Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2013 COMC 30

Date de la décision: 2013-02-18

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Norton Rose OR S.E.N.C.R.L., s.r.l. visant l’enregistrement no LMC526,959 de la marque de commerce ILLICO COMMUNICATION au nom de Illico Communication inc.

[1]               Le 14 novembre 2011, à la demande de Norton Rose OR S.E.N.C.R.L., s.r.l. (la Requérante), le registraire a envoyé un avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Illico Communication inc. (le Propriétaire Inscrit) afin de prouver l’emploi de la marque de commerce ILLICO COMMUNICATION (la Marque) en liaison avec :

Graphisme d'édition, du graphisme corporatif, du graphisme promotionnel et de communication, nommément publicité, magazine et enseigne, de la conception vitrine internet et photographie et de services connexes, nommément rédaction, traduction et correction de textes (les Services).

[2]               L’article 45 de la Loi oblige le Propriétaire Inscrit à démontrer qu’il a employé au Canada la Marque en liaison avec chacun des Services spécifiés à l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis ou, dans la négative, à fournir la date à laquelle elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce est donc du 14 novembre 2008 au 14 novembre 2011 (la Période Pertinente).

[3]               La procédure sous l’article 45 est simple, expéditive et sert à éliminer du registre le “bois mort”. Ainsi le seuil exigé pour établir l’emploi de la Marque, au sens de l’article 4 de la Loi, au cours de la Période Pertinente n’est pas très élevé [voir Woods Canada ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF1reinst)].

[4]               Une simple allégation d’emploi de la Marque en liaison avec les Services n’est pas suffisant pour établir son usage au sens de l’article 4(2) de la Loi. Il n’y a pas lieu de produire une preuve abondante. Toutefois toute ambigüité dans la preuve sera interprétée à l’encontre du Propriétaire Inscrit de la Marque [voir Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (4th) 62 (CAF)].

[5]               En réponse à l’avis, le Propriétaire Inscrit a produit l’affidavit de Me Jean-Yves Côté, fondateur, président et actionnaire unique du Propriétaire Inscrit. Seule la Requérante a produit des représentations écrites. Aucune audience n’a été demandée. En effet je tiens à souligner que le registraire a fait parvenir le 3 avril 2012 un avis au Propriétaire Inscrit l’informant qu’il avait 4 mois pour produire des représentations écrites ou informer le registraire que des représentations écrites ne seraient pas produites. Or le Propriétaire Inscrit n’a pas répondu à cet avis bien qu’il y ait eu de la correspondance adressée au registraire le 5 avril 2012 ne se rapportant aucunement audit avis.

[6]               En vertu de l’énoncé de pratique intitulé Pratique régissant la procédure de radiation prévue à l’article 45 et plus particulièrement la section VII.1, la partie qui désire être entendue doit transmettre au registraire une demande écrite en ce sens dans un délai d’un mois suivant l’expiration du délai final pour la production des représentations écrites du propriétaire inscrit. Ainsi les parties avaient jusqu’au 3 septembre 2012 pour soumettre au registraire une telle demande. Il n’y a eu aucune demande de formuler par l’une ou l’autre des parties à cet effet. Ma décision sera donc basée sur le contenu de l’affidavit de Me Côté et je tiendrai compte des représentations écrites de la Requérante. Toutefois j’ignorerai les commentaires formulés aux paragraphes 10, 11, 12, 14, 49 et 67 à 70 des représentations écrites de la Requérante. Je juge ces propos non pertinents et ne découlant pas de la preuve produite au présent dossier.

[7]               Me Côté fournit de l’information concernant la chaîne de titres relativement à la Marque. Comme les faits allégués concernant l’acquisition de la Marque par le Propriétaire Inscrit sont survenus avant la Période Pertinente, ils sont tout au plus informatifs mais certainement non pertinents.

