Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Pernod Ricard à la demande no 895,539 produite par Molson Canada 2005 pour l’enregistrement de la marque de commerce RICKARD’S RED RR & Dessin                                  

 

Le 6 novembre 1998, Les Brasseries Molson, Société en nom collectif, a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce RICKARD’S RED RR & Dessin (la marque en cause), illustrée ci-dessous :

La demande est maintenant inscrite au nom de Molson Canada 2005. Le terme « requérante » utilisé tout au long de la présente décision désigne l’entité qui était requérante à l’époque pertinente.

 

La demande d’enregistrement de la marque en cause en liaison avec des « boissons alcoolisées brassées, nommément bière » est fondée sur l’emploi au Canada depuis au moins le 1er mai 1995. La requérante a renoncé au droit à l’usage exclusif du mot RICKARD en dehors de la marque de commerce. La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 4 octobre 2000 aux fins de la procédure d’opposition.

 

Le 21 février 2001, Pernod Ricard (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition à la demande. Elle invoque les motifs d’opposition repris pour l’essentiel ci-dessous :

 

1.      La demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), en ce que : a) la requérante n’a pas employé comme il est dit ces marchandises et services; b) subsidiairement ou cumulativement, la requérante a abandonné, en tout ou en partie, LA MARQUE; c) c’est faussement que la requérante s’est dite convaincue d’avoir le droit à l’emploi au Canada de LA MARQUE et ce, eu égard au contenu de la déclaration d’opposition.

 

2.      Eu égard aux dispositions de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, LA MARQUE n’est pas enregistrable car elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées RICARD (enregistrement no TMA157,477), RICARD), RICARD (enregistrement no TMA456,338) et PACIFIC RICARD (enregistrement no TMA389,349) de l’opposante.

 

3.      La requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de LA MARQUE, car à la date de premier emploi alléguée (autrement niée) de même qu’à toute époque pertinente,

 

a)      LA MARQUE créait de la confusion avec les marques de commerce RICARD et PACIFIC RICARD antérieurement employées ou révélées au Canada par l’opposante ou pour celle-ci, sous licence ou, pareillement, par ses prédécesseurs en titre en liaison avec ses marchandises, services et entreprise de boissons alcooliques et non alcooliques, contrairement aux dispositions de l’alinéa 16(1)a) le la Loi;

 

b)      LA MARQUE créait de la confusion avec les noms commerciaux RICARD et PERNOD RICARD antérieurement employés ou révélés au Canada par l’opposante ou pour celle-ci ou, pareillement, par ses prédécesseurs en titre en liaison avec ses marchandises, services et entreprise de boissons alcooliques et non alcooliques, contrairement aux dispositions de l’alinéa 16(1)c) de la Loi;

 

c)      la demande d’enregistrement n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi, LA MARQUE n’est pas enregistrable et elle n’est pas une marque employée mais plutôt projetée, le tout contrairement à l’énoncé liminaire du paragraphe 16(1) de la Loi.

 

4.      LA MARQUE n’est pas distinctive des marchandises et services de la requérante ni n’est apte à les distinguer de ceux de tiers, notamment de ceux de l’opposante, i) eu égard à l’adoption, emploi, révélation et enregistrement des marques présumées notoires dont l’opposante est titulaire de même que, le cas échéant, l’emploi et la révélation des noms commerciaux allégués par l’opposante; ii) par suite de son transfert, deux ou plusieurs personnes avaient droit à l’emploi de LA MARQUE et ces droits ont été exercés par lesdites personnes contrairement aux dispositions du paragraphe 48(2) de la Loi; iii) la requérante a permis à des tiers d’employer au Canada LA MARQUE et de fait, ces tiers l’ont employée hors les cadres des dispositions législatives régissant l’emploi sous licence d’une marque, contrairement aux dispositions de l’article 50 de la Loi.

 

La requérante a produit une contre-déclaration le 11 avril 2001 et a obtenu l’autorisation de produire une contre-déclaration modifiée le 9 juin 2005. Chaque partie a présenté des éléments de preuve et des observations écrites et était représentée à l’audience, lors de laquelle l’opposante a retiré les motifs d’opposition suivants :

 

         non respect des exigences de l’article 30 de la Loi;

         caractère non enregistrable de la marque en cause en raison de la confusion avec la marque de commerce PACIFIC RICARD dont le numéro d’enregistrement est TMA389,349;

         absence du droit conféré par l’énoncé liminaire du paragraphe 16(1) de la Loi et absence de droit découlant de l’application de l’alinéa 16(1)a) pour motif de confusion avec la marque de commerce PACIFIC RICARD;

         absence de caractère distinctif fondée sur les dispositions du paragraphe 48(2) et de l’article 50 de la Loi.

 

Preuve de l’opposante

 

La preuve produite conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (1996) (le Règlement) comprend les certificats d’authenticité attestant l’enregistrement des marques de commerce de l’opposante et un affidavit souscrit par Armando de Medeiros le 12 novembre 2001. M. de Medeiros a été contre-interrogé le 30 avril 2002. La transcription de ce contre-interrogatoire et les pièces connexes font partie du dossier. Le 15 décembre 2003, l’opposante a obtenu, en vertu du paragraphe 44(1) du Règlement, l’autorisation de produire un affidavit supplémentaire souscrit par M. de Medeiros le 27 mai 2003, à titre de preuve additionnelle. Le 5 février 2005, le registraire a rejeté la demande présentée par l’opposante pour pouvoir produire une autre preuve additionnelle, soit les affidavits de Zeina Waked et de Nathalie St-Jacques; les deux affidavits ont été renvoyés à l’opposante.

 

Les certificats d’authenticité confirment que l’opposante est propriétaire de l’enregistrement no TMA157,477 de la marque de commerce RICARD, fait le 5 juillet 1968, et de l’enregistrement no TMA456,338 en date du 26 septembre 1994 pour la marque de commerce RICARD & Dessin.

 

L’affidavit supplémentaire de M. de Medeiros ayant pour unique but de verser en preuve une copie d’un contrat de licence intervenu entre l’opposante et Ricard S.A. (le contrat de licence), j’analyserai principalement les éléments de preuve présentés au moyen de son premier affidavit. Je ne traiterai que des parties du contre-interrogatoire de M. de Medeiros que j’estime utiles pour mon examen de la preuve et des questions en litige. Je n’aborderai pas la preuve concernant la marque de commerce PACIFIC RICARD, puisque l’opposition ne s’appuie plus sur cette marque.

 

Dans son premier affidavit, M. de Medeiros se présente comme étant le président de la société Pernod Ricard Canada Groupe Pernod Ricard Limitée depuis le 1er avril 2000, alors que dans son affidavit supplémentaire, il indique être le président de Pernod Ricard Canada Limitée. En contre-interrogatoire, il a confirmé être président de Pernod Ricard Canada depuis avril 2000 [p. 6 de la transcription]. Il semble exister une certaine ambiguïté quant au nom de la société de M. de Medeiros. Quoi qu’il en soit, je désignerai sa société par le nom PR Canada dans les présents motifs. Avant d’occuper son poste actuel, M. de Medeiros a exercé des fonctions « …à divers titres dans les filiales de Groupe Pernod Ricard ». Son contre‑interrogatoire révèle qu’il a été vice-président des ventes et de la commercialisation chez PR Canada pendant deux ans, avant quoi il avait travaillé pour des sociétés non liées au Groupe Pernod Ricard [p. 7-8 de la transcription]. Je conclus par conséquent que M. de Medeiros a joint PR Canada en avril 1998.

 

M. de Medeiros affirme au paragraphe 4 :

 

De par mes titre, fonction et position au sein de l’organisation de PR Canada, de par les relations privilégiées existant entre cette société et Pernod Ricard de même que par mes expériences et relations personnelles avec Pernod Ricard et ses représentants, j’ai également accès à certaines informations touchant la commercialisation au Canada des produits de Pernod Ricard –dont le pastis « RICARD »- et suis également à même d’obtenir toute information pertinente.

