Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L'OPPOSITION de Northern Group Retail Ltd. à la demande numéro 1050198 produite par Vêtements Northern Souvenir Inc. en vue de l'enregistrement de la marque de commerce SOUVENIRS NORTHERN et dessin_______

 

I           Les actes de procédure

 

 

Le 14 mars 2000, Vêtements Northern Souvenir Inc. a produit une demande, fondée sur un emploi depuis août 1998, en vue de l’enregistrement de la marque de commerce SOUVENIRS NORTHERN et dessin illustrée ci-dessous :

SOUVENIRS NORTHERN & DESIGN(la marque)

 

 

numéro de demande 1050198, en liaison avec des vêtements d’extérieur, nommément manteaux, vestes, parkas, anoraks, paletots, gilets, salopettes, chandails, chandails cardigan, chemises, hauts d’entraînement, pantalons de survêtement, pantalons, pantalons sport, chemisiers, chemises, cache-cols, bandeaux, bonneterie et accessoires, nommément ceintures, foulards, chapeaux capuchons, gants, mitaines (les marchandises). En réponse à une mesure prise par le bureau, la requérante a renoncé à l'usage exclusif du mot SOUVENIRS en dehors de la marque de commerce dans son ensemble.

 

La présente demande a été publiée le 20 février 2002 dans le Journal des marques de commerce aux fins de la procédure d’opposition. La demande a ensuite été transférée à Raffi Kourkoian (sauf mention contraire, Vêtements Northern Souvenir Inc., Raffi Kourkoian ou les deux ensemble sont appelés ci-après « le requérant »).

 

Le 18 juillet 2002, Northern Group Retail Ltd. (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition soulevant les motifs d’opposition suivants :

 

            [traduction]

1)      En vertu de l’alinéa 38(2)a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, (la Loi), la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 parce que le requérant n’a pas employé la marque en liaison avec les marchandises depuis la date alléguée ni à aucune autre date pertinente à la présente procédure d’opposition.

 

2)      En vertu de l’alinéa 38(2)b) de la Loi, la marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises.

 

3)      En vertu de l’alinéa 38(2)b) de la Loi, la marque visée n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes de l’opposante :

NORTHERN TRADITIONS    LMC424058

NORTHERN TRADITIONS    LMC410327

NORTHERN TRADITIONS et dessin   LMC428054

NORTHERN REFLECTIONS AUTHENTICS    LMC427811

NORTHERN REFLECTIONS   LMC372905

NORTHERN REFLECTIONS et dessin   LMC372896

NORTHERN REFLECTIONS et dessin   LMC449944

NORTHERN GATEWAY   LMC406620

NORTHERN GATEWAY   LMC406621

NORTHERN GATEWAY et dessin   LMC430146

NORTHERN GATEWAY et dessin   LMC425563

NORTHERN ELEMENTS et dessin   LMC459375

NORTHERN ELEMENTS et dessin   LMC448921

NORTHERN ELEMENTS   LMC448901

NORTHERN ELEMENTS   LMC449183

 

 

4)      En vertu de l’alinéa 38(2)c) de la Loi, le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque car, à la date de l’emploi allégué :

i)                    la marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’opposante énumérées ci-dessus;

ii)                  la marque créait de la confusion avec les marques de commerce suivantes de l’opposante qui ont été antérieurement employées au Canada :

 

NORTHERN REFLECTIONS en liaison avec des chaussures;

NORTHERN REFLECTIONS et dessin en liaison avec des vêtements pour femmes.

 

5)      En vertu de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi, la marque visée n’est pas distinctive des marchandises et n’est pas adaptée ou capable de distinguer les marchandises du requérant des marchandises et services de l'opposante.

 

 

Le 19 novembre 2002, le requérant a produit une longue contre-déclaration qui comprenait une argumentation écrite. Hormis ces arguments, il y réfute pour l’essentiel chacun des motifs d’opposition.

