Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2011 COMC 55

Date de la décision: 2011-03-25

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Yoplait Marques Internationales,  Société par actions simplifiées, à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,317,789 pour la marque de commerce IMMUNITAS  au nom de Compagnie Gervais Danone (société de droit français)

Les procédures

[1]               Compagnie Gervais Danone (société de droit français) (la Requérante) a déposé le 25 septembre 2006 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce IMMUNITAS (la Marque) fondée sur un emploi projeté en liaison avec :

Suppléments alimentaires liquides à base de lait agissant comme substituts de repas; suppléments alimentaires liquides à base de lait pour améliorer les fonctions intestinales. Yogourt; boissons à base de yogourt, nommément : boissons non alcoolisées nature ou aromatisées composées essentiellement de yogourt; boissons non alcoolisées à base de yogourt comprenant des fruits (Marchandises)

[2]               Cette demande fut publiée le 18 juillet 2007 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition. Yoplait Marques Internationales, Société par actions simplifiées, (l’Opposante) a déposé le 18 décembre 2007 une déclaration d’opposition que le registraire a transmise le 31 janvier 2008 à la Requérante. Cette dernière a produit le 27 février 2008 une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition ci-après décrits.

[3]               L’Opposante a produit à titre de preuve une « attestation » de Jean-Baptiste Devade et l’affidavit de M. Gerry Doutre. La Requérante n’a pas produit de preuve.

[4]               Les parties ont produit chacune un plaidoyer écrit. Malgré le fait que la Requérante ait requis une audience, elle n’y a point participée.

Les motifs d’opposition

[5]               Les motifs d’opposition plaidés sont :

1. La demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(a) de la loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (Loi) en ce que les marchandises : « suppléments alimentaires liquides à base de lait agissant comme substituts de repas; suppléments alimentaires liquides à base de lait pour améliorer les fonctions intestinales » ne sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce;

2. La demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait se déclarer satisfaite d’avoir le droit d’employer la Marque en liaison avec les Marchandises pour les motifs ci-après exprimés ;

3. La demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(e) de la Loi en ce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada ou alternativement elle a abandonné l’emploi de la Marque au Canada ;

4. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(b) de la Loi car à la date de production de la demande, la Marque portait à confusion avec les marques de commerce suivantes pour lesquelles des demandes d’enregistrement avaient été préalablement produites par l’Opposante :

i) IMMUNI+, demande d’enregistrement no 1,292,294 en liaison avec du lait et produits laitiers nommément yaourts, fromages frais, et lait fermenté;

ii) YOPTIMAL IMMUNI+ & Dessin, demande d’enregistrement no 1,292,297 en liaison avec du lait et produits laitiers nommément yaourts, fromages frais, et lait fermenté;

ii) YOPTIMAL IMMUNI+, demande d’enregistrement no 1,274,213 en liaison avec du lait et produits laitiers nommément yaourts, fromages frais, et lait fermenté.

5. La Marque n’est pas distinctive en ce qu’elle ne distingue pas ou n’est pas apte à distinguer ou n’est pas capable de distinguer les Marchandises des marchandises des tiers, incluant celles de l’Opposante pour les motifs ci-haut décrits.

Fardeau de preuve en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce

[6]               Dans le cadre de procédures en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve se rapportant aux motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. Si l’opposante satisfait cette exigence, la rquérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque [voir Joseph Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293].

Motifs d’opposition disposés sommairement

[7]               Il n’y a eu aucune preuve de produite par l’Opposante prouvant les allégations contenues aux premier et troisième motifs d’opposition. Dans les circonstances, ces motifs d’opposition sont rejetés.

[8]               Le deuxième motif d’opposition tel que libellé n’est pas un motif d’opposition en soi. L’article 30(i) de la Loi n’exige de la Requérante qu’elle se déclare satisfaite d’avoir le droit à l’enregistrement de la Marque. Cette déclaration apparaît à la demande d’enregistrement. Les références aux allégations de risque de confusion avec des marques de commerce dont les demandes d’enregistrement sont présentement pendantes ou que la Marque n’est pas distinctive sont redondantes car ces motifs d’opposition sont déjà plaidées. L’article 30(i) de la Loi pourra être soulevé, en autres, dans des cas où la déclaration de la requérante aurait été faite de mauvaise foi [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol Myers Co. (1974) 15 C.P.R. (2d) 152]. Ceci n’a été ni allégué, ni prouvé.

