Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

                                                           LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 36

Date de la décision : 15-02-2013

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS de l’Association canadienne du médicament générique aux demandes nos 1 111 739 et 1 111 740 produites par Glaxo Group Limited en vue de l’enregistrement des marques de commerce Olbate Spheroid (Donut) Device

 

Introduction

[1]               Le 6 août 2001, Glaxo Group Limited (la Requérante) a produit une demande en vue de faire enregistrer comme marque de commerce un signe distinctif appelé Olbate Spheroid (Donut) Device (la Marque), sur la base de l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que mai 1998 en liaison avec les marchandises suivantes : (1) préparations et substances pharmaceutiques pour la prévention, le traitement et/ou le soulagement des troubles et des maladies respiratoires. (2) inhalateurs; pièces et accessoires connexes. Cette demande porte le no de série 1 111 739.

[2]               La demande no 1 111 739 s’accompagne du dessin reproduit ci-dessous :

OLBATE SPHEROID (DONUT) DEVICE

[3]               Elle comprend également l’énoncé suivant : « Les sept perspectives de la même forme sont représentées sur le dessin. La marque de commerce est constituée de la forme des marchandises ou de leurs contenants ainsi que du moyen d’emballage ou de conditionnement des marchandises ».

[4]               Le 6 août 2001, la Requérante a produit une seconde demande, à laquelle a été attribué le no de série 1 111 740. La demande no 1 111 740 vise également à faire enregistrer comme marque de commerce un signe distinctif appelé Olbate Spheroid (Donut) Device, sur la base d’un emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que mai 1998 en liaison avec les marchandises suivantes : (1) Préparations et substances pharmaceutiques pour la prévention, le traitement et/ou le soulagement des troubles et des maladies respiratoires. (2) Inhalateurs; pièces et accessoires connexes.

[5]               La demande no 1 111 740 s’accompagne du dessin reproduit ci-dessous :

[6]               La demande comprend également l’énoncé suivant : « Les sept perspectives de la même forme sont représentées sur le dessin. La marque de commerce est constituée de la forme des marchandises ou de leurs contenants ainsi que du moyen d’emballage ou de conditionnement des marchandises ».

[7]               Bien que les marques visées par les demandes nos 1 111 739 et 1 111 740 soient toutes deux appelées Olbate Spheroid (Donut) Device, les dessins qui accompagnent chacune des demandes sont différents. L’examen de la preuve a révélé que ces différences tiennent au fait que le dessin qui accompagne la demande no 1 111 739 montre le dispositif lorsqu’il est fermé, alors que le dessin qui accompagne la demande no 1 111 740 le montre lorsqu’il est ouvert. J’emploierai donc le terme Marque-O pour désigner la marque visée par la demande no 1 111 740.

[8]               L’Association canadienne du médicament générique (l’Opposante) s’est opposée aux deux demandes. Les actes de procédures, la preuve et les arguments relatifs à chacune des demandes sont très similaires. J’examinerai en premier lieu la demande no 1 111 739.

Demande no 1 111 739

[9]               La demande d’enregistrement de la Marque a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 novembre 2007. L’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de cette demande le 7 avril 2008. Le 21 août 2008, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration, et demandé, à la même occasion, que certains paragraphes soient radiés de la déclaration d’opposition. Le 10 décembre 2008, l’Opposante a demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition. Dans une lettre datée du 26 février 2009, le registraire a informé l’Opposante qu’il l’autorisait à apporter les modifications exposées dans sa lettre du 10 décembre 2008 et qu’en réponse à la demande formulée par la Requérante le 21 août 2008, il avait rendu une décision interlocutoire restreignant la portée de certains paragraphes de la déclaration d’opposition modifiée. Le 14 avril 2009, la Requérante a demandé l’autorisation de modifier sa contre-déclaration. Le 9 juin 2009, l’Opposante a demandé l’autorisation de modifier à nouveau sa déclaration d’opposition. Le 29 octobre 2009, la Requérante a, elle aussi, demandé l’autorisation de modifier à nouveau sa contre-déclaration. Les parties ont toutes deux obtenu l’autorisation d’apporter de nouvelles modifications, de sorte que la déclaration d’opposition qui prévaut est celle en date du 9 juin 2009 et que la contre-déclaration qui prévaut est celle en date du 29 octobre 2009.