 

La preuve de l’opposante est constituée de l’affidavit de Melanie Laidlaw, tandis que le requérant a produit l’affidavit de Raffi Kourkoian. Seule l’opposante a présenté des arguments écrits et aucune audience n’a été tenue.

 

II La preuve de l’opposante

 

Mme Laidlaw était la directrice du marketing visuel de l’opposante. Elle a produit des copies des enregistrements des marques de commerce de l’opposante énumérées ci-dessus.

 

Elle allègue que la marque de commerce NORTHERN TRADITIONS a été employée au Canada par l’opposante et ses prédécesseurs en titre depuis le 17 juillet 1991, en liaison avec l’exploitation de magasins de vente au détail tel qu’indiqué dans l’enregistrement numéro LMC410327. En date de son affidavit (le 27 juin 2003), l’opposante exploitait 19 magasins sous la marque de commerce NORTHERN TRADITIONS, situés en Ontario, au Manitoba, en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick. Depuis le 17 juillet 1991, l’opposante emploie aussi les marques de commerce NORTHERN TRADITIONS et NORTHERN TRADITIONS et dessin en liaison avec des articles vestimentaires décrits plus en détail dans les certificats d’enregistrement LMC424058 et LMC428054.

 

Comme preuve d’emploi des marques de commerce NORTHERN TRADITIONS et NORTHERN TRADITIONS et dessin, nous avons au dossier les pièces suivantes :

  Une photographie d’une enseigne extérieure

  Des photographies d’articles vestimentaires et d’accessoires portant la marque de commerce NORTHERN TRADITIONS, notamment : tee-shirt, robe, blouse, pantalon, jupe, short, bas, boucles d’oreilles, collier et chaussettes

  Des étiquettes fixes et des étiquettes volantes

  Un spécimen de sac

  Des affiches internes et des affiches banderoles

  Du matériel promotionnel distribué aux points de vente ou par la poste

  Des annonces publiées dans des périodiques, journaux et circulaires distribués dans différents centres commerciaux au Canada où l’opposante exploite des magasins de vente au détail en liaison avec la marque de commerce NORTHERN TRADITIONS.

 

Depuis 1992, l’opposante a dépensé près de 1,4 million de dollars en vue de promouvoir au Canada la marque de commerce NORTHERN TRADITIONS. Entre 1991 et 2002, les ventes au détail au Canada ont varié de plus de 2 millions à 30 millions de dollars.

 

Mme Laidlaw allègue que l’opposante et ses prédécesseurs en titre ont aussi employé la marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS au Canada depuis le 1er novembre 1986 en liaison avec des services de magasins de vente au détail et des articles vestimentaires, comme il est indiqué dans les enregistrements LMC372905 et LMC372896. La marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS et dessin est employée par l’opposante et ses prédécesseurs en titre depuis le 1er mars 1992 en liaison avec l’exploitation de points de vente au détail vendant des vêtements pour femmes et des articles vestimentaires pour femmes, comme il est indiqué dans le certificat d’enregistrement LMC449944. En date de son affidavit, l’opposante exploitait 154 points de vente au détail au Canada sous la marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS.

 

Pour étayer l’emploi des marques de commerce NORTHERN REFLECTIONS et NORTHERN REFLECTIONS et dessin, Mme Laidlaw a produit les pièces suivantes :

  Une photographie d’une enseigne extérieure

  Des photographies d’articles vestimentaires et d’accessoires portant la marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS, notamment : débardeurs, robe, chemise, jeans, short, bas, ceintures, chaussettes; vestes, tee-shirt et manteau

  Des étiquettes fixes

  Des sacs et une boîte

  Des affiches internes et des affiches banderoles

  Du matériel promotionnel distribué aux points de vente ou par la poste

  Des annonces publiées dans des périodiques, journaux et circulaires distribués dans différents centres commerciaux au Canada où l’opposante a des magasins de vente au détail en liaison avec la marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS.

