Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 137

Date de la décision : 2016-08-05

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

DUKE UNIVERSITY

Opposante

et

 

SIR Corp.

Requérante

 

 

 



 

1,581,948 pour la marque de commerce DUKES REFRESHER & Dessin

 

Demande

I           Contexte

[1]               L’Opposante est une université privée dont le campus principal est situé à Durham, en Caroline du Nord. Elle est la propriétaire de la marque DUKE, à l’égard de laquelle le registraire a donné un avis public d’adoption et d’emploi dans le cadre des demandes nos 914701 (4 décembre 2002) et 905675 (24 mars 1993), conformément à l’article 9(1)n)(ii) de la Loi sur les marques de commerce.

[2]               La Requérante est une société canadienne qui détient et exploite un portefeuille de restaurants au Canada. Le 13 juin 2012, elle a produit une demande pour faire enregistrer la marque de commerce DUKE’S REFRESHER & Dessin (reproduite ci-dessous).


DUKE'S REFRESHER & Design

(la Marque)

[3]               La demande pour la Marque est fondée sur l’emploi projeté au Canada et vise des [Traduction] « services de restaurant ».

[4]               L’Opposante s’est opposée à la demande pour la Marque au motif qu’elle n’est pas enregistrable selon l’article 12(1)e) de la Loi, car il s’agit d’une marque dont l’article 9(1)n)(ii) de la Loi interdit l’adoption, compte tenu de la publication de la marque DUKE de l’Opposante dans le cadre des demandes nos 914701 et 905,675 (ci-après collectivement appelées la marque DUKE).

[5]               Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition est rejetée.

II         Fardeau de preuve

[6]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de ses motifs d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29 (CanLII), 20 CPR (4th) 155].

IV        Preuve

[7]               Je présenterai un bref aperçu de la preuve produite par chacune des parties dans la présente procédure. Cependant, je souligne que cette preuve est, en grande partie, non pertinente pour l’appréciation d’un motif d’opposition fondé sur les articles 12(1)e) et 9(1)n)(ii) de la Loi. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

Preuve de l’Opposante

Affidavit de James Earl Wilkerson

[8]               M. Wilkerson exerce les fonctions de directeur, Concession de licences de marques de commerce et Opérations d’approvisionnement à la Duke University. Son affidavit, qui a été souscrit le 14 juillet 2014, fournit des renseignements généraux sur l’Opposante, ses programmes de premier cycle et des cycles supérieurs, ses équipes sportives, ses opérations d’approvisionnement, sa réputation et l’emploi de la marque DUKE.

[9]               Dans le cadre de sa preuve, l’Opposante a également produit des copies certifiées des demandes nos 905675 et 914701 pour la marque DUKE.

Preuve de la Requérante

Affidavit de Patrick Balzamo

[10]           M. Balzamo est un analyste de recherche. Son affidavit a été souscrit le 24 juin 2015. Il fournit des renseignements se rapportant aux recherches de dilution en common law au Canada et en common law sur le Web qu’il a effectuées à l’égard du mot DUKE en liaison avec tous les produits et services. La recherche en common law visait à déterminer dans quelle mesure le mot DUKE est un élément constitutif de noms commerciaux et de dénominations sociales au Canada. La recherche en common law sur le Web visait à déterminer dans quelle mesure le mot DUKE est un élément constitutif de noms commerciaux et de dénominations sociales sur Internet au Canada. Les résultats de ses recherches sont joints comme pièce A à son affidavit. La pièce B est constituée d’une liste des sources en common law au Canada et sur le Web, et des registres de dénominations sociales, qu’il a consultés dans le cadre de ses recherches, ainsi que d’une brève description de ces sources, de leur portée géographique et de la fréquence approximative à laquelle elles sont mises à jour.

[11]           Selon la Requérante, les recherches de M. Balzamo ont permis de repérer un assez grand nombre de dénominations sociales/noms commerciaux et de marques de commerce comprenant les termes DUKE, DUKES ou DUKE’S [para 7 et 8; pièces A-1 et A-2]. De plus, ses recherches ont également révélé plusieurs définitions du mot DUKE, qui comprennent, entre autres, les suivantes : un homme de très haut rang dans la noblesse britannique; le seigneur qui, jadis, gouvernait un territoire indépendant dans certaines parties de l’Europe; le prénom ou surnom d’une personne; ou le nom de famille d’une personne [para 7; pièce A-1].

Affidavit d’Aleksandar Vukovic

[12]           M. Vukovic est un recherchiste en marques de commerce à l’emploi de l’agent de la Requérante. Son affidavit a été souscrit le 8 juin 2015. Il fournit les résultats d’une recherche qu’il a effectuée dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes dans le but de repérer des demandes et des enregistrements de marques composées du mot DUKE ou contenant ce mot. Il a repéré 39 marques composées du mot DUKE ou contenant ce mot et joint les détails de ces marques comme pièce A à son affidavit.

