Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION

de Cana Foods Inc. et de Maple Leaf Foods Inc. à la demande no 837,866 produite par Argosy International Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce CANAGOLD

                                                         

 

Le 27 février 1997, la requérante Argosy International Inc. a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce CANAGOLD fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

 

[traduction] Produits laitiers, nommément lait évaporé, lait concentré sucré, beurre, fromage, poudre de lait entier, poudre de lait écrémé, poudre de babeurre, crème en poudre, poudre de lactosérum, poudre de fromage, concentré protéique de lactosérum, isolat protéique de lactosérum, lactose, lait et crème UHT, crème glacée, préparation pour crème glacée, tartinade et trempettes laitières, caséine, mélanges laitiers;

 

produits agricoles, nommément avoine, orge, sarrasin, maïs à éclater, oléagineux, graines de lin, graines comestibles, graines de tournesol, graines de moutarde, graines de canola, graines des Canaries, luzerne et riz;

 

produits alimentaires, nommément huiles de table, huiles végétales, colorants à café non laitiers, margarine, huile de canola, huile de tournesol, huile de lin, shortening, saindoux, frites, base sèche pour soupe, légumes secs, noix, sirop d’érable, miel, eau de source et viandes congelées, nommément volaille et porc.

 

 

 La demande a été publiée aux fins de toute opposition éventuelle dans le Journal des marques de commerce du 16 septembre 1998.  L’opposante, Cana Foods Inc. et Maple Leaf Foods Inc., a produit une déclaration d’opposition le 15 février 1999.  La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations formulées par l’opposante.

 

L’opposante a soumis en preuve les affidavits de Maurice Edward Bilyea et de Mary Louise Malvaso.  La requérante a pour sa part présenté en preuve l’affidavit de Michael Godwin.

 

Les parties ont toutes deux déposé une argumentation écrite.  Une audience a eu lieu lors de laquelle seule l’opposante a été représentée.

 

Dans sa déclaration d’opposition, l’opposante allègue que la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce CANAGOLD, que la marque de commerce CANAGOLD n’est pas enregistrable, que la marque de commerce CANAGOLD n’est pas distinctive et que la demande ne satisfait pas aux exigences posées par l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, tout cela en raison d’une probabilité de confusion entre la marque de commerce CANAGOLD et les marques de commerce CANA et CANA & Dessin, et le nom commercial Cana Foods, lesquels appartiennent à l’opposante.  L’opposante prétend avoir utilisé ces marques et ce nom au Canada avant le 27 février 1997 et affirme avoir enregistré ces marques de commerce sous les numéros 170,077 et 323,180. 

 

Il incombe à la requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existerait aucune probabilité de confusion entre sa marque et les marques et nom revendiqués par l’opposante. [voir Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)]  Par contre, il appartient à l’opposante de produire d’abord une preuve suffisante pour appuyer la véracité de ses allégations.

 

 

À l’appui de ses motifs d’opposition fondés sur la non‑enregistrabilité de la marque, l’opposante a produit une copie de l’enregistrement au Canada de la marque de commerce CANA portant le numéro LMC170,077.  Cet enregistrement vise :

            [traduction]

(1)               Fruits en boîtes et congelés, légumes, fruits et jus de légumes; viandes et produits de viande en boîtes; beurre d’arachides et noix; miel; fromage; poisson congelé et en boîtes,

(2)               Volaille fraîche et congelée; produits oléagineux comestibles, nommément du shortening et des huiles; produits laitiers, nommément du beurre et de la crème glacée; savons et détergents industriels.

 

L’enregistrement a été délivré le 17 juillet 1970 sur le fondement d’une déclaration d’emploi déposée le 1er juin 1970 à l’égard des marchandises désignées sous (1).  L’enregistrement a par la suite été modifié par l’ajout des marchandises désignées sous (2) sur le fondement d’une déclaration d’emploi déposée le 23 octobre 1972.  En 1992, Maple Leaf Foods Inc. a cédé l’enregistrement à Cana Foods Inc.

