Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Noosheen Fard Company Corporation à la demande no 1198814 produite par Canadian Distribution Channel Inc. en vue de l’enregistrement de  la marque de commerce NOOSHIN________________________________

 

 

I La procédure

 

Le 2 décembre 2003, Canadian Distribution Channel Inc. a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce NOOSHIN (la « Marque ») en liaison avec :

Haricots et pois, nommément haricots Great Northern, haricots mung, pois chiches, haricots rouges, lentilles vertes. (2) Riz, céréales, farines et sous-produits, nommément riz, riz thaï au jasmin, orge, farine de pois chiches. (3) Confitures et conserves, nommément confiture de coings, confiture de pétales de rose, confiture de cerises acides, confiture de carottes, concombre mariné, ail mariné, échalotes marinées, aubergines marinées, marinade à la macédoine. (4) Sirops, nommément sirop de cerises sûres, sirop de coings, sirop de fleurs d’orange, sirop de roses. (5) Eau de rose et extraits d’herbes, nommément eau de rose concentrée, extrait de menthe, eau de saule, eau de kasni, eau de shahtareh, eau de beedmeshk, eau aromatisée à la fleur d’oranger, eau à l’aneth, eau de fenugrec. (6) Jus de fruits, nommément jus de raisin sûr, jus de grenade, jus de lime, jus de citron, jus de mangue, jus de tamarin, jus d’abricot. (7) Fruits secs, nommément cerises acides, mûres, oseille des bois, couches de fruits, figues sèches, abricots secs. (8) Miel pur, miel pur en rayon, miel pur léger. (9) Boissons non alcoolisées, nommément boissons gazeuses, boissons gazeuses aromatisées aux fruits, boissons gazeuses aromatisées au thé, boissons chocolatées à base de produits laitiers, jus de légumes. (10) Sucre et cubes de sucre, friandises, fruit séchés et noix. (11) Pâtes et mélasses, nommément pâte de grenade, mélasses de grenade, mélasses de raisin, mélasses de datte, concentré de tomate. (12) Biscuits fourrés, nommément biscuits aux noix, biscuits à la noix de coco, biscuits au chocolat (les « Marchandises »);

 

et en liaison avec :

(1) Emballage de produits alimentaires selon les spécifications de tiers; exploitation d’une agence d’exportation; vente en gros et distribution au détail de produits alimentaires (les « Services »).

 

 

La demande est fondée sur l’emploi de la Marque depuis 1977.

 

La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 1er septembre 2004. M. Mohammed Ebrahim Beglari et Noosheen Fard. Co. Ltd. (l’« Opposante ») ont produit une déclaration d’opposition le 19 janvier 2005, et le registraire l’a transmise à la Requérante le 15 février 2005. La déclaration d’opposition a ensuite été modifiée à deux reprises.

 

Le 19 septembre 2005, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie pratiquement tous les motifs d’opposition avancés.

 

L’Opposante a produit des copies certifiées de la demande no 1128341 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce NOOSHEEN LAHIDJAN & Dessin, d’une cession datée du 27 janvier 2006 et d’une confirmation de changement de titre daté du 16 février 2006, ainsi que l’affidavit de M. Mohammed Ebrahim Beglari. La Requérante a produit en preuve l’affidavit de M. Bruce Khabbazi souscrit le 2 novembre 2006. Ce dernier affidavit reprend les allégations formulées dans un affidavit daté du 28 août 2006, produit dans le cadre d’une autre procédure d’opposition visant les mêmes parties et qui a été annexé comme pièce A à l’affidavit du 2 novembre 2006 de M. Khabbazi. Ce dernier a été contre-interrogé et la transcription de son contre-interrogatoire a été produite au dossier. Cependant, cette transcription ne renvoie pas uniquement aux deux affidavits déjà mentionnés, mais aussi à un troisième souscrit le 29 décembre 2004 et produit dans l’autre procédure d’opposition. Dans une autre partie de la présente décision, j’analyserai l’admissibilité de ce troisième affidavit ainsi que les renvois qui y sont faits à titre d’éléments de preuve.

