PENGUIN en 2004, environ au moment de l’ouverture d’une boutique ORIGINAL PENGUIN à New York. La marque a été étendue à des accessoires comme les chaussures, les lunettes et les montres. Les ventes des vêtements et accessoires portant la marque ORIGINAL PENGUIN sont passées de 1,7 million de dollars US en 2004 à environ 36 millions de dollars US en 2007.

 

b)  Le contexte canadien

[8]        L’opposante est la propriétaire enregistrée d’un grand nombre d’enregistrements de marque de commerce et de demandes d’enregistrement de marques qui comprennent le mot PENGUIN ou une représentation d’un pingouin (le logo « PENGUIN »), désignés ensemble comme les marques PENGUIN. Les vêtements sur lesquels figurent les marques PENGUIN sont fabriqués et vendus au Canada en vertu d’une licence accordée par l’opposante ou son prédécesseur en titre depuis au moins 1959. Mme Folyk-Kushneir se fonde sur les documents d’archives de la société (joints à titre de pièce K à son affidavit) pour déclarer qu’entre 1959 et 1996, des vêtements portant le logo PENGUIN ont été fabriqués et vendus au Canada par Stanfield’s Limited aux termes d’un permis accordé par Munsingwear. La valeur au détail de ses ventes au Canada s’est élevée à près de 36 millions de dollars entre 1971 et 1987. Les documents « d’archives » mentionnés par Mme Folyk-Kushneir consistent en un affidavit daté du 3 mars 1989 souscrit par Aubrey Hughes, qui était le vice-président de la commercialisation de Stranfield’s Limited. Cet affidavit a été produit dans le cadre d’une autre demande d’opposition. L’avocat de la requérante s’est opposé à cette partie du témoignage de Mme Folyk‑Kushneir, qualifiant cet élément d’inadmissible parce qu’il constitue du ouï-dire, tandis que l’avocat de l’opposante a soutenu qu’il était admissible parce qu’il était nécessaire et fiable. Je suis enclin à souscrire à l’argument de l’opposante et j’ai donc accordé une certaine force probante à la preuve historique fournie par Mme Folyk‑Kushneir.

[9]        Stanfield a continué à vendre des vêtements portant le logo PENGUIN, aux termes d’une licence, de 1996 (au moment où Perry Ellis International a acquis le logo PENGUIN) jusqu’en 2003, époque à laquelle la valeur au détail de ces ventes au Canada s’élevait à près de 24 millions de dollars. Au milieu de l’année 2003, l’opposante a accordé une licence à Jaytex of Canada Limited en qualité de distributeur exclusif pour l’importation, la distribution, la commercialisation et la vente des vêtements de marque ORIGINAL PENGUIN au Canada. Les vêtements que Jaytex vend au Canada portent des étiquettes et des étiquettes volantes sur lesquelles figure le logo PENGUIN, ou des variations, ainsi que le mot PENGUIN comme l’indiquent les pièces L et M de l’affidavit de Mme Folyk-Kushneir. Trois exemples représentatifs tirés de la pièce M sont reproduits ci-dessous :

 

 

 

Un bon nombre des vêtements mis en vente portent également le logo PENGUIN sur la face externe du vêtement. Les vêtements de marque ORIGINAL PENGUIN sont distribués à plus de 200 clients au Canada, y compris à des magasins comme Athlete’s World, Baie d’Hudson et Urban Outfitters. Les ventes canadiennes de ces vêtements se sont élevées en moyenne à 2,2 millions de dollars par an pendant les trois années, 2004, 2005 et 2006.

[10]      La marque ORIGINAL PENGUIN a fait l’objet de publicité et de promotion au moyen d’annonces dans les journaux, d’événements médiatiques, de défilés de mode et de parrainages depuis 2003. Les dépenses annuelles de publicité et de promotion sont passées de 38 000 $ en 2007 à 112 000 $ en 2004.

 

[11]      À l’audience, l’avocat de la requérante a critiqué l’affidavit de Mme Folyk‑Kushneir parce qu’il n’était pas complet et ne fournissait pas beaucoup de détails. Je reconnais que son témoignage aurait pu être plus approfondi et détaillé, mais après avoir examiné l’ensemble de ce témoignage et des documents joints à titre de pièces, je n’ai aucune raison de mettre en doute la crédibilité de cet élément de preuve.

