Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

    Référence: 2013 COMC 99     

Date de la décision: 2013-05-27

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Groupe IME inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,423,611 pour la marque de commerce VITHEQUE au nom de Vidéographe Inc.

Introduction

[1]               Groupe IME inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce VITHEQUE (la Marque) faisant l’objet de la demande no 1,423,611 au nom de Vidéographe Inc. (la Requérante).

[2]               Cette demande, produite le 22 décembre 2008, revendique l’emploi de la Marque au Canada depuis le 16 juillet 2007 en liaison avec un service de vente, de location et d’utilisation de contenus électroniques offerts à partir d’une base de données hébergée sur un site web. L’énoncé détaillé des services visés par cette demande est reproduit à l’Annexe « A » ci-jointe.

[3]               L’Opposante fonde son opposition sur trois motifs tous reliés à la question de la probabilité de confusion en vertu de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) entre la Marque et la marque de commerce ITHEQUE alléguée avoir été précédemment employée au Canada par l’Opposante et son prédécesseur en titre, Pierre Turgeon, en liaison avec une plate-forme numérique interactive et médiathèque numérique sur Internet.

[4]               Les faits de la présente affaire sont particuliers en ce que bien que la Requérante et l’Opposante soient étrangères l’une de l’autre, elles partagent le fait d’avoir été reliées, directement ou indirectement, à Pierre Turgeon. En effet, la Requérante a conclu par le passé avec la société Tonality Inc. (Tonality), du temps où celle-ci était active et représentée par M. Turgeon, une entente stipulant la mise en commun de leurs compétences et de leurs expertises respectives pour réaliser et développer le projet VITHEQUE à l’origine de la présente demande. L’Opposante est quant à elle dirigée par M. Turgeon et prétend avoir acquis de celui-ci les droits dans la marque de commerce ITHEQUE.

[5]               Sous-jacente à la question de la probabilité de confusion entre les marques en cause, est la question de déterminer si l’emploi antérieur de la marque ITHEQUE bénéficie non pas à l’Opposante et son prédécesseur en titre M. Turgeon, mais plutôt à Tonality. Les représentations et actes antérieurs de M. Turgeon, notamment dans le cadre de la relation commerciale passée entre la Requérante et Tonality, doivent être pris en compte en l’espèce.

Le dossier

[6]               La déclaration d’opposition fut produite le 13 mai 2010. La liste détaillée des motifs d’opposition tels que plaidés par l’Opposante est jointe à l’Annexe « B ». La Requérante a produit une contre-déclaration déniant chacun de ces motifs.

[7]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit de Pierre Turgeon, président et dirigeant de l’Opposante, assermenté le 22 novembre 2010. M. Turgeon a été contre-interrogé et la transcription de son contre-interrogatoire et les réponses aux engagements souscrits lors de celui-ci ont été versées au dossier. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de Bernard Claret, directeur général et dirigeant de la Requérante, assermenté le 26 août 2011.

[8]               Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit. Seule la Requérante a participé à une audience.

Le fardeau qui repose sur les parties

[9]               C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse

[10]           Tel que mentionné plus haut, les trois motifs opposition plaidés par l’Opposante sont tous reliés à la question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce ITHEQUE de l’Opposante.

[11]           Je débuterai mon analyse de la probabilité de confusion entre les marques en cause en regard du motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)(a) de la Loi.

Le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)(a) de la Loi

[12]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’article 16(1)(a) de la Loi, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce ITHEQUE a été employée au Canada antérieurement à la date de premier emploi revendiquée dans la présente demande et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande de la Requérante dans le Journal des marques de commerce, soit le 16 décembre 2009 [article 16(5) de la Loi]. Je conviens avec la Requérante que ce fardeau n’a pas été rencontré en l’espèce.

[13]           En effet, suite à ma revue ci-après du témoignage de M. Turgeon à la lumière de son contre-interrogatoire et des éléments de preuve produits par la Requérante par le biais de l’affidavit de M. Claret, je conclus que l’emploi antérieur de la marque ITHEQUE bénéficie non pas à l’Opposante et son prédécesseur M. Turgeon, mais plutôt à une tierce partie, soit Tonality.

L’emploi antérieur fait de la marque ITHEQUE ne bénéficie pas à l’Opposante

[14]           Dans son affidavit, M. Turgeon affirme être le président de l’Opposante et être un dirigeant de celle-ci depuis 2007. M. Turgeon affirme également avoir été directeur général de Tonality entre le 22 septembre 2004 et le 24 février 2010 [paras 1, 2 et 3 de son affidavit].