 

L’Opposante a produit un deuxième affidavit de M. Mohammed Ebrahim Beglari en contre‑preuve. 

 

Aucune des parties n’a produit d’observations écrites et seule l’Opposante était représentée lors de l’audience.

 

II Les motifs d’opposition

 

À la suite des modifications qui ont été accueillies, les motifs d’oppositions étaient ainsi libellés :

            [traduction]

  1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’art. 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »), en ce que la Requérante n’a pas employé la Marque ou, subsidiairement ou cumulativement, l'emploi de la Marque, le cas échéant, en totalité ou en partie, n'est pas ininterrompu;
  2. La déclaration de la Requérante selon laquelle elle est convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque est fausse compte tenu de la teneur de la présente opposition, notamment le fait que la Requérante avait connaissance des droits de Noosheen Fard Co. Ltd. auxquels prétend l’Opposante en l’espèce, et du caractère illicite dudit emploi qui, le cas échéant, empiètera ou empièterait sur les droits de l’opposante susmentionnée, en plus d’être contraire à diverses dispositions législatives et réglementaires fédérales et provinciales touchant la fabrication de produits alimentaires, notamment la Loi sur les aliments et drogues en ce qui concerne notamment les confitures, sirops et jus;
  3. Dans le cadre de la présente demande, les marchandises décrites comme étant « riz, riz Thaï au jasmin, orge », « confitures et conserves, nommément concombre mariné, ail mariné, échalotes marinées, aubergines marinées, marinade à la macédoine », « eau de rose et extraits d’herbes, nommément eau de rose concentrée, extrait de menthe, eau de saule, eau de kasni, eau de shahtereh, eau de beedmeshk, eau aromatisée à la fleur d’oranger, eau à l’aneth, eau de fenugrec », « fruit séché, nommément cerise acide, mûres, oseilles des bois, couches de fruits » et « fruits séchés et noix » n’ont pas le degré de précision exigé par l’alinéa 30a) de la Loi;
  4. La Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions des al. 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi parce qu’à la date pertinente la Marque créait de la confusion avec des marques de commerce que Noosheed Fard Co. Ltd. ou ses prédécesseurs en titre avait antérieurement employées ou fait connaître au Canada, nommément NOOSHEEN, NOOSHIN et NOUSHIN en liaison avec des produits alimentaires et des services identiques ou de la même nature ou chevauchant ceux auxquels il est fait référence dans la demande à l’encontre de laquelle une opposition a été produite;
  5. La Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions des al. 38(2)c) et 16(1)b) de la Loi parce qu’à la date où elle a réellement été utilisée en premier lieu (dans la mesure où l’existence de l’utilisateur peut être établie, ce qui est contesté) la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait antérieurement été produite au Canada par Noosheen Fard Co. Ltd. (ou ses prédécesseurs en titre) dont les détails sont reproduits ci-dessous :

demande d’enregistrement 1128341 pour NOOSHEEN & Dessin reproduite ci‑dessous

NOOSHEEN LAHIDJAN (& DESIGN)

en liaison avec des produits alimentaires;

 

  1. La Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions des al. 38(2)c) et 16(1)c) de la Loi parce qu’à la date où elle a réellement été utilisée en premier lieu (dans la mesure où l’existence de l’utilisateur peut être établie, ce qui est contesté) la Marque créait de la confusion avec des noms commerciaux, nommément LES IMPORTATIONS NOUSHIN, NOUSHIN IMPORT/EXPORT, NOUSHIN et NOOSHIN, que Noosheen Fard Co. Ltd. ou ses prédécesseurs en titre Mohammed Ebrahim Beglari avaient antérieurement employés au Canada en liaison avec des produits alimentaires et des services identiques ou de la même nature ou chevauchant ceux auxquels il est fait référence dans la demande à l’encontre de laquelle une opposition a été produite;
  2. La Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’introduction du paragraphe 16(1) de la Loi en ce que la demande ne répond pas aux exigences de l’art. 30 de la Loi comme il a été susmentionné; la Marque n’a pas été employée, selon le cas, comme il a été dit ou son emploi n’a pas été ininterrompu; la Marque n’est pas enregistrable et ne constitue pas une marque de commerce;
  3. En vertu de l’al. 38(2)d) et de l’art. 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive à l’égard des Marchandises et des Services car :