[8]               Je reproduis ci-après les passages pertinents de l’affidavit de Me Côté traitant de l’usage de la Marque :

5. Mon entreprise effectue la rédaction, la mise en page et 1'édition, sous la marque ILLICO COMMUNICATION, du bulletin d'information Le Recherchiste dont le tirage est de 25 000 exemplaires. Ce bulletin d'information a circulé dans le public pour la période pertinente au présent affidavit, à savoir entre novembre 2008 et novembre 2011. Je joins comme pièce JYC-3 au soutien de mon affidavit le numéro de ce bulletin d'information Le Recherchiste qui traite de 1'élection de Me Pierre Chagnon en vue de devenir bâtonnier du Barreau du Québec pour le mandat 2009-2010;

6. Mon entreprise voit a la mise en page, au graphisme et à 1'édition du Bulletin de Jurisprudence des Cours municipales du Québec (BJCMQ) sous la marque ILLICO COMMUNICATION. Ces tâches comportent de la correction de textes, le graphisme d'édition et de communication. Ce bulletin est assimilable à un magazine (périodique). Je joins comme pièce JYC-4, au soutien de mon affidavit, le cartable 2010-2011 dans lequel est inséré le numéro Janvier-Février 2011 dudit bulletin;

7. Mon entreprise conçoit également, sous la marque ILLICO COMMUNICATION, le graphisme de produits électroniques tels les disques compacts (CD-ROMS) du BJCMQ. Je joins comme pièce JYC-5, au soutien de mon affidavit, le CD-ROM 2008 du BJCMQ, qui a été acheminé au début de 1'année civile 2009 aux abonnés de cette publication. Un CD-ROM semblable a également été conçu et produit et diffusé pour les années civiles 2009 et 2010, tandis que celui de 1'année civile 2011 est en cours de production à la date de signature du présent affidavit;

8. Mon entreprise a participé, sous la marque ILLICO COMMUNICATION, à l’élaboration du graphisme corporatif et promotionnel de la vitrine internet www.pierrechagnon.com, de dépliants publicitaires sur papier, de courriels publicitaires pour la campagne électorale de Me Pierre Chagnon, dans le cadre de la candidature de ce dernier à la vice-présidence du Barreau du Québec en 2008, tel qu'il appert des documents produits en liasse comme pièce JYC-6;

9. À nouveau en Octobre 2011, en raison de 1'expertise à laquelle ma marque ILLICO COMMUNICATION est associée en matière de graphisme d'édition, de graphisme corporatif, promotionnel et de communication, la campagne de Me Anne Lessard, candidate a la vice-présidence du Barreau du Québec, a bénéficié des services-conseils associés à la marque ILLICO COMMUNICATION en matière de graphisme, en vue de la conception de courriels publicitaires avec sa photographie, de même que pour des enseignes publicitaires sur carton avec sa photographie, et ce pour la durée de cette campagne électorale, le tout tel qu'il appert des documents produits en liasse sous la cote JYC-7;

10. Quant à certains services connexes décrits dans le Certificat d'enregistrement de marque JYC-2 (« nommément rédaction, traduction et correction de textes »), je déclare que mon entreprise n'a pas effectué de services de «traduction » en lien avec la marque ILLICO COMMUNICATION au cours de la période visée par le présent affidavit, mais qu'elle a, tel qu'indiqué précédemment, effectué de la « rédaction » et de la « correction de textes » au cours de cette période.

[9]               Tout d’abord, à la lumière de l’admission contenue dans l’affidavit de Me Côté et l’absence de raisons justifiant le défaut d’emploi en liaison avec ces services, il y a lieu, à tout le moins, de modifier le certificat d’enregistrement de la Marque pour y retrancher les services de traduction.

[10]           Avant de procéder à l’analyse de cette preuve je tiens à reproduire le texte de l’article 4(2) de la Loi :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[11]           À titre de remarque préliminaire, je désire souligner qu’il ne faut pas confondre l’emploi d’une marque de commerce avec l’emploi d’une dénomination sociale ou d’un nom commercial. Il peut arriver dans des cas bien particuliers que l’emploi de l’un constitue également l’emploi de l’autre lorsque le nom commercial est identique à la marque de commerce déposée. Cependant si la mention du nom commercial ou de la dénomination sociale ne sert qu’à identifier une entité juridique, il ne s’agit pas d’un emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi [voir Sunny Fresh Foods Inc c Sunfresh Ltd (2003), 30 CPR (4th) 118 (COMC)].