[9]               Le second motif d’opposition est également rejeté.

 

Le caractère distinctif de la Marque

[10]           Le caractère distinctif de la Marque doit s’apprécier à la date de production de la déclaration d’opposition (18 décembre 2007) [voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317]. L’Opposante doit donc d’abord démontrer que ses marques de commerce étaient suffisamment connues au Canada au18 décembre 2007 [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44].

[11]           M. Devade est le directeur juridique de Groupe Yoplait, une entité qui détient 100% du capital-actions de l’Opposante. D’office j’ai soulevé une interrogation quant à l’admissibilité de ce qui est identifiée comme étant une « attestation » signée par M. Devade. J’ai pris soin d’en aviser la Requérante, malgré son absence à l’audience, et j’ai demandé aux parties de me fournir leurs prétentions quant à l’admissibilité de ce document. La Requérante a indiqué qu’elle s’en remettait à la décision du registraire alors que l’Opposante soumettait une argumentation détaillée sur l’admissibilité en preuve de ce document.

[12]           Compte tenu de l’absence d’objection de la part de la Requérante j’admets en preuve l’attestation de M. Devade.

[13]           Les affirmations contenues dans cette attestation servent à identifier les entités qui ont obtenu des droits, soit par licence, sous-licence ou par contrat de distribution, aux marques de commerce de l’Opposante. Selon les allégations contenues dans l’attestation de M. Devade, qui sont non-contredites, ces différents contrats contenaient des dispositions visant le contrôle de la qualité des marchandises portant les marques de commerce IMMUNI+, YOPTIMAL IMMUNI+ et YOPTIMAL IMMUNI+ et dessin (marques de l’Opposante). En l’absence de preuve contraire, je conclus que tout emploi au Canada des marques de l’Opposante par les licenciés ou distributeurs identifiés par M. Devade, incluant Ultima Foods Inc. (Ultima) ou ses prédécesseurs en titre, constitue un emploi de ces marques pour le bénéfice de l’Opposante et ce en vertu des dispositions de l’article 50 de la Loi.

[14]           M. Doutre est le président d’Ultima. Il élabore sur l’emploi de la marque de commerce YOPLAIT au Canada mais je ne vois pas la pertinence de cette preuve compte tenu que je dois déterminer si la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce soulevées par l’Opposante dans sa déclaration d’Opposition. Or la marque de commerce YOPLAIT n’est pas citée dans la déclaration d’Opposition. Je constate toutefois que la preuve révèle que les marques de l’Opposante sont employées conjointement avec la marque de commerce YOPLAIT.

[15]           M. Doutre explique qu’en octobre 2006 Ultima fut la première à introduire dans le marché canadien un yaourt qui contient une combinaison de deux cultures probiotiques actives et des polyphénols. Les yaourts ayant cette combinaison sont vendus au Canada en liaison avec la marque de commerce YOPLAIT combinée aux marques de l’Opposante. Il explique que ces nouveaux produits sont le résultat d’efforts et d’investissements afin de développer un produit unique.

[16]           Ces yaourts sont vendus sous dix saveurs différentes et en trois formats distincts. Il a produit des photos des différents emballages portant les marques de l’Opposante ainsi que des échantillons de ces emballages.

[17]           Il fournit les chiffres de ventes annuelles depuis 2006 des produits portant les marques de l’Opposante. Toutefois ces ventes ne sont pas réparties par marque de commerce. De plus seules les ventes jusqu’au 18 décembre 2007 sont pertinentes. Donc pour les fins de ce motif d’opposition je ne peux considérer que les ventes de 2006 (octobre à décembre 2006) et du 1er janvier au 18 décembre 2007 inclusivement. Or je n’ai pas le chiffre exact de ces ventes. J’ai toutefois le montant des ventes totales de produits portant les marques de l’Opposante pour la période du 1er novembre 2006 au 31 octobre 2007. Ces ventes totalisent près de 1.5 million de kilogrammes de yaourt.