                                                              i.      la Marque ne distingue pas vraiment les Marchandises et les Services de ceux de l’Opposante Noosheen Fard Co. Ltd., ni ne sont-ils adaptés à les distinguer;

                                                            ii.      la Marque est employée en dehors du cadre de la licence d’emploi prévue par l’art. 50 de la Loi en ce que, notamment, les produits NOOSHIN de la Requérante portent la mention unilingue « Product of C.D.C. Inc. » et ils sont en apparence vendus par C.D.C. Inc., et la Marque est également employée par Taban Import et Export et Behrouz (Bruce) Khabazzi;

                                                          iii.      Par suite de la cession de la Marque, il subsiste des droits, chez deux ou plusieurs personnes, à l’emploi de marques de commerce créant de la confusion avec la Marque et, contrairement aux dispositions du par. 48(2) de la Loi, ces droits ont été exercés par ces personnes, parmi lesquelles se trouvent C.D.C. Inc., Taban Import et Export et Behrouz (Bruce) Khabazzi.

 

II Principes généraux applicables à tous les motifs d’opposition

 

La Requérante doit s’acquitter de la charge ultime de démontrer que sa demande satisfait aux dispositions de la Loi, mais c’est à l’Opposante qu’incombe le fardeau initial de produire des éléments de preuve suffisants pour qu’il soit raisonnablement possible de conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition sont véridiques. Dès lors que les exigences de ce fardeau initial ont été satisfaites, il incombe toujours à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en cause ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux p. 329 et 330, John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

 

III Motifs d’opposition soulevés sans justification ou non étayés par la preuve

 

Rien dans la preuve au dossier n’appuie les deuxième et troisième motifs d’opposition. Quant au troisième volet du huitième motif d’opposition, aucun élément de preuve ne l’étaye non plus. En conséquence, ces motifs d’opposition sont rejetés parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

 

Le premier volet du huitième motif d’opposition est soulevé sans justification car il reprend simplement le libellé de la Loi sans aucun énoncé de faits pour l’appuyer. Il est en conséquence rejeté.

 

Le septième motif d’opposition est fondé sur l’introduction du paragraphe 16 (1) de la Loi qui n’est pas un motif d’opposition en soi. Le motif d’opposition visé par le par. 16(1) se limite aux circonstances décrites dans chacun de ses alinéas. Le septième motif d’opposition tel qu’il est invoqué n’est pas un motif d’opposition valide et il est donc rejeté.

 

IV Questions litigieuses en matière d’admissibilité de la preuve

 

Certaines des preuves produites par les deux parties ne visent qu’à discréditer celles de la partie adverse. Comme aucun témoin n’a déposé de vive voix devant le registraire, il est d’autant plus difficile de déterminer qui dit vrai en présence de deux déclarations contradictoires. Je dois également prendre en compte le fait que la Requérante a décidé de ne pas produire de plaidoyer écrit et qu’elle n’était pas présente lors de l’audience pour faire valoir ses arguments. Dans ces circonstances, une application rigoureuse des règles de preuve s’impose et toute preuve par ouï-dire doit être écartée. En conséquence, je ne m’en remettrai qu’aux éléments de preuve que je considère pertinents et admissibles.

 

La première question, soulevée par l’Opposante lors de l’audience sans malheureusement être étayée par la jurisprudence, porte sur l’admissibilité d’une copie de l’affidavit de M. Khabbazi souscrit le 29 décembre 2004 jointe comme pièce MEB-1 à l’affidavit de M. Beglari souscrit le 4 octobre 2006. Cette pièce contient également la transcription du contre-interrogatoire de M. Khabbazi portant sur son affidavit susmentionné qui a eu lieu le 16 mars 2005. M. Khabbazi est le président de la Requérante alors que M. Beglari est l’un des opposants agissant à titre personnel et le président du conseil de l’autre opposant, Noosheen Fard Company Corporation, anciennement connue sous le nom Noosheen Fard Co. Ltd.