 

L’opposante n’a produit aucune preuve relative à l’enregistrement portant no LMC323,180.  Cependant, le registraire dispose du pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre pour confirmer l'existence des enregistrements sur lesquels s'appuie l’opposante invoquant un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd., 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)].  J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire et je confirme que l’enregistrement portant no LMC323,180 a été délivré le 30 janvier 1987 et qu’il demeure encore valide.  Le présent enregistrement vise la marque de commerce et les marchandises suivantes :

                                               

(1) Poissons et produits de poisson, nommément saumon en boîtes.
(2) Poissons et produits de poisson, nommément goberge, aiglefin, crevettes, pétoncles.
(3) Fruits de mer, nommément homards.
(4) Légumes en boîtes.
(5) Produits de viande, nommément langues de bœuf.
(6) Fruits de mer, nommément viande de crabe des neiges.
(7) Légumes.

 

L’enregistrement a été délivré sur le fondement de l’emploi de la marque et a été cédé en 1992 par Maple Leaf Foods Inc. à Cana Foods Inc.

 

En ce qui a trait à son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i), l’opposante n’a pas démontré que la requérante était au courant de l’existence de ses marques de commerce lorsqu’elle a produit sa demande, comme il est allégué dans la déclaration d’opposition.  Ce motif d’opposition doit donc être rejeté, rien ne permettant de conclure que la requérante n’a pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque CANAGOLD au Canada.

 

Pour ce qui est des motifs d’opposition fondés sur l’inadmissibilité à l’enregistrement, l’opposante doit démontrer que l’emploi de ses marques de commerce et de son nom commercial précède la date de production de la demande de la requérante et que cet emploi n’a pas été abandonné à la date de l’annonce de la demande de la requérante [paragraphes 16(5) et 17(1), Loi sur les marques de commerce].

 

Président de Cana Foods Inc. et d’une division de Maple Leaf Foods Inc. connue sous le nom de Maple Leaf Foods International, M. Bilyea atteste que Cana Foods Inc., propriétaire des marques de commerce invoquées par l’opposante, appartient à Maple Leaf Foods Inc.  Il affirme que Maple Leaf Foods Inc. a cédé la marque de commerce CANA à Cana Foods Inc. le 2 décembre 1992.  Il fournit en outre une copie d’un contrat de licence daté du 2 décembre 1992 intervenu entre Cana Foods Inc. et Maple Leaf Foods International (entreprise affiliée à Maple Leaf Foods Inc. désignée ci­‑après « Maple Leaf ») par lequel Cana Foods Inc. autorisait Maple Leaf à employer certaines de ses marques de commerce, plus particulièrement CANA, CANA & Dessin et FIVE OCEANS & Dessin, [traduction] « dans la mesure où les marchandises visées par lesdites marques de commerce satisfont aux normes jugées acceptables par Cana [Foods Inc.] ».  L’emploi par Maple Leaf Foods Inc. ou Maple Leaf Foods International des marques CANA et CANA & Dessin profite donc à Cana Foods Inc. en vertu de l’article 50 de la Loi.

 