[12]           Je note qu’il n’y a aucune facture de produite, sauf pour la pièce JYC-6 mais elle a été émise avant la Période Pertinente. L’absence de factures n’est pas fatal au Propriétaire Inscrit à la condition qu’il démontre que les Services ont été exécutés ou annoncés en liaison avec la Marque.

[13]           Comme l’indique Me Côté la pièce JYC-3 est un bulletin d’information juridique, d’une page recto-verso, intitulé Le Recherchiste. On y retrouve sur la page recto « illico® » suivi en-dessous de « Communication inc. ». Bien qu’il n’y ait dans la Loi aucune exigence de marquage pour identifier une marque de commerce déposée, le symbole ® à côté du mot « illico » pourrait servir d’indication au lecteur de ce bulletin qu’il s’agit d’une marque de commerce déposée [voir Fasken Martineau DuMoulin LLP v AGF Management Ltd (2003), 29 CPR (4th) 411 (COMC)]. Nous retrouvons également la mention « © illico Communication inc. » à plusieurs endroits sur ce bulletin. Toutefois cette note indique que l’entité juridique Illico Communication inc. est propriétaire des droit d’auteur du texte précédant cette notification.

[14]           Ainsi dans son ensemble la référence à « illico Communication Inc. » sur ce bulletin d’information sert à identifier l’entité qui publie ce bulletin d’information juridique. Il ne s’agit pas d’un usage de la Marque en liaison avec l’un des Services au sens de l’article 4(2) de la Loi.

[15]           Il y a également la présence de la marque de commerce ILLICO en dessous du titre Le Recherchiste. Toutefois je ne vois pas comment cette présence pourrait constituer l’emploi de la Marque en liaison avec l’un des Services. Certes il pourrait s’agir de l’emploi de la marque ILLICO en liaison avec un produit mais certainement pas en liaison avec des services.

[16]           Il ya également sur la page verso du bulletin la référence à « ILLICO inc .» et l’adresse courriel « illico@illico.ca ». Ces références ne constituent pas un emploi d’une marque de commerce.

[17]           Si la pièce JYC-3 représente un exemple d’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des services, tout au plus ce service serait « recherches jurisprudentielles disponibles sur commande », étant donné la nature du document et l’inclusion d’un bon de commande apparaissant au verso de cette pièce. De toute façon il ne s’agit pas d’un des Services.

[18]           Même si je concluais que l’une ou l’autre des références à « illico » et/ou « illico Communication inc. » constituerait l’emploi de la Marque en liaison avec l’un ou l’autre des Services (par exemple graphisme d’édition), ce qui n’est pas le cas, l’exécution de ce service n’a pas bénéficié au public mais a plutôt servi que les intérêts du Propriétaire Inscrit puisqu’il s’agit de son propre bulletin d’information juridique. Par conséquent il ne s’agit pas de l’emploi de la Marque en liaison avec les Services au sens de l’article 4(2) de la Loi [voir Ralston Purina Co c Effem Foods Ltd (1997), 81 CPR (3d) 528 (COMC)].

[19]           La pièce JYC-4 est un bulletin de jurisprudence contenant des résumés de décisions des cours municipales du Québec. Il porte le titre Bulletin de jurisprudence des cours municipales du Québec. On y retrouve la mention « illico Communication inc. ». Cette référence ne constitue pas l’emploi de la Marque en liaison avec l’un des Services. Il s’agit de l’emploi de la dénomination sociale du Propriétaire Inscrit.

[20]           Il y a également référence au site web www.illico.ca. Je ne vois pas comment cette référence pourrait constituer l’emploi de la Marque en liaison avec l’un des Services. Il y a la présence de la dénomination sociale du Propriétaire Inscrit sur la dernière page du bulletin avec les coordonnées de cette dernière pour informer le consommateur à qui il doit s’adresser pour se procurer ce bulletin.