 

PR Canada est membre du Groupe Pernod Ricard. Le groupe comprend l’opposante, une société de portefeuille, et ses filiales [p. 25 de la transcription]. PR Canada représente le pastis RICARD de l’opposante au Canada. Bien qu’elle fabrique certains produits, PR Canada ne fabrique pas le pastis RICARD, dont elle n’est que la [Traduction] « distributrice » [p. 11 de la transcription]. PR Canada a été constituée à la suite de l’acquisition par l’opposante de Nihco International, “une agence de vins et spiritueux canadienne” [p. 8-9 et p. 41 de la transcription]. À la date du contre-interrogatoire (le 30 avril 2002), elle comptait cinq ans et demi d’existence [p. 8 et p. 41 de la transcription]. Il appert des échanges intervenus durant le contre‑interrogatoire que le pastis RICARD a été distribué au Canada par SEGM, Société des exportations des Grandes Marques, entre 1974 et 1990 [p. 17 et p. 38-42 de la transcription]. M. de Medeiros n’avait pas accès aux dossiers de SEGM [p. 42 de la transcription]. On a fait allusion à Austin Nichols durant le contre‑interrogatoire, mais le rôle que cette entreprise a pu jouer dans la commercialisation du produit de l’opposante ne m’apparaît pas clairement. La requérante soutient que M. de Medeiros n’a pas respecté son engagement de fournir copie de toute entente de distribution entre l’opposante et PR Canada et qu’il n’a pas non plus fait savoir qu’il n’existe aucun document de cette nature. Je ne suis pas prête à interpréter le défaut de produire un tel document de manière défavorable à l’opposante. À cet égard, je remarque que M. de Medeiros a affirmé que les ententes étaient tantôt verbales (c’est moi qui souligne), tantôt écrites [p. 12 de la transcription]. De plus, je crois que M. de Medeiros a erronément employé le mot « distributrice » en décrivant les activités de PR Canada ou de Nihco, parce que le rôle de représentation d’une marque de commerce ne semble pas correspondre à un rôle de distribution [p. 47-48 de la transcription].

 

M. de Medeiros déclare que l’opposante, une société française, a été fondée en 1974 par suite de la fusion de Ricard et de Pernod, deux grandes sociétés françaises, fusion par laquelle elle est devenue propriétaire de l’ensemble des marques de commerce des deux entreprises. Je ne retiendrai pas contre l’opposante son défaut de remplir l’engagement de fournir copie du document produit au Bureau canadien des marques de commerce relativement à la fusion de 1974, puisque la présente instance ne met en cause ni la propriété, ni la validité, ni l’applicabilité de ses enregistrements. 

 

Selon M. de Medeiro, le pastis RICARD est le troisième spiritueux au monde du point de vue des ventes. Il a produit un livre intitulé Le Pastis: Histoire, Élaboration, Consommation, publié en 1984, qui présente un bref historique de l’entreprise de l’opposante, de l’emploi de la marque de commerce RICARD et de la distribution des produits RICARD à l’échelle mondiale. Cet ouvrage pourrait être considéré comme une preuve par ouï-dire pour ce qui est de son contenu. De plus, M. de Medeiros reconnaît que ce livre n’a pas été distribué à titre de matériel promotionnel au Canada [p.75-78 de la transcription].

 

M. de Medeiros atteste que depuis 1934, l’opposante elle-même, ainsi que par l’intermédiaire de ses distributeurs et licenciés, ou ses prédécesseurs en titre ont exploité sous la marque RICARD une entreprise de fabrication, de distribution et de vente, notamment, d’apéritifs, de spiritueux et de boissons alcoolisées et non alcoolisées. Si l’opposante n’a pas respecté l’engagement de fournir les noms de ses prédécesseurs en titre entre 1934 et 1974, j’estime néanmoins qu’il est raisonnable de conclure qu’elle n’en a eu qu’un seul, Ricard S.A., compte tenu de la remarque suivante de l’avocat de l’opposante [p. 19 de la transcription] :

 

Me LAURENT CARRIÈRE:

Suivant l’information que j’ai de mémoire, depuis mil neuf cent trente quatre (1934) entre mil neuf cent trente quatre (1934) et mil neuf cent soixante quatorze (1974) il n’y avait eu que Ricard S.A., que Ricard S.A., ça serait plus exact, jusqu’à la fusion en mil neuf cent…fusion, absorption, réorganisation en mil neuf cent soixante quatorze (1974) et ça sera notre réponse à moins d’avis contraire.

 

M. de Medeiros déclare que l’opposante seule, ainsi que par l’intermédiaire de ses licenciés et prédécesseurs en titre, utilise la marque de commerce et le nom commercial RICARD au Canada depuis au moins 1954 en liaison avec le pastis, et que le pastis RICARD a toujours été vendu, partout au Canada, dans des points de ventes sous le contrôle des régies des alcools provinciales. Il a présenté les étiquettes qui identifient actuellement le pastis RICARD, soulignant leur caractère représentatif des étiquettes utilisées par RICARD depuis 1954. Je conclus que ces étiquettes correspondent à l’étiquette de front et à la contre-étiquette de la bouteille de pastis RICARD [pièce 1 de la transcription]. Ces deux étiquettes constituent une preuve acceptable pour établir l’emploi de la marque RICARD au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. L’étiquette de front étaye aussi l’emploi de la marque de commerce RICARD & Dessin enregistrée sous le numéro TMA456,338. L’extrait que voici du contre-interrogatoire [p. 55 de la transcription] présente un intérêt au regard des étiquettes :

 

Q.  [150] Maintenant, est-ce que l’étiquette que l’on voit a toujours été la même au Canada, grosso modo?

R.   Je pense que oui. Il est normal qu’une marque ou qu’une étiquette subisse de petits changements, soit la couleur du gold qui entoure ici ou soit la couleur…ça, c’est possible comme dans toutes les compagnies et probablement celle que vous représentez aussi, mais l’essentiel c’est que le consommateur reconnaisse, il n’y ait pas de confusion.

Q.  [151] Je posais la question à savoir est-ce que les étiquettes se référaient toujours à Ricard S.A. ou est-ce qu’à un moment dans le passé il y a eu un autre producteur du produit?

R.   À ma connaissance, c’est toujours Ricard S.A.

 

M. de Medeiros n’a pas produit un échantillon des anciennes étiquettes ayant habillé le pastis RICARD distribué au Canada, ainsi qu’il s’y était engagé. Par ailleurs, il n’a pas indiqué que de telles étiquettes n’existaient pas. Je suis donc d’accord avec la requérante pour dire que le défaut de l’opposante de respecter cet engagement doit être retenu contre elle [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.)].

 

Des explications sur la fabrication et la distribution du pastis RICARD vendu au Canada ont été fournies durant le contre-interrogatoire [p. 26-34 de la transcription]. Ricard S.A. fabrique le pastis RICARD en vertu d’une licence accordée par l’opposante. Les régies des alcools provinciales, comme la Société des Alcools du Québec (SAQ), commandent le produit directement de Ricard S.A. Le rôle de PR Canada, qui a été exposé en détail, consiste en bref à prendre toutes les mesures voulues, notamment d’organiser des activités promotionnelles, pour accroître les ventes du pastis RICARD au Canada.

 

M. de Medeiros affirme que le pastis RICARD peut être désigné soit comme un spiritueux, soit comme une liqueur, parce qu’il contient 45 % d’alcool. Il peut aussi être qualifié d’apéritif, du fait que la plupart des consommateurs le boivent avec de l’eau fraîche ou du jus. Autrefois, la SAQ plaçait le pastis RICARD avec les liqueurs, mais elle le présente désormais avec les apéritifs. Il ne s’agit pas d’un produit distillé, mais d’un produit de macération [p. 66-67 de la transcription].

 

Selon M. de Medeiros, les ventes annuelles du pastis RICARD à l’échelle mondiale n’ont jamais été inférieures à 60 millions de litres et le chiffre des ventes n’a jamais été moindre de 1,5 milliard de francs français depuis 1975. Afin de préserver le secret commercial et les renseignements confidentiels, M. de Medeiros ne décompose pas ces chiffres, ni par pays ni par année. Selon son témoignage, les ventes annuelles de pastis RICARD au Canada n’ont jamais été inférieures à 50 000 litres, et le chiffre des ventes n’est jamais descendu sous les 140 000 $ depuis 1985. En 2000, 87 714 litres de pastis RICARD ont été vendus au Canada. M. de Medeiros indique avoir obtenu les chiffres des ventes de « l’ACD, l’Association des Distillateurs Canadiens, qui vous donne exactement le nombre de caisses vendues au Canada par produit, par marché … » [p. 43 de la transcription]. Environ 70 % des ventes sont réalisées dans la province de Québec [p. 81 de la transcription].

 

M. de Medeiros présente, en francs français, les montants approximatifs déboursés au Canada pour la publicité et la promotion du pastis RICARD, de 1989 à 1996 et en 2000. Il indique que le pastis RICARD a connu en 1995 l’augmentation la plus importante au chapitre des liqueurs dans la province de Québec (soit 14.74%). En 2000, la progression a été de 10 %. Compte tenu de certaines des années évoquées et de la devise dans laquelle les montants sont établis, j’estime raisonnable de conclure que ces montants n’ont pas été dépensés par PR Canada. Peut-être subsiste-t-il néanmoins quelque ambiguïté sur la question de savoir s’ils ont été dépensés par l’opposante, un licencié ou une autre entité. La requérante avance que ces montants, à supposer qu’on les accepte, ne témoignent que de bien modestes dépenses jusqu’à 1996, année où le budget de publicité semble avoir fait un bond d’environ 500 %. M. de Medeiros a confirmé que le budget de promotion pour l’année 2000 s’avère effectivement plus important que le chiffre d’affaires généré par le produit [p. 83 de la transcription].

