Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2013 COMC 218

Date de la décision : 2013-12-18

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Alliance Laundry Systems LLC, visant l'enregistrement de no LMCDF15837 de la marque de commerce SPEED QUEEN au nom de Whirlpool Canada LP.

[1]               Le 5 octobre 2011, à la demande de Alliance Laundry Systems LLC (Partie requérante), le Registraire a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Whirlpool Canada LP (l'Inscrivante), propriétaire inscrit de l'enregistrement noLMCDF15837 pour la marque de commerce SPEED QUEEN (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée aux fins d'emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

Marchandises :

(1) Machines à laver le linge, essoreuses de buanderie, dispositifs d'extraction de l'eau et machines à repasser.

(2) Réfrigérateurs électriques.

(3) Fours à micro-ondes, congélateurs, cuisinières amovibles, fours encastrés, tables de cuisson.

(4) Séchoirs à linge, lave-vaisselle.

Services :

(1) Exploitation d'un lavoir automatique.

(2) Service de location, d'entretien et de réparation de machines à laver le linge et de séchoirs à linge.

[3]               Selon l'article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit doit, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis, et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l'espèce, la période pertinente au cours de laquelle l'emploi doit être établi s'étend du 5 octobre 2008 au 5 octobre 2011.

[4]               La signification de « l'emploi » d'une marque de commerce en liaison avec des marchandises et des services est énoncée dans l'article 4 de la Loi, lequel indique en partie ceci :

4(1)      Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’un avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

[5]               Il est bien établi que l'objet et la portée de l'article 45 de la Loi sont de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive visant à débarrasser le registre du « bois mort »; c'est pourquoi la norme de preuve imposée au propriétaire inscrit est peu exigeante [Uvex Toko Canada Ltd c. Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF)].

[6]               En réponse à l'avis du registraire, l'Inscrivante a produit l'affidavit de Robert English, qui s'identifie comme étant l’administrateur/directeur général de Whirlpool Corporation, assermenté le 27 mars 2012.

[7]               Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient représentées à l'audience.

[8]               Au début de l'audience, l'Inscrivante a convenu que l'enregistrement en cause devait être modifié afin de supprimer l'ensemble des marchandises et des services, à l'exception des marchandises décrites comme étant des « machines à laver le linge » et des « séchoirs à linge », puisqu'il n'existe ni preuve d'emploi ni circonstances justifiant le défaut d'emploi de la Marque relativement à ces autres marchandises et services.

[9]               Par conséquent, je concentrerai mon analyse seulement sur les marchandises que sont les « machines à laver le linge » et les « séchoirs à linge ».

[10]           En ce qui concerne la preuve d’emploi de la Marque par l’Inscrivante, M. English affirme que l'Inscrivante est une filiale en propriété exclusive de Whirlpool Corporation, un chef de file mondial dans la fabrication et la commercialisation d'appareils ménagers. [paragraphes 1 et 2 de son affidavit]

[11]           M. English déclare que « [traduction] la Marque a été employée par la Partie requérante et ses licenciés, y compris Whirlpool Corporation, dans la pratique normale du commerce, au Canada, en liaison avec des appareils ménagers, dont des machines à laver le linge et des séchoirs à linge à l'intérieur de la période pertinente ». [paragraphe 3 de son affidavit]

[12]           M. English affirme que la Marque est employée en ce sens qu'elle est bien en vue sur les machines à laver et les séchoirs, et que la Marque a été ainsi employée pendant la période pertinente également. À cet égard, il joint la pièce B, contenant des photos représentatives de machines à laver et de séchoirs sur lesquels la Marque est apposée. [paragraphe 5 de son affidavit] À l'examen de cette pièce, je note que ces machines à laver et séchoirs semblent conçus pour un usage commercial puisqu'ils fonctionnent avec de la monnaie.

[13]           M. English affirme que « [traduction] les machines à laver et les séchoirs SPEED QUEEN sont vendus par l'Inscrivante et ses licenciés dans la pratique normale du commerce à des consommateurs au Canada, et l'étaient aussi pendant la période pertinente ». Il indique également que les ventes totales de machines à laver et de séchoirs SPEED QUEEN au Canada pour les années 2001 à 2010 s'élevaient à 100 504,69 dollars canadiens. Toutefois, aucune ventilation n'est fournie. Il ajoute ensuite que « [traduction] bien que le volume global des ventes de machines à laver et de séchoirs SPEED QUEEN ait diminué brièvement au cours des années suivant l'acquisition de Maytag Corporation par Whirlpool Corporation en 2006 [...] une portion des ventes susmentionnées pour les machines à laver et les séchoirs SPEEN QUEEN pour les années 2001 à 2010 s'est faite pendant la période pertinente ». [paragraphe 11 de son affidavit]