[15]           M. Turgeon explique que l’Opposante est une entreprise qui œuvre dans le domaine de la mise en ligne d’œuvres numériques sur des réseaux informatiques tels qu’Internet à travers des services de bibliothèque numérique depuis 2007. Tonality œuvrait également dans le même domaine entre 2006 et février 2010 [paras 6 et 7 de son affidavit].

[16]           S’agissant plus particulièrement de la marque ITHEQUE, M. Turgeon affirme que : « L’Opposante fait un usage étendu de [celle-ci], notamment par ses activités commerciales et celles de Tonality, faisant un usage sous licence [mon emphase], depuis au moins aussi tôt que le 15 août 2006 en liaison avec des services de bibliothèque numérique et de la mise en ligne d’œuvres numériques » [para 8 de son affidavit]. M. Turgeon produit comme Pièce PT-1, une copie du certificat d’authenticité du registre des marques de commerce concernant une demande produite par l’Opposante pour l’enregistrement de la marque ITHEQUE sur la base de l’emploi en liaison avec pareils services depuis le 15 août 2006 par l’Opposante et son prédécesseur en titre M. Turgeon [mon emphase].

[17]           Or, les faits mis en preuve n’établissent aucunement l’existence de cette licence ou encore le contrôle exercé par l’Opposante et M. Turgeon relativement à l’emploi de la marque ITHEQUE par Tonality. De plus, bien que M. Turgeon affirme avoir cédé la marque ITHEQUE à l’Opposante, les circonstances entourant pareille cession sont pour le moins nébuleuses. L’ensemble de la preuve pointe plutôt en direction de Tonality en tant que propriétaire de la marque ITHEQUE pour les raisons suivantes :

1.      Lorsqu’interrogé sur la cession intervenue entre lui-même et l’Opposante, M. Turgeon n’a fourni aucune précision que ce soit concernant les termes et conditions de cette cession [transcription, pp 12-14; réponse à l’engagement E-2]. Les seuls éléments d’information qui ressortent de son contre-interrogatoire sont à l’effet que cette cession serait survenue vers le mois de février 2010, lorsque Tonality aurait cessé ses opérations [transcription, pp 12 et 13]. Je reviendrai plus loin sur cet aspect du témoignage de M. Turgeon;

2.      Aucune des pièces produites au soutien de l’affidavit de M. Turgeon ne présente celui-ci comme propriétaire de la marque ITHEQUE. Au contraire, plusieurs de ces pièces présentent Tonality comme l’entité ayant développé le service ITHEQUE et détenant les droits dans celui-ci. Voir notamment :

-          Sous PT-2 : Le document intitulé Contrat de prestation de services intervenu entre Tonality et la Bibliothèque municipale de Beaconsfield stipulant à l’article 1.4 que « Tonality possède l’ensemble des droits nécessaires à la mise en place et au fonctionnement du service iThèque » et à l’article 2.1 que « Par ‘iThèque’, il convient d’entendre la plateforme multimédia créée et développée par Tonality »;

-          Sous PT-6 : Le document intitulé Coup d’œil Gardengoeis selon lequel « […] iThèque vous permet d’accéder à un ensemble de documents en toute légalité. Mise sur pied il y a quatre ans par l’entreprise québécoise Tonality, le système est en effet basé sur […] »; et les extraits tirés de http://www.marthiiii.com selon lesquels : « […] Tonality dispose d’une infrastructure technologique unique qui lui permet de réunir toutes les catégories d’œuvres numérisables et offre déjà des milliers d’œuvres par téléchargement. En plus de se démarquer avec son service iThèque, Tonality diffuse […] » et « Nous sommes fiers d’avoir développé le service iThèque (www.itheque.net) qui est la première plateforme de prêt numérique […]. iThèque sera une vraie révolution dans l’univers culturel et des bibliothèques du monde. C’est d’ailleurs dans le cadre de son développement que Tonality et toute son équipe est heureuse d’annoncer sa nouvelle implantation en Europe », etc.; et

-          Sous PT-7 : Le document intitulé iThèque une odyssée électronique présentant encore une fois Tonality comme l’entité ayant crée la plateforme multimédia ITHEQUE et renvoyant aux coordonnées de « Tonality/iThèque » à Montréal;