 

L’affidavit en cause a été produit dans le cadre d’une procédure d’opposition où les deux mêmes parties s’affrontent et en vertu de laquelle la Requérante s’est opposée à la demande produite par l’Opposante en vue de l’enregistrement de la marque de commerce NOOSHEEN LAHIDJAN & dessin fondée sur l’emploi antérieur de la Marque. L’affidavit de M. Khabbazi du 29 décembre 2004 a été produit pour étayer l’argument selon lequel l’Opposante n’était pas la personne qui avait droit à l’enregistrement de la marque de commerce NOOSHEEN LAHIDJAN et Dessin en raison de son emploi antérieur de la Marque depuis 1997. En produisant comme pièce l’affidavit de M. Khabbazi souscrit le 29 décembre 2004 ainsi que la transcription de son contre-interrogatoire portant sur ce même affidavit, l’Opposante tente soit de satisfaire à sa charge initiale de prouver que la Marque n’était pas employée depuis 1997 au Canada en liaison avec les Marchandises et les Services comme l’indique la présente demande, soit de créer à tout le moins un doute sérieux à l’égard de cette déclaration de façon à ce que soit déplacé vers la Requérante le fardeau de prouver l’emploi de la Marque depuis la date revendiquée de premier emploi.

 

Enfin, je souligne que dans le second paragraphe de son affidavit souscrit le 2 novembre 2006, M. Khabbazi a adopté les faits exposés dans son affidavit du 22 décembre 2004 (sic). Il a admis dans son contre-interrogatoire que la date de référence était erronée et qu’il aurait fallu lire le 29 décembre 2004 dans l’allégation de son affidavit.

 

Il s’agit du cadre dans lequel j’ai jugé à l’audience que l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi ainsi que la transcription de son contre‑interrogatoire portant sur cet affidavit faisaient partie de la preuve. Pour appuyer ma décision, je me réfère à Beachcombers Restaurant Ltd. c. Vita-Pakt Citrus Co. (1976), 26 C.P.R. (2d) 282, et à Canpark Services Ltd. c. Canadian Pacific Express & Transport Ltd. (1984), 81 C.P.R. (2d) 77.

 

V Conformité aux exigences de l’art. 30 de la Loi

 

L’Opposante ne cite pas précisément l’al. 30b) de la Loi dans sa déclaration d’opposition. Toutefois, le libellé de son premier motif d’opposition jumelé aux éléments de preuve produits ne laisse planer aucun doute sur le fait que l’Opposante conteste la date du premier emploi de la Marque revendiquée dans la demande.

 

La date de production de la demande est la date pertinente pour l’évaluation d’un motif d’opposition fondé sur l’al. 30b) de la Loi [voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263]. Ce motif d’opposition repose sur l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services depuis au moins 1997 que la Requérante allègue dans sa demande. La Requérante n’a pas à produire de preuve à ce stade initial pour étayer sa date de premier emploi car le fardeau initial incombe à l’Opposante. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’Opposante se fonde, pour se décharger de son fardeau initial, sur la copie de l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi produite dans une autre procédure d’opposition où les deux mêmes parties s’affrontent.

 

La majeure partie de la plaidoirie de l’Opposante lors de l’audience se rapportait à ce motif d’opposition. L’agent de l’Opposante a convié le registraire à considérer une analyse méticuleuse de certains des documents annexés à l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi. Un plaidoyer écrit aurait pu facilement éviter un exercice aussi long. Non seulement aurait-il écourté l’audience, mais il aurait aussi été d’une grande utilité pour le registraire dans son processus décisionnel. De nos jours, le concept du « procès par embuscade » est maintenant périmé.