M. Bilyea soumet en preuve des étiquettes/emballages, désignés pièces C, D et E, établissant l’emploi par Maple Leaf Foods Inc. des marques de commerce CANA et CANA & Dessin sur une boîte de maïs en conserve de 15 onces, sur une boîte de thon en conserve de 6,5 onces et sur un sac en jute de 45 kg contenant des graines de soya.  Il dépose également quelques [traduction] « factures représentatives faisant foi des ventes des marchandises de l’opposante portant la marque CANA employées au Canada et/ou qui y sont préparées pour l’exportation en liaison avec quelques étiquettes et emballages des pièces C, D et E ».  Ces factures, lesquelles portent généralement mention de CANA, proviennent principalement de Maple Leaf Foods International et ont été émises entre 1995 et 1999.  On y trouve la preuve de l’expédition des boîtes de maïs en conserve et des sacs de graines de soya.  Ces factures révèlent également que des frites de marque CANA ont été expédiées.  La plupart des factures font état de l’expédition de marchandises du Canada vers l’étranger, ce qui constitue un emploi au Canada au sens du paragraphe 4(3) de la Loi sur les marques de commerce.  Certaines factures portent toutefois sur des marchandises expédiées d’un pays étranger vers un autre et je ne suis pas disposée à conclure qu’il s’agit là d’une preuve d’emploi des marques de l’opposante au Canada.  Tout particulièrement, les factures relatives au poisson en boîtes n’attestent pas l’emploi des marques au Canada, puisqu’elles désignent toutes la Thaïlande comme pays d’origine à partir duquel les marchandises sont expédiées vers Trinidad.  On retrouve de plus deux factures émises par Cana Foods Inc. datées du 21 janvier 1997 et du 27 août 1997.  Je ne tiendrai pas compte de la dernière facture puisqu’il y est question de filets de goberge sans marque.  La première facture fait état de crevettes « 10/5 lb 5 OCEANS » expédiées à une adresse au Canada; il m’apparaît douteux que ces marchandises aient été commercialisées avec les étiquettes/emballages fournis par M. Bilyea, vu la mention d’une autre marque appartenant à Cana Foods Inc.

 

M. Bilyea fait également les déclarations suivantes :

[traduction]

« Au meilleur de ma connaissance et de mon souvenir, l’opposante en l’espèce, par l’entremise de son prédécesseur Maple Leaf Foods Inc., a commencé à employer la marque de commerce CANA en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement portant no LMC 170,077 depuis au moins aussi tôt que 1970 pour ce qui est des marchandises mentionnées sous 1) et depuis au moins aussi tôt que 1972 pour ce qui est des marchandises mentionnées sous 2). » (paragraphe 9)

 

« La marque de commerce CANA est employée et a été employée au Canada depuis au moins aussi tôt que 1970 par l’opposante désignée aux présentes. » (paragraphe 13)

 

« L’opposante n’a pas abandonné et continue à employer sa marque de commerce CANA au Canada, ou pour l’exportation à partir du Canada, en liaison avec les marchandises visées par ledit enregistrement. » (paragraphe 14)

 

Selon moi, ces simples déclarations d’emploi doivent être davantage étayées pour que je puisse tirer la conclusion, en droit, que l’opposante a établi l’existence d’un emploi antérieur qu’elle n’a pas abandonné aux dates pertinentes relativement à chacune des marchandises qu’elle a revendiquées.  Le déposant de l’opposante n’a pas attesté dans son affidavit que des étiquettes ou emballages semblables aux pièces produites étaient également employés en liaison avec le reste de ses marchandises à quelque moment que ce soit, et encore moins aux dates pertinentes, et je ne suis pas disposée à conclure que c’était le cas.

 

Je note que M. Bilyea n’a dit mot sur la marque de commerce CANA & Dessin ou sur le nom commercial Cana Foods.  Les pièces qu’il a produites attestent toutefois l’emploi de CANA & Dessin sur les étiquettes.

 

Ayant examiné l’ensemble de la preuve de l’opposante, je conclus que celle‑ci s’est acquittée du fardeau initial qui lui incombait à l’égard des motifs fondés sur l’admissibilité à l’enregistrement quant aux marchandises suivantes, qu’elles a revendiquées, mais seulement dans la mesure où il s’agit des marques de commerce CANA et CANA & Dessin : légumes en boîtes (sur la foi des factures et des étiquettes se rapportant au maïs en boîtes) et légumes (sur la foi de l’emballage et des factures se rapportant au maïs et aux graines de soya).