[21]           Finalement si la pièce JYC-4 sert d’exemple d’usage de la Marque en liaison avec des services, le seul possible serait « mise à jour jurisprudentielle » qui ne fait pas partie des Services.

[22]           La pièce JYC-5 est un CD-ROM contenant les textes intégraux des jugements rendus par les cours municipales du Québec. On y retrouve sur le carton de couverture du boîtier contenant le CD-ROM la mention : « Éditeur : Illico® Communication inc. ». Encore une fois cette mention sert à identifier l’éditeur de ce CD-ROM. Il ne s’agit aucunement de l’emploi de la Marque en liaison avec l’un des Services au sens de l’article 4(2) de la Loi.

[23]           Nous retrouvons sur le carton de l’endos du boîtier la mention « Conception, Gravure et impression sur Cédéroms : Illico® Communication inc. ». Or lesdits services n’ont pas été rendus pour le compte de tiers mais ont plutôt servi que les intérêts du Propriétaire Inscrit. Ainsi il ne peut s’agir de l’emploi de la Marque au sens de l’article 4(2) de la loi.

[24]           Quant au dépliant publicitaire produit comme pièce JYC-6, il n’y a aucune référence à la Marque. Qui plus est, la facture associée à la conception de ce dépliant également produite comme pièce JYC-6 porte la mention « date du service : 14 avril 2008 », soit antérieurement à la Période Pertinente.

[25]           Il ne reste plus que la pièce JYC-7. Il s’agit de courriels, photos et documents publicitaires. Le premier courriel est une convocation adressée à Me Côté à titre personnel pour une réunion « du comité organisateur ». De par les propos contenus au paragraphe 9 de l’affidavit de Me Côté je présume qu’il s’agit d’une convocation adressée aux membres du comité organisateur de la candidature de Me Anne Lessard à titre de vice-présidente du Barreau du Québec. Toutefois je note la date de ce courriel : 19 janvier 2012. Il ne peut donc être considéré car il est postérieur à la Période Pertinente.

[26]           Les deuxième et troisième courriels sont datés des 12 janvier et 1er février 2012. Ils sont donc également postérieurs à la Période Pertinente.

[27]           Il y a finalement un autre courriel daté du 1er février 2012 contenant une pièce jointe qui semble être une publicité pour mousser la candidature de Me Anne Lessard. Or il n’y a aucune référence de près ou de loin sur cette pièce à la Marque. Il y a également des versions modifiées de cette pièce mais on ne retrouve aucunement la Marque. Finalement il appert que ces documents ont été conçus après la Période Pertinente.

[28]           Donc en résumé la preuve documentaire montre l’emploi de « illico Communication inc » à titre de dénomination sociale et ne constitue pas une preuve d’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des services [voir Sunny Fresh Foods Inc]. Sur certains documents nous retrouvons la mention « illico » mais suivi de « ® » pour indiquer que ce terme est une marque déposée. Il ne s’agit pas de l’emploi de la Marque puisque le tout est suivi de « Communication inc » afin de clairement identifier la dénomination sociale du Propriétaire Inscrit. Certains des documents produits sont postérieurs à la Période Pertinente et la seule facture produite est antérieure à la Période Pertinente. Finalement même si je concluais que les pièces JYC-3 et JYC-5 sont des illustrations du fruit des services exécutés par le Propriétaire Inscrit, ces services n’ont pas été offerts à des tiers mais ont été exécutés pour le seul bénéfice du Propriétaire Inscrit.

[29]           Il reste donc que les affirmations de Me Côté quant à l’emploi de la Marque. Or de telles affirmations non corroborées par des documents, comme dans le présent cas, ne sont pas suffisantes pour conclure à l’emploi de la Marque en liaison avec les Services durant la Période Pertinente.

 

 

[30]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement no LMC526,959 sera radié du registre, le tout selon les dispositions de l’article 45(3) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

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