 

La preuve de la requérante

Marsha L. Reed

[12]      Mme Reed, de Burbank, en Californie, se présente comme une cadre supérieure de The Walt Disney Company. Elle explique que le CLUB PENGUIN est un monde virtuel où les enfants peuvent jouer à des jeux en ligne et interagir. Le CLUB PENGUIN a été ouvert pour être utilisé en ligne en octobre 2005 et s’adresse aux enfants de 6 à 14 ans. Le site Web a pour but de les informer et de les distraire. Mme Reed déclare qu’en août 2007 [traduction] « le Club Penguin [un prédécesseur de la requérante peut-on penser] s’est joint à Walt Disney Company afin d’offrir un accès plus large à des ressources et à des possibilités de développement ». Le siège de la requérante est situé à Kelowna, en Colombie-Britannique. Les clients peuvent adhérer au CLUB PENGUIN sur le site Web ou dans des points de vente au détail au Canada. L’utilisation de la marque CLUB PENGUIN par la requérante s’effectue principalement par le site Web, mais [traduction] « il y a d’autres produits de marchandisage portant la marque qui ont été vendus au Canada ». Il s’agit de vêtements, à savoir des bonnets, des casquettes, des chandails molletonnés que l’on peut acheter sur le site Web et qui sont expédiés au Canada. Il y a d’autres produits de marchandisage destinés aux enfants, notamment des figurines de pingouin, des jeux de cartes, des jeux de société et des jouets en peluche qu’il est possible de se procurer dans les magasins TOYS “R” US au Canada. La marque CLUB PENGUIN de la requérante figure sur les étiquettes et les étiquettes volantes apposées sur les produits de marchandisage. En 2008, les revenus canadiens provenant du site Web CLUB PENGUIN s’élevaient à environ cinq millions de dollars, ce qui représentait environ 10 % des revenus totaux générés par le site Web dans le monde entier. Les revenus gagnés au Canada s’élevaient à environ 567 000 $ en 2009. Les revenus prévus pour le Canada pour l’année 2009 concernant les produits de marchandisage s’élèvent à environ 200 000 $.

[13]      Il est difficile de savoir exactement quels liens unissent Mme Reed et la société requérante, mais en l’absence de contre-interrogatoire et d’opposition de la part de l’opposante au sujet de la capacité de Mme Reed à témoigner pour le compte de la requérante, j’ai accordé pleine valeur à son témoignage.

 

Elenita Anastacio

[14]      Mme Anastacio s’est présentée comme une recherchiste en marques de commerce à l’emploi de la firme qui représente la requérante. Mme Anastacio a effectué une recherche dans le registre des marques de commerce en vue de trouver [traduction] « toutes les demandes et enregistrements de marque de commerce actifs composés du mot "PENGUIN" ou contenant ce mot et toute autre variation dans l’orthographe du mot, sans aucune restriction pour ce qui est des catégories de produits et de marchandises ».

[15]      Elle a retracé 136 marques, la plupart étant des marques déposées. Les données relatives aux demandes et aux enregistrements sont présentées en liasse à titre de pièce A jointe à son affidavit. La pièce A contient 310 pages. Il me paraît quelque peu difficile d’apprécier la valeur probante du témoignage de Mme Anastacio, étant donné que les résultats de sa recherche n’ont pas été présentés de façon à en faire ressortir toute l’importance.

 

Le fardeau de persuasion et le fardeau de la preuve

[16]      Il incombe à la requérante de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce qu’affirme l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Cela signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive une fois l’ensemble de la preuve produite, il faut rendre une décision défavorable à la requérante. Il incombe toutefois à l’opposante, conformément aux règles de preuve habituelles, de prouver les faits invoqués au soutien des allégations formulées dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, p. 298 (C.F. 1re inst.). Ce fardeau de preuve de l’opposante, relativement à une question donnée, signifie que, pour que cette question soit examinée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de la question.

 

La principale question en litige et les dates pertinentes

[17]      La principale question en litige en l’espèce est celle de savoir si la marque CLUB PENGUIN qui fait l’objet d’une demande crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques PENGUIN de l’opposante. Il incombe à la requérante de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, reproduit ci-dessous, entre la marque visée par la demande et les marques de l’opposante :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées […] ou que les services liés à ces marques sont […] exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[18]      Le paragraphe 6(2) ne porte donc pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la confusion entre les marchandises ou les services d’une source et ceux d’une autre source. En l’espèce, la question que pose le paragraphe 6(2) est de savoir s’il est possible que les marchandises et les services de la requérante vendus sous la marque CLUB PENGUIN soient en fait des produits provenant de l’opposante, ou encore des produits commandités ou approuvés par celle‑ci.