 

La promotion de la marque RICARD est assurée par des commandites et des activités de dégustation, par le parrainage d’événements sociaux, culturels et sportifs et au moyen d’activités promotionnelles dans les succursales de la SAQ. Au Canada, la publicité se fait sous forme de distribution de matériel promotionnel dans les établissements qui détiennent un permis d’alcool; des brochures sont aussi distribuées à l’occasion d’activités de dégustation où l’on enseigne la façon de boire le pastis RICARD. Le but des activités promotionnelles est de créer une ambiance « provençale » et d’associer le RICARD au Midi de la France. On présente parfois de la publicité dans les journaux, mais pas à la radio ni à la télévision [p. 71-74 de la transcription].

 

M. de Medeiros, qui fait observer que la marque RICARD est réputée, indique que PR Canada réalise des sondages et procède à des études de marché internes sur les ventes de pastis RICARD [p. 34-37 de la transcription]. M. de Medeiros, à qui l’on avait demandé de produire des copies des études de marché internes et externes, n’a pas produit ces documents. Je conclus que le défaut de l’opposante de donner suite à cette demande doit être retenu contre elle.

 

Les copies de factures confirmant l’achat de bière RICKARD’S dans un restaurant en 1995 et 2001 constituent une preuve par ouï-dire non admissible, parce que la bière n’a pas été achetée par M. de Medeiros. Par ailleurs, je n’accorde aucun poids à son allégation de risque de confusion entre les marchandises respectives des parties, puisque la décision sur cette question appartient au registraire.

 

Pour compléter mon analyse de la preuve de l’opposante, j’aborderai maintenant les questions de ouï-dire et de contrôle soulevées par la requérante.

 

La question du ouï-dire

 

La requérante prétend que la preuve de M. de Medeiros sur les ventes et la publicité, à tout le moins les éléments de preuve antérieurs à 1998, constituent une preuve par ouï-dire inadmissible. L’opposante soutient pour sa part que la seule conclusion raisonnable est qu’en sa qualité de président de PR Canada, M. de Medeiros a accès à toute l’information relative à la commercialisation du pastis RICARD au Canada, de sorte que sa preuve doit être jugée admissible.

 

Je conviens que, selon le témoignage de M. de Medeiros, certains des renseignements relatifs à la commercialisation du pastis RICARD au Canada font partie intégrante des dossiers de PR Canada [p. 14-15 de la transcription]. Par contre, M. de Medeiros n’a pas précisé la nature des renseignements disponibles. En outre, il a expressément déclaré avoir accès à « certaines informations touchant la commercialisation au Canada des produits de Pernod Ricard … » (c’est moi qui souligne). J’ajouterais que la déclaration de M. de Medeiros portant qu’il n’a pas accès aux dossiers de SEGM semble contredire l’argument selon lequel il a accès à toute l’information relative à la commercialisation du pastis RICARD au Canada. Par conséquent, je suis d’avis qu’il est justifié d’être préoccupé du fait que M. de Medeiros atteste des faits antérieurs à son entrée en fonction chez PR Canada. Aussi ne tiendrai-je pas compte de ces éléments de la preuve de l’opposante. J’ajouterais que la preuve concernant les chiffres d’affaires pour le Canada constituent un ouï-dire double, puisque M. de Medeiros s’est appuyé à cet égard sur des données colligées par une tierce partie. En outre, on n’a avancé aucun motif pour expliquer pourquoi cette preuve ne pouvait être présentée par une personne ayant une connaissance personnelle des faits [voir R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531].

 

 

 

La question du  contrôle

 

La requérante soutient que l’opposante ne peut tirer avantage de l’emploi par Ricard S.A. des marques de commerce RICARD et RICARD & Dessin aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi, parce qu’elle n’a pas établi qu’elle contrôle directement ou indirectement les activités de Ricard S.A. D’entrée de jeu, je souligne qu’il est bien établi que la structure organisationnelle ne peut suffire à prouver l’existence d’une licence au sens de l’article 50 de la Loi. La preuve doit aussi démontrer que le propriétaire contrôle l’emploi par ses filiales de sa marque de commerce et prend des mesures pour assurer les caractéristiques et la qualité des marchandises et services offerts [voir MCI Multinet Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245 (C.O.M.C.); Loblaws Inc. c. Tritap Food Broker (1999), 3 C.P.R. (4th) 108 (C.O.M.C.)]. Par contre, l’article 50 de la Loi n’exige pas un accord écrit.

 

Bien que M. de Medeiros affirme que l’opposante contrôle la qualité des produits, il ressort de son contre‑interrogatoire, à mon avis, qu’il n’a pas une connaissance personnelle du contrôle qu’exerce l’opposante sur les activités de Ricard S.A. Ses allégations quant à l’existence d’un contrôle découlent apparemment de sa déclaration portant que « ça se fait puis c’est de pratique courante » ainsi que d’une expérience professionnelle [p. 33-34 de la transcription]. J’estime que les allégations de M. de Medeiros ne sont pas en soi suffisantes pour démontrer que l’opposante exerce un contrôle direct ou indirect sur les caractéristiques et la qualité du pastis RICARD vendu au Canada. J’examinerai donc le contrat de licence, en commençant par l’article 2, qui prévoit :

 

RICARD pourra fabriquer elle-même sous sa responsabilité, les produits couverts par les marques concédées à l’aide des procédés et formules détenues par PERNOD RICARD. Ceux-ci seront confiés exclusivement au Président Directeur Général et au Directeur de la Fabrication de la société RICARD, qui devront les garder secret et ne les divulguer ni à l’extérieur, ni à l’intérieur de la société. Les Laboratoires de PERNOD RICARD apporteront leur concours chaque fois que cela sera nécessaire (c’est moi qui souligne).

 

RICARD fera tous ses efforts pour développer au maximum les ventes avec l’aide et sous le contrôle des services spécialisés de PERNOD RICARD. La publicité sera effectuée à ses frais et dans les limites prescrites par la réglementation en vigueur.

 

La requérante s’appuie sur le libellé « RICARD pourra fabriquer elle-même sous sa responsabilité, les produits couverts par les marques concédées » pour soutenir que Ricard S.A établit la norme de qualité du produit. L’opposante s’appuie pour sa part sur les mots « à l’aide des procédés et formules détenues par PERNOD RICARD » pour étayer qu’elle établit elle‑même la norme de qualité. Je ferai observer que la mention du fait que les procédés et formules sont confiés au président directeur général et au directeur de la fabrication de la société titulaire de la licence tend apparemment à appuyer le témoignage de M. de Medeiros basé sur son expérience professionnelle [p. 33‑34 de la transcription].

 

La requérante plaide de plus que l’article 3 du contrat de licence permet uniquement à l’opposante d’avoir accès aux livres comptables de la titulaire de la licence et ne lui reconnaît aucun pouvoir de contrôle des caractéristiques et de la qualité des marchandises. L’opposante indique que la portée de l’article 3 n’est pas restreinte au contrôle financier, puisque cette disposition traite aussi de l’assistance technique. 

 

L’article 5 du contrat prévoit que la licence est octroyée pour une période de 9 ans à compter du 1er janvier 1996. Même si j’acceptais l’argument de l’opposante, qui fait valoir qu’une entente verbale a pu intervenir avant cette date, je remarque que le préambule du contrat de licence spécifie que l’opposante proroge la licence déjà octroyée pour l’emploi en France et dans la Principauté de Monaco. En conséquence, je suis portée à partager l’avis de la requérante, à savoir que s’il existait un accord verbal de licence antérieur, cet accord ne comprendrait pas le Canada. En outre, si le nom Ricard S.A. figure sur l’étiquette, rien n’indique en revanche que celle-ci est titulaire d’une licence. Par conséquent, l’opposante ne peut se réclamer de la présomption créée par le paragraphe 50(2) de la Loi. Quoi qu’il en soit, l’opposante n’ayant pas produit les échantillons des étiquettes utilisées dans le passé, aucune preuve admissible n’indique que le nom Ricard S.A. a toujours figuré sur l’étiquette.