 

Depuis 1987, l’opposante et ses prédécesseurs en titre ont dépensé plus de 11 millions de dollars en publicité, notamment pour des annonces dans les galeries marchandes, des étalages en vitrine et d’autres dépenses de marketing en vue de promouvoir les points de vente au détail exploités sous la marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS. Depuis 1987, les ventes au détail au Canada de l’opposante et de ses prédécesseurs en titre en liaison avec la marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS ont varié de 8,5 millions à 158 millions de dollars.

 

De plus, Mme Laidlaw allègue que les marques de commerce NORTHERN GATEWAY et NORTHERN GATEWAY et dessin ont été employées au Canada par l’opposante et ses prédécesseurs en titre depuis le 26 juin 1992, en liaison avec l’exploitation de magasins de vente au détail vendant des vêtements et des chaussures pour enfants indiqué dans les certificats d’enregistrement LMC406621 et LMC425563. En date de son affidavit, l’opposante exploitait 101 magasins au Canada sous la marque de commerce NORTHERN GATEWAY.

 

Les pièces suivantes ont été produites pour étayer son allégation d’emploi des marques de commerce NORTHERN GATEWAY et NORTHERN GATEWAY et dessin :

  Une photographie d’une enseigne extérieure

  Des photographies d’articles vestimentaires et d’accessoires pour enfants portant la marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS, notamment : débardeurs, robe, chemise, jupe, pantalon, short, chandails, chaussettes; vestes et tee-shirt

  Des étiquettes fixes

  Des sacs et une boîte

  Des affiches internes

  Du matériel promotionnel distribué aux points de vente ou par la poste

  Des annonces publiées dans des périodiques, journaux et circulaires distribués dans différents centres commerciaux au Canada où l’opposante exploite un point de vente au détail en liaison avec la marque de commerce NORTHERN GATEWAY.

 

Depuis 1992, l’opposante et ses prédécesseurs en titre ont dépensé plus de 4,7 millions de dollars en publicité, notamment pour des annonces dans les galeries marchandes, des étalages en vitrine et d’autres dépenses de marketing en vue de promouvoir les points de vente au détail exploités sous la marque de commerce NORTHERN GATEWAY. Depuis 1992, les ventes au détail au Canada de l’opposante et de ses prédécesseurs en titre en liaison avec la marque de commerce NORTHERN GATEWAY ont varié de 11,6 millions à 74 millions de dollars.

 

Mme Laidlaw allègue aussi qu’entre le 4 novembre 1994 et le mois de juin 2002, l’opposante et ses prédécesseurs en titre ont exploité des points de vente au détail au Canada en liaison avec les marques de commerce NORTHERN ELEMENTS et NORTHERN ELEMENTS et dessin qui offraient à la vente et vendaient des vêtements pour hommes, des chaussures, des accessoires, des sacs à dos, des sacs polochons, des sacs de sport et des couteaux tel qu’il est indiqué dans les enregistrements LMC449183 et LMC448921 respectivement. En janvier 2002, l’opposante exploitait 63 points de vente au Canada sous la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS.

 

À l’appui de son allégation d’emploi de la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS et NORTHERN ELEMENTS et dessin, elle a produit les pièces suivantes :

  Une photographie d’une enseigne extérieure

  Des photographies d’un tee-shirt et d’un pull d’entraînement vendus en liaison avec la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS

  Des étiquettes fixes

  Des sacs et une boîte

  Des affiches internes et des banderoles

  Du matériel promotionnel distribué aux points de vente ou par la poste

  Des annonces publiées dans des périodiques, journaux et circulaires distribués dans différents centres commerciaux au Canada où l’opposante ou ses prédécesseurs en titre ont exploité un point de vente au détail en liaison avec la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS.

 

Entre 1994 et le mois de juin 2002, l’opposante et ses prédécesseurs en titre ont dépensé plus de 2,5 millions de dollars en publicité, notamment pour des annonces dans les galeries marchandes, des étalages en vitrine et d’autres dépenses de marketing en vue de promouvoir les points de vente au détail exploités sous la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS. Au cours de la même période, les ventes au détail au Canada de l’opposante et de ses prédécesseurs en titre en liaison avec la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS ont varié de 19,7 millions à 44,5 millions de dollars.

