Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 72

Date de la décision : 2014-03-27

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par 911979 Alberta Ltd. and Shoppers Drug Mart Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,439,641 pour la marque de commerce Sliceoflife au nom de Hero Nutritionals, Inc.

 

[1]               911979 Alberta Ltd. and Shoppers Drug Mart Inc. (collectivement l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce Sliceoflife (la Marque), laquelle fait l'objet de la demande no 1,439,641 produite par Hero Nutritionals, Inc. (la Requérante).

[2]               Produite le 28 mai 2009, la demande est fondée sur l'emploi au Canada depuis le 8 janvier 2008, en liaison avec des « suppléments alimentaires, nommément des vitamines et des minéraux » (les Marchandises).

[3]               L'Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 20 août 2010. La Requérante a nié l'ensemble des motifs par voie de contre-déclaration, le 27 octobre 2010. L'Opposante a ensuite demandé et reçu l'autorisation de produire une déclaration d'opposition modifiée. Cependant, le 10 février 2014, l'Opposante a retiré tous les motifs d'opposition, à l'exception du motif d'opposition fondé sur les alinéas 38(2)a) et 30b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi).

[4]               Par conséquent, la seule question à trancher en l'espèce est celle de savoir si la demande de la Requérante est conforme à l'alinéa 30b) de la Loi. À cet égard, l'Opposante allègue que la Requérante n'a pas employé la Marque en liaison avec les Marchandises au Canada depuis la date de premier emploi revendiquée, à savoir le 8 janvier 2008.

[5]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Morné Van Wyk. Toutefois, une telle preuve n'est pertinente que dans le cas des motifs d'opposition retirés depuis par l'Opposante. À l'appui de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Lorraine Collyer, assermentée le 23 septembre 2011. L'affidavit de Mme Collyer est la seule preuve pertinente, puisque l'Opposante cherche à établir que la preuve de la Requérante est clairement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. Mme Collyer n'a pas été contre-interrogée.

[6]               Seule l'Opposante a produit un plaidoyer écrit; toutefois, les deux parties ont présenté des observations lors d'une audience.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[7]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a cependant le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30b)

[8]               Le fardeau initial qui incombe à l'Opposante en vertu de l'alinéa 30b) est peu astreignant [Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC) à la p. 89]. L’Opposante peut s'acquitter de ce fardeau au moyen non seulement de sa propre preuve, mais aussi de la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Co c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst.) 216, à la p. 230]. Si la partie opposante s'appuie sur la preuve de la partie requérante pour s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe au titre de ce motif, elle doit tout de même établir que la preuve de la partie requérante est clairement incompatible avec les revendications de la partie requérante telles qu'elles sont énoncées dans sa demande.

[9]               Comme il a été mentionné précédemment, l'Opposante cherche à démontrer que la preuve de la Requérante est clairement incompatible avec la date de premier emploi que celle-ci revendique. Plus précisément, les observations de l'Opposante à cet égard comportent deux volets : d'abord, l'Opposante soutient que Mme Collyer laisse entendre dans son affidavit que l'emploi de la Marque a commencé au Canada près de cinq mois après la date de premier emploi revendiquée; ensuite, elle soutient que la seule preuve d'emploi de la Marque au Canada, à quelque moment que ce soit, indique un emploi par une autre entité et qu'il n'existe aucune preuve qu'un tel emploi s'est appliqué en faveur de la Requérante.

[10]           Avant d'examiner les observations des parties, je vais commencer par présenter brièvement l'affidavit de Mme Collyer.

Affidavit Collyer – Résumé

[11]           Mme Collyer atteste qu'elle occupe le poste de directrice financière chez Hero Nutritional Products, LLC (Hero). Elle affirme que dans le cadre de ses activités, Hero conçoit, fait fabriquer, distribue, commercialise et vend un large éventail de marchandises, y compris des suppléments de vitamines et minéraux, ainsi que des aliments santé. Elle explique que la famille de produits de Hero comprend la gamme de produits SLICE OF LIFE, laquelle inclut des suppléments nutritifs pour adultes. Elle joint en pièce A de son affidavit un imprimé de la page des produits du site Web de Hero, illustrant la gamme de produits Slice of Life.

[12]           Mme Collyer explique que le produit SLICE OF LIFE emballé pour la vente au détail porte une étiquette sur laquelle apparaît la Marque. À l'appui de ses dires, elle joint en pièces B de son affidavit des photos de bouteilles, comme elles apparaissent sur le site http://sliceoflife.com, « [Traduction] contenant chaque produit de la gamme Slice of Life, tels qu'ils sont emballés pour la vente au détail, et elle joint en pièce C des copies d'étiquettes apposées sur les bouteilles dans lesquelles les produits SLICE OF LIFE sont vendus. Les bouteilles et les étiquettes de produits portent clairement la Marque.

[13]           Mme Collyer affirme ensuite que « [Traduction] depuis au moins juin 2008, la Requérante a vendu les marchandises suivantes de la gamme de produits SLICE OF LIFE au Canada : Slice of Life B12 Boost, Slice of Life Omega 3·6·9, Slice of Life CoQ10, Slice of Life Vit C, Slice of Life Vitamin D3 (les Marchandises Slice of Life) ».