[18]           Il affirme que les yaourts portant les marques de l’Opposante sont distribués à des chaînes d’alimentation nationales et régionales telles que Métro, Super C, A&P, Loeb, Loblaws, Provigo, Maxi, No Frills, Safeway, Sobey’s; ainsi qu’à des chaînes de magasin au détail telles que Zellers et Wal-Mart.

[19]           Il a produit des échantillons de factures prouvant la vente de ces produits au cours des années 2006 et 2007.

[20]           M. Doutre allègue qu’Ultima a dépensé plus de $7 millions pour la promotion au Canada de produits de yaourt portant les marques de l’Opposante.

[21]           Il donne des exemples de ces activités de promotion et a produit des photos ou des échantillons de ce matériel publicitaire. Ainsi en octobre 2006 lors du lancement de cette gamme de nouveaux produits il y a eu de la publicité à l’intérieur du réseau de transport en commun à Montréal; sur les camions utilisés pour la livraison de ces produits; et aux points de vente incluant des bannières, tentes, affiches et drapeaux.

[22]           La publicité se retrouve à trois niveaux depuis octobre 2006 :

1)      auprès des professionnels de la santé telles les diététiciennes. M. Doutre a produit des exemplaires de brochures distribuées en 2007 à ces personnes;

2)      activités de dégustation, de présentation ou de remise de produits en 2007 auprès des consommateurs. Des photos de ces événements sont annexées à son affidavit;

3)      campagnes publicitaires plus traditionnelles dans des quotidiens canadiens tels que Vancouver Province, Journal de Montréal, La Presse, Le Soleil, Toronto Star, The Globe & Mail et Calgary Herald pour nommer que ceux-là; ainsi qu’à l’intérieur de magazines tel que Châtelaine. Des exemples de ces publicités furent produits. Il y a eu également de la publicité à la radio.

[23]           Il y a pareillement la promotion des produits portant la marque YOPTIMAL IMMUNI+ par la voie de coupons rabais, présentoirs et publicité sur l’Internet. Des exemplaires de ces coupons-rabais ont été produits. En 2007 Ultima a procédé à des dégustations dans des épiceries. M. Doutre a joint à son affidavit des photos illustrant ces activités.

[24]           Les produits portant les marques de l’Opposante ont été annoncés sur le site web yoplait.ca depuis son lancement en octobre 2006, tel qu’il appert d’extraits de pages de ce site web joints à l’affidavit de M. Doutre.

[25]           L’affiant conclut son affidavit en décrivant les prix reçus ou la reconnaissance du milieu pour ce nouveau produit. Les produits portant la marque de commerce YOPTIMAL IMMUNI+ ont été finalistes en 2007 au « Canadian Grand Prix New Product Awards » dans la catégorie « produits laitiers et œufs ».

[26]           Je tiens à souligner que je fais fi de toutes références à des documents émanant de tiers, tels que sondages, études de marché ou volume de distribution de certains journaux ou magazines auxquels fait référence M. Doutre dans son affidavit. Cette preuve est inadmissible constituant du ouï-dire.

[27]           J’arrive à la conclusion que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de prouver que ses marques IMMUNI+, YOPTIMAL IMMUNI+ et YOPTIMAL IMMUNI+ et dessin étaient connues au Canada au 18 décembre 2007 de telle sorte que la Requérante doit démontrer qu’à cette date la Marque était distinctive ou était apte à distinguer les Marchandises des marchandises vendues par l’Opposante en liaison avec ses marques de commerce. En d’autres mots, la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’au 18 décembre 2007 l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises ne créait pas de confusion chez le consommateur moyen qui avait un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de l’Opposante.

[28]           La probabilité de confusion entre deux marques de commerce doit s’analyser en fonction des circonstances propres à chacun des dossiers. Ces circonstances sont énumérées à l’article 6(5) de la Loi soit: le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste de critères n’est pas exhaustive. Je réfère à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321 pour une analyse des circonstances pertinentes.