 

 

III La preuve du requérant

 

M. Kourkoian est le propriétaire actuel de la présente demande et il est le président de Vêtements Northern Souvenir Inc, son prédécesseur en titre. Il allègue que la marque a été employée au Canada en liaison avec des vêtements pour l’extérieur et des accessoires depuis le 1er août 1998. À l’appui de ses prétentions, il a déposé les pièces suivantes :

  Une facture datée du 30 avril 1998 pour l’achat d’étiquettes portant la marque

  Des photocopies des étiquettes qui portent la marque et sont fixées aux marchandises

  Des photocopies de photographies de divers articles vestimentaires pour l’extérieur vendus en liaison avec la marque

  Un catalogue illustrant les marchandises vendues en liaison avec la marque

  Des spécimens de factures faisant état de la vente de marchandises portant la marque couvrant la période de juin 1998 à octobre 2003.

 

IV Analyse des questions d’ordre juridique

 

Il incombe au requérant de prouver que sa demande satisfait aux dispositions de l'article 30 de la Loi, cependant l'opposante a le fardeau initial de prouver les faits qu'elle allègue au soutien de chaque motif d'opposition. Après s'être acquitté du fardeau initial, le requérant doit encore prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs particuliers d'opposition ne devraient pas empêcher l'enregistrement de la marque demandée. [Voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, Christian Dior, S.A. et Dion Neckwear Ltd. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155.]

 

Pour ce qui est des motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi, même si le fardeau initial incombe à l'opposante, il n’est pas très lourd [voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999) 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.]. L'opposante peut s'acquitter de ce fardeau de preuve initial en s'appuyant sur la preuve du requérant. [Voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263.] Dans ce cas, cependant, l'opposante doit prouver que la preuve du requérant est clairement incompatible avec les allégations énoncées dans sa demande.

 

L’opposante n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de son premier motif d’opposition. La preuve du requérant décrite ci-dessus n’est pas clairement incompatible avec l’allégation de premier emploi (août 1998) énoncée dans la demande. La facture la plus ancienne qui a été produite est datée de juin 1998, soit avant la date de premier emploi alléguée. Si on suppose que cette facture établit une date plus ancienne de premier emploi de la marque par le requérant ou par son prédécesseur en titre, le fait d’alléguer dans une demande une date de premier emploi plus tardive que le premier emploi réel ne porte pas un coup fatal au requérant. En agissant ainsi, le requérant perd le bénéfice d’alléguer une date de premier emploi plus ancienne. [Voir Marineland c. Marine Wonderland and Animal Park Ltd. (1974), 16 C.P.R. (2d) 97 (C.F. 1re inst.).] Le premier motif d’opposition est donc rejeté.

 

La date pertinente pour apprécier le deuxième motif d'opposition est la date de production de la demande. [Voir Shell Canada Limited c. P.T. Sari Incofood Corporation (2005) 41 C.P.R. (4th) 450 (C.F. 1re inst.) et Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60.] La question de savoir si la marque donne une description claire de la nature des marchandises doit être appréciée du point de vue du consommateur ordinaire. Le mot « claire » utilisé à l’alinéa 12(1)b) de la Loi a été interprété comme signifiant facile à comprendre, évident, ou simple [voir G.W.G. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1981), 55 C.P.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.)]. De plus, au moment d'établir si la marque donne une description claire, il faut la considérer dans son ensemble selon l'impression générale qui s'en dégage et ne pas la décomposer en ses éléments constitutifs, ni l'analyser avec soin. [Voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.).]

 

Une marque de commerce peut être très suggestive sans donner de description claire de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée. Dans de tels cas, la marque de commerce bénéficierait d’une protection moins étendue. L’opposante n’a pas élaboré ce motif d’opposition dans sa plaidoirie écrite, axant ses arguments sur la question du risque de confusion entre la marque et les marques de commerce susmentionnées. Les arguments de l’opposante se limitent aux suivants :

 

[traduction] […] le mot NORTHERN donne une description claire de la nature et de la qualité des marchandises, qui sont destinées à être utilisées dans des climats nordiques ou froids, et les points de vente au détail où sont vendues ces marchandises donnent une description fausse et trompeuse. La marque du requérant donne une description de la nature ou de la qualité des marchandises et services.