3.     L’entente de partenariat conclue entre la Requérante et Tonality le 17 décembre 2007 produite comme Pièce BC-2 à l’affidavit de M. Claret stipule à l’article 4.5 que « Tonality est propriétaire de iThèque et de Tonality.ca. Tonality est créateur et gestionnaire du contenant de viThèque. Tonality est créateur du concept novateur de bibliothèque par Internet ‘iThèque’ et de l’ensemble des technologies, électroniques ou autres, développées lors de son élaboration » [mon emphase]. Les signataires de cette entente pour le compte de Tonality sont Pierre Turgeon et son fils, François Turgeon. Le lien de filiation entre Pierre et François Turgeon fut établi lors du contre-interrogatoire [voir notamment la page 8 de la transcription]. Les signataires de cette entente pour le compte de la Requérante sont au nombre de trois, incluant M. Claret.

S’agissant de la conclusion de l’entente BC-2, M. Claret affirme dans son affidavit qu’en aucun temps M. Turgeon ne lui a indiqué qu’il était personnellement propriétaire de la marque ITHEQUE et que Tonality ne détenait qu’une licence d’utilisation de la marque ITHEQUE [para 11 de son affidavit]. Je reviendrai plus loin sur les circonstances ayant entouré la conclusion de cette entente et sa terminaison.

4.     Selon la Pièce BC-3 à l’affidavit de M. Claret, laquelle consiste en une copie de pages Web Wikipedia, l’Opposante aurait « repris iThèque » en avril 2010. Cette information se retrouve à la toute fin de la section traitant de l’historique du service « ITHEQUE » décrivant par ailleurs Tonality comme l’entreprise ayant mis en ligne ce service décrit comme « un concept innovateur de bibliothèque numérique « virtuelle » imaginé par Pierre Turgeon et François Turgeon prolongeant la mission des bibliothèques et des médiathèques classiques, [et étant] offert aux institutions culturelles francophones à travers le monde ». M. Claret affirme dans son affidavit que M. Turgeon surveille le site Wikipedia pour l’avoir déjà fait modifier; et

5.      Selon la Pièce BC-7 à l’affidavit de M. Claret, laquelle consiste en un extrait du registre des entreprises du Québec concernant Tonality, « ITHÈQUE » est déclaré par Tonality comme un autre nom employé par celle-ci au Québec depuis le 13 juin 2006.

[18]           Revenant sur l’entente BC-2, M. Claret affirme dans son affidavit que le projet VITHEQUE a été réalisé avec des fonds publics accordés par Patrimoine Canadien. S’agissant de fonds publics, M. Claret explique qu’« il était de l’essence de l’entente de partenariat que le [p]rojet réalisé soit pérenne, ce que l’article 16 et le paragraphe 18.9 de l’entente […] BC-2 consignent » [para 15 de son affidavit]. M. Claret poursuit son affidavit en précisant qu’aux termes des paragraphes 16.2 et 18.9 et 18.11 de cette entente, tous les droits, quels qu’ils soient dans le projet VITHEQUE ont été cédés à la Requérante lorsque cette entente a été annulée à l’automne 2008 [para 18 de son affidavit]. Il ressort de l’affidavit de M. Claret que l’annulation de l’entente BC-2 découlerait du fait que Tonality aurait à cette époque fait l’objet d’une requête en faillite produite le 10 septembre 2008. Il est à noter que la copie du jugement de la Cour supérieure du Québec daté du 24 février 2010 prononçant la faillite de Tonality produite comme Pièce BC-8 à l’affidavit de M. Claret, concerne la société « Les Éditions Tonality Inc. » plutôt que « Tonality Inc. ». M. Turgeon indique toutefois à la page 51 de son contre-interrogatoire que, corporativement parlant, « Les Éditions Tonality Inc. », « Tonality Inc. » et « Distribution Tonality » « c’est toute la même chose ». Au surplus, la terminaison de l’entente BC-2 n’a pas été remise en question par l’Opposante.