[14]           En ce qui concerne les ventes des produits de la gamme Slice of Life, Mme Collyer fournit ce qu'elle désigne comme « [Traduction] les ventes totales annuelles » pour la période de 2008 à juin 2011. De plus, elle joint en pièce D les rapports de vente suivants : des copies des fiches de vente par produit de Hero pour 2008-2009 (Sales by Item Detail sheets) et les rapports historiques des ventes et des stocks (Inventory Sales History Reports), illustrant les ventes unitaires en dollars canadiens pour ces années. L'en-tête des rapports de ventes pour 2008 et 2009 indique que les rapports couvrent la période de déclaration allant de janvier à décembre de chaque année. Le 18 juin 2008 correspond à la première date de facture inscrite sur le rapport de ventes 2008. Je note aussi que la somme des ventes inscrites dans les rapports de vente 2008 correspond au total des ventes annuelles que Mme Collyer a déjà fourni pour 2008, ce qui laisse entendre que les rapports de vente reflètent l'ensemble des ventes conclues cette année-là. Le rapport de ventes de 2009 a été préparé selon le même format et la première date de facture inscrite est le 20 février 2009. Cette information laisse aussi entendre que les rapports se veulent, comme l'en-tête nous l'indique, un sommaire détaillé de l'ensemble des ventes conclues pendant toute la période de déclaration (janvier à décembre).

[15]           Enfin, Mme Collyer fournit plusieurs publicités de produits Slice of Life au Canada :

Pièce E – annonces dans le numéro de septembre-octobre du magazine Canadian Natural Health Retailer affichant les produits Slice of Life portant la Marque, et indiquant que le produit est offert gratuitement aux consommateurs par l'entremise de détaillants d'aliments santé indépendants.

Pièce F – extrait du catalogue d'un distributeur canadien, numéro de septembre-décembre 2008, affichant une annonce de produits Slice of Life.

Pièce G – exemple d'annonce, typique de « celles des détaillants canadiens dans leurs catalogues et magazines, distribuées à l'échelle du Canada ».

Observations des parties et analyse

[16]           L'Opposante soutient que la déclaration de Mme Collyer selon laquelle « [Traduction] depuis au moins juin 2008, la Requérante a vendu les marchandises suivantes de la gamme de produits SLICE OF LIFE au Canada : [...] » n'est pas compatible à sa face même en ce qui a trait à la date de premier emploi revendiquée dans la demande. Bien que la Requérante n'accepte pas que cette déclaration constitue une reconnaissance du fait que la Marque n'a pas été employée avant cette date, je suis d'accord avec l'Opposante pour dire que la déclaration de Mme Collyer est compatible avec le reste de son affidavit et des preuves à l'appui, lesquelles semblent incompatibles avec la date de premier emploi revendiquée.

[17]           À cet égard, la plus ancienne date de facture selon les rapports de ventes (pièce D) est le 18 juin 2008, soit plus de cinq mois après la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. Comme il a été précédemment indiqué dans le sommaire de l'affidavit de Mme Collyer, les rapports de ventes qui figurent en pièce D représentent l'ensemble des ventes conclues au cours de cette période de déclaration (janvier à décembre 2008).

[18]           À l'appui de sa position, l'Opposante fait un parallèle entre l'espèce et les affaires suivantes, dans lesquelles une partie opposante obtient gain de cause en s'appuyant sur la preuve de la partie requérante pour s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe en vertu de l'alinéa 30b) de la Loi : Pharmacia AB c. Homeocan Inc (2003), 33 CPR (4th) 375 aux paragraphes 6 à 8 (COMC), Hearst Communications Inc c. Nesbitt Burns Corp (2000), 7 CPR (4th) 161 aux paragraphes 7 à 11 (COMC) et Clic Import Export Inc c. 3430961 Canada Inc, 2005 CarswellNat 448 (COMC). Par exemple, dans Pharmacia, la partie opposante s'appuie en partie sur les chiffres d'affaires fournis par la partie requérante, qui divulguent que les ventes ont commencé plus d'un an après la date de premier emploi revendiquée par la partie requérante. En outre, la plus ancienne facture produite par la partie requérante remontait à près de deux ans après la date de premier emploi revendiquée. Dans Hearst, l'affidavit de la partie requérante contenait des déclarations laissant entendre que ce que l'on croyait constituer un « emploi » de la marque de commerce a commencé près de deux ans après la date de premier emploi revendiquée par la partie requérante. Enfin, dans Clic Import Export, l'affidavit de la partie requérante comprenait des déclarations indiquant clairement que les marques de commerce, telles qu'elles sont visées dans les demandes n'ont été employées que plusieurs années après la date de premier emploi revendiquée par la partie requérante.

