Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 180

Date de la décision : 2013-10-23
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par BSH Home Appliances Corporation à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,448,299 pour la marque de commerce ECO*STAR au nom de NO/AX Systems Corporation

 

I.          Contexte

[1]               NO/AX Systems Corporation (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce ECO*STAR (la Marque), fondée sur l’emploi au Canada depuis le 1er août 2009, en liaison avec un large éventail de produits, y compris des appareils électriques, des batteries de cuisine, des accessoires de cuisine et de cuisson ainsi que des appareils et des accessoires de salle de bain. L’état déclaratif des marchandises de la demande est reproduit au complet à l’annexe « A » de cette décision.

[2]               BSH Home Appliances Corporation (l’Opposante) s’est opposée à l’enregistrement en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c T‑13 (la Loi).

[3]               La demande a fait l’objet d’une opposition aux motifs suivants : (i) elle n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30(b) de la Loi, parce que la Requérante n’avait pas employé la Marque au Canada en liaison avec les marchandises désignées dans sa demande depuis la date alléguée de premier emploi; (ii) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16 de la Loi à la lumière de l’emploi antérieur par l’Opposante de la marque de commerce STAR au Canada, en liaison avec des cuisinières, des surfaces de cuisson et des brûleurs à gaz vendus comme composant de surfaces de cuisson; et (iii) la Marque n’est pas distinctive aux termes de l’article 2 de la Loi.

[4]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Michael Stephan, souscrit le 14 décembre 2010 et l’affidavit de Steven Preiner, souscrit le 25 avril 2011. M. Stephan et M. Preiner n’ont pas été contre-interrogés.

[5]               Comme preuve, la Requérante a produit l’affidavit de Samuel Sonnenschein, souscrit le 25 août 2011. M. Sonnenschein n’a pas été contre-interrogé.

[6]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit.

[7]               Aucune audience n’a été tenue.

II.        Fardeau de preuve

[8]               La Requérante a le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CFPI), p. 298].

III.       Analyse

            Question préliminaire

[9]        D’entrée de jeu, je note que, bien que trois motifs aient été plaidés dans la déclaration d’opposition, l’Opposante, dans son plaidoyer écrit, a restreint ses présentations au motif de l’alinéa 30(b). Je tiendrai donc uniquement compte de ce motif dans mon analyse. Cependant, je désire faire remarquer que l’Opposante n’a pas retiré officiellement le reste des motifs dans l’éventualité d’un appel.

Alinéa 30(b)

[10]      L’Opposante allègue que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada depuis la date revendiquée de premier emploi, nommément le 1er août 2009. L’alinéa 30(b) de la Loi exige qu’il y ait emploi continu de la marque revendiquée dans la pratique normale du commerce à partir de la date revendiquée jusqu’à la date de production de la demande [Benson & Hedges (Canada) Ltd c. Labatt Brewing Co (1996), 67 CPR (3d) 258 (CFPI), p. 262].

[11]      Le fardeau initial qui incombe à une opposante est léger en ce qui concerne la question de non-conformité à l’alinéa 30(b) de la Loi, car les faits concernant le premier emploi d’une requérante sont particulièrement connus d’une requérante [Tune Masters c. Mr P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986) 10 CPR (3d) 84 (COMC), p. 89].

[12]      Dans le cas présent, la preuve de l’Opposante consiste en l’affidavit Preiner et l’affidavit Stephan.

[13]      L’affidavit Preiner fournit principalement des renseignements sur l’Opposante, ses activités commerciales et son emploi de la marque de commerce STAR en liaison avec des brûleurs de surfaces de cuisson. M. Preiner s’identifie comme le directeur du Marketing pour l’Opposante et indique que, compte tenu de son poste, il est généralement au courant lorsque des compétiteurs lancent de nouveaux appareils électriques de cuisine au Canada. Il indique, de plus, qu’à sa connaissance, la Requérante ne fabrique ni ne vend aucun appareil ménager ni aucun autre produit au Canada qui porte la Marque ou toute autre marque [voir paragr. 9]. Je ne suis pas disposée à accorder de poids à cette déclaration, car elle sert clairement ses propres intérêts.