 

Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’opposante a établi qu’elle peut à bon droit se réclamer du paragraphe 50(1) de la Loi pour la période antérieure au 1er janvier 1996. Je tiens à préciser que cette conclusion s’appuie sur la preuve produite dans le présent dossier et qu’elle ne porte pas sur la validité des marques de commerce déposées de l’opposante [voir Petro-Canada c. Air Miles International Holdings N.V. (1998), 83 C.P.R. (3d) 111]. J’ajouterai aussi que même si ma conclusion sur ce point était erronée, le résultat final en l’espèce serait le même, étant donné les conclusions auxquelles je suis arrivée plus tôt quant à la preuve par ouï-dire présentée par M. de Medeiros.

 

Preuve de la requérante

 

La preuve, produite suivant l’article 42 du Règlement, comprend les affidavits suivants :

 

         affidavit souscrit par Michael S. Downey le 9 août 2002;

         affidavit souscrit par D. Jill Roberts le 3 octobre 2002;

         affidavit souscrit par Hartmut Brueck le 11 septembre 2002;

         affidavit souscrit par Abraham Lionel Weinberg le 25 septembre 2002;

         affidavit souscrit par Guy Champagne le 7 août 2002;

         affidavit souscrit par Jacques Nantel le 1er octobre 2002;

 

L’opposante a obtenu une ordonnance lui permettant de contre-interroger chacun des déposants, mais elle s’est limitée à contre‑interroger Mme Roberts, M. Downey, M. Champagne et M. Nantel. La transcription des contre‑interrogatoires et la réponse aux engagements ont été produites le 6 octobre 2003. Les pièces connexes aux transcriptions des contre‑interrogatoires de MM. Downey, Champagne et Nantel ont été produites le 11 septembre 2006. Je ne mentionnerai que les parties des contre‑interrogatoires que j’estime pertinentes pour mon analyse de la preuve et des questions en litige. Je signale dès maintenant que les copies des pages du site Web de la société Diego ne peuvent être considérées comme une preuve fiable dans la présente instance [p. 15-16 de la transcription du contre‑interrogatoire de M. Downey, et pièce MD-1].

 

L’affidavit de Michael S. Downey

 

M. Downey, qui est président de la requérante pour la région de l’Ontario et de l’Ouest depuis le 15 août 2001, a exercé diverses fonctions au sein de la requérante à compter de janvier 2000. Il décrit de façon détaillée les postes qu’il a occupés tant dans l’industrie brassicole que dans l’industrie des sports et du divertissement avant de travailler pour la requérante.

 

La requérante, explique M. Downey, fabrique des produits à base de malt (bières et panachés à base de malt) et distribue des bières importées provenant d’autres sociétés (produits des partenaires) [p. 9-11 de la transcription]. Les produits de la requérante sont offerts dans les établissements qui vendent des boissons alcoolisées, notamment les bars, restaurants, boîtes de nuit, dépanneurs dans la province de Québec, magasins de bière dans les autres provinces, succursales de la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) et succursales de la SAQ [p. 11-13 de la transcription]. Cependant, dans les réponses aux engagements, la requérante a indiqué qu’aucun de ses produits, y compris la bière RICKARD’S, ni des produits des partenaires ne sont offerts dans les succursales de la SAQ. Elle a ajouté que la bière FOSTER’S, un produit des partenaires, a figuré dans les catalogues de la SAQ de juin 1999 à janvier 2003. M. Downey a déclaré que la bière peut se boire en apéritif, avant un repas, mais qu’on ne la boit pas principalement à ce titre [p. 14 et 43 de la transcription].

 

M. Downey présente des photographies de la bouteille de chacune des bières RICKARD’S RED, RICKARD’S GOLD et RICKARD’S PALE. Il affirme que l’étiquette montrée sur la photo illustrant la RICKARD’S RED orne cette bouteille depuis 2001 [p. 24 de la transcription]. L’étiquette montre le logo reproduit ci-dessous (le logo RICKARD’S RED) :

 

 

 

 

 

 


M. Downey a produit une copie de l’enregistrement noTMA431,946, en date du 19 août 1994, de la marque de la requérante RICKARD’S RED RR Draft & Dessin en liaison avec des « boissons alcoolisées brassées, nommément ale à la pression et lager à la pression », fondé sur l’emploi au Canada depuis le 8 décembre 1991. Peu importe la ressemblance de la marque en cause, la propriété de l’enregistrement no TMA431,946 ne confère pas à la requérante un droit automatique à l’enregistrement de la marque en cause [voir American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 571 (C.O.M.C.)].

 

Selon M. Downey, la bière RICKARD’S RED est vendue au Canada depuis au moins 1983 et la marque RICKARD’S est vendue dans toutes les provinces canadiennes à l’exception du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince Edouard. Durant les cinq exercices financiers précédant le 1er avril 2002, les ventes de bière portant la marque RICKARD’S au Canada ont dépassé les 150 000 hectolitres, soit l’équivalent de 40 millions de bouteilles de bière (de format 341 ml); plus de 80 % de cette bière a été vendue sous la marque de commerce RICKARD’S RED.

 

M. Downey indique que la marque RICKARD’S RED figure sur ses bouteilles, canettes et cartons porte-bouteilles. Il fournit des copies d’étiquettes qu’il dit être employées sur les produits RICKARD’S depuis 1995. Je remarque que la marque en cause figure sur des étiquettes identifiant les années 1995, 1998 et 1999. M. Downey précise également qu’aujourd’hui comme dans le passé, la bière de marque RICKARD’S RED est le plus souvent présentée dans des cartons porte-bouteilles. Il produit des photographies de ces cartons et des étiquettes de bouteilles qui identifient les produits RICKARD’S RED. Cartons et étiquettes arborent le logo de RICKARD’S RED.

 

M. Downey affirme que la requérante assure une promotion d’envergure de sa famille de bières RICKARD’S. Selon son témoignage, les dépenses relatives à la commercialisation et aux ventes ont dépassé 30 millions de dollars au cours des cinq dernières années, et la plus grande partie de ces dépenses ont été engagées pour la RICKARD’S RED. En contre‑interrogatoire, M. Downey a été incapable d’indiquer avec précision quelle partie des dépenses s’applique à la RICKARD’S RED, mais il a réitéré que la plus grande partie des dépenses lui était consacrée [p. 26 de la transcription]. En réponse à un engagement sur ce point, la requérante a expliqué que parce qu’une portion importante du coût des ventes et de la promotion s’applique à l’ensemble de la famille de bières RICKARD’S, il n’est pas possible de déterminer avec précision le montant alloué exclusivement à la RICKARD’S RED. Néanmoins, la requérante a été en mesure de présenter les montants ventilés des dépenses relatives à la commercialisation et à la vente de la bière RICKARD’S dans chaque province et pour chaque année entre 1998 et 2002, de même que la répartition par province du nombre de bouteilles de bière RICKARD’S RED vendues annuellement, de 1998 à 2002.

 

M. Downey expose en détail les différents modes de publicité et de promotion auxquels a recours la requérante, notamment les panneaux d’affichage extérieurs, les journaux, la publicité radiophonique, la publicité télévisée, les communiqués de presse, les promotions proposées directement au consommateur à l’occasion d’événements sportifs et de spectacles, les promotions offertes sur place dans les établissements titulaires d’un permis. Il affirme en outre que la requérante exploite des pubs et brasseries artisanales, et il présente des photographies qui témoignent de l’affichage dans ces établissements. Selon M. Downey, les pubs et brasseries artisanales de Rickard’s ont accueilli plusieurs millions de clients. Il s’agit d’établissements exploités exclusivement par la requérante [p. 35‑36 de la transcription].

 

La famille des bières RICKARD’S, assure M. Downey, constitue une ligne de produits de toute première importance pour la requérante, et la ale à la pression RICKARD’S RED est l’une des favorites dans les pubs et les brasseries depuis 1983. À son avis, du fait de l’emploi de longue date et de l’importance des ventes de la RICKARD’S RED, la marque RICKARD’S RED est devenue notoirement connue au Canada et est toujours associée à la requérante. Se fondant sur son expérience professionnelle et sur des documents (études sur la bière, entrées dans Internet, recettes), M. Downey traite de la réputation de la bière RICKARD’S RED partout au Canada. Tout porte à croire, conclut-il, que la marque de commerce RICKARD’S RED est devenue notoirement connue sur le marché canadien. Il fait aussi valoir son opinion quant à l’absence de confusion entre les marques de commerce. Je n’attache pas une grande importance aux opinions formulées par M. Downey : outre qu’elles sont intéressées, ses déclarations se rapportent aux questions qu’il appartient au registraire de trancher.

