Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : ROCA & DESSIN

No D’ENREGISTREMENT : LMC 287,139

 

 

Le 16 novembre 2004, à la demande d’Ogilvy Renault (la « partie requérante »), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »), à Compania Roca-Radiadores, S.A., qui a changé de nom pour Roca Sanitario, S.A. (ci‑après « Roca Sanitario »), propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC 287,139 relatif à la marque de commerce ROCA & Dessin (la « Marque ») reproduite ci‑dessous :

ROCA & DESIGN

 

La Marque est enregistrée en vue d’être employée en liaison avec des [traduction] « matériaux de construction, nommément pavé plat, carreaux de mosaïque, mosaïques, carreaux de sol, carreaux ».

 

Selon l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit indiquer si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.  La période pertinente en l’espèce est tout moment entre le 16 novembre 2001 et le 16 novembre 2004.

 

Les paragraphes 4(1) et 4(2) de la Loi sur les marques de commerce décrivent comme suit l’« emploi » en liaison avec les marchandises :

(1)   Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

(3)  Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

Seul le paragraphe 4(1) s’applique en l’espèce.

 

En réponse à l’avis du registraire, la propriétaire inscrite a fourni l’affidavit d’Antonio Perello Valls, directeur des exportations de Ceramicas del Foix, S.A. (ci‑après « Ceramicas »), licenciée de la propriétaire inscrite. Les deux parties ont ensuite déposé des plaidoyers écrits. Une audience a été tenue et les deux parties y étaient représentées.

 

M. Valls déclare qu’en raison de sa fonction et de son poste au sein de l’organisation ainsi que de sa relation avec la propriétaire inscrite, il a une bonne connaissance des questions relatives à la commercialisation au Canada des marchandises énumérées dans l’enregistrement en liaison avec la Marque.

 

Je vais commencer par examiner la question de savoir si tout emploi de la Marque serait considéré un emploi par la véritable propriétaire. Dans son affidavit, M. Valls déclare qu’en raison d’une propriété commune, Ceramicas est affiliée à Roca Sanitario et que la propriétaire inscrite avait octroyé pendant la période pertinente une licence à Ceramicas, dont elle est toujours titulaire, pour l’emploi au Canada des marchandises en liaison avec la Marque. Il ajoute que la propriétaire inscrite contrôlait directement les caractéristiques ou la qualité des marchandises sur lesquelles la Marque était apposée. La partie requérante a soulevé la question de savoir s’il s’agissait d’un emploi par la véritable propriétaire étant donné qu’il appert qu’il y a des interrelations entre diverses entreprises et qu’aucune explication claire n’a, selon elle, été fournie quant au contrôle direct ou indirect par la propriétaire inscrite, requis aux termes de l’article 50 de la Loi.

 

L’article 50 de la Loi sur les marques de commerce traite des licences d’emploi; dans la présente affaire, seul le paragraphe 50(1) de la Loi, reproduit ci‑dessous, s’applique :

 

Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

 

Gardant à l’esprit l’objet et l’intention de l’article 45, j’estime que l’affirmation du souscripteur de l’affidavit selon laquelle la propriétaire inscrite [traduction] « contrôlait directement les caractéristiques ou la qualité des marchandises sur lesquelles la marque était apposée et avait effectivement exercé et continuait d’exercer ce contrôle » est suffisante pour satisfaire à l’exigence du paragraphe 50(1) de la Loi (voir Federated Department Stores, Inc. c John Forsyth Co. (2001), 10 C.P.R. (4th) 571;  Sim & McBurney c. LeSage Inc. (1966), 67 C.P.R. (3d) 571).

 

M. Valls déclare aussi que le nom Roca Corporation Empresarial, qui apparaît sur les factures soumises en tant que pièce APV-1, est celui de la société mère à qui appartiennent tant Ceramicas que Roca Sanitario. Contrairement à la prétention de la partie requérante, je considère que le nom de la licenciée qui apparaît sur la facture est suffisant pour prouver l’emploi par la licenciée et qu’un tel emploi échoit à la propriétaire inscrite. La question des conséquences du fait que deux dénominations sociales figurent sur les factures au regard de la question du caractère distinctif ne constitue pas un point devant être tranché dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 (United Grain Growers Ltd. c. Lang Michener (2001), 12 C.P.R. (4th) 89 [CAF]). Bien qu’il ne s’agisse pas d’une question déterminante en l’espèce, je fais également remarquer que le nom de la licenciée figure sur la plupart des catalogues et des brochures joints à titre de pièce APV-3.