[14]      L’affidavit Stephan fournit des renseignements concernant diverses recherches en ligne que M. Stephan a menées en vue de déterminer si la Marque avait été employée en liaison avec les marchandises dans la demande depuis la date revendiquée de premier emploi du 1er août 2009.

[15]      Les pièces « A », « C » et « E » de l’affidavit Stephan consistent en des copies imprimées du site Web d’Industrie Canada, du site Web de la province de Québec et du site Web d’un tiers, qui présentent toutes des profils d’entreprise pour la Requérante. L’Opposante a souligné qu’aucun de ces profils d’entreprise ne mentionne les marchandises en liaison avec lesquelles la Requérante allègue avoir employé la Marque depuis le 1er août 2009. Selon moi, le fait que la nature générale des activités commerciales de la Requérante ait été décrite dans divers profils d’entreprise sans mention particulière des marchandises qui sont précisées dans sa demande ne mène pas nécessairement à la conclusion que la Requérante n’était pas engagée dans la vente de ces marchandises et n’employait pas la Marque en liaison avec ces marchandises à la date pertinente.

[16]      À la Pièce « B » de l’affidavit de M. Stephan, on trouve une copie d’un autre document obtenu à partir du site Web d’Industrie Canada. Le document suggère que la Requérante était en retard sur ses rapports annuels au 23 novembre 2010, date à laquelle le document a été modifié. Je remarque que la date de la modification de ce document semble être postérieure à la date pertinente. De plus, selon la preuve de la Requérante, la situation des rapports annuels de l’Opposante était à jour en date de 2011 [consulter la Pièce « A » de l’affidavit de Samuel Sonnenschein]. À tout événement, selon moi, le simple fait que la Requérante puisse avoir été en retard dans la production de ses rapports annuels à un certain moment n’a aucune incidence sur le fait que la Marque ait été employée ou non à la date pertinente.

[17]      M. Stephan a de plus fourni des détails concernant une recherche qu’il a menée pour l’entreprise de la Requérante à l’aide du moteur de recherche Google [consulter le paragraphe 12]. Au paragraphe 13, il indique qu’il n’a pu trouver d’indication selon laquelle la Requérante avait employé la marque de commerce ECO*STAR. Le fait que des recherches en ligne n’aient pas permis de retrouver l’emploi de la Marque ne signifie pas nécessairement que la Marque n’était pas employée sur le marché.

[18]      Compte tenu de ce qui précède, et bien que je sois consciente du fait que le fardeau de l’Opposante est faible en lien avec le motif de l’alinéa 30(b), je ne suis pas convaincue que la preuve produite par l’Opposante suffit pour que cette dernière s’acquitte de son fardeau dans ce cas particulier.

[19]      Cependant, comme l’Opposante l’a souligné dans ses présentations écrites, elle peut également s’acquitter de son fardeau initial en s’appuyant sur la preuve de la Requérante [Labatt Brewing Co c. Molson Breweries, A Partnership, (1996), 68 CPR (3d) 216 (CFPI), p. 230].

[20]      Pour s’appuyer sur la preuve de la Requérante, l’Opposante doit prouver qu’elle va « clairement » à l’encontre des revendications de la demande [Ivy Lea Shirt Co c. Muskoka Fine Watercraft & Supply (1999), 2 CPR (4th) 562 (COMC), p. 565-6, confirmé à (2001), 11 CPR (4th) 489 (CFPI)].