[10]           Les parties ont toutes deux produit des éléments de preuve ainsi que des observations écrites, et participé à une audience.

[11]           À l’audience, l’Opposante a abandonné quatre des motifs d’opposition initialement soulevés, à savoir les motifs fondés sur l’alinéa 30a), l’alinéa 30h), l’alinéa 12(1)e)/l’article 10, et le paragraphe 12(2)/l’article 10 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi).

Motifs d’opposition

[12]           Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante font plus de 30 pages et peuvent difficilement être résumés. Comme l’a mentionné la Requérante dans ses observations écrites, [TRADUCTION] « l’Opposante a adopté, à l’égard de ces oppositions, une approche tous azimuts en soulevant un nombre démesuré de motifs d’opposition, de sorte qu’il serait vain de tenter d’en faire un résumé ». La Requérante soutient que les trois principaux motifs d’opposition soulevés sont les suivants : 1) la demande est-elle conforme aux exigences de l’article 30; 2) la Marque est-elle enregistrable aux termes des articles 12 et 13; et 3) la Marque est-elle distinctive au sens de l’article 2. Dans la conclusion de ses observations écrites, l’Opposante allègue ce qui suit (les motifs d’opposition abandonnés à l’audience ne sont pas reproduits) :

1.            la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b), car la Requérante n’a pas employé la Marque elle-même en liaison avec les marchandises décrites;

2.            la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i), car la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada compte tenu de l’état du marché pharmaceutique;

3.            la Marque n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b), car la Marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises décrites;

4.            la Marque n’est pas enregistrable aux termes de l’article 13, car la Marque n’est pas un signe distinctif;

5.            la Marque n’est pas distinctive de la Requérante, pas plus qu’elle n’est adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante de celles de tiers au sens de l’article 2.

Fardeau de preuve

[13]           La Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

Aperçu de la preuve

[14]           Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits des personnes suivantes :

         Robert Andrew McIvor – médecin. Son affidavit porte, entre autres choses, sur les différents inhalateurs qui sont offerts sur le marché canadien, la façon dont ces inhalateurs sont prescrits aux patients et utilisés par ces derniers, et la question de savoir si la forme constitue pour les patients, pour lui-même ou pour d’autres médecins une indication quant à la source des inhalateurs;

         Joseph Lum – pharmacien. Il traite, entre autres choses, des différents inhalateurs qui sont offerts sur le marché canadien et de la façon dont ces derniers sont remis aux pharmaciens qui les remettent, à leur tour, aux patients. Il donne également son opinion sur ce que la taille et/ou la forme des inhalateurs signifient pour les pharmaciens et pour les patients;

         Neil McWilliams – stagiaire en technique juridique. Il fournit des pages extraites du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (CPS), une publication de l’Association des pharmaciens du Canada;

         Rebecca Seath (deux affidavits) – technicienne juridique. Elle fournit des copies certifiées d’un brevet et de diverses demandes de brevet, ainsi que des pages extraites du CPS;

         Karen Durell – avocate et agente enregistrée de brevets. Elle traite de la question de savoir si le mécanisme de l’inhalateur de la Requérante est protégé par le brevet canadien no 2 037 421;

         Deborah Kall – technicienne juridique. Elle fournit des copies de certains enregistrements de dessin industriel appartenant à la Requérante.

La Requérante a contre-interrogé le Dr McIvor, M. Lam et Mme Durell, et les transcriptions ont été versées au dossier.

[15]           Au soutien de sa demande, la Requérante a produit les affidavits des personnes suivantes :  

         Cindy Roll – directrice du marketing, secteur des maladies respiratoires, GlaxoSmith Kline Inc. (la licenciée canadienne de la Requérante). Elle traite de la gamme d’inhalateurs offerte par la Requérante, ainsi que de leur vente et de leur promotion;

         Generosa Castiglione – recherchiste en marques de commerce. Elle fournit des copies de documents extraits du dossier d’examen de la demande no 1 111 739 par le Bureau des marques de commerce.