 

Quant aux motifs d’opposition fondés sur le caractère non distinctif, l’opposante n’a qu’à démontrer qu’au 15 février 1999, ses marques de commerce et son nom commercial étaient devenus suffisamment connus pour faire obstacle au caractère distinctif de la marque faisant l’objet de la demande [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 at 58 (C.F 1re inst.)].  L’opposante n’a pas limité ce motif d’opposition à une marchandise en particulier, alléguant plutôt que ses marques et son nom étaient devenus connus et bien établis au sein de l’industrie alimentaire.  Vu que la preuve de l’emploi du nom commercial Cana Foods se limite à deux factures, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif ne sera examiné que dans la mesure où il se rattache aux marques de commerce de l’opposante.

 

Avant d’aborder la probabilité de confusion, je remarque que la présente demande a fait l’objet d’une autre opposition dont l’issue, le 31 janvier 2002, a été le prononcé d’une décision supprimant les éléments suivants de l’état déclaratif des marchandises : huiles de table, huiles végétales, margarine, huile de canola, huile de tournesol, huile de lin et shortening. [décision non publiée, CIC Foods Inc. et Canadian Agra Foods Inc. c. Argosy International Inc.]

 

Probabilité de confusion

Les dates pertinentes relatives aux autres motifs d’opposition sont les suivantes : s’agissant de l’enregistrabilité aux termes de l’alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]; s’agissant de l’admissibilité à l’enregistrement aux termes du paragraphe 16(3) – la date du dépôt de la demande; s’agissant du caractère non distinctif – la date du dépôt de l’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 à la p. 424 (C.A.F.)].

 

Le critère qu’il convient d’appliquer en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait.  En décidant s'il y a confusion selon le critère énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, et notamment de celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.  La valeur probante de chacun de ces facteurs peut varier en fonction des circonstances [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. 41 C.P.R. (3d) 483 (CF 1re inst.); Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

La preuve présentée par l’opposante concerne principalement sa marque CANA, sans mention précise de sa marque CANA & Dessin.  Dans la mesure où les deux marques sont associées aux mêmes marchandises, il est clair que si la marque de la requérante crée de la confusion avec CANA, elle crée également de la confusion avec CANA & Dessin.  Je suivrai le raisonnement adopté par l’opposante et je m’intéresserai à la marque de commerce CANA dans l’analyse qui suit.  De plus, l’analyse portera d’abord sur le motif d’opposition fondé sur la non‑enregistrabilité au regard de l’enregistrement portant no LMC170,077 visant la marque CANA.

 

Les termes CANA et CANAGOLD sont tous deux inventés et possèdent tous deux un certain caractère distinctif inhérent.  Ils comportent cependant un caractère suggestif dans la mesure où le terme CANA peut faire allusion à « Canada » et où le terme GOLD évoque une haute gamme de qualité ou de couleur.  Par conséquent, ni l’une ni l’autre des marques ne se trouve favorisée sur le plan du caractère distinctif inhérent.

 

Rien n’indique que les marques CANA ou CANAGOLD aient fait l’objet d’une publicité ou d’une quelconque mesure de promotion.  Aucune preuve n’atteste non plus l’emploi de la marque CANAGOLD.  En revanche, au paragraphe  12 de son affidavit, M. Bilyea affirme : [traduction] « De 1995 à 1999, le chiffre d’affaires de mon entreprise pour le produit CANA se situe à bien au‑delà de deux millions de dollars (2 000 000,00 $). »  Malheureusement, on ne peut accorder à cette déclaration toute l’importance voulue, et ce, pour plusieurs raisons.  Premièrement, M. Bilyea ne précise pas si ces chiffres proviennent des ventes au Canada ou en provenance du Canada et, d’après les factures soumises, nous avons déjà constaté que l’opposante vend parfois des produits fabriqués ailleurs et expédiés directement d’un pays étranger vers un autre.  Deuxièmement, ce chiffre d’affaires n’a pas encore été détaillé pour qu’il puisse utilement étayer les motifs d’opposition autres que celui lié à la non‑enregistrabilité.  Enfin, ce chiffre d’affaires n’a pas été ventilé par catégorie de produit.  Par conséquent, je suis uniquement disposée à accepter que la marque CANA a acquis un certain caractère distinctif par l’usage dont elle a fait l’objet.  Somme toute, l’opposante se trouve légèrement avantagée sur le plan de la mesure dans laquelle chaque marque est devenue connue.