 

Enfin, M. Downey atteste que la requérante n’a relevé aucun cas de confusion entre son produit et le produit de l’opposante depuis le lancement de la bière RICKARD’S RED, il y a quinze ans, et qu’elle ne croit pas qu’un tel incident soit susceptible de se produire dans l’avenir, compte tenu des différences entre les produits. M. Downey a déclaré dans son témoignage qu’hormis la lecture des plaintes des consommateurs, la requérante n’a adopté aucune procédure officielle pour surveiller les cas de confusion. Les équipes de vente de la requérante n’ont rapporté aucun cas où des gens auraient confondu les produits en passant une commande [p. 40 de la transcription].

 

En concluant mon analyse de cet affidavit, je ferai remarquer que selon les observations écrites de l’opposante, la preuve n’établit pas l’emploi de la marque en cause après 1998. Pourtant, à l’audience, l’agent de l’opposante a convenu qu’il ressort des éléments de preuve présentés par M. Downey que cette marque apparaissait sur les poignées de robinets, les étiquettes et l’emballage de 1995 à 2001 et qu’on la trouve encore sur les poignées de robinet depuis 2001. L’agent de la requérante reconnaît que les étiquettes et l’emballage utilisés depuis 2001 ne montrent pas la marque en cause.

 

L’affidavit de D. Jill Roberts

 

Mme Roberts est technicienne juridique au cabinet des agents de la requérante. Une bonne partie de son affidavit est constituée de déclarations et des pièces connexes au sujet de ce qu’elle a fait et de ce qu’elle a remarqué en se rendant à différents bars, restaurants et pubs d’Ottawa entre les mois d’avril et de septembre 2002 et lors de visites à des magasins de bière en avril 2002. Outre certains problèmes de ouï‑dire afférents à la déposition de Mme Roberts, il est manifeste que les éléments de preuve fondés sur ses visites à des bars, restaurants, pubs et magasins de bière se rapportent à des questions en litige, plus particulièrement aux arguments de la requérante sur les différences dans la nature des marchandises en liaison avec les marques de commerce en cause et les voies de commercialisation qu’elles empruntent. Puisque Mme Roberts travaillait au cabinet de l’agent de la requérante au moment où elle a souscrit l’affidavit, j’estime raisonnable de conclure qu’elle ne constitue pas un témoin impartial déposant en toute objectivité [voir Cross Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et al. c. Hyundai Auto Canada (2005) C.F. 1254]. En conséquence, j’accepterai les faits attestés dans la preuve de Mme Roberts, mais ne tiendrai pas compte de ses opinions ni des allégations qui peuvent être tenues pour des opinions.

 

Mme Roberts verse aussi en preuve des photocopies de pages extraites d’un catalogue de 1994 pour illustrer une [Traduction] « partie du matériel promotionnel qui existait en 1994 pour assurer la publicité de la marque de bière RICKARD’S RED ». Elle produit aussi en preuve des pages du site Web de Pernod Ricard, déclarant que celles-ci affirment : [Traduction] « Le Groupe est présent dans les toutes les branches de l’industrie des boissons, à l’exception de l’eau et de la bière ». Elle produit des extraits de différents sites Web, à partir desquels elle formule des opinions. Au-delà de ma conclusion selon laquelle Mme Roberts n’est pas un témoin impartial, les allégations qu’elle fonde sur le catalogue et les sites Web de tierces parties sont inadmissibles parce qu’elles constituent du ouï‑dire. Je n’attache par conséquent aucun poids à ces éléments de preuve. En outre, je n’accorde aucun poids à la déclaration de Mme Roberts portant qu’elle a remarqué de nombreux panneaux d’affichage extérieurs et d’autres modes d’affichage extérieur annonçant les produits RICKARD’S dans la région d’Ottawa au cours de l’été. J’accepte qu’elle est l’auteur des photographies du panneau d’affichage et des contenants de recyclage annexés à son affidavit, mais je fais abstraction de ses déclarations selon lesquelles ces photos sont représentatives des panneaux d’affichage et contenants de recyclage qui font la publicité de la bière RICKARD’S RED.

 

Je suis disposée à accepter les résultats des recherches effectuées le 15 avril 2002 par Mme Roberts dans le site Web Canada 411 pour repérer des personnes dont le nom de famille est Ricard ainsi que des entreprises dont le nom comprend le mot Ricard.

 

Enfin, Mme Roberts fait référence aux dispositions de la Loi sur les aliments et drogues, notamment aux définitions de « liqueur et cordial spiritueux » et de « bière ». Si je peux tenir compte des dispositions de la Loi sur les aliments et drogues, je n’accorde en revanche aucun poids à l’avis de Mme Roberts selon lequel la Loi sur les aliments et drogues établit une distinction claire entre la « bière » et les « liqueurs et cordiaux spiritueux ».

 

L’affidavit de Hartmut Brueck

 

M. Brueck, stagiaire en droit au cabinet des agents de la requérante, s’est rendu le 19 mai 2002 dans un magasin de bière de Scarborough, où il a acheté une caisse de dégustation de 12 bières RICKARD’S. Il présente des photographies du carton porte-bouteilles, des photocopies du dessus, des parois avant, arrière et latérales du carton ainsi que des photos des bouteilles et de leurs étiquettes. M. Brueck expose longuement les renseignements qui figurent sur le carton porte‑bouteilles, les étiquettes et les capsules de bouteilles, mais ses déclarations se limitent aux faits.

 

L’affidavit d’Abraham Lionel Weinberg

 

Dans son affidavit, M. Weinberg présente une preuve relative à l’étiquetage de la bière KRONENBOURG. Je me bornerai à dire que cette preuve est sans incidence sur l’issue de l’opposition.

 

L’affidavit de Guy Champagne

 

M. Champagne est président de Guy Champagne Inc., une société d’experts-conseils en marchés. Au paragraphe 5, il décrit comme suit l’objet de son affidavit :

 

[Traduction]

Le professeur Jacques Nantel, de l’École des Hautes Études Commerciales de l’Université de Montréal, m’a demandé d’analyser le marché et les sources secondaires afférentes aux méthodes de commercialisation et de promotion au Canada de la bière RICKARD’S RED et du « Pastis de Marseille » RICARD, respectivement, et de déterminer si quelque indice donne à penser que l’on attribue une origine commune aux deux produits.

 

M. Champagne ne précise pas à quelle époque ce mandat lui a été confié, mais M. Nantel a déclaré durant son contre‑interrogatoire [p. 32 de la transcription] que c’était au printemps 2002.

 

Étant donné que la plus grande partie des ventes de la requérante est réalisée au Québec, M. Champagne a jugé qu’il convenait d’effectuer son étude de marché dans cette province. Pour mener à bien son mandat, il a lui-même visité différents points de vente, notamment des succursales de la SAQ, épiceries et dépanneurs, ainsi que plusieurs restaurants, cafés et bars. Il a aussi consulté des sources secondaires, à savoir des banques de renseignements ou de données qui ne sont pas créées en vue de répondre à une question particulière. Compte tenu de l’expérience et du profil de M. Champagne, je conviens que les sources secondaires accessibles au public, comme celles sur lesquelles il s’est appuyé (pièces C à E), sont dignes de confiance et utiles, et qu’on y a amplement et régulièrement recours dans le domaine du marketing, où l’on se fie à ces données.

 

Tout au long de son affidavit, M. Champagne traite des différents facteurs dont il a tenu compte, à savoir : le marché de détail; le « Pastis de Marseille » Ricard et la SAQ; les circuits de distribution de la RICKARD’S RED; le prix des produits respectifs; l’étiquetage et l’apparence des bouteilles; le niveau de la vente au détail; les ventes réalisées dans les restaurants et dans les bars; les activités promotionnelles; la nature des produits; les différences proportionnelles sur le marché; les consommateurs habituels des produits respectifs.

 

Au paragraphe 52 de l’affidavit, il se dit d’avis que [Traduction] « …les produits respectifs de chacune des parties n’entrent jamais en concurrence […] ils évoluent dans des univers totalement différents sur le plan de la concurrence. Le « Pastis de Marseille » RICARD […] met l’accent sur la relation avec la France et la Provence. La RICKARD’S RED est vantée comme une bière de luxe canadienne ». En plus de conclure que les deux produits sont très différents, n’étant pas consommés de la même façon, M. Champagne souligne que sur le marché, ils affichent des différences pratiquement à tous égards. Les assertions sur lesquelles repose sa dernière conclusion peuvent se résumer comme suit : les produits ne se ressemblent pas; les noms respectifs des marques se prononceraient différemment; les produits ne sont pas vendus dans les mêmes commerces de détail et leur prix est très différent; chacun vise une clientèle de consommateurs totalement distincte; la publicité et la promotion des produits d’une partie sont fort éloignées de celles de l’autre ; les étiquettes et le format des bouteilles de chacun n’ont rien en commun.