[14]           M. English joint les pièces C et D, qui sont des copies de factures datées du 20 et du 22 décembre 2011 (soit après la période pertinente) émises par Whirlpool Corporation à un acheteur au détail situé dans la province de Québec pour des machines à laver 108 SPEED QUEEN et des séchoirs 108 SPEED QUEEN respectivement. Il explique que la Marque est imprimée en évidence au centre de chaque facture, sous la rubrique de description, à côté du numéro de modèle/pièce. Il confirme que les descriptions et les numéros de modèle/pièce correspondent aux ventes de machines à laver et de séchoirs SPEED QUEEN effectuées au Canada et que « [traduction] l'emploi actuel de la Marque sur ces factures est représentatif de la nature de l'emploi de la Marque sur les factures émises pendant la période pertinente ». [paragraphes 7 à 9 de son affidavit]

[15]           M. English affirme aussi que « [traduction] depuis l'acquisition de la Marque en 2004, l'Inscrivante a conservé un contrôle direct ou indirect, en tout temps, y compris pendant la période pertinente, sur la nature et la qualité des machines à laver et des séchoirs SPEED QUEEN commercialisés et vendus par ses licenciés au Canada, y compris Whirlpool Corporation, en liaison avec la Marque ». [paragraphe 10 de son affidavit]

[16]           M. English conclut son affidavit en indiquant que le maintien de cet enregistrement est clairement justifié puisque la preuve démontre que la Marque a été employée par l'Inscrivante et ses licenciés, dans la pratique normale du commerce, au Canada, en liaison avec des machines à laver et des séchoirs, y compris pendant la période pertinente. [paragraphe 12 de son affidavit]

[17]           La Partie requérante soutient que l'Inscrivante n'a pas démontré l'emploi pendant la période pertinente de la Marque au Canada en liaison avec les marchandises enregistrées, à savoir des « machines à laver le linge » et des « séchoirs à linge », et ce, pour trois raisons principales, lesquelles sont présentées tour à tour ci-dessous.

Pratique normale du commerce

[18]           La Partie requérante fait valoir que la pratique normale du commerce de l'Inscrivante n'est pas expliquée dans l'affidavit de M. English. Elle soutient que l'affidavit contient plutôt des mentions non fondées de « l'emploi dans la pratique normale du commerce ». Je ne suis pas d'accord.

[19]           Comme l'explique M. English, l'Inscrivante est une filiale en propriété exclusive de Whirlpool Corporation, un chef de file mondial dans la fabrication et la commercialisation d'appareils ménagers. M. English mentionne aussi que depuis l'acquisition de la Marque en 2004, l'Inscrivante a vendu par elle même et par l'intermédiaire de ses licenciés, y compris Whirlpool Corporation, des machines à laver et des séchoirs SPEED QUEEN au Canada.

[20]           Ces déclarations assermentées de l'emploi de la Marque sont corroborées par une représentation visuelle de la Marque (pièce B) et des exemples de facture démontrant les ventes faites à un client canadien (pièces C et D).

[21]           Le fait que l'affidavit de M. English n'indique pas si les machines à laver et les séchoirs illustrés en pièce B ont été vendus sans emballage de façon qu’avis de liaison soit alors donné au(x) consommateur(s), ni s'ils étaient emballés au moment du transfert et, le cas échéant, si la Marque figurait sur l'emballage ou le matériel d'emballage, n'est pas rédhibitoire pour l'Inscrivante.

[22]           Comme indiqué précédemment, le fait que la Marque soit clairement affichée sur les machines à laver et les séchoirs suffit pour satisfaire aux fins d'emploi en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi. Quoi qu'il en soit, même si je devais accepter la prémisse de la Partie requérante et supposer que les machines à laver et les séchoirs SPEED QUEEN ont été vendus dans un emballage n'indiquant pas leur marque, je suis convaincue que l'on peut supposer que l'avis de liaison serait donné, compte tenu des exemples représentatifs de factures produits en pièces C et D.

[23]           Comme l'a souligné l'Inscrivante, bien que ces factures soit ultérieures à la période pertinente, elles sont importantes en l'espèce puisqu'elles illustrent une autre façon dont la Marque est associée aux machines à laver et aux séchoirs de l'Inscrivante au moment du transfert, puisque la Marque apparaît à côté du modèle de machines à laver et de séchoirs qui ont été vendus. Comme mentionné précédemment, M. English affirme clairement que l'emploi de la Marque sur ces factures est représentatif de la nature de l'emploi de la Marque sur les factures pendant la période pertinente. Une vérification attentive des factures révèle que les adresses de facturation et d'expédition sont identiques et que la date de facturation et la date d'expédition sont également identiques (le paiement étant dû le mois suivant). Comme le souligne l'Inscrivante, le registraire a déjà accepté dans de telles circonstances que les factures en question accompagnent les marchandises au moment du transfert [Cheesecake Factory Inc c. Tetragon Investments Ltd (2010), 88 CPR (4th) 165 (COMC) à la page 175].

Emploi sous licence

[24]           La Partie requérante soutient que l'affidavit English n'explique pas suffisamment l'emploi sous licence de la Marque, comme le fabricant des machines à laver et des séchoirs SPEED QUEEN, la façon dont l'Inscrivante exerce un contrôle sur l'emploi de la Marque sous licence, les licenciés de l'Inscrivante autres que Whirlpool Corporation, etc. Je ne suis pas d'accord avec l'approche de la Partie requérante.