[19]           La Requérante fait valoir que dans Pharmacia comme dans Hearst, les facteurs examinés qui ont permis de conclure que la propre preuve de la partie requérante était incompatible avec la date de premier emploi revendiquée ne s'appliquent pas en l'espèce. Par exemple, la Requérante soutient que dans Pharmacia, la preuve de ventes a soulevé d'importants doutes puisqu'elle visait les ventes d'une année subséquente. Dans le cas qui nous occupe, le rapport de ventes de 2008 contient une liste de factures ne datant que de cinq mois après la date de premier emploi revendiquée; la Requérante allègue donc que cette information est entièrement compatible avec la date à laquelle la Marque a été employée (« commercialisée et vendue ») en janvier. La Requérante fait valoir que la date de facture figurant dans les rapports de ventes ne correspond pas au moment où la Marque a été employée; la facture est générée après que le produit a été commercialisé et vendu.

[20]           De plus, la Requérante soutient que la déclaration de Mme Collyer selon laquelle « [Traduction] depuis au moins juin 2008, la Requérante a vendu les marchandises suivantes de la gamme de produits SLICE OF LIFE au Canada : [...] » ne constitue pas un aveu tranchant comme dans l'affaire Clic Import Export. Plus précisément, la Requérante allègue que Mme Collyer ne dit pas que la Marque n'a pas été employée pour la première fois en janvier 2008 et donc, l'Opposante cherche à ce qu'un intérêt opposé soit inféré. La Requérante fait valoir que l'Opposante aurait dû contre-interroger Mme Collyer sur son affidavit, « [Traduction] puisqu'il faut confronter la partie visée par l'inférence ».

[21]           Cependant, je conviens avec l'Opposante du fait que la propre preuve de la Requérante est clairement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée par la Requérante dans sa demande. À cet égard, la déclaration susmentionnée de Mme Collyer est compatible avec la date de la plus ancienne facture divulguée dans les rapports de ventes, qui reflètent l'ensemble des ventes conclues entre janvier et décembre 2008. L'observation de la Requérante selon laquelle la date de la facture ne correspond pas au moment où la Marque a été employée est peut-être vraie. Toutefois, la preuve ne corrobore pas le fait que les Marchandises ont été commercialisées et vendues en janvier. À cet égard, rien n'explique dans la preuve que la pratique normale du commerce de la Requérante consiste à vendre son produit et à attendre cinq mois avant de facturer un client. En outre, la Requérante aurait dû produire la meilleure preuve accessible plutôt que de s'appuyer sur le contre-interrogatoire pour corriger des lacunes dans sa preuve ou pour présenter d'autres faits en preuve.

[22]           À la lumière de ce qui précède, j'estime que l'Opposante s'est acquittée du fardeau initial qui lui incombait au titre de ce motif d'opposition. Je dois désormais déterminer si la Requérante s'est acquittée de son obligation de démontrer qu'à la date de production, sa demande était conforme à l'alinéa 30b) de la Loi.

[23]           En ce qui concerne mes commentaires ci-dessus, la Requérante n'a produit aucune preuve démontrant qu'elle avait commencé à employer la Marque au Canada à la date revendiquée dans la demande. En outre, en l'absence de preuves du contraire, je suis seulement prête à inférer que l'emploi de la Marque a commencé au Canada vers la date de la plus ancienne facture, conformément aux rapports de ventes produits en pièce D. Quoi qu'il en soit, je suis d'accord avec l'Opposante pour dire que tout emploi démontré a été fait par Hero Nutritional Products, LLC et que la preuve n'indique pas clairement que cet emploi s'applique en faveur de la Requérante en vertu de l'article 50 de la Loi.

[24]           À cet égard, Mme Collyer n'a pas expliqué quel était le lien entre cette entité et la Requérante. D'après la preuve, il semble qu'il existe une relation d'entreprise entre les deux puisque, par exemple, le site Web de la Requérante (pièce A de l'affidavit Collyer) annonce clairement le produit Slice of Life. Cependant, la structure corporative à elle seule ne suffit pas pour établir l'existence d'une licence au sens du paragraphe 50(1) de la Loi, exigeant que la Requérante détienne un contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des marchandises afin de profiter de tout emploi de la marque par Hero Nutritional Products, LLC [voir MCI Multinet Communications Corp c. MCI Multinet Communications Inc (1995), 61 CPR (3d) 245 (COMC); Loblaws Inc c. Tritap Food Broker (1999), 3 CPR (4th) 108 (COMC)].

[25]           La Requérante fait valoir que Mme Collyer ne fait pas de distinction dans son affidavit entre Hero Nutritional Products, LLC et la Requérante. Toutefois, je suis d'accord avec l'Opposante pour dire que Hero Nutritional Products, LLC et Hero Nutritionals Inc. semblent être des entités légales distinctes. De plus, Mme Collyer fait toujours référence à Hero Nutritional Products LLC dans l'ensemble de son affidavit. Au mieux, la preuve est ambiguë en ce qui concerne la relation entre la Requérante et Hero Nutritional Products, LLC; cette ambiguïté doit être résolue en défaveur de la Requérante [Conde Nast Publications Inc c. Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst.)].

[26]            À la lumière de ce qui précède, la Requérante ne s'est pas acquittée de son obligation de démontrer qu'à la date de production, sa demande était conforme à l'alinéa 30b) de la Loi. Par conséquent, ce motif d’opposition est maintenu.

Décision

[27]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

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Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

 

 

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