 

M. Champagne conclut ainsi son affidavit, au paragraphe 55 :

 

[Traduction]

L’étude que j’ai réalisée indique que sous l’angle de la commercialisation, les deux produits sont totalement distincts. D’un point de vue pratique, la probabilité que les produits respectifs des parties soient perçus comme étant soit des concurrents, soit des produits liés semble très faible, tout comme la probabilité que le public consommateur de boisons alcoolisées confonde les produits ou se méprenne quant à la source des produits. 

 

L’affidavit de Jacques Nantel

 

M. Nantel est professeur de marketing à l’École des Hautes Études commerciales. Outre ses activités liées à l’enseignement et à la recherche, il exerce des fonctions d’expert-conseil pour diverses entreprises du secteur privé. Il déclare très bien connaître le milieu des boissons alcoolisées au Canada, particulièrement l’industrie brassicole. Il fournit des détails sur ses activités dans ce domaine, qui comprennent des études de segmentation du marché et de positionnement de produits réalisées pour la société Molson en 2000 et 2001. Il ajoute qu’il a une très bonne connaissance des différentes entreprises de boissons alcoolisées au Canada.

 

M. Nantel expose qu’au cours du printemps 2002, le cabinet d’avocats Macera Jarzyna s.r.l. a retenu ses services pour fournir [Traduction] « …mon opinion d’expert sur la probabilité de confusion, le cas échéant, qui pourrait amener le consommateur moyen à présumer que la bière RICKARD’S RED et le « Pastis de Marseille » RICARD ont une origine commune » (paragraphe 10). Pour l’aider à formuler son opinion, on lui a remis copie de la demande, de la déclaration d’opposition, de la contre‑déclaration, de l’affidavit de M. de Medeiros et de la transcription du contre‑interrogatoire. M. Nantel, qui a demandé l’assistance de M. Champagne, atteste :

 

            [Traduction]

13    […] Les résultats de l’analyse de M. Champagne sont énoncés dans son affidavit, dont j’ai pris connaissance. L’opinion et les conclusions exposées ci-après dans mon affidavit sont fondées sur les conclusions de M. Champagne, sur les normes des principes de marketing et sur mon expérience à titre de chercheur en milieu universitaire et d’expert-conseil.

 

14  Une copie du rapport sur les questions en cause, préparé par M. Champagne et moi‑même, est annexée à mon affidavit, dont elle constitue la pièce B. Le présent affidavit constitue une élaboration sur les faits et principes fondamentaux présentés dans le rapport et une explication de ces faits et principes.

 

Pour émettre son opinion, M. Nantel a examiné les facteurs et principes suivants : les enquêtes sur le marché; l’importance du contexte; l’étude du marché dans la province de Québec; le produit, l’étiquetage et la structure des prix; la couleur comme partie intégrante de l’identité de la marque; les produits offerts dans différents points de vente; la différence dans la segmentation afférente aux stratégies de promotion; le marché cible des produits; les décisions d’achat courantes; les décisions d’achat bien réfléchies marquées par un intérêt particulier; les produits créneaux; le fait, enfin, que Ricard est synonyme de pastis. Il a précisé que les références à l’enquête sur le marché, dans son affidavit, se rapportent à l’enquête réalisée par M. Champagne [p. 33 de la transcription]. L’opposante objecte que les éléments du témoignage de M. Nantel fondés sur l’enquête de M. Champagne constituent une preuve par ouï-dire. Cependant, puisque l’affidavit de M. Champagne et la transcription de son contre‑interrogatoire font partie du dossier d’opposition, je ne partage pas l’avis de l’opposante à cet égard.

 

À la lumière des facteurs et principes exposés dans son affidavit, M. Nantel constate qu’il existe des éléments hautement significatifs pour étayer son opinion selon laquelle [Traduction] « …la probabilité que l’on prête une origine commune aux produits des parties et que l’on voie un lien entre leurs marques de commerce respectives est ténue » (paragraphe 70). Il conclut ainsi (paragraphe 71) :

 

[Traduction]

Chacun des facteurs énumérés ci-dessus, isolément, réduit la probabilité que l’on prête une origine commune au « Pastis de Marseille » Ricard et à la bière RICKARD’S RED. Mon opinion professionnelle est que, considérés globalement, les facteurs qui distinguent les deux produits rendent cette éventualité très improbable. Pratiquement à tous égards, les produits, leur étiquetage et leur clientèle sont totalement différents. Il n’y a guère de possibilité de confusion entre les produits respectifs, s’il en est, et il est très improbable que le consommateur moyen de boissons alcoolisées présume que ces produits sont fabriqués, produits ou vendus par la même entité.

 

 

Analyse des motifs d’opposition

 

Tous les motifs d’opposition sont axés sur la probabilité de confusion, mais la date pour l’appréciation de cette question est différente pour chacun des motifs. La date pertinente pour l’examen de la question de la confusion sous le régime de l’alinéa 12(1)d) est celle de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp c. Wickers/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]. La date pertinente pour l’examen des circonstances entourant la question du droit à l’enregistrement au regard des alinéas 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi est la date de premier emploi alléguée dans la demande. Par ailleurs, il est généralement reconnu que la date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est celle du dépôt de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

Le critère pour apprécier la confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Aux termes du paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi. 

Dans l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) CSC 22, le juge Binnie a formulé les observations suivantes relativement à l’appréciation des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi : 

 

54  Pour l’application du critère de « toutes les circonstances de l’espèce », le par. 6(5) de la Loi énumère cinq facteurs à prendre en compte pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion. Ce sont : « a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent ». Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte. Voir Gainers Inc. c. Marchildon, [1996] A.C.F. no 297 (QL) (1re inst.). Comme je l’ai déjà dit, dans le cadre d’une procédure d’opposition, c’est au requérant (en l’occurrence l’intimée) qu’incombe le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucune confusion n’est susceptible de survenir. 

[…]

56  Quel point de vue faut-il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »? Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent. Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star Co-Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117. C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé [Traduction] « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13. Voir aussi Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677, p. 693.  […]

 

Pour étayer sa prétention de risque de confusion, l’opposante se réfère à diverses décisions dans lesquelles on a jugé que la ressemblance entre des marques de commerce créait de la confusion. Elle insiste aussi sur la décision Pernod Ricard c. Brasseries Molson (1990), 30 C.P.R. (3d) 302 (C.O.M.C.), confirmée par (1992), 44 C.P.R. (3d) 359 (C.F. 1re inst.). Si intéressants que puissent être les précédents jurisprudentiels, la confusion est question de probabilités et des circonstances de l’espèce, qui s’apprécient suivant les faits particuliers de chaque affaire. De plus, je ne suis pas d’accord avec la prétention de l’opposante voulant que la décision Pernod Ricard revête « …un poids important en l’espèce et aucun fait significatif ne justifie que la Commission des Oppositions conclut différemment dans la présente procédure d’opposition ». Je pourrais me limiter à faire remarquer que le stare decisis ne s’applique pas [voir Petro-Canada c. 2946661 Canada Inc. et al (1998), 83 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.)], mais j’ajouterai que la présente affaire illustre parfaitement le principe suivant lequel chaque cas doit être tranché en fonction des faits qui lui sont propres. L’affaire Pernod Ricard mettait en cause une demande, produite le 7 octobre 1983, en vue de l’emploi projeté de la marque de commerce RICKARD’S RED. Le cas qui nous occupe met en cause une demande d’enregistrement d’un dessin-marque qui comprend les mots RICKARD’S RED, demande produite le 6 novembre 1998 sur la base de l’emploi depuis le 1er mai 1995.

 

La requérante, pour sa part, s’appuie fortement sur les affidavits de MM. Champagne et Nantel pour soutenir qu’il n’y a pas confusion. Je n’éprouve aucune difficulté à reconnaître que MM. Champagne et Nantel sont tous deux compétents pour formuler une opinion d’expert. En outre, le fait que chacune des opinions d’expert porte sur la question ultime à trancher dans le cadre de l’opposition ne rend pas la preuve inadmissible [voir L.G.S. Products Inc. c. Caprice Hosiery Canada Ltd. (1984), 79 C.P.R. (2d) 183 (C.O.M.C.); Xerox of Canada Ltd. et al c. IBM Canada Ltée. (1977), 33 C.P.R. (2d) 24 (C.F. 1re inst.); Jordan & Ste-Michelle Cellars Ltd. c. T.G. Bright & Co. Ltd. et al. (1982), 71 C.P.R. (2d) 138 (C.F. 1re inst.)]. Par contre, je ne peux pas admettre chaque opinion sur le seul fondement de l’expertise du déposant. Je dois plutôt examiner les faits/postulats à partir desquels chaque expert justifie son opinion, afin d’évaluer aussi bien la validité de l’opinion que le processus par lequel elle a été formée [voir William H. Rorer (Canada) Ltd. c. Johnson & Johnson (1980), 48 C.P.R. (2d) 58 (C.F. 1re inst.)].