 

La marque CANA a été employée pour la première fois au Canada en 1970.  Comme la requérante n’avait pas alors commencé à employer sa marque, la période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise l’opposante.

 

S’agissant des marchandises, des services et du commerce des parties, c’est l’état déclaratif des marchandises ou des services figurant dans leur demande ou leur enregistrement de marque de commerce qu’il faut examiner en matière de confusion sous le régime de l’alinéa 12(1)d) [Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1984), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].  Les marchandises des deux parties consistent principalement en des aliments et certaines d’entre elles se chevauchent directement, comme on peut le constater :

Enregistrement no LMC170,077

viandes et produits de viande en boîtes et volaille fraîche et congelée

 

noix

 

fromage

 

beurre et crème glacée

Demande no 837,866

viandes congelées, nommément volaille et porc

 

 

noix

 

fromage et poudre de fromage

 

beurre, crème glacée, préparation pour crème glacée

 

Fait à noter, bien que les marchandises susmentionnées soient visées par l’enregistrement de l’opposante, nous ne savons pas dans quelle mesure ces marchandises, prises individuellement, ont été employées en liaison avec la marque CANA au Canada.

 

Aucune des deux parties n’a indiqué les réseaux de distribution empruntés.  L’enregistrement de l’opposante ne se limite pas à un réseau de distribution donné et comme les aliments visés sont typiquement ceux qu’on trouverait dans des épiceries, je tiendrai pour acquis qu’ils transitent par des marchés d’alimentation et autres établissements de ce genre.  La majorité des marchandises de la requérante consistent elles aussi en des aliments qu’on trouverait typiquement en épicerie et, de ce fait, elles emprunteraient des réseaux de distribution similaires.  Cependant, certaines marchandises appartenant à la requérante ne sont pas des aliments d’épicerie, savoir par exemple : poudre de lactosérum, concentré protéique de lactosérum, isolat protéique de lactosérum, lactose et caséine.  Ces marchandises transiteraient donc vraisemblablement par des réseaux de distribution distincts de ceux empruntés par les marchandises de l’opposante.  Je note aussi que, selon la définition contenue dans le dictionnaire, les « graines des Canaries » servent de nourriture aux oiseaux, ce qui les distingue de façon importante des marchandises consommées par les êtres humains et ce qui laisse croire qu’elles passent elles aussi par un autre réseau de distribution.

 

La marque de la requérante englobe intégralement la marque CANA de l’opposante.  Toute ressemblance entre les marques CANA et CANAGOLD dans la présentation et le son résulte de ce dénominateur commun.  Étant donné que les termes CANA et CANAGOLD sont tous deux inventés, ils ne sauraient évoquer une idée particulière.  Toutefois, même si le terme CANA ne constitue pas une abréviation connue pour « Canada », il peut être interprété comme faisant allusion à des biens provenant du Canada.  Suivant cette approche, le terme CANAGOLD pourrait évoquer « la crème du Canada ».  Subsidiairement, le terme CANAGOLD peut être perçu comme une version haut de gamme de la marque CANA.

 

« Même s'il est vrai que les marques ne doivent pas être scindées lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des questions de confusion, il a été jugé que la première partie d'une marque de commerce est celle qui est la plus pertinente lorsqu'il s'agit de se prononcer sur son caractère distinctif. » [K-Tel International Ltd. c. Interwood Marketing Ltd. (1997), 77 C.P.R. (3d) 523 (C.F. 1re inst.) à la p. 527] On considère souvent que le premier élément d'une marque joue un rôle plus important dans l'établissement du caractère distinctif, mais lorsqu'un terme est descriptif et d’usage commun, la protection qu'on lui accorde est plus restreinte qu'un terme inventé ou unique [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.) et Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].  Comme la requérante a fait valoir que le terme CANA ne devait se voir conférer qu’une protection restreinte du fait que CANA est un préfixe adopté par plusieurs commerçants au Canada, je me penche à présent sur la preuve de l’état du registre qu’elle a soumise.