 

L’Opposante s’appuie également sur la première portion de l’affidavit de M. Beglari qui traite de la présence d’un numéro sans frais sur les factures produites comme pièce à l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi. Selon M. Beglari, ces factures, ou la plupart d’entre elles à tout le moins, n’ont pu être établies aux dates dont il est fait mention étant donné que le numéro sans frais qui y apparaît n’a été activé que le 8 juillet 2003. En conséquence, les factures portant une date antérieure au 8 juillet 2003 et sur lesquelles ce numéro de téléphone apparaît ne sont pas authentiques.

 

Tel que je l’ai déjà dit, j’ai l’intention d’appliquer de façon rigoureuse les règles de preuve. Tous les éléments de preuve par ouï-dire inadmissibles seront écartés. Malheureusement pour M. Beglari, les documents produits comme pièces MEB-2 à MEB-10 à son affidavit pour corroborer ses prétentions sont des preuves par ouï-dire inadmissibles car ce sont des informations obtenues sur les sites Web de diverses tierces parties. Ces documents démontrent que M. Beglari a effectué des recherches sur Internet, mais ils ne font pas preuve de leur contenu.

 

Il reste la déclaration assermentée de M. Beglari selon laquelle le numéro sans frais apparaissant sur les factures susmentionnées n’avait été activé que le 8 juillet 2003. La Requérante n’a pas contredit cette déclaration. En fait, elle l’a implicitement admise. M. Khabbazi a produit comme pièce une lettre d’une tierce partie en vue d’expliquer la présence du numéro sans frais sur toutes les factures. Toutefois, cette lettre est également une preuve par ouï-dire inadmissible.

 

À l’égard de ce motif d’opposition, le fardeau de la Requérante est léger. De plus, l’Opposante peut se fonder sur la preuve produite par la Requérante elle-même. Cependant, dans ce dernier cas, les éléments de preuve de la Requérante doivent soulever de sérieux doutes sur la justesse des déclarations formulées par la Requérante dans sa demande. [Voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999) 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.).]

 

Dans les présentes circonstances, je conclus que les factures annexées à l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi et portant une date antérieure au 8 juillet 2003, lesquelles comportaient un renvoi à un numéro sans frais, soulèvent de sérieux doutes en ce qui concerne la date de premier emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et les Services. En conséquence, le fardeau est déplacé vers la Requérante qui est tenue de démontrer l’emploi de la Marque à compter de la date de premier emploi revendiquée.

 

À une exception près, aucun des affidavits de M. Khabbazi datés du 2 novembre 2006 et du 28 août 2006, lesquels font selon moi partie du dossier, ne traite de cette question. Ainsi, au paragraphe 2 de son affidavit du 28 août 2006, M. Khabbazi renvoie à une lettre d’une tierce partie en vue de fournir l’explication de la présence de ce numéro sans frais sur les factures faites avant le 8 juillet 2003.  J’ai déjà jugé que cette lettre constituait une preuve par ouï-dire inadmissible.

 

Je dois également prendre en compte les autres arguments avancés dans l’affidavit que M. Khabbazi a souscrit le 29 décembre 2004. Des étiquettes et un tableau des ventes annuelles sous forme de graphique sont annexés à cet affidavit. Ces documents constitueraient-ils des éléments de preuve de l’emploi de la Marque depuis 1997?

 

Le numéro sans frais se trouve sur huit des seize étiquettes annexées à l’affidavit de M. Khabbazi du 29 décembre 2004. En conséquence, il est fort peu probable que ces huit étiquettes aient été employées depuis 1997 étant donné que le numéro sans frais n’a été activé qu’en juillet 2003.