 

Le souscripteur de l’affidavit affirme que la licenciée a vendu les marchandises au Canada pendant la période pertinente; huit factures sont jointes à titre de pièce APV-1 et portent une date située dans la période pertinente. Ainsi, je n’ai aucune difficulté à conclure qu’il y a eu, pendant la période pertinente, des ventes au Canada qui jouent en faveur de la licenciée.

 

J’aborde maintenant la question de savoir si la Marque était associée aux marchandises lors du transfert de la propriété dans la pratique normale du commerce. À cet égard, M. Valls indique clairement que les marchandises dont font état les factures (pièce APV‑1) portaient toutes la Marque et que celle‑ci apparaissait en outre sur le haut des factures.

 

La partie requérante a fait valoir qu’aucun élément de preuve montrant que la marque était apposée sur les marchandises ou les colis n’avait été fourni de manière à démontrer l’emploi lors du transfert de la propriété ou de la possession. Je fais remarquer qu’il n’y a pas un seul type de preuve qui doit être fourni dans la procédure prévue à l’article 45 (Uvex Toko Canada Ltd. c. Performance Apparel Corp. (2004), 31 C.P.R. (4th) 270 [CF]). De plus, j’estime que l’on doit accorder une grande crédibilité aux déclarations faites dans l’affidavit (Rubicon Corp. c. Comalog Inc. (1990), 33 C.P.R. (3d) 58 [COMC]). Bien qu’il eût pu être préférable de présenter un élément preuve montrant la Marque apposée sur les marchandises, cela n’était pas obligatoire; me fondant sur l’ensemble du contenu de l’affidavit, je suis convaincue que l’avis requis concernant le lien entre la Marque et les marchandises a été donné aux consommateurs lors du transfert de ces marchandises. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai pris en considération la déclaration du souscripteur de l’affidavit selon laquelle la Marque était apposée sur les marchandises et figurait sur les factures. Dans certaines circonstances, la présence de la marque de commerce sur une facture peut être considérée comme étant un emploi sur les marchandises, mais seulement lorsqu’il est clair que la marque de commerce est associée à au moins un des produits indiqués sur la facture (Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King, 8 C.P.R. (4th) 471). Il a été statué que, lorsque la marque figure sur le haut de la facture pour identifier la personne morale et l’adresse, il ne s’agit pas d’un emploi en liaison avec les marchandises ou services (voir par exemple Boutiques Progolf Inc. c. Canada (Registraire des Marques de Commerce (1989), et Tint King of California Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce), 56 C.P.R. (4th) 223).

 

Dans certaines circonstances, il a été statué que la présence de la marque de commerce sur le haut des factures constituait une preuve d’emploi de la marque en liaison avec les marchandises. Dans Goudreau Gage Dubuc & Martineau Walker c. Niagara Mist Marketing Ltd ( (1997), 78 C.P.R. (3d) 255 (A.A.P.M.C.)), l’inscrivante avait soumis des factures qui, affirmait‑on, faisaient état de la vente d’un certain nombre des produits vendus sous la marque de commerce. Celle‑ci figurait à deux endroits sur la facture, une fois associée à l’adresse de l’inscrivante et une fois sans y être associée. Il a été statué qu’on pouvait concevoir que la marque de commerce se rapportait aux marchandises parce qu’elle apparaissait aussi sans être associée à une adresse :


[traduction] Je constate que les marques de commerce ne sont pas identifiées dans le corps des factures au regard de chacun des produits, mais que les mots NIAGARA MIST figurent dans la partie supérieure des factures, tant du côté gauche que du côté droit. Bien que j’estime que les mots NIAGARA MIST qui sont inscrits du côté gauche et qui sont suivis d’une adresse municipale seraient probablement perçus comme identifiant l’expéditeur des marchandises, je ne suis pas convaincue que les mots NIAGARA MIST inscrits sur le côté droit ne seraient pas perçus comme une marque de commerce permettant de distinguer les marchandises du titulaire de la marque. Si l’on tient compte du fait qu’aucun des produits énumérés dans les factures n’est identifié par une marque de commerce en particulier et du fait que M. Prentice a clairement indiqué que l’entreprise inscrivante est également celle qui fabrique les produits, je suis disposée à accepter que l’emploi qui est ainsi fait de la marque de commerce satisfait aux exigences du paragraphe 4(1) de la Loi, en ce sens qu’avis est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.