 

Alinéa 12(1)d)

 

En présentant les certificats d’authenticité de ses enregistrements nos TMA 157,477 et TMA456,338, l’opposante s’est déchargée du fardeau initial qui lui incombait d’établir les faits invoqués au soutien de son motif d’opposition. Par conséquent, il incombe à la requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas une probabilité raisonnable de confusion. Étant donné que je considère l’enregistrement no TMA 157,477 comme étant le plus pertinent des enregistrements invoqués; la décision relative à la question de la confusion entre la marque de commerce RICARD et la marque en cause en l’espèce tranchera effectivement le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

Pour apprécier la probabilité de confusion au titre de ce motif d’opposition, les marques de commerce qu’il faut examiner sont la marque de la requérante suivant le dessin exact présenté dans la demande d’enregistrement, et la marque de commerce déposée de l’opposante. Bien que la preuve d’expert semble convaincante, j’estime que sa valeur probante est grandement diminuée du fait que les deux experts ont formulé leur opinion suivant la prémisse que la marque de l’opposante est le « Pastis de Marseille » RICARD. En outre, il appert de l’extrait suivant du contre‑interrogatoire de M. Nantel que son opinion et celle de M. Champagne ne s’appuient pas exclusivement sur la marque de commerce de la requérante selon le modèle exact du dessin présenté dans la demande [p. 25-26 de la transcription] :

 

            [Traduction]

Q- Premièrement, pouvez-vous me dire si Mme Finlayson a soumis un dessin précis à votre attention?

R- Non.

Q- Ainsi, on vous a demandé d’examiner la marque Rickard’s en général?

R-  C’est exact. Alors, quelle est votre question?

Q-  Bien, je suppose que vous venez tout juste d’y répondre. On ne vous a pas demandé de faire porter votre examen sur un (1) logo précis. .

R-  En substance, la façon dont nous avons procédé a consisté à étudier toutes les situations possibles où ces logos sont employés dans le commerce (c’est moi qui souligne).

 

De plus, il est manifeste qu’en donnant leur opinion, les deux experts se sont concentrés en partie sur l’apparence des bouteilles et l’étiquetage des produits. Or, cette approche, qui conviendrait dans une action pour commercialisation trompeuse mais non dans la présente instance, diminue encore la valeur de la preuve d’expert. Qui plus est, je crois que l’opinion de M. Nantel manque peut-être d’objectivité. D’abord, il a réalisé des études de segmentation de marché et de positionnement de produits pour la société Molson en 2001 et 2001. De plus, il appert du rapport qui constitue la pièce B de son affidavit (le rapport) que M. Nantel connaissait l’existence d’autres décisions en matière de marques de commerce mettant en cause les parties. Bien qu’il ait déclaré n’avoir pas lu ces décisions [p. 33-32 de la transcription], je conclus qu’il savait que la preuve d’expert devait servir à étayer la position de la requérante. À cet égard, la phrase suivante du rapport est révélatrice : « Dans un tel contexte, Molson Canada doit déposer sa preuve en tant que requérante pour cette marque ». J’ai aussi quelques réserves quant à la valeur du témoignage de M. Champagne sur les activités promotionnelles de la requérante fondé sur un article publié dans le Marketing Magazine (pièce G).

 

Alinéa 6(5)a) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

Le fait que la marque de commerce RICARD a été jugée enregistrable conformément à l’article 14 de la Loi ne change pas que le mot RICARD est associé à un nom de famille. Par conséquent, même si l’on accepte que la marque de commerce n’est pas dépourvue de caractère distinctif, elle n’en est pas moins une marque faible. La requérante a admis que le mot RICKARD dans la marque en cause est un nom de famille. La preuve de la requérante établit que le mot RED revêt une connotation descriptive en liaison avec la bière. Je ne trouve pas que les lettres RR et les initiales E.H. ajoutent au caractère distinctif de la marque. Néanmoins, je suis d’accord avec la requérante pour dire que la marque en cause, considérée dans son ensemble, a un caractère distinctif inhérent plus marqué que la marque de commerce de l’opposante.

 

Je suis convaincue que la marque en cause a acquis une notoriété plus grande dans tout le Canada que la marque de l’opposante. L’opposante a fait valoir que le fait de restreindre l’emploi de la marque en cause sur les seules poignées de robinet, en 2001, a limité le retentissement de la marque davantage que si on avait continué de l’utiliser sur les emballages et les étiquettes. Cet argument n’est pas sans valeur, mais je ne crois pas qu’il ait une incidence importante. J’ajouterais que bien que la plupart des photographies de Mme Roberts représentant l’affichage publicitaire montrent le logo de la RICKARD’S RED, certaines de ces affichages présentent la marque en cause.

 

Je conclus en conséquence que le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues militent en faveur de la requérante.

 

Alinéa 6(5)b) : la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

L’enregistrement de la marque de commerce de l’opposante fondée sur l’emploi au Canada depuis au moins 1954 a peu d’incidence, étant donné que l’opposante n’a pas fait la preuve de son emploi régulier sous licence antérieurement au 1er janvier 1996, ni présenté une preuve fiable attestant l’emploi de sa marque de commerce avant l’année 1998. Je ne souscris pas à l’argument de la requérante selon lequel il convient de tenir compte de l’emploi de la marque de commerce RICKARD’S RED depuis 1983, parce que l’emploi de cette marque ne peut être assimilé à l’emploi de la marque en cause. Par contre, la preuve de la requérante étaye l’emploi de cette dernière depuis 1995. Aussi ce facteur favorise-t-il légèrement la requérante. 

 

Alinéas 6(5)c) et 6(5)d) – le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

 

Dans l’examen de ces facteurs, l’appréciation du risque de confusion aux termes de l’alinéa 12(1)d) se fait en fonction de l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande et de celui consigné dans l’enregistrement [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F..); Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)]. Bien que la preuve de l’opposante démontre que ses marchandises particulières sont le « pastis », ses marchandises correspondent néanmoins à celles énumérées dans l’enregistrement. Dans ses observations écrites, la requérante a convenu que les marchandises relèveraient de la même catégorie, alors qu’à l’audience, l’agent de la requérante a fait valoir que les marchandises liées à la marque en cause relèvent d’une catégorie autre que la bière. Je me limiterai à faire remarquer que les arguments soulignant des différences entre les catégories de marchandises n’ont aucune importance puisque le paragraphe 6(2) de la Loi énonce clairement que la catégorie générale de marchandises n’est pas déterminante. 

 

Même s’il appert que les deux experts ont axé leur étude sur la « segmentation du marché » pour présenter leur opinion, la phrase suivante, à la page 7 du rapport, est significative : « Bien entendu, au niveau global, les deux produits font partie des produits alcoolisés ». Je ne suis pas convaincue par l’argument de la requérante selon lequel il est possible de distinguer le genre de marchandises des deux produits puisqu’ils ne se consomment pas de la même façon. Je ne suis pas convaincue non plus par l’argument de la requérante voulant que la stratégie de promotion et les modes de publicité constituent des éléments importants pour distinguer les marchandises de l’une et l’autre partie. Après avoir examiné toute la preuve, je n’ai aucune raison de ne pas conclure que les marchandises des deux parties peuvent être classés dans la catégorie des produits alcoolisés et, à ce titre, elles appartiennent à la même industrie.

 

Malgré ses efforts pour établir une distinction entre les voies de commercialisation des produits respectifs des parties, la requérante a reconnu qu’il existe un chevauchement à cet égard. Elle a néanmoins fait valoir que dans les parties du marché où il est susceptible d’y avoir chevauchement, par exemple les bars, les pubs, les restaurants et les succursales des régies des alcools provinciales, les marchandises sont classées dans des catégories différentes sur les menus ou les cartes des alcools, et elles ne sont pas placés au même endroit sur les tablettes. Je crois comprendre que ces arguments découlent de la prétention de la requérante selon laquelle les marchandises respectives des parties ont un créneau qui leur est propre et n’entrent pas en concurrence. Cependant, la question n’est pas de savoir si la bière de la requérante risque d’être confondue avec le pastis de l’opposante, mais bien plutôt si le public pourrait croire que les deux produits proviennent de la même source. En d’autres termes, la question à trancher est la suivante : le consommateur moyen ferait-il un lien ou verrait-il une association entre la bière et l’opposante?

 

Je conclus que le genre de marchandises et la nature du commerce favorisent l’opposante.