 

J’examinerai maintenant les huit autres étiquettes. En premier lieu, les cornichons ont deux étiquettes distinctes : une pour les [traduction] « mini cornichons marinés » et l’autre pour les [traduction] « cornichons à l’aneth ». Le poids net indiqué sur ces étiquettes est de 1 500 g pour les premiers et de 5½ lb pour les autres. Toutefois, l’unité de poids utilisée dans le tableau des ventes annuelles, annexé à l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi, ne concorde pas avec ces étiquettes. La rubrique pour ces produits sur ce tableau renvoie à une unité de poids de 750 g. De plus, si on additionne les chiffres d’affaires annuels de 1999 à 2004 qui figurent sur le tableau sous la colonne intitulée [traduction] « cornichons/confitures », leur valeur totale ne correspond pas à la valeur totale indiquée au tableau pour cette catégorie. En conséquence, je n’accorde aucune crédibilité aux allégations selon lequelles l’Opposante a vendu des « cornichons » au Canada depuis 1997 en liaison avec la marque de commerce « NOOSHIN ».

 

En ce qui concerne l’étiquette [traduction] « nouilles iraniennes », aucune mention n’est faite de ce produit dans le tableau du rapport des ventes annuelles de l’Opposante, pièce B annexée à l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi. Les renvois à ce produit dans les factures ne sont d’aucune utilité à l’Opposante car j’ai déjà écarté les factures produites pour les motifs susmentionnés.

 

Il y a des étiquettes pour le [traduction] « tamarin iranien » et les [traduction] « cubes de sucre », mais aucun de ces produits ne figurent au paragraphe 3 de l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi, où sont énumérés les produits vendus en liaison avec la marque de commerce NOOSHIN; ne figure pas non plus dans la pièce B, le tableau des ventes annuelles. Enfin, même si je tenais compte des factures produites, le « tamarin iranien » n’y est pas mentionné.

 

Il y a une étiquette pour la [traduction] « macédoine de légumes ». Toutefois, dans l’énumération des produits figurant sous la rubrique [traduction] « cornichons/confitures » qui se trouve dans le tableau des ventes annuelles, M. Khabbazi renvoie à la [traduction] « macédoine de légumes marinés ». Qui plus est, l’unité de poids utilisée pour ces produits est de 750 g et l’étiquette indique 100 g. Pour ces motifs, je doute très fortement des ventes de [traduction] « macédoine de légumes » aient été réalisées au Canada en liaison avec la Marque depuis 1997.

 

Il y a une étiquette pour la [traduction] « sauce iranienne kashk ». Aucune mention de ce produit n’est faite au paragraphe 3 de l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi où tous les produits qui auraient été vendus en liaison avec la Marque sont énumérés sous différentes catégories. L’étiquette porte mention d’un poids net de 750 g alors que les factures produites, en eus-je tenu compte, font état de contenants de 350 g. Enfin, ce produit n’est pas énuméré dans le tableau du rapport des ventes annuelles. Pour ces motifs, je doute également très fortement que la [traduction] « sauce iranienne kashk » ait été vendue au Canada en liaison avec la Marque depuis 1997.

 

Enfin, il y a une étiquette pour la [traduction] « pâte de grenade ». Ce produit aussi n’est pas mentionné au paragraphe 3 de l’affidavit de M. Khabbazi daté du 29 décembre 2004. Il ne figure pas dans le tableau du rapport des ventes annuelles et même si je prenais en compte les factures, aucune mention de ce produit n’y figure.

 

En conséquence, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver l’emploi de la Marque au Canada depuis 1997 en liaison avec chacune des Marchandises et chacun des Services. Le premier motif d’opposition est donc accueilli.

 

VI Autres motifs d’opposition

 

La seconde partie du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif s’appuie sur les renseignements qui figurent sur les étiquettes annexées à l’affidavit du 29 décembre 2004 de M. Khabbazi. Comme j’ai déjà indiqué que j’entretenais de sérieux doutes à l’égard de l’emploi même de ces étiquettes au Canada, celles-ci ne sauraient servir de fondement à ce motif d’opposition. Toutefois, si j’avais tort dans mes conclusions portant sur la légitimité de ces étiquettes, alors l’Opposante aurait gain de cause en invoquant ce motif d’opposition. Les étiquettes portent effectivement la mention [traduction] « Produit de C.D.C. Inc. ». Rien ne prouve que la Requérante et C.D.C. Inc. sont une seule et même personne. Rien ne prouve non plus que la Requérante a octroyé une licence à C.D.C. Inc. en vue de l’utilisation de la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services.