Les déposantes ont toutes deux été contre-interrogées par l’Opposante et les transcriptions ont été versées au dossier.

[16]           À titre de contre-preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Christopher Gleave, un technicien juridique. Ce dernier fournit des copies de certaines publicités dont il est fait mention dans l’affidavit de Mme Roll.

[17]           J’ai examiné attentivement l’ensemble de la preuve et j’estime qu’il n’est pas nécessaire que j’en fasse un résumé détaillé. Je me concentrerai plutôt sur les parties de la preuve que j’estime les plus pertinentes au regard des questions à trancher en l’espèce.

Aperçu des activités de la Requérante concernant la Marque

[18]           La Requérante vend une gamme d’inhalateurs destinés au traitement de l’asthme et de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC).

[19]           Les inhalateurs sont des appareils utilisés pour diffuser des médicaments dans les voies respiratoires. Il existe deux grandes catégories d’inhalateurs : i) ceux qui sont munis d’une cartouche pressurisée qui distribue le médicament et ii) ceux qui exigent de l’utilisateur qu’il inhale lui-même le médicament. La Requérante et ses déposantes emploient le terme « aérosol-doseur » (MDI – metered dose inhaler) pour désigner les inhalateurs de la première catégorie et le terme « inhalateur à poudre sèche » (DPI – dry powder inhaler) pour désigner les inhalateurs de la seconde catégorie. L’Opposante et ses déposants emploient, pour leur part, les termes « inhalateur en forme de botte » (boot inhaler)/« aérosol-doseur », et « inhalateur rond » (rounded inhaler)/« inhalateur n’ayant pas la forme d’une botte » (non-boot inhaler)/« inhalateur à poudre sèche » pour désigner ces deux mêmes catégories d’inhalateurs, respectivement. Certains médicaments peuvent être administrés aussi bien à l’aide d’un aérosol-doseur que d’un inhalateur à poudre sèche; le choix de l’appareil dépend en partie, semble-t-il, de l’habileté du patient à utiliser un aérosol-doseur, ce type d’inhalateur étant un peu moins facile à manipuler que les inhalateurs à poudre sèche.

[20]           La présente demande a trait à un inhalateur à poudre sèche vendu par la Requérante; l’objet associé à la Marque est un inhalateur sphérique en plastique qui contient des doses de médicament sous forme de poudre sèche. Cet inhalateur à poudre sèche a été lancé au Canada en 1998; au moment de la vente, il peut contenir, selon le cas, une de quatre préparations pharmaceutiques différentes (le dosage et la force du médicament peuvent varier également). La Requérante emploie quatre marques nominales différentes (ADVAIR, FLOVENT, SEREVENT et VENTOLIN) en liaison avec cet inhalateur à poudre sèche, ainsi que quatre couleurs différentes (violet, orange, turquoise et bleu) qui varient en fonction du médicament contenu dans l’inhalateur. La dose et la force du médicament contenu dans l’inhalateur sont indiquées sur l’étiquette apposée sur l’inhalateur à poudre sèche, sur laquelle figure également la marque nominale correspondant au médicament.

[21]           Les médicaments en liaison avec lesquels l’inhalateur de la Requérante est employé sont des médicaments d’ordonnance. Cela signifie que les patients ne peuvent avoir accès à ces médicaments sans qu’un médecin les leur prescrive et qu’ils doivent interagir avec un pharmacien pour les obtenir. L’inhalateur de la Requérante est vendu dans une boîte. La Marque ne figure pas sur la boîte et on ne peut pas non plus l’apercevoir à travers. Il n’est pas rare, cependant, que les médecins – au moment de la prescription – ou les pharmaciens – au moment de l’achat – montrent aux patients comment utiliser l’inhalateur, de sorte qu’il arrive que les patients voient la Marque lors du transfert ou de l’achat de l’inhalateur.