[29]           Je considère que l’Opposante a plus de chances de succès si je compare la Marque avec la marque de commerce IMMUNI+. Si j’arrive à la conclusion qu’il n’y a pas de confusion entre ces marques, il ne saurait y avoir de confusion entre la Marque et les autres marques de l’Opposante.

[30]           Il n’y a pas une différence marquée au niveau du degré de caractère distinctif inhérent de chacune de ces marques. La Marque et la marque de commerce IMMUNI+ comprennent le terme IMMUNI qui suggère « immunité ». D’ailleurs contrairement à ce que prétend l’Opposante je considère sa marque plus faible que la Marque car le symbole « + », prononcé « plus », suggère au consommateur que l’usage de ce produit aurait pour effet d’augmenter l’efficacité de son système immunitaire. Toutefois la preuve d’emploi de cette marque et plus amplement décrite auparavant, combinée à l’absence de preuve d’emploi de la Marque durant la période pertinente, m’amènent à conclure qu’au 18 décembre 2007 la marque IMMUNI+ était plus connue au Canada que la Marque.

[31]           Quant à la durée de l’emploi des marques en présence, ce facteur favorise l’Opposante en raison de l’emploi de la marque IMMUNI+ en liaison avec du yaourt depuis au moins octobre 2006 alors qu’il y a absence de preuve d’emploi de la Marque au Canada.

[32]           Les Marchandises incluent des produits à base de lait ainsi que du yaourt. Il y a donc chevauchement quant à la nature des marchandises des parties. En ce qui concerne la nature des commerces des parties, je n’ai aucune preuve sur la nature des activités commerciales de la Requérante. Je dois alors me référer à la description des marchandises apparaissant à la demande d’enregistrement et en déduire les créneaux de distribution. De plus j’ai décrit ci-haut le large éventail des créneaux de distribution des produits de l’Opposante portant la marque IMMUNI+. Il n’y a aucune restriction dans la demande d’enregistrement concernant la distribution des Marchandises. Celles-ci étant similaires à celles vendues par l’Opposante, j’en déduis que les parties emploient ou emploieront les mêmes réseaux de distribution pour la vente de leurs produits respectifs.

[33]           Le degré de ressemblance entre les marques des parties a maintes fois été considéré comme étant un des facteurs les plus importants à évaluer lors de l’analyse de la probabilité de confusion qu’il peut y avoir entre ces marques de commerce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. 60 C.P.R. (2d) 70]. Ce facteur est d’autant plus important lorsqu’il y a similitude des marchandises en présence.

[34]           Les marques se ressemblent tant visuellement, au niveau sonore et des idées qu’elles suggèrent. En effet, la presque totalité de la marque de commerce de l’Opposante se retrouve dans la Marque. Les marques ne diffèrent au niveau sonore et visuel que par leur dernière composante. Il a été reconnu que la première portion d’une marque de commerce est la plus importante lorsqu’il s’agit de distinguer des marques de commerce [voir Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359]. La mémoire imparfaite d’un consommateur moyen retiendra facilement la première portion de la marque de commerce de l’Opposante soit IMMUNI. Puisqu’il s’agit d’un bien de consommation peu coûteux, le consommateur n’apportera pas une attention très particulière à la marque de commerce pour identifier son origine lors de l’achat du produit, comme il le ferait par exemple pour l’achat d’un appareil ménager. Je conclus que ce facteur favorise nettement l’Opposante.

[35]           À titre de facteur additionnel pertinent l’Opposante plaide qu’elle fut la première à commercialiser au Canada ce type de yaourt et elle a mis beaucoup d’efforts et investi des sommes importantes pour arriver à ce résultat. Elle allègue que la Requérante tente de capitaliser sur ses efforts en tentant d’enregistrer et d’employer une marque semblable à sa marque de commerce IMMUNI+. L’originalité d’un produit n’est pas un facteur à considérer. La ressemblance des marques a déjà été traitée au paragraphe précédent.