[19]           Revenant sur les aspects du témoignage oral de M. Turgeon portant sur la propriété de la marque ITHEQUE, il est à noter que celui-ci parle toujours spontanément de cession de la marque ITHEQUE, par opposition à une licence d’emploi. Il se reprend par la suite en disant qu’il est celui qui a inventé la marque, que celle-ci lui appartient personnellement, et qu’il aurait cédé à Tonality un droit d’exploitation dans celle-ci [voir notamment les pages 7 à 12 de la transcription]. M. Turgeon se garde toutefois d’expliquer les termes et conditions de cette licence malgré les questions en ce sens posées par le procureur de la Requérante. De plus, M. Turgeon emploie sensiblement le même langage lorsqu’il est question de l’Opposante : voir notamment les pages 98 à 102, 106 et 107 de la transcription où celui-ci explique que c’est suite à la faillite de Tonality, prononcée en février 2010, qu’il a « repris [la marque ITHEQUE] et […] a donné une licence à l’Opposante », et la page 13 de la transcription, où il indique que l’Opposante est propriétaire de la marque ITHEQUE ayant reçu une cession de sa part pour « continuer l’exploitation de la plate-forme ITHEQUE ». Encore ici, M. Turgeon se garde toutefois d’expliquer les termes et conditions de la cession intervenue entre lui-même et l’Opposante malgré les questions du procureur de la Requérante tentant d’éclaircir les circonstances ayant entouré celle-ci et la faillite de Tonality.

[20]           Tel qu’indiqué plus haut, les circonstances entourant les soi-disant licence et cession de la marque ITHEQUE à Tonality et l’Opposante respectivement sont pour le moins nébuleuses (pour ne pas dire contredites par notamment l’entente BC-2). Je ne peux que tirer des inférences négatives du défaut de M. Turgeon et de l’Opposante de clarifier cet aspect du dossier malgré les tentatives en ce sens du procureur de la Requérante.

[21]           Je conclus que l’Opposante n’a pas établi qu’elle a employé, par elle-même ou par son prédécesseur M. Turgeon, la marque ITHEQUE antérieurement à la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, pas plus qu’elle n’a établi que l’emploi antérieur de la marque ITHEQUE par Tonality était à titre de licenciée dûment contrôlée au sens de l’article 50 de la Loi plutôt qu’à titre de propriétaire de la marque. En conséquence, l’Opposante n’a pas satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant. J’ajouterais que par le jeu de l’article 17(1) de la Loi, l’emploi de la marque ITHEQUE par une tierce partie, en l’occurrence Tonality, ne peut étayer un motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)(a) de la Loi.

[22]           Partant, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)(a) de la Loi est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi

[23]           Ce motif d’opposition se doit également d’être rejeté au motif que l’Opposante n’a pas satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant.

[24]           En effet, l’article 30(i) de la Loi exige simplement que la Requérante fournisse une déclaration portant qu’elle est convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les services décrits dans sa demande. La Requérante s’est strictement conformée aux exigences de cette disposition. Il est bien établi dans la jurisprudence qu’un motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi ne devrait être retenu que dans les cas exceptionnels, notamment lorsque la mauvaise foi de la partie requérante est établie [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) 155], ce qui n’est pas le cas en l’espèce. L’on ne saurait inférer de la simple connaissance de la marque ITHEQUE par la Requérante que celle-ci était de mauvaise foi au moment da la production de la présente demande. La conclusion de l’entente produite comme Pièce BC-2 établit au contraire la bonne foi de la Requérante à cet égard.

Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[25]           Il convient d’insister sur le fait que ce motif d’opposition, tel que plaidé, est restreint aux services de l’Opposante.

[26]           Ainsi, pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce ITHEQUE était devenue suffisamment connue au Canada à la date de la déclaration d’opposition, soit le 13 mai 2010, de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[27]           Or, il ressort de mon analyse plus haut que l’Opposante en elle-même ne peut, au mieux, prétendre à des droits dans la marque ITHEQUE qu’à partir de février 2010. L’Opposante ne peut en effet se rabattre sur l’emploi antérieur de la marque ITHEQUE par Tonality parce que cet emploi ne peut pas lui être attribué en vertu de l’article 50 de la Loi.

[28]           Considérant plus particulièrement la preuve d’emploi de la marque ITHEQUE par l’Opposante entre février 2010 et la date pertinente du 13 mai 2010, il convient de rappeler mes commentaires précédents concernant le flou entourant la faillite de Tonality et la « continuité de l’exploitation de la plate-forme ITHEQUE » par l’Opposante suite à la cession alléguée de la marque ITHEQUE par M. Turgeon.

[29]           Il convient de plus de noter que « les ventes canadiennes annuelles générées par les services ITHEQUE » fournies par M. Turgeon au paragraphe 18 de son affidavit concernent les années 2006 à 2009 seulement. Aucun chiffre n’est fourni concernant la reprise des activités par l’Opposante. Il convient de rappeler à ce sujet qu’il ressort clairement du contre-interrogatoire de M. Turgeon que toute vente réalisée antérieurement à la faillite de Tonality ne peut être attribuée à l’Opposante en tant que telle mais bien à Tonality [voir notamment les pages 93 à 97 de la transcription].