[19]      Les dates pertinentes pour l’examen de la question de la confusion sont (i) la date de la décision, pour ce qui est du premier motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité; (ii) la date de la production de la demande, en l’occurrence le 6 septembre 2005, pour ce qui est du deuxième motif d’opposition qui allègue l’inadmissibilité; et (iii) la date de la production de la déclaration d’opposition, en l’occurrence le 14 août 2006, pour ce qui est du motif d’opposition alléguant l’absence de caractère distinctif : pour un examen de la jurisprudence relative aux dates pertinentes dans les instances d’opposition, voir American Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités/ Canadian Retired Persons (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, p. 206 à 209 (C.F. 1re inst.).

 

Le test en matière de confusion

[20]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération, lorsqu’il s’agit de déterminer si deux marques créent de la confusion, sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles qui sont expressément mentionnées aux alinéas 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive : tous les critères pertinents doivent être pris en considération. En outre, tous les critères n’ont pas nécessairement un poids égal; le poids à donner à chacun d’eux varie selon les circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.). Toutefois, comme l’a souligné le juge Rothstein dans l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.), il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le critère susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5).

 

Examen des facteurs énumérés au paragraphe 6(5)

[21]      Les marques de l’opposante ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent très fort, étant donné que les éléments dominants des marques sont le mot PENGUIN ou une représentation graphique d’un pingouin, comme on peut le voir aux paragraphes 4 et 9 ci-dessus. De la même façon, la marque CLUB PENGUIN qui fait l’objet de la demande ne possède pas un caractère distinctif inhérent très fort, parce qu’elle est composée de deux mots courants. Les marques des parties possèdent néanmoins un certain caractère distinctif, étant donné l’absence de lien entre les marchandises et les services des parties et un animal, le pingouin.

 

[22]      À l’audience, l’avocat de la requérante a attiré mon attention sur 12 marques (qui appartenaient à neuf propriétaires différents) mentionnées dans l’affidavit de Mme Anastacio qui sont composées d’une représentation graphique d’un pingouin et/ou du mot PENGUIN, pour emploi en liaison avec des vêtements (ou des marchandises étroitement liées aux vêtements). Néanmoins, après avoir examiné ces marques, j’ai constaté que 10 d’entre elles comportent la représentation d’un pingouin qui ne ressemble guère visuellement au logo PENGUIN de la requérante. La preuve n’est donc pas suffisante pour établir que des marques semblables au logo PENGUIN de l’opposante, ou des marques contenant le mot PENGUIN, sont courantes dans le secteur du vêtement.

[23]      La preuve présentée par l’opposante au sujet des ventes et de la publicité de ses marchandises au Canada sous les marques PENGUIN me permet de conclure que les marques de l’opposante avaient acquis un caractère distinctif assez élevé au Canada à toutes les dates pertinentes. Certes, la marque visée par la demande, celle qui est fondée sur son emploi projeté au Canada, n’avait acquis aucun caractère distinctif à la première des dates pertinentes. La preuve n’indique pas clairement si la marque faisant l’objet de la demande avait acquis un caractère distinctif au Canada à la date pertinente la plus tardive, soit le 14 août 2006. Je conclus néanmoins, au vu de la preuve présentée par la requérante au sujet des ventes de ses marchandises et services au Canada, que la marque CLUB PENGUIN faisant l’objet de la demande a acquis au moins une certaine réputation à la plus tardive des dates pertinentes, c’est-à-dire, aujourd’hui. Par conséquent, le premier facteur du paragraphe 6(5), qui combine le caractère distinctif inhérent et acquis, favorise l’opposante pour ce qui est des époques pertinentes, même si cela est moins évident pour ce qui est de l’époque pertinente la plus récente.

[24]      La période pendant laquelle les marques des parties ont été employées favorise fortement l’opposante puisqu’elle utilise ses marques depuis 1959, alors que la demande d’enregistrement de la marque CLUB PENGUIN fondée sur son emploi projeté au Canada, n’a été déposée qu’en 2006.

[25]      Il existe un certain chevauchement entre les marchandises des parties qui consistent en des vêtements, mais pour le reste, les entreprises des parties et la nature de leur commerce sont distinctes. Sur ce point, l’opposante s’occupe principalement de fabriquer et de vendre des vêtements tandis que la requérante a pour objectif de distraire les enfants qui se rendent sur son site Web. Par conséquent, les troisième et quatrième facteurs sont fortement favorables à la requérante, sauf pour ce qui concerne une des marchandises, à savoir les vêtements.