 

Le 15 juin 2000, M. Godwin, un chercheur en marques de commerce, a effectué des recherches dans le registre canadien des marques de commerce pour relever les marques de commerce comportant le terme CANA.  Il a joint les pages complètes du registre pour les quelque 75 enregistrements actifs qu’il a repérés.  Quoique la majorité de ces marques ne soient pas liées à des aliments, la requérante prétend que la grande fréquence d’emploi des marques comportant le préfixe CANA pour des produits non alimentaires atteste que les Canadiens sont généralement habitués à distinguer une marque CANA d’une autre marque.  Il n’existe cependant pas beaucoup de preuve quant à la coexistence, dans une même catégorie de marchandises, d’une marque comportant le préfixe CANA avec une autre marque comportant le préfixe CANA.  Je n’estime pas pertinentes les marques dont le terme CANA apparaît en suffixe ou fait partie de « Canada » ou « Canadien ».

 

À mon avis, les marques suivantes relevées par M. Godwin sont les plus pertinentes :

1.         CANATOP, marque déposée pour des huiles de table et garnitures

2.         CANASOY, marque déposée pour une variété de produits alimentaires, y compris beurres, café, graines, haricots, graines, bonbons, fruits, noix, légumes, huile de cuisson, huile à salade

3.         CANAPLUS, marque déposée pour des produits à base d’huiles comestibles

4.         CANANUT, marque déposée pour des fruits déshydratés, noix, produits de café, produits de chocolat, grains déshydratés, épices

5.         CANAKEN, marque déposée pour des huiles végétales, shortening et autres huiles

6.         CANADOUGH, marque déposée des bonbons

7.         CANACAFE, marque déposée pour du café

8.         CANA, marque déposée pour du vin de messe

9.         TEXICANA, marque déposée pour des produits de pommes de terre

10.     TROPICANA TROPICS, marque déposée pour des boissons

 

Je me dois de mentionner que M. Godwin a bien sûr relevé les marques CANA et CANA & Dessin invoquées par l’opposante en l’espèce.  Il a de plus retracé quelques demandes en cours relatives aux marques employées en liaison avec des aliments, mais comme celles‑ci se fondent sur un emploi projeté, je n’en ai pas tenu compte dans mon appréciation de l’état du marché.  Je n’accorde pas non plus une grande importance aux enregistrements concernant TEXICANA et TROPICANA TROPICS, étant donné que CANA n’apparaît pas dans la première portion de ces marques.

 

Les enregistrements 1 et 3 susmentionnés appartiennent tous deux à Canamera Foods, qui s’est vu céder par Maple Leaf Foods Inc. la marque CANATOP en 1992.  Les autres marques appartiennent à diverses entreprises. 

 

La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions au sujet de l'état du marché [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. L’on ne peut tirer de conclusion sur l'état du marché à partir de la preuve de l'état du registre que si on relève au registre un grand nombre d'enregistrements pertinents [Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].  Compte tenu du nombre limité d’enregistrements en matière alimentaire qu’a relevés M. Godwin, je ne peux tirer aucune conclusion importante sur la capacité des consommateurs de distinguer une marque ayant le préfixe CANA d’une autre relativement à des aliments sur le marché canadien.