 

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

Le dernier facteur est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Dans la plupart des cas, ce facteur prédomine et les autres facteurs jouent un rôle accessoire dans l’ensemble des circonstances de l’espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd., (1980) 47 C.P.R. (2d) 145, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70]. Il est bien établi que pour évaluer ce facteur, il ne faut pas analyser la marque de commerce en ses éléments distincts, mais plutôt la considérer dans son ensemble.

 

Puisque l’analyse se fait en fonction de la marque de commerce déposée, je n’attache aucune importance, dans l’appréciation de ce facteur, à l’étiquette de front qui affiche les expressions « apéritif anisé », « anise apéritif » et « Pastis de Marseille ». Je n’attache aucune importance à la déclaration écrite de M. Champagne portant que [Traduction] « les noms des marques respectives ne se prononceraient pas de la même façon » (paragraphe 54B de son affidavit), puisqu’il désigne la marque de commerce de l’opposante sous le nom de « Pastis de Marseille » RICARD. Fait intéressant, M. Champagne a indiqué que le consommateur qui commande ou achète le produit de l’opposante demande un Ricard ou un pastis [p. 27 de la transcription]. Bien que la requérante fasse remarquer que le témoignage de M. Nantel sur la différence de prononciation n’est pas contredit, il y a lieu de noter que M. Nantel a reconnu n’avoir pas procédé à des études de phonétique [p. 41 de la transcription].

 

Il existe manifestement une ressemblance entre RICARD et RICKARD. Bien que la requérante tente de minimiser toute ressemblance en prétendant que le mot RICKARD suivi de ’S traduit clairement l’idée d’un mot anglais, je souscris à la position de l’opposante, qui affirme qu’un francophone prononcerait de la même façon les mots RICARD et RICKARD’S. Cela dit, je conviens avec la requérante que toute ressemblance dans les sons entre les deux marques de commerce ne constitue qu’un des facteurs à prendre en compte. Je lui accorde aussi que les caractéristiques du dessin de la marque en cause, notamment la prédominance des lettres RR, donnent lieu à des différences importantes sur le plan visuel. Quant au mot RED, outre la connotation liée à ce mot en matière de bière, il atténue quelque peu la nature patronymique du mot RICKARD, alors que la seule idée transmise par la marque de l’opposante est celle du nom de famille RICARD. Étant donné la faiblesse de la marque de l’opposante, lorsque l’on tient compte des différences entre les marques de commerce dans la présentation et dans les idées qu’elles suggèrent, la balance penche en faveur de la requérante.

 

Facteur additionnel particulier

 

La requérante estime que la longue coexistence des marques de commerce des parties sur le marché sans quelque preuve de confusion entre elles est un facteur additionnel important dont il faut tenir compte. S’appuyant sur l’arrêt Mr. Submarine Ltd., précité, l’opposante soutient qu’il n’est pas nécessaire de prouver une confusion réelle, même lorsqu’il est établi que des marques de commerce ont été exploitées dans le même marché durant de nombreuses années. Dans l’arrêt Mattel, Inc., précité, le juge Binnie a marqué son accord avec les observations suivantes, formulées par le juge Décary dans l’arrêt Christian Dior S.A. c. Dion Neckwear Ltd. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 :

 

Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l’importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion.

 

À mon avis, lorsque l’on considère globalement le caractère distinctif inhérent de la marque en cause, la mesure dans laquelle elle est devenue connue et les différences d’ensemble entre la marque en cause et la marque de commerce déposée de l’opposante, ces facteurs l’emportent sur les ressemblances entre les marchandises et la nature du commerce. Je n’ai donc pas besoin de tenir compte de l’absence de preuve de confusion à titre de facteur additionnel pour me prononcer en faveur de la requérante. En pratique, j’ajouterais que compte tenu des lacunes dans la preuve de l’opposante, il semblerait inapproprié de conclure qu’il y a eu emploi concurrent sur le marché canadien avant 1998, voire de conclure que l’opposante a fait un emploi de grande envergure de sa marque de commerce après 1998. Par conséquent, l’absence de preuve de confusion n’aurait peut-être pas influé beaucoup sur les probabilités de confusion. 

 

En appliquant le critère relatif à la confusion, j’ai tenu compte du fait que la confusion s’apprécie en fonction de la première impression et du souvenir imparfait. À la lumière de ce qui précède, je suis convaincue que la requérante a satisfait au fardeau qui lui incombait d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que la marque dont elle sollicite l’enregistrement ne crée pas de confusion avec la marque de commerce déposée RICARD de l’opposante. En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

 

Absence de droit à l’enregistrement

 

Même s’il incombe à la requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la marque dont elle demande l’enregistrement et la marque de commerce alléguée RICARD de l’opposante ainsi que les noms commerciaux RICARD et PERNOD RICARD, l’opposante a le fardeau initial de prouver que la marque de commerce et noms commerciaux allégués étaient en usage à la date pertinente (1er mai 1995) et n’avaient pas été abandonnés à la date de publication de la demande (4 octobre 2000) [paragraphe 16(5) de la Loi].

 

 

Alinéa 16(1)a)

 

Indépendamment des lacunes dans la preuve présentée par M. de Medeiros, puisque j’ai précédemment conclu que l’opposante ne pouvait pas se réclamer d’un emploi de la marque RICARD antérieur au 1er janvier 1996, j’ai conclu que l’opposante n’a pas satisfait à son fardeau de présentation initial. En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement aux termes de l’alinéa 16(1)a) de la Loi.

 

Alinéa 16(1)c)

 

À l’audience, j’ai informé l’agent de l’opposante que je n’étais pas convaincue que l’opposante avait démontré l’emploi antérieur, voire quelque emploi au Canada de ses noms commerciaux allégués RICARD et PERNOD RICARD. L’agent de l’opposante a répondu que cet emploi était mis en preuve par l’affidavit de M. de Medeiros. Sans vouloir l’offenser, je ne saurais souscrire à cette assertion.

 

M. de Medeiros indique que l’opposante exerce ses activités « tant sous sa dénomination actuelle que sous sa dénomination antérieure » (paragraphe 8 de son affidavit) et qu’elle a employé la marque de commerce RICARD « tant sous son nom que ses dénominations précédentes » (paragraphe 12 de son affidavit), mais aucun élément de preuve ne tend précisément à établir l’emploi du nom commercial PERNOD RICARD. À l’exception de deux occurrences où il mentionne particulièrement le nom commercial RICARD, M. de Medeiros ne fait référence nulle part dans son affidavit à la marque de commerce RICARD, aux produits RICARD ni au pastis RICARD. Je suis d’avis que le fait de présenter les éléments de preuve sans préciser s’ils se rapportent à la marque de commerce ou au nom commercial RICARD entraîne une ambiguïté qui doit retenue contre l’opposante [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)]. Par conséquent, j’estime que la preuve présentée par M. de Medeiros se rapporte uniquement à la marque de commerce RICARD de l’opposante, non au nom commercial RICARD dont elle se réclame.

 

Je suis d’avis que l’opposante n’a pas satisfait au fardeau de présentation initial qui lui incombait au regard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)c) de la Loi et ne peut avoir gain de cause sur ce point.   

Caractère distinctif

 

La requérante a l’obligation de prouver que la marque en cause est adaptée à distinguer ses marchandises de celles de tiers partout au Canada ou les distingue véritablement ainsi [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)]. Néanmoins, il incombe à l’opposante de démontrer que ses marques de commerce et noms commerciaux allégués étaient devenus suffisamment connus à la date pertinente pour neutraliser le caractère distinctif de la marque dont l’enregistrement est demandé [voir Motel 6, Inc., précité; Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc. c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. J’estime que dès le départ, l’opposante a failli au fardeau initial qui lui incombait de démontrer que les noms commerciaux RICARD et PERNOD RICARD avaient acquis un caractère distinctif en date du 21 février 2001.

 

Compte tenu de la date pertinente au regard de ce motif d’opposition, je conviens avec l’opposante qu’il convient de ne retenir que l’affidavit de M. Downey dans l’examen de la preuve de la requérante. Toutefois, étant donné que j’ai fait abstraction de la plus grande partie de la preuve présentée par Mme Roberts et que je n’ai pas accordé beaucoup de poids à la preuve d’expert dans l’appréciation du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), je suis d’avis que les conclusions auxquelles je suis arrivée plus tôt s’appliquent aussi au présent motif d’opposition. Par conséquent, je conclus que l’opposante n’a pas satisfait à son fardeau de présentation initial relativement au motif d’opposition portant sur le caractère distinctif, lequel est donc rejeté.

 

Conclusion

 

Compte tenu de ce qui précède, et en vertu du pouvoir qui m’a été délégué au titre du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 22 FÉVRIER 2007

 

 

Céline Tremblay

Présidente intérimaire

Commission des oppositions des marques de commerce

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