 

Tout d’abord, la marque doit être considérée dans son ensemble et, même si le mot « Souvenirs » n’est pas revendiqué, il fait partie de la marque. La marque pourrait suggérer au consommateur canadien que les marchandises doivent être employées pour se protéger du climat nordique, mais même en lui donnant un sens aussi large, je ne vois pas en quoi elle pourrait décrire la nature ou la qualité des marchandises. Par conséquent, je rejette aussi le deuxième motif d’opposition.

 

Les autres motifs d'opposition se rapportent à la question du risque de confusion entre la marque et les marques de commerce de l’opposante énumérées ci-dessus. Je dois donc analyser tout d’abord le troisième motif d’opposition.

 

La date pertinente pour décider si la marque est enregistrable est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd., 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.)]. Il a été établi que, pour apprécier le risque de confusion entre la marque et les marques de commerce déposées de l’opposante, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris les éléments énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi, savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive. De plus, il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chaque élément. [Voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.).]

Pour les fins de la présente analyse, je vais comparer la marque aux marques de commerce déposées NORTHERN ELEMENTS et NORTHERN ELEMENTS et dessin de l’opposante, reproduites ci-dessous, car ce sont les marques de commerce de l’opposante qui se rapprochent le plus de la marque du requérant.

 

NORTHERN ELEMENTS & DESIGNLMC459375   NORTHERN ELEMENTS & DESIGNLMC448921

 

 

 

Le certificat d’enregistrement LMC448921 vise l’exploitation de points de vente au détail de vêtements pour hommes et femmes; chaussures, accessoires, montres, sacs à dos, sacs polochons, sacs de sports et couteaux (les services de l’opposante), alors que le certificat d’enregistrement LMC459375 vise des vêtements, nommément tee-shirts et pulls d’entraînement, chandails, gilets, hauts, pantalons, shorts, salopettes, chemises, polos, maillots de rugby, cols roulés, cestes, chaussettes, sous-vêtements, gants, moufles, cravates, maillots de bain, manteaux, chapeaux; accessoires, nommément ceintures, bretelles, écharpes; chaussures, nommément chaussures tout-aller, chaussures d’athlétisme, bottes, pantoufles, couvre-chaussures; bijoux, nommément montres; sacs à dos, sacs polochons, sacs de sport; couteaux (les marchandises de l’opposante).

 

Dans Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists, (1998) 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), le juge Linden a défini le caractère distinctif inhérent dans les termes suivants :

Le premier élément énuméré au paragraphe 6(5) est la solidité ou le caractère bien établi de la marque. Cet élément se divise en deux: le caractère distinctif inhérent de la marque et le caractère distinctif qu'elle a acquis. Une marque possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n'aiguille le consommateur vers une multitude de sources. La marque qui peut faire allusion à de nombreuses choses ou qui, comme je l'ai fait remarquer précédemment, se limite à décrire les marchandises ou leur origine géographique, jouira d'une protection moindre. Inversement, si la marque est un nom unique ou inventé, de sorte qu'elle ne peut faire référence qu'à une seule chose, la portée de sa protection sera plus grande.

Une marque qui ne possède pas de caractère distinctif inhérent peut tout de même acquérir un caractère distinctif par un emploi continu sur le marché. Pour établir ce caractère distinctif acquis, il faut démontrer que les consommateurs savent que cette marque vient d'une source en particulier. Dans la décision Cartier, Inc. c. Cartier Optical Ltd./Lunettes Cartier Ltée, le juge Dubé a conclu que le nom Cartier possédait peu de caractère distinctif inhérent, puisqu'il n'était qu'un nom de famille, mais qu'il avait néanmoins acquis un caractère distinctif considérable grâce à la publicité. De la même manière, dans la décision Coca-Cola Ltd. c. Fisher Trading Co, le juge a conclu que le mot « Cola » en scriptes était devenu si célèbre qu'il avait acquis un sens secondaire très spécial distinct de la boisson et qui méritait donc d'être protégé.