[25]           Pour les besoins de la procédure de radiation en vertu de l'article 45, l'Inscrivante doit seulement fournir une déclaration claire et assermentée sur le contrôle exercé en vertu de l'entente de licence. Comme nous le rappelle la décision Quarry Corp Ltd c. Bacardi & Co Ltd (1996), 72 CPR (3d) 25 (CF 1re inst.) à la page 29, il n'est pas nécessaire d'inclure les détails concernant la façon dont le contrôle est exercé :

[traduction] La preuve de l'appelant au sujet de son licencié est brève, mais à mon avis elle est fiable. Le fait que l'emploi par un licencié s'appliquera à l'avantage du propriétaire de la marque de commerce n'est pas contesté. L'affidavit Cantu indique que l'appelant détient une licence auprès de Casa Cuervo, S.A. de C.V" et que les produits fabriqués sous la licence doivent respecter les normes de qualité de l'appelant. Cette déclaration est davantage une preuve qu'une simple allégation.

 

[Voir aussi Pitblado Buchwald Asper c. Hockey Ventures Inc (2002), 25 CPR (4th) 71 (COMC); Bereskin & Parr c. Movenpick-Holding (2008), 69 CPR (4th) 243 (COMC) aux pages 249 à 250; et Smart & Biggar c. Vincenzo Greco & Giuseppina Greco a Partnership, (2010) COMC 116 au paragraphe 15; entre autres, où l'on soutien qu'aux fins de la procédure de radiation en vertu de l'article 45, s'il a mention d'une licence et qu'il est déclaré dans l'affidavit que le propriétaire détient un contrôle sur la nature et la qualité des marchandises, l'emploi est considéré conforme au paragraphe 50(1) de la Loi].

[26]           En l'espèce, rien ne laisse entendre que l'Inscrivante n'a pas exercé de contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des machines à laver et les séchoirs SPEED QUEEN. Au contraire, M. English confirme clairement le fait que l'Inscrivante a conservé en tout temps un contrôle direct ou indirect sur la nature et la qualité des machines à laver et des séchoirs SPEED QUEEN que Whirlpool Corporation a vendus au Canada. Je n'ai aucune raison de ne pas accepter d'emblée les déclarations de M. English. Au contraire, il faut accorder une crédibilité notable aux déclarations assermentées contenues dans l'affidavit.

Emploi pendant la période pertinente

[27]           La Partie requérante soutient qu'il n'y a absolument aucune preuve des ventes réelles de machines à laver et de séchoirs SPEED QUEEN pendant la période pertinente. Plus précisément, elle soutient que les factures produites en pièces C et D ne sont pas pertinentes, puisqu'elles sont ultérieures à la période pertinente, et que M. English n'a pas fourni les ventes exactes de machines à laver et séchoirs SPEED QUEEN pour la période pertinente, ce qui doit être retenu contre l'Inscrivante. Je ne suis pas d'accord avec la Partie requérante sur ce point.

[28]           Comme le souligne l'Inscrivante, il n'est pas nécessaire de fournir des factures issues de la période pertinente pour établir l'emploi [Lewis Thomson & Sons Ltd c. Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst.); et Borden Elliott c. Cara Operations Ltd (1997), 82 CPR (3d) 115 (CMOC) à la page 120].

[29]           En outre, comme l'a reconnu la Partie requérante elle-même à l'audience, les factures produites en pièces C et D démontrent un volume de ventes élevé : machines à laver 108 SPEED QUEEN (pour un montant total de 41 256 $) et séchoirs 108 SPEED QUEEN (pour un montant total de 32 832 $). Bien que ces factures succèdent d'environ 11 semaines la période pertinente, il ne serait pas raisonnable de conclure qu'elles sont issues d'une « vente symbolique ». Au contraire, j'estime raisonnable de conclure que ces factures représentent une continuité de ventes, particulièrement si l'on considère la preuve dans son ensemble.

[30]           En fait, je n'ai aucune raison d'accepter la déclaration claire qu'a faite M. English, à savoir qu'une portion des ventes pour les années 2001 à 2010, lesquelles totalisaient 100 504,69 $ ont été faites pendant la période pertinente. Comme le souligne l'Inscrivante, pour en conclure autrement, il faudrait conclure que les ventes de machines à laver et de séchoirs SPEED QUEEN de Whirlpool Corporation seraient passées de zéro pendant la période pertinente à des dizaines de milliers de dollars chacune pendant les quelques semaines qui ont suivi l'avis émis en vertu de l'article 45. Il ne serait pas raisonnable de tirer une telle conclusion en l'espèce et cela ne respecterait pas la nature sommaire de la procédure de radiation en vertu de l'article 45.

Décision

[31]           À la lumière de ce qui précède, l'enregistrement sera modifié de manière à ce que soient supprimés les marchandises et les services pour lesquels aucune preuve d'emploi n'a été produite. Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera maintenu selon les dispositions de l’article 45 de la Loi, mais seulement en ce qui a trait aux marchandises suivantes : « machines à laver le linge » et « séchoirs à linge ».

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Annie Robitaille

Commissaire

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme,

Sophie Ouellet, trad.a.

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