[30]           Reste les pièces produites au soutien de l’affidavit de M. Turgeon. Les seules pouvant se rattacher à l’Opposante plutôt qu’à Tonality sont les Pièces PT-4 et 5. Or, les copies d’écran produites comme Pièce PT-4 que M. Turgeon décrit comme provenant « du Site Web [www.itheque.net] utilisant ITHEQUE » sont datées du 18 octobre 2010, soit après la date pertinente. Quant à la Pièce PT-5 que M. Turgeon décrit comme « différents rapports d’accès et d’utilisation du Site Web pour les années 2006 à 2009 », ceux-ci feraient état de nombres variables de « sessions » pour les mois de février à mai 2010. Par contre, il est impossible de déterminer dans quelle mesure ces « sessions » se rattachent à des utilisateurs canadiens par opposition à des utilisateurs étrangers. Il ressort en effet de cette même Pièce PT-5 que ces consultations proviendraient de différentes « médiathèques », dont plusieurs en provenance de France et du Pérou.

[31]           Je conclus que l’Opposante n’a pas satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant d’établir que sa marque ITHEQUE était devenue suffisamment connue au Canada en date du 13 mai 2010 de manière à nier le caractère distinctif de la Marque.

[32]           Partant, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque est rejeté.

Décision

[33]           Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 


Annexe « A »

 

État déclaratif des services visés par la demande d’enregistrement no 1,423,611 :

 

Services de vente, de location et d'utilisation de contenus électroniques offerts à partir d'une base de données hébergée sur un site web accessible par internet pour: la location d'œuvres vidéographiques et d'images artistiques livrés à des abonnés par téléchargement électronique chrono-dégradable; le visionnement électronique gratuit de séquences d'oeuvres vidéographiques et d'images artistiques directement à partir du site web de la requérante ou en mémoire électronique tampon à partir de l'ordinateur de l'usager; le visionnement électronique gratuit de films documentaires, de films de fiction, de vidéos d'arts, de vidéos de danse, de films d'animation, de films expérimentaux et de contenus pédagogiques sur des oeuvres vidéographiques et sur les arts indépendants dans les médias électroniques; et la vente d'oeuvres vidéographiques et d'images artistiques livrés à l'usager par téléchargement électronique.


Annexe « B »

 

Les motifs d’opposition plaidés par l’Opposante sont les suivants :

 

a)      L’Opposante fonde son opposition sur les dispositions du sous-alinéa 38(2)(a); en effet, la [d]emande ne rencontre pas les exigences énoncées à l’article 30, et plus spécifiquement celles énoncées à :

i) l’alinéa 30(i); en effet, la Requérante et l’Opposante œuvrent dans le même domaine, nommément, plate-forme numérique interactive et médiathèque numérique sur Internet. Conséquemment, chaque partie est familière avec les services et marques de commerce de l’autre partie. En [a]oût 2006, le prédécesseur de l’Opposante a introduit « iTheque.net », (htttp ://www.itheque.net) une nouvelle plateforme interactive permettant de gérer un service de prêt par Internet d’œuvres culturelles numérisées. L’Opposante et son prédécesseur emploient ainsi la marque de commerce ITHEQUE depuis au moins aussi tôt que [a]oût 2006 en liaison avec des services de bibliothèque numérique « virtuelle ». De ce fait, l’Opposante soumet que la Requérante ne pouvait et ne peut toujours pas être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les services mentionnés dans la [d]emande étant donné qu’au moment de la production de la [d]emande, la Requérante était au courant de l’emploi par l’Opposante de la marque ITHEQUE;

b)      l’Opposante fonde également son opposition sur les dispositions du sous-alinéa 38(2)(c); en effet, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions du sous-alinéa 16(1)(a) puisqu’en date de la production de la [d]emande, la Marque créait de la confusion (au sens des articles 2 et 6) avec la marque ITHEQUE de l’Opposante employée au Canada depuis au moins aussi tôt que [a]oût 2006;

c)      de plus, l’Opposante fonde son opposition sur les dispositions du sous-alinéa 38(2)(d); en effet, la Marque n’est pas distinctive (au sens de l’article 2) puisque la Marque ne peut véritablement distinguer et n’est pas adaptée à distinguer les services de la Requérante, tels qu’énumérés dans la [d]emande, des services d’autres personnes et plus particulièrement des services de l’Opposante énumérés dans le paragraphe [a)(i)].

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