[22]           La Requérante soutient que la forme de son inhalateur à poudre sèche est unique et distingue ce dernier des inhalateurs offerts par toute autre entreprise au Canada. La Marque concerne la forme de l’appareil lorsque celui-ci est fermé, tandis que la Marque-O se rapporte à la forme de l’appareil lorsque celui-ci est ouvert; en effet, pour utiliser l’appareil, il faut en faire pivoter une partie, ce qui a pour effet d’en modifier légèrement la forme. Mme Roll emploie le terme [TRADUCTION] « disque-inhalateur » lorsqu’elle parle de la forme de l’inhalateur visé par les demandes nos 1 111 739 et 1 111 740, mais d’autres témoins ont employé le terme [TRADUCTION] « inhalateur DISKUS » (DISKUS étant une autre des marques de commerce de la Requérante) pour désigner les inhalateurs ayant la forme visée par la Marque ou la Marque-O; j’utiliserai le terme « disque-inhalateur ».

[23]           Les ventes brutes de disques-inhalateurs au Canada sont exposées ci-dessous :

Année

Ventes brutes

Nombre d’unités

2001

plus de 70 M$

plus de 937 000

2002

plus de 107 M$

n.d.

2003

plus de 128 M$

plus de 1,6 million

2004

plus de 135 M$

plus de 1,6 million

2005

plus de 140 M$

plus de 1,7 million

2006

plus de 149 M$

plus de 2,0 millions

2007

plus de 174 M$

plus de 2,2 millions

2008

plus de 187 M$

plus de 2,2 millions

2009

plus de 199 M$

plus de 2,2 millions

Comme l’a souligné l’Opposante, la preuve de la Requérante ne fournit aucune indication quant au volume des ventes réalisées avant la date de production de la demande. La preuve est muette également en ce qui concerne le nombre de patients que ces chiffres représentent.

[24]           La Requérante a également distribué, à titre d’échantillons, des millions de disques-inhalateurs aux médecins et pharmaciens du Canada.

[25]           De 1998 à 2009, des dépenses de plus de 200 millions de dollars ont été engagées pour faire la publicité et la promotion des disques-inhalateurs (une répartition annuelle de cette somme a été fournie). Cette somme a été investie, entre autres, dans des annonces qui sont parues dans des journaux de médecine et dans divers éléments matériels qui ont été remis aux médecins et aux pharmaciens, tant pour leur propre information que celle de leurs patients. Bien que le disque-inhalateur soit illustré à la fois en position fermée et en position ouverte sur certains de ces éléments matériels, la plupart des publicités montrent uniquement le disque-inhalateur en position ouverte. La majorité des éléments matériels montrent l’inhalateur associé à la Marque dans une des quatre couleurs mentionnées précédemment avec, au centre, une étiquette sur laquelle figure une des quatre marques nominales mentionnées précédemment. La preuve ne permet pas de déterminer quelles publicités, parmi celles fournies, ont été employées avant la date de production de la demande et, d’après les indications de la Requérante, seuls quelques-uns des autres éléments matériels ont été utilisés avant la date de production de la demande.

[26]           La plupart des éléments matériels se rapportant au disque-inhalateur, y compris l’emballage, le boîtier et les étiquettes, qui accompagnent les marchandises au moment du transfert ne comportent aucune allusion au fait que la forme de l’appareil tiendrait lieu de marque de commerce. La mention reproduite ci-dessous figure toutefois sur au moins une des pièces fournies, à savoir la pièce E38 jointe à l’affidavit de Mme Roll (qui est un document promotionnel que les représentants commerciaux de la Requérante remettaient aux médecins et pharmaciens en 2000) :

[TRADUCTION]
SEREVENTMD, VENTOLINMD (salbutamol) et DISKUSMD sont des marques déposées de Glaxo Group Limited, Glaxo Wellcome Inc., utilisées sous licence MC. L’apparence, à savoir les couleurs, les formes et les dimensions, individuellement ou conjointement, de l’appareil d’inhalation SEREVENTMD DISKUSMD est une marque de commerce de Glaxo Group Limited, Glaxo Wellcome Inc., utilisée sous licence.