 

La marque ne possède qu’un faible caractère distinctif inhérent car la juxtaposition des mots « souvenirs » et « northern » suggère que les marchandises sont des souvenirs achetés dans une région nordique. On peut pas tirer une conclusion similaire au sujet de la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin de l’opposante. La juxtaposition des mots « northern » et « elements » suggère que les marchandises de l’opposante sont des articles vestimentaires conçus pour affronter le climat nordique.

 

L’opposante a établi un emploi à grande échelle de sa marque de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin au Canada en liaison avec ses services. L’auteur de l’affidavit n’a pas précisé si les ventes au détail représentent les ventes des marchandises de l’opposante portant les marques de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin ou NORTHERN ELEMENTS, ou s’il s’agit plutôt de la totalité des ventes en liaison avec l’exploitation de ses points de vente sous ces marques de commerce. Je présume que les chiffres qui ont été fournis au sujet des ventes au détail correspondent à la totalité des ventes réalisées par l’opposante en liaison avec l’exploitation de ses points de vente au détail sous la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin.

 

Les chiffres de ventes et les sommes dépensées pour promouvoir cette marque sont impressionnants. En revanche, le requérant n’a fourni aucun renseignement sur l’ampleur de ses propres ventes. L’opposante emploie sa marque de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin depuis août 1994 en liaison avec ses marchandises alors que le requérant a commencé à employer sa marque en juin 1998. Les factures produites par le requérant font état de ventes au Québec et en Ontario seulement. Ces ventes n’ont pas la même ampleur que celles de l’opposante. En me fondant sur la preuve au dossier, je conclus que la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin de l’opposante est plus connue que la marque du requérant. Ce facteur favorise donc l’opposante.

 

Selon le certificat d’enregistrement LMC445375, l’opposante emploie la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin en liaison avec les marchandises décrites plus haut depuis août 1994, alors que le requérant a commencé à employer la marque visée en liaison avec les marchandises en 1998. [Voir Cartier Men’s Shops Ltd. c. Cartier Inc. (1981), 58 C.P.R. (2d) 68.] La période pendant laquelle les marques de commerce en cause ont été en usage favorise aussi l’opposante.

 

Les marchandises de même nature sont celles qui sont énumérées dans le certificat d’enregistrement LMC459375 de l’opposante. Il s’agit d’articles vestimentaires dans les deux cas. Même si l’on considère la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin visée par le certificat d’enregistrement LMC448921, la nature des services de l’opposante est étroitement liée aux marchandises du requérant. Ce facteur favorise également l’opposante.

 

Dans sa contre-déclaration, le requérant a soulevé l’argument suivant, dont je suis disposé à tenir compte aux fins de la présente discussion, même s’il n’a pas été repris dans une plaidoirie écrite. Le requérant fait valoir que ses marchandises sont offertes à la vente uniquement dans des commerces de souvenirs au détail, alors que les marchandises de l’opposante sont vendues exclusivement dans les points de vente au détail de l’opposante qu’elle exploite sous la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS. Premièrement, il n’y a pas de preuve relative aux réseaux de vente du requérant. De plus, c’est la description des marchandises qui apparaît dans la demande et dans les certificats d’enregistrement qu’il faut examiner. Même si les marchandises de l’opposante étaient vendues exclusivement dans ses magasins de vente au détail, il n’y a aucune restriction dans la description des marchandises contenue dans le certificat d’enregistrement LMC459375 qui limiterait la vente des marchandises aux points de ventes au détail que l’opposante exploite sous cette même marque de commerce. Rien n’empêche l’opposante de vendre ses marchandises portant la marque de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin dans tout autre commerce de vêtements au détail. En l’absence de preuve relative aux réseaux de vente eux-mêmes et puisque les marchandises respectives des parties sont de la même nature, je peux présumer que les réseaux de vente sont les mêmes.