[21]      M. Sonnenschein, le directeur de la Requérante, déclare ce qui suit concernant l’emploi de la Marque dans son affidavit :

page 1, paragr. 2

…les manuels protégés par droits d’auteur (mai 2009) de nos surfaces de cuisson à INDUCTION actuelles se trouvent dans notre Pièce « C » pour nos modèles de surfaces de cuisson à INDUCTION de comptoir et encastrés et emploient clairement la marque de commerce ECO*STAR. La date du droit d’auteur précède toute action de l’opposante et le droit d’auteur a été produit afin de coïncider avec la production et la distribution de chaque produit. De plus, la marque de commerce ECO*STAR est clairement employée comme nom de marque et elle est imprimée sur la surface vitrée du modèle encastrable. (Notre Pièce « D ») Une preuve photographique de nos deux produits est également montrée, avec l’emploi de la marque de commerce clairement en évidence.

page 2, paragr. 1

La marque de commerce ECO*STAR a été employée au Canada au 1er août 2009 avec un site Web enregistré avec CIRA.

page 2, paragr. 2

La marque de commerce a été employée, et elle est imprimée sur la surface en vitrocéramique d’un appareil de cuisson à induction par la Requérante et est employée en tant que son nom de marque.

page 2, paragr. 3

Les manuels d’instructions sont en version imprimée avec droits d’auteur au Canada pour la surface de cuisson à induction que nous avons produite à l’aide de notre marque de commerce.

 

[22]      Je remarque que M. Sonnenschein ne mentionne pas l’emploi de la Marque en liaison avec d’autres marchandises que les « surfaces de cuisson ». De plus, rien n’indique clairement, dans l’affidavit de M. Sonnenschein, qu’une surface de cuisson affichant la Marque a effectivement été vendue le 1er août 2009 ou avant ou que les manuels affichant la Marque accompagnaient la vente de toute surface de cuisson vendue à cette date ou avant.

[23]      Bien que le droit d’auteur pour les manuels puisse effectivement remonter à mai 2009, cela ne signifie pas nécessairement que des surfaces de cuisson avaient été vendues à cette date. De plus, le fait que la Marque ait pu paraître sur le site Web de la Requérante au 1er août 2009 ne me permet pas de conclure que des surfaces de cuisson de la Requérante avaient été vendues à cette date ou avant. 

[24]      Il n’est donc pas clair, selon l’affidavit de M. Sonnenschein, que la Marque a effectivement été employée aux termes de l’article 4 de la Loi à la date revendiquée de premier emploi dans la demande ou avant, en liaison avec des « surfaces de cuisson » ou avec toute autre marchandise. Cependant, l’absence de preuve claire à cet égard n’entraîne pas nécessairement une incohérence manifeste qui permettrait à l’Opposante de s’appuyer sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial. Comme noté par le membre de la Commission Herzig dans Masterfile Corporation c. Mohib S. Ebrahimin, en droit, comme en archéologie, l’absence de preuve n’est pas nécessairement une preuve d’absence [voir 2011 COMC 85 (CanLII)].

[25]      Je remarque que l’Opposante peut également s’appuyer sur le contre-interrogatoire du déposant de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve [Coca-Cola Ltd c. Compagnie Française de Commerce (1991), 35 CPR (3d) 406 (COMC)]. Dans la présente affaire, je suis d’avis que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’aide du contre-interrogatoire de M. Sonnenschein pour les raisons précisées ci-dessous.

[26]      Lors de son contre-interrogatoire, M. Sonnenschein a déclaré qu’à part les « surfaces de cuisson », la Requérante n’a jamais vendu de marchandises couvertes par sa demande [voir paragraphes 97 à 101 de la transcription du contre-interrogatoire]. Cela va clairement à l’encontre de la date revendiquée de premier emploi du 1er août pour ces marchandises.

[27]      En ce qui concerne les « surfaces de cuisson », je me reporte aux passages suivants de la transcription du contre-interrogatoire de M. Sonnenschein :

Q.70    Lorsque vous envoyez une facture à vos clients…

R.        Oui.

Q71     Quand reçoivent-ils la facture? Est-ce lorsqu’ils viennent vous voir et vous disent « Je vais l’acheter », ou reçoivent-ils la facture lorsque vous leur livrez le produit?

R.           Après la livraison du produit.

Q72     Après la livraison du produit. Donc, la date de la facture est-elle la date où ils reçoivent le produit?

R.        Non, c’est la date où nous faisons la facture.

Q74     Alors en général, quand reçoivent-ils le produit par rapport à la date où vous faites la facture?

R.        Cela dépend quand nous décidons de procéder à la facturation.

Q75     Alors pourquoi?