D’autres éléments promotionnels, tels que la pièce E17 jointe à l’affidavit de Mme Roll (une carte message qui a été remise aux professionnels de la santé de 2001 à 2003), comportent la mention suivante : [TRADUCTION] MCL’apparence, à savoir la couleur, la forme et la taille, de l’appareil d’inhalation DISKUSMD, est une marque de commerce de Glaxo Group Limited, Glaxo Wellcome Inc., utilisée sous licence [le caractère gras est de moi]. Les pièces E17 et E38 ne montrent toutefois que la Marque-O, la Marque n’étant pas illustrée.

Aperçu des inhalateurs offerts par des tiers

[27]           Pour trancher la question de savoir si la Marque est distinctive, je dois, entre autres choses, déterminer si l’apparence de la Marque se distingue de celle des autres inhalateurs offerts sur le marché canadien.

[28]           L’Opposante reconnaît qu’il existe deux principaux types d’inhalateurs pour le traitement de l’asthme et de la MPOC. Comme il a été mentionné précédemment, les parties tendent à employer des termes différents pour désigner ces deux types d’inhalateurs. La terminologie employée par la Requérante renvoie surtout au mode d’administration du médicament, alors que celle de l’Opposante se rapporte davantage à l’apparence de l’appareil. Après examen de la preuve, je conviens que le terme « en forme de botte » décrit de façon appropriée l’apparence des divers aérosols doseurs. Il me semble, par contre, que le terme « n’ayant pas la forme d’une botte » décrit mieux les différents inhalateurs à poudre sèche offerts sur le marché que le terme « rond », pour les raisons exposées dans les paragraphes qui suivent.

[29]           L’Opposante soutient que la Marque ressemble aux autres inhalateurs à poudre sèche offerts sur le marché, d’où son choix, affirme-t-elle, d’utiliser le terme « rond » pour les décrire tous. Or, comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, bien que les inhalateurs à poudre sèche offerts par des tiers présentent tous quelques parties de forme arrondie, on ne saurait qualifier de « ronde » l’apparence générale de la plupart de ces inhalateurs à poudre sèche.

[30]           Le déposant de l’Opposante, le Dr McIvor (qui est pneumologue et professeur de médecine), a joint, à titre de pièce E, un article paru dans un journal de médecine; il cite plusieurs passages de cet article se rapportant aux inhalateurs ronds. Je constate cependant que le terme « inhalateur rond » proprement dit n’est employé nulle part dans cet article – l’auteur utilise plutôt l’acronyme « DPI » (inhalateur à poudre sèche). On trouve dans cet article le passage suivant : [TRADUCTION] « Graduellement, on a vu apparaitre sur le marché une nouvelle génération d’inhalateurs à poudre sèche de conceptions variées dotés de caractéristiques de fonctionnement différentes et de dispositifs assurant une meilleure diffusion du médicament dans les poumons ». Le Dr McIvor fait également mention des différentes générations d’inhalateurs à poudre sèche, soit la première, la deuxième et la génération actuelle; il donne deux exemples d’inhalateurs appartenant à la génération actuelle, le TURBUHALER et le DISKUS (DISKUS étant une allusion au produit de la Requérante).

[31]           Le Dr McIvor décrit le disque-inhalateur comme rond, plat et tenant dans la paume de la main. À son avis, le disque-inhalateur possède une forme semblable à celle de l’inhalateur SPIRIVA; il estime que tous deux ressemblent à un poudrier pour femme. Au paragraphe 37, il mentionne trois autres [TRADUCTION] « inhalateurs ronds qui sont également portatifs et utilisés pour administrer un médicament sous forme de poudre sèche »; le TURBUHALER, le DISKHALER et le VENTODISK. Au paragraphe 44, il parle de l’inhalateur SYMBICORT comme d’un inhalateur rond.

[32]           La pièce D de l’affidavit du Dr McIvor est une page extraite du CPS de 2008 sur laquelle on peut voir les inhalateurs SPIRIVA, TURBUHALER, SYMBICORT et DISKHALER. À en juger par les images, l’inhalateur SPIRIVA semble être celui dont la forme ressemble le plus à celle du disque-inhalateur, mais comme la photo de l’inhalateur SPIRIVA mesure seulement 1 cm2, il