[26]      Il y a nécessairement un degré de ressemblance relativement élevé sur le plan de la présentation, du son et des idées suggérées, entre les marques de l’opposante dans lesquelles l’élément dominant est le mot PENGUIN et la marque visée par la demande CLUB PENGUIN. Sur ce point, la requérante a fait de l’élément dominant des marques de l’opposante, l’élément dominant de la marque faisant l’objet de la demande. Il existe également un degré de ressemblance assez élevé entre le logo PENGUIN de l’opposante et la marque visée par la demande CLUB PENGUIN puisque les marques des parties suggèrent l’idée d’un animal, le pingouin. Toutefois, le premier élément CLUB de la marque visée par la demande vient, dans une certaine mesure, atténuer la ressemblance qui existe entre les marques des parties, étant donné que le premier élément de la marque est bien souvent considéré comme l’élément le plus important au regard du caractère distinctif : voir, par exemple, Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.). Néanmoins, étant donné que le mot CLUB est l’élément de la marque faisant l’objet de la demande ayant le caractère distinctif le moins fort, il permet moins d’établir une distinction entre les marques des parties. L’avocat de la requérante a fait remarquer à juste titre que, dans l’emploi effectif de la marque, l’élément CLUB joue un rôle plus important que l’élément PENGUIN. Or, la question de la confusion doit être tranchée à l’égard de la marque telle qu’elle est présentée dans la demande, et non pas en fonction de son emploi effectif. C’est pourquoi je conclus que le dernier facteur du paragraphe 6(5) est favorable à l’opposante.

 

Les arguments de la requérante

[27]      La requérante soutient ce qui suit à la page 15 de son plaidoyer écrit :

[traduction]

Parmi les facteurs à considérer, il faut se demander si les marques déposées de l’opposante entreraient dans la catégorie des marques faibles ou fortes : General Motors Corp. c. Bellows 10 C.P.R. 101. Comme il a été établi dans la décision Canadian Co-operative Credit Society Ltd. c. Commercial Union Assurance Co. Plc. (1992), 42 C.P.R. (3d) 239, p. 249 :

[…] Lorsqu'on a affaire à des marques faibles, des différences relativement ténues suffisent à établir une distinction.

Pour déterminer si une marque de commerce est faible, l’examen de l’état du registre a été jugé acceptable : Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.).

Étant donné que le mot « penguin » (pingouin en français) est un mot courant en anglais, la protection dont il bénéficie n’a qu’une portée limitée. Le caractère courant de ce mot ressort également de la preuve déposée par la requérante, qui indique que le mot « penguin » apparaît 136 fois dans les demandes et enregistrements des marques de commerce en vigueur qui figurent dans la base de données de l’OPIC. Par conséquent, en ce qui concerne les autres circonstances de l’espèce dans l’application du test en matière de confusion, il convient d’accorder davantage de poids à la façon dont sont employées les marques respectives des parties en l’espèce que si les marques avaient un seul élément nominal en commun.

L’examen des éléments de preuve présentés par les parties nous permet de tirer les conclusions supplémentaires suivantes :

       La requérante utilise habituellement la marque nominale CLUB PENGUIN avec la marque figurative DISNEY;

       Lorsque le mot « Penguin » apparaît sur les marques figuratives de l’opposante, il est habituellement accompagné d’une mention précisant que « Munsingwear » est la source des marchandises.

 

 

[28]      J’estime que l’argument de la requérante présenté ci-dessus, selon lequel les marques de l’opposante ne devraient pas bénéficier d’une protection étendue, n’est pas sans fondement. Néanmoins, si les « conclusions supplémentaires » de la requérante ci-dessus mentionnées pourraient s’appliquer à une action pour commercialisation trompeuse, elles ne sont pas particulièrement pertinentes pour trancher la question de la confusion en l’espèce.

 

Conclusion

[29]      Compte tenu de ce qui précède, et en particulier du caractère distinctif inhérent relativement faible des marques de l’opposante et du fait que les marques de l’opposante n’ont pas droit à une protection étendue, et que, pour l’essentiel, les marchandises, services, voies de commercialisation et domaines d’intérêt commercial des parties diffèrent, je conclus que la requérante s’est acquittée du fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’à toutes les dates pertinentes, il n’existait aucune probabilité de confusion entre la marque visée par la demande CLUB PENGUIN et les marques PENGUIN de l’opposante, si ce n’est pour l’emploi de la marque visée par la demande en liaison avec des vêtements. Par conséquent,

            (1)        je repousse la demande pour ce qui est des marchandises « vêtements, nommément tee-shirts, pull d’entraînement et vestes »

            (2)        pour le reste, je rejette l’opposition.

Le pouvoir de rendre des décisions partagées a été reconnu dans la décision Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH (1986), 10 C.P.R. (3d) 482 (C.F. 1re inst.).

[30]      La présente décision est rendue en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

___________________

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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