[13]           Je n’examinerai pas les résultats en détail, car il a été statué antérieurement que l’état du registre n’est pas pertinent pour disposer d’un motif d’opposition fondé sur l’article 9 de la Loi, lorsque la question est simplement de savoir si la marque de commerce d’un requérant est composée d’une autre marque ou lui ressemble au point où on pourrait vraisemblablement la confondre avec elle [Concordia University c 649643 Ontario Inc, 2006 CanLII 80381 (COMC); Association olympique canadienne c IMI Norgren Enots Ltd. (1989), 23 CPR (3d) 389 (COMC)].

Affidavit de Kim Anna Van Nieuwkoop

[14]           Mme Van Nieuwkoop est l’avocate générale de la Requérante. Son affidavit, qui a été souscrit le 4 juin 2015, fournit des renseignements généraux sur la Requérante, ses activités d’exploitation de restaurants et l’emploi qu’elle fait de la Marque. Il convient de souligner qu’il comprend également une déclaration selon laquelle, d’après son expérience, les clients associent la Marque aux services de restaurant de la Requérante et qu’elle n’a connaissance d’aucun cas où un membre du public ou une autre personne aurait laissé entendre, aurait cru ou se serait questionné à savoir si la Marque ou l’entreprise de la Requérante en général appartenaient à la Duke University, lui étaient liées, étaient autorisées par elle ou lui étaient autrement rattachées [para 10].

[15]           Je ne considère pas que cette preuve est utile pour la Requérante, car le test à appliquer à l’égard de l’article 9 ne consiste pas à déterminer si les consommateurs, à la vue de la Marque, croiraient qu’elle est détenue par l’Opposante, qu’elle lui est liée, qu’elle est autorisée par elle ou qu’elle lui est autrement rattachée. Comme je l’ai indiqué précédemment, la question en l’espèce est plutôt de savoir si la Marque est composée de la marque DUKE ou lui ressemble au point où on pourrait vraisemblablement la confondre avec elle. La source de la confusion n’est pas en cause en l’espèce.

[16]           De plus, je souligne que les considérations liées au marché, telles que les produits ou services des parties ou leurs commerces, ne sont pas pertinentes lorsqu’il s’agit de déterminer si une marque est une marque dont l’article 9 de la Loi interdit l’adoption [Société canadienne des postes c 736217 Ontario Ltd (1993), 51 CPR (3d) 112 (COMC) à la p 122; WWF-World Wide Fund for Nature c 676166 Ontario Ltd (1992), 44 CPR (3d) 563 (COMC) à la p 567; Société des loteries de l’Ontario c Arkay Marketing Associates Inc (1993), 47 CPR (3d) 398 (COMC) à la p 401; et Ontario Federation of Anglers and Hunters c Upper Canada Specialty Hardware Ltd (1992), 41 CPR (3d) 428 (COMC) à la p 431].

IV        Analyse

[17]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu des dispositions de l’article 12(1)e) de la Loi parce qu’il s’agit d’une marque dont l’article 9(1)n)(ii) de la Loi interdit l’adoption.

[18]           L’article 9(1)n)(ii) de la Loi est reproduit ci-dessous :

9(1) Nul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit…

n) tout insigne, écusson, marque ou emblème…

(ii) d’une université…

à l’égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l’université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d’adoption et emploi.

[19]                 La date pertinente pour l’appréciation de ce motif d’opposition est la date de ma décision [University of Texas System c Texas Longhorn Café Inc (1992), 42 CPR (3d) 211 (COMC) à la p 215].

[20]           À l’appui de ce motif, l’Opposante invoque les demandes nos 914701 et 905675 pour la marque DUKE. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que chacune de ces marques existe [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[21]                 L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif. En conséquence, je dois maintenant déterminer si la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, que sa Marque n’est pas une marque dont l’article 9(1)n)(ii) interdit l’adoption.

[22]           Comme il est indiqué à l’article 9(1)n)(ii) de la Loi, le test à appliquer consiste à déterminer si la marque d’un requérant est composée de l’insigne, de l’écusson, de la marque ou de l’emblème d’une université ou leur ressemble au point où on pourrait vraisemblablement la confondre avec eux.

[23]           Le terme « composée de » à l’article 9 a été interprété dans la jurisprudence comme signifiant « identique à ». En l’espèce, il est clair que la Marque n’est pas identique à la marque DUKE de l’Opposante. En conséquence, la question qui se pose est celle de savoir si la Marque ressemble à la marque de l’Opposante au point où on pourrait vraisemblablement la confondre avec elle [Insurance Corp of British Columbia c Stainton Ventures Ltd (2014), 128 CPR (4th) 303 (BCCA) à la p 312; Terrace c CanadianPacific Phytoplankton (2013), 114 CPR (4th) 81 (COMC) à la p 88; Société canadiennes des postes c Butterfield & Daughters Computers Ltd (2008), 68 CPR (4th) 280 (COMC) à la p 292; University of Texas supra à la p 218].