 

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce est très important, surtout lorsque les marchandises sont identiques ou qu’elles se chevauchent. [Voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, 149 (C.F.1re inst.), à la page 149.] Le critère est celui de la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire qui ne conserve qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’opposante. [Voir Miss Universe c. Bohna (1995), 58 C.P.R. (3d) 381, à la page 387.]

 

Sans procéder à une analyse minutieuse pour déterminer les similitudes et ressemblances entre les marques en cause, je souligne que la caractéristique dominante de la marque est le mot « northern », étant donné sa taille et l’endroit où il se trouve. Le mot « souvenirs » est écrit en petits caractères. Sur le plan graphique, la marque se caractérise par des montagnes, de la neige et des pins. Les marques de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin, illustrées ci‑dessus, se caractérisent aussi par des montagnes, de la neige et des pins. Le mot « northern » y apparaît en évidence. Les éléments graphiques des marques de commerce des parties suggèrent l’idée de la partie septentrionale du Canada. Je conclus qu’il y a un certain degré de ressemblance entre la marque et les marques de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin de l’opposante.

 

Comme autre circonstance de l’espèce, l’opposante, tel qu’il ressort du résumé de la preuve énoncé ci-dessus, a établi l’existence et l’emploi d’une famille de marques de commerce contenant le mot « northern » en liaison avec l’exploitation de points de vente au détail offrant en vente des articles vestimentaires et en liaison avec des articles vestimentaires. Par conséquent, le consommateur aurait vraisemblablement tendance à présumer qu’une nouvelle marque NORTHERN est une marque de commerce de l’opposante.

 

Mon analyse des circonstances de l’espèce m’amène à conclure que le requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la marque ne risque pas de causer de la confusion avec les marques de commerce NORTHERN ELEMENTS et dessin de l’opposante. Je tiens à souligner que je serais arrivé à la même conclusion si j’avais choisi l’une ou l’autre des autres marques de commerce de l’opposante. L’analyse du degré de ressemblance aurait peut-être été différente en raison de la partie dessin de la marque visée, mais il reste que, dans l’ensemble, la majorité des circonstances de l’espèce favoriseraient quand même l’opposante. Et même en ce qui a trait à la question du degré de ressemblance, la caractéristique dominante de la marque est le mot NORTHERN qui est le premier élément de chacune des marques de commerce de l’opposante. Celle-ci a donc gain de cause relativement à son troisième motif d’opposition.

 

La date pertinente pour décider de la question du droit ou non à l'enregistrement de la marque est la date qui est alléguée dans la demande au sujet du premier emploi. [Voir le paragraphe 16(1) de la Loi.] Il est généralement accepté que la date de dépôt de la déclaration d'opposition est la date pertinente pour apprécier le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif de la marque. [Voir Andres Wines Ltd. c. E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), Park Avenue Furniture Corporation, précité, et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317(C.F. 1re inst.).]

 

La différence de dates pertinentes entre ces motifs d’opposition et le troisième motif d’opposition n’aurait pas eu de conséquence sur mon analyse du risque de confusion entre la marque et les marques de commerce de l’opposante. Celle-ci s’est acquittée de son fardeau initial, au titre du moyen d’opposition fondé sur la question du droit ou non à l'enregistrement, de prouver qu’elle avait employé ses marques de commerce avant la date alléguée pour le premier emploi de la marque, et qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi en date de la publication de la présente demande (paragraphe 16(5) de la Loi). Pour les mêmes raisons que celles énoncées plus haut en ce qui a trait au troisième motif d’opposition, j’accueille les quatrième et cinquième motifs d’opposition.

 

V Conclusion

 

Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le registraire des marques de commerce en conformité avec le paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette, conformément au paragraphe 38(8) de la Loi, la demande du requérant en vue de l'enregistrement de la marque en liaison avec les marchandises.

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 17 MAI 2006.

 

 

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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