Ainsi, dans le cas des factures, la principale question qui doit être tranchée semble être celle de savoir si les marchandises elles-mêmes sont associées à la marque de commerce ou si la marque qui figure sur les factures semble être associée à l’inscrivante. De plus, comme l’a souligné l’agente d’audience, le défaut d’emploi d’autres marques de commerce dans le corps de la facture permet de conclure que l’acheteur pourrait avoir comme perception que la marque de commerce est employée sur les produits figurant sur la facture.

 

Dans la présente affaire, j’estime que la Marque est placée en évidence dans la partie supérieure des factures, dans une police très grande, et qu’elle ne sert pas à identifier la personne morale, à savoir qu’elle n’est pas employée conjointement avec l’adresse et/ou le numéro de téléphone de l’entreprise, etc. En outre, il ne ressort pas des factures que les marchandises de plus qu’un fabricant sont vendues. Il est par conséquent raisonnable, à mon avis, de présumer que l’acheteur aurait la perception que la marque de commerce est employée en liaison avec les marchandises énumérées sur la facture. Je suis donc disposée à conclure, sur le fondement du contenu de l’ensemble de l’affidavit, y compris de la déclaration du souscripteur de l’affidavit concernant la marque apposée sur les marchandises, que la présence de la marque de commerce en cause sur les factures est suffisant aux fins du paragraphe 4(1) de la Loi. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai gardé à l’esprit l’objet et l’intention de l’article 45 en tant que procédure sommaire visant à éliminer du registre les marques désuètes.

 

L’autre question qu’il faut trancher est celle de savoir si la Marque a été employée en liaison avec toutes les marchandises énumérées dans l’enregistrement. M. Valls déclare dans son affidavit que les codes de produits mentionnés dans les factures (pièce APV-1) lui permettent de confirmer qu’ils renvoient à chacune des marchandises figurant dans l’enregistrement. Il mentionne aussi des copies de pages Web de Ceramica (pièce APV-2; la date de ces pages est postérieure à la période pertinente) et aux catalogues et brochures (pièce APV-3) pour indiquer et expliquer les différents types de produits. Il affirme que les produits énumérés sur le site Web sont les mêmes produits qui étaient vendus pendant la période pertinente.

 

La partie requérante a fait valoir que les marchandises ne sont pas correctement identifiées et que l’emploi n’est démontré qu’en ce qui concerne les carreaux de mosaïque, les carreaux de sol et les carreaux muraux. Elle affirme que rien n’indique que les carreaux en cause sont utilisés pour du « pavé », mais qu’ils sont plutôt destinés à une utilisation intérieure. À mon avis, les catalogues joints à titre de pièce APV -3 sont très instructifs en ce sens qu’ils indiquent clairement que les marchandises ont diverses fonctions. En particulier, le catalogue intitulé « Tecno Supergrip Non-slip surface » énumère une série d’applications qui comprennent, sans s’y limiter, les [traduction] « centres commerciaux, les zones résidentielles, les places publiques, les piscines, les garages et parcs de stationnement, les espaces extérieurs ». Compte tenu de la définition de [traduction] « pavé » (paving stone) du Webster’s Third New International Dictionary, à savoir [traduction] « pierres de taille utilisées comme revêtement de surface d’un pavage » et la définition de [traduction] « carreau » (paving tile), à savoir [traduction] « carreau vernissé, décoré, utilisé pour les planchers, les trottoirs, les cours et parfois les murs », je suis encline à accepter que l’emploi de la Marque sur des carreaux, y compris des carreaux de mosaïque, pour l’usage indiqué dans les catalogues, constitue l’emploi sur les marchandises énumérées dans l’enregistrement comme « pavé plat et carreaux de mosaïque ».

 

Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que l’enregistrement no LMC 287,139 relatif à la marque de commerce ROCA & Dessin devrait être maintenu à l’égard de toutes les marchandises de l’enregistrement, conformément aux dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 27 FÉVRIER 2008

 

P. Heidi Sprung

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

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