[24]           La jurisprudence indique que la ressemblance entre les marques doit être évaluée selon le test de la première impression et du souvenir imparfait, au regard des facteurs énoncés à l’article 6(5)e) de la Loi, à savoir le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent [Association des grandes sœurs de l’Ontario c Les grands frères du Canada (1999), 86 CPR (3d) 504 (CAF), confirmant (1997), 75 CPR (3d) 177 (CF 1re inst) et Conseil canadien des ingénieurs c APA-The Engineered Wood Assn (2000), 7 CPR (4th) 239 (CF 1re inst); Société canadienne des postes supra à la p 292; London Regional Transport c Planet Luv-Tron, Inc (2004), 45 CPR (4th) 348 (COMC) aux p 351 et 352; WWF-World Wide Fund for Nature supra à la p 567].

[25]           À l’audience, l’Opposante a fait référence à la décision de la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)]. Dans cet arrêt, la Cour a fait observer que, même si le premier mot d’une marque de commerce est souvent l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)], il est préférable, lorsqu’il s’agit de comparer des marques entre elles, de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique.

[26]           L’Opposante souligne que sa marque DUKE est composée uniquement du mot DUKE et soutient que puisqu’il s’agit du seul élément que contient la Marque, cet élément est forcément le plus distinctif. L’Opposante insiste également sur le fait que, dans la Marque, le mot DUKE’S domine en première position et est écrit dans une police de caractères bien plus grande que celle des autres éléments de la Marque. L’Opposante est d’avis que cela donne l’impression que DUKE’S est également la partie la plus distinctive ou la plus importante de la Marque. Par conséquent, l’Opposante fait valoir qu’à la première impression, les marques des parties se ressemblent visuellement et phonétiquement.

[27]           En ce qui concerne les idées suggérées par les marques des parties, l’Opposante soutient que le fait que DUKE’S soit suivi d’une apostrophe dans la Marque indique une forme possessive, ce qui restreint les interprétations qui peuvent être faites de la Marque à la première impression. L’Opposante soutient que, parce que la marque est à la forme possessive, elle véhicule l’idée d’une personne qui est un « duke » [duc] ou dont le nom est « Duke ». Dans un cas comme dans l’autre, l’Opposante soutient qu’on peut dire des marques des parties qu’elles véhiculent le même message.

[28]           Même si j’admets que DUKE et DUKE’S constituent les parties dominantes des marques des parties et que l’on peut dire qu’elles ont une connotation similaire ou identique, je suis d’avis que lorsqu’on considère les marques en cause dans leur ensemble, ainsi qu’elles devraient l’être, elles sont très différentes et on peut d’emblée les distinguer l’une de l’autre.

[29]           Comme l’a fait remarquer la Requérante, la seule similitude entre les marques tient au fait que la Marque contient le mot DUKE’S, lequel comprend la marque DUKE de l’Opposante. Autrement, les marques en cause ne se ressemblent pas phonétiquement ou visuellement. La Marque serait prononcée comme DUKE’S REFRESHER, et non comme DUKE et elle comprend des éléments graphiques assez distinctifs, dont une nageuse portant un maillot de bain et un bonnet, ainsi que des lignes et une police de caractères stylisée. La nageuse est partiellement superposée au mot DUKE’S et le mot REFRESHER figure au-dessous. À mon sens, la nageuse et le mot REFRESHER présents dans la Marque ont pour effet de créer une impression d’ensemble différente sur les plans visuel et phonétique. En outre, ils confèrent à la Marque une connotation différente, car le mot REFRESHER, combiné à une nageuse, suggère l’idée de quelque chose de rafraîchissant, comme la nage, l’eau ou une boisson, ou peut-être un endroit prévu pour ces choses.

[30]           Compte tenu de ce qui précède, lorsque je considère les marques des parties dans leur intégralité et sous l’angle de la première impression, j’estime que la ressemblance entre elles dans la présentation, dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent est insuffisante pour que la Marque puisse vraisemblablement être confondue avec la marque DUKE de l’Opposante.

[31]           En conséquence, l’opposition est rejetée.

IV        Décision

[32]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2016-07-14

 

COMPARUTIONS

 

Marta Tandori Cheng                                                                          POUR L’OPPOSANTE

 

Erin Creber                                                                                          POUR LA REQUÉRANTE

Daniel M. Anthony

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Riches, McKenzie & Herbert LLP                                                      POUR L’OPPOSANTE

 

Smart & Biggar                                                                                    POUR LA REQUÉRANTE

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