 

 

L’examen des circonstances de l’espèce m’amène à conclure que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la marque CANA appliquée aux marchandises visées par l’enregistrement portant no LMC170,077 et la marque CANAGOLD appliquée à ses propres marchandises, à savoir :

lait évaporé, lait concentré sucré, beurre, fromage, poudre de lait entier, poudre de lait écrémé, poudre de babeurre, crème en poudre, poudre de fromage, lait et crème UHT, crème glacée, préparation pour crème glacée, tartinade et trempettes laitières, mélanges laitiers;

avoine, orge, sarrasin, maïs à éclater, oléagineux, graines de lin, graines comestibles, graines de tournesol, graines de moutarde, graines de canola, luzerne et riz;

produits alimentaires, nommément colorants à café non laitiers, saindoux, frites, base sèche pour soupe, légumes secs, noix, sirop d’érable, miel, eau de source et viandes congelées, nommément volaille et porc.

 

 

 Ma conclusion se fonde principalement sur la ressemblance entre les marques et les marchandises des parties, de même que sur le fait que les marchandises rejetées emprunteront vraisemblablement des réseaux de distribution similaires à ceux de l’opposante; elles peuvent par exemple être vendues dans des épiceries possiblement situées à proximité les unes des autres.  Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de savoir si un consommateur ayant un souvenir général et non précis de la marque de l’opposante sera vraisemblablement porté à croire, en voyant la marque de la requérante, que les produits proviennent d’une même source.

 

J’aborde à présent le motif d’opposition fondé sur l’article 16.  Que ce soit sous forme de maïs ou de graines de soya, les légumes sont les seules marchandises antérieurement employées qu’a revendiquées l’opposante et qui sont étayées par la preuve.  Il existe à mon avis un chevauchement direct entre les graines de soya de l’opposante et les légumes secs faisant l’objet de la demande.  Ainsi, le motif d’opposition fondé sur l’article 16 milite lui aussi en faveur du rejet de la demande en ce qui a trait aux légumes secs.

 

Quant au motif fondé sur le caractère non distinctif, l’opposante invoque la réputation dont jouit la marque de commerce CANA dans l’industrie alimentaire en général.  Il ressort de la preuve qu’au Canada, cette réputation semble s’être étendue aux légumes en boîtes, aux graines de soya et aux frites.  Je remarque toutefois que l’étendue de la réputation de la marque au Canada est discutable, vu que la plupart des factures produites par l’opposante font état de ventes pour l’exportation; à mon avis, les ventes à l’étranger ne sont pas susceptibles d’établir une grande réputation au Canada.  J’estime néanmoins que la requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa marque sert à distinguer ses légumes secs et ses frites des marchandises de marque CANA de l’opposante.  Le motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif est accueilli dans cette mesure.

 

À présent, je passe brièvement à l’examen des motifs d’opposition fondés sur la marque de commerce CANA & Dessin et sur le nom commercial CANA FOODS, tous deux appartenant à l’opposante.  Qu’il me suffise de dire que la preuve relative à cette marque et à ce nom n’étaye nullement l’argument de l’opposante au regard des marchandises que je n’ai pas encore rejetées en l’espèce.

 

Dispositif

En vertu des pouvoirs qui m'ont été délégués par le registraire des marques de commerce aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je rejette la demande d'enregistrement conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi dans la mesure où les marchandises suivantes sont visées :

lait évaporé, lait concentré sucré, beurre, fromage, poudre de lait entier, poudre de lait écrémé, poudre de babeurre, crème en poudre, poudre de fromage, lait et crème UHT, crème glacée, préparation pour crème glacée, tartinade et trempettes laitières, mélanges laitiers;

avoine, orge, sarrasin, maïs à éclater, oléagineux, graines de lin, graines comestibles, graines de tournesol, graines de moutarde, graines de canola, luzerne et riz;

produits alimentaires, nommément colorants à café non laitiers, saindoux, frites, base sèche pour soupe, légumes secs, noix, sirop d’érable, miel, eau de source et viandes congelées, nommément volaille et porc.

 

L’opposition est rejetée en ce qui concerne les autres marchandises.  Le droit de rendre une décision partagée est énoncé dans Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH, 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re  inst.).

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), CE 4e JOUR DE NOVEMBRE 2003.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions de marques de commerce

 

 

 

 

 

 

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