[36]           Bien que le terme IMMUNI puisse suggérer « immunité », il s’agit toutefois d’un mot inventé. De l’analyse des facteurs pertinents je conclus que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est distinctive ou est apte à distinguer les Marchandises des marchandises de l’Opposante. En effet la marque de commerce IMMUNI+ était connue au Canada à la date pertinente; la marque de l’Opposante est employée au Canada depuis octobre 2006; les marchandises des parties sont semblables ou à tout le moins de même nature; nous pouvons inférer, en l’absence de preuve contraire, que leurs créneaux de distribution sont semblables; et les marques en présence se ressemblent tant au niveau visuel, phonétique ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[37]           J’accueille donc le cinquième motif d’opposition.

Le droit à l’enregistrement de la Marque

[38]           La date pertinente pour analyser le quatrième motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement (25 septembre 2006) [voir l’article 16(3) de la Loi].

[39]           Pour se décharger de son fardeau initial de preuve l’Opposante devait prouver la production antérieure des demandes d’enregistrement identifiées dans sa déclaration d’opposition. De plus elle devait démontrer que ces demandes d’enregistrement étaient toujours pendantes lorsque la demande de la Requérante fut annoncée dans le Journal des marques de commerce [voir l’article 16(4) de la Loi].

[40]           M. Doutre a produit les extraits pertinents du registre démontrant que les demandes d’enregistrement pour les marques de commerce YOPTIMAL IMMUNI+, IMMUNI+ et YOPTIMAL IMMUNI+ portant respectivement les numéros 1,274,213, 1,292,294 et 1,292,297 ont été produites avant le 25 septembre 2006 et étaient toujours pendantes au moment de l’annonce de la présente demande d’enregistrement dans le Journal des marques de commerce. L’Opposante s’est donc déchargée de son fardeau initial de preuve. La Requérante doit donc démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne portait pas à confusion avec les marques de l’Opposante à la date de production de sa demande d’enregistrement.

[41]           Tout comme sous le motif d’opposition précédent, je considère que l’Opposante a plus de chances de succès si je compare la Marque avec la marque de commerce IMMUNI+.

[42]           La différence entre la date pertinente sous ce motif d’opposition (25 septembre 2006) et celle associée au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque (18 décembre 2007) a pour effet d’éliminer toute preuve postérieure au 25 septembre 2006. Ainsi la preuve d’emploi de la marque de commerce IMMUNI+ par l’Opposante décrite ci-haut ne doit pas être prise en considération car elle est postérieure à la présente date pertinente. Ceci a pour effet de modifier quelque peu certaines des conclusions liées à mon analyse précédente des circonstances énumérées à l’article 6(5) de la Loi.

[43]           L’Opposante a plaidé que la preuve d’emploi de sa marque de commerce postérieure à la date pertinente devrait être considérée comme un facteur additionnel pertinent. Avec tout respect pour l’opinion de l’Opposante je ne peux agréer à cette position. En effet considérer la preuve d’emploi de la marque de commerce IMMUNI+ après le 25 septembre 2006 serait faire fi des différentes dates pertinentes que le législateur et la jurisprudence ont fixées pour cristalliser la situation entre les parties.

[44]           Par conséquent je ne peux conclure qu’au 25 septembre 2006 la marque de commerce de l’Opposante était plus connue que la Marque. De même le critère de la période d’usage des marques en présence ne favorise aucune des parties.

[45]           Malgré ces différences au niveau de l’appréciation des facteurs énumérés aux alinéas (a) et (b) de l’article 6(5) de la Loi je suis d’opinion qu’elles ne sont pas suffisantes pour conclure en faveur de la Requérante. Les marchandises et leurs créneaux de distribution demeurent semblables et le degré de ressemblance entre les marques est toujours présent. Ces facteurs, favorisant nettement l’Opposante, sont suffisants pour conclure que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises ne créait pas au 25 septembre 2006 de confusion avec la marque de commerce IMMUNI+ de l’Opposante. Le quatrième motif d’opposition est donc également maintenu.

Conclusion

[46]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Marque selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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