R.        Il n’y a pas de date fixe où… nous pouvons faire la facturation dix (10) jours après, nous pouvons la faire vingt (20) jours après.

Q76     OK. Alors vous ne pouvez dire, d’après la facture, quand ils ont reçu le produit?

R.        Le bon de réception, nous garderions une copie du bon de réception.

Q77     Oh, je vois, alors il comporte la date à laquelle ils reçoivent le produit.

R.        Ouais.

Q78     OK. Quand avez-vous vendu votre première surface de cuisson, votre première surface de cuisson Eco*Star?

R.        Je n’ai pas cette information avec moi…

Q79     OK, mais quand cette première vente aurait-elle eu lieu? En quelle année aurait-elle eu lieu?

R.        Je crois que c’est en deux mille neuf (2009) que nous…cette demande a été produite.

Q81     …Demande a été produite en deux mille neuf (2009).

R.        C’est à ce moment que nous avons vendu

[28]      Par voie d’engagements, on a ensuite demandé à M. Sonnenschein de fournir des copies de la facture et du bon de réception de la première vente et il a accepté de le faire. M. Sonnenchein a par la suite fourni une copie de la première facture à l’Opposante. La date de la facture, qui est le 4 décembre 2009, est postérieure de plusieurs mois à la date revendiquée de premier emploi du 1er août 2009 dans la demande. Au lieu du « bon de réception », M. Sonnenschein a fourni une copie non datée d’un « bordereau de marchandise ». Compte tenu de ce fait, bien qu’il semble probable que la première surface de cuisson ait été vendue et livrée avant la date du 4 décembre 2009 indiquée sur la facture pour la première vente, il n’y a aucun moyen de vérifier, à partir de la preuve, que la première surface de cuisson a été vendue et reçue à la date revendiquée de premier emploi du 1er août 2009 ou avant dans la demande.

[29]      L’Opposante allègue que je devrais tirer une conclusion négative du défaut de la Requérante de fournir un bon de réception daté pour appuyer sa date revendiquée de premier emploi après s’être engagé à le faire. Vu les circonstances, je suis disposée à tirer une telle conclusion négative. Il aurait été simple pour M. Sonnenschein d’expliquer pourquoi il a fourni un bordereau de marchandise plutôt qu’un bon de réception, ou de clarifier qu’ils forment une seule et même entité, mais il ne l’a pas fait. De plus, il n’a fourni aucune explication à savoir pourquoi le bordereau de marchandise fourni ne comportait aucune date.

[30]      Vu les circonstances, je suis d’avis que les réponses données lors du contre-interrogatoire de M. Sonnenschein et les résultats des engagements fournis par la suite démontrent une incohérence évidente entre la preuve de la Requérante et la date revendiquée de premier emploi dans la demande. En conséquence de cette incohérence évidente, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial et la charge de preuve échoit à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de l’alinéa 30(b) de la Loi. Comme la Requérante n’a produit aucune preuve qui peut établir positivement sa date revendiquée de premier emploi, je dois conclure que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

[31]      Par conséquent, j’accueille favorablement ce motif d’opposition.

Décision

[32]      Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Nathalie Côté, trad. a.

 


Annexe « A »

État déclaratif des marchandises de la demande no 1, 448, 299

(1) Appareils électriques, nommément surfaces de cuisson à usage domestique et industriel, cuisinières et fours électriques, mélangeurs électriques, batteurs électriques, hachoirs électriques et pièces pour les marchandises susmentionnées. (2) Batterie de cuisine, nommément casseroles, poêles, plats à sauter, sautoirs, poêlons, marmites, faitouts, casseroles, grils, poêles à fond cannelé, woks, poêles à sauter, poêles de chef cuisinier ainsi que pièces et couvercles pour les marchandises susmentionnées. (3) Accessoires de cuisson et de cuisine, nommément couteaux, ustensiles, moules à pâtisserie. (4) Accessoires de salle de bain, nommément portes de douche, enceintes de douche, charnières, baignoires, robinets, porte-serviettes, supports pour papier, crochets, tablettes.

 

 

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