 

Les troisième, quatrième, cinquième et sixième motifs d’opposition sont tous centrés sur la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce et noms commerciaux susmentionnés de l’Opposante. Étant donné que l’Opposante a valablement invoqué le premier motif d’opposition, la date pertinente à l’égard de ces motifs d’opposition devient la date de production de la demande [voir Everything for a Dollar Store (Canada) Inc. c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 69 (C.O.M.C.)].

 

Au paragraphe 45 de son affidavit, M. Beglari a fourni les chiffres d’affaires annuels pour des biscuits vendus sous les marques de commerce NOOSHEEN et NOOSHEEN LAHIDJAN. Il n’a cependant pas donné la ventilation de ces ventes par marque de commerce. Il aurait été important de fournir cette ventilation vu que je ne crois pas que la Marque puisse vraisemblablement créer de la confusion avec la marque de commerce NOOSHEEN LAHIDJAN.

 

Je ne me livrerai pas à une analyse détaillée des différents critères énumérés au par. 6(5) de la Loi pour déterminer s’il existe une probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce NOOSHEEN et NOOSHEEN LAHIDJAN, car la Requérante ne m’a présenté aucune observation en ce qui les concerne; quant à l’Opposante, elle a fait de très brefs commentaires à leur égard à l’audience. À ce stade-ci, qu’il suffise de dire pour régler cette question que le facteur le plus important est celui du degré de ressemblance étant donné que les marchandises et les services respectifs des parties entrent dans la catégorie générale des produits alimentaires et que, selon la preuve, ils seraient vendus dans des points de vente au détail tels des magasins d’aliments de spécialité. Lorsqu’elle est examinée dans son ensemble, la Marque est différente de la marque de commerce NOOSHEEN LAHIDJAN de l’Opposante. L’ajout de LAHIDJAN suffit pour différencier NOOSHEEN LAHIDJAN de la Marque. Il reste toutefois la question de la probabilité de confusion entre la Marque et NOOSHEEN. Pour l’examen de cette question, il nous faut des éléments de preuve de l’emploi au Canada, antérieurement au 2 décembre 2003, de la marque de commerce NOOSHEEN de l’Opposante.

 

Je ne considère pas que la preuve relative à l’emploi de la marque de commerce NOOSHEEN LAHIDJAN établisse l’emploi de la marque de commerce NOOSHEEN. À mon avis, ce sont deux marques de commerce différentes [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523]. M. Beglari a produit des listes de prix, des échantillons d’emballage et de l’information relative à des annonces ou à la commandite d’événements retransmises sur les ondes télévisuelles. Pour les motifs exposés ci-dessous, je ne considère pas que l’Opposante a établi un emploi de la marque de commerce NOOSHEEN qui soit antérieur à la date de production de la demande.

 

La pièce MEB-23 annexée à l’affidavit de M. Beglari est une liste de prix (pièce MEB-23) datée du 17 novembre 2002, mais un document de cette nature n’établit pas en soi la preuve de l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des marchandises. M. Beglari a produit ce qu’il a appelé une [traduction] « liste de produits alimentaires » (pièce MEB-24). L’illustration et la description des produits y sont toutefois illisibles. Il est impossible de déterminer quelle marque de commerce figure sur l’emballage des produits. Un échantillon d’emballage portant la marque de commerce NOOSHEEN a été produit au dossier (pièce MEB‑22). M. Beglari a toutefois omis de déclarer depuis quand un tel emballage était employé au Canada. Son affidavit porte la date du 4 octobre 2006, et il pourrait bien s’agir d’un emballage actuel, mais je ne peux présumer de son emploi par l’Opposante à une date antérieure au 2 décembre 2003.

 

Les certificats de salubrité délivrés à des fins douanières par le ministère de la Santé de la République islamique d’Iran ne peuvent constituer une preuve de l’emploi de la marque de commerce NOOSHEEN au Canada et, comme ils ont été délivrés par une tierce partie, il s’agit d’une preuve par ouï-dire inadmissible. De plus, leur seule force probante se limite à établir qu’ils ont été délivrés en Iran à la date qui figure sur chacun d’eux. Ils n’établissent en rien que ces marchandises ont été vendues au Canada à une date antérieure au 2 décembre 2003.

 

De volumineux documents et des CD-Roms ont été produits par M. Beglari comme éléments de preuve relatifs à du matériel publicitaire et promotionnel. Premièrement, nous ne disposons d’aucune information quant à la distribution au Canada des brochures, pièce MEB-25, et si jamais distribution il y a eu, à quelle époque elle aurait été faite. Viennent ensuite des photographies prises lors d’événements sportifs commandités par l’Opposante, comme les joutes de qualification de la Coupe du monde de football. Pour étayer son allégation selon laquelle tous les événements sportifs énumérés dans son affidavit (aux paragraphes 52 et 53) ont été retransmis par satellite au Canada et regardés par des Canadiens, M. Beglari produit de la documentation d’une tierce partie. Ces éléments de preuve (pièces MEB-26 à MEB-37) constituent une preuve par ouï-dire inadmissible; je ne dispose donc d’aucune preuve établissant que ces événements ont été regardés par des Canadiens et, si tel était le cas, par combien d’entre eux. Rien ne nous indique à quelle époque tout autre élément du matériel publicitaire tels des sacs (pièce MEB-40) aurait pu faire l’objet de distribution au Canada. De toute façon, la distribution de matériel promotionnel ne saurait constituer une preuve de l’emploi au Canada de la marque de commerce NOOSHEEN en liaison avec des biscuits.

 

En conséquence, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver l’emploi de sa marque de commerce NOOSHEEN au Canada à une date antérieure à celle de la production de la demande. Les motifs d’opposition trois et quatre sont rejetés.

 

En ce qui concerne le cinquième motif d’opposition, je me suis déjà prononcé sur l’absence de probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce NOOSHEEN LAHIDJAN de l’Opposante. En conséquence, je conclus qu’il en est de même en ce qui concerne la marque de commerce NOOSHEEN LAHIDJAN & Dessin, et j’ajouterai comme motif additionnel que la portion graphique vient davantage différencier cette marque de commerce de la Marque. En conséquence, ce motif d’opposition est également rejeté.

 

Il reste le sixième motif d’opposition. Pour avoir gain de cause, non seulement l’Opposante doit‑elle démontrer l’emploi de la marque de commerce visée par le présent motif d’opposition, mais elle doit aussi établir qu’à la date de l’annonce de la demande, soit le 1er septembre 2004, elle n’avait pas renoncé à un tel emploi [voir par. 16(5) de la Loi]. Je peux statuer sur ce motif d’opposition en me fondant sur le fait que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve. Les marques de commerce en cause sont LES IMPORTATIONS NOUSHIN, NOUSHIN IMPORT/EXPORT, NOUSHIN et NOOSHIN. Il ressort clairement de la preuve que l’opposant Mohammed Ebrahim Belgradi a cessé d’employer les noms commerciaux LES IMPORTATIONS NOUSHIN et NOUSHIN IMPORT/EXPORT en octobre 1997 (voir la pièce MEB-13). Rien ne prouve que Noosheen Fard Company Corporation a utilisé ou fait connaître au Canada les noms commerciaux. Ne restent donc que les noms commerciaux NOUSHIN et NOOSHIN. Rien au dossier n’établit que ces mots ont été employés comme noms commerciaux au Canada à une date quelconque. En conséquence, ce motif d’opposition est également rejeté.

 

VII Conclusion

 

Étant donné que l’Opposante a valablement invoqué le premier motif d’opposition, je repousse en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), CE 30 AVRIL 2009.

 

 

 

Jean Carrière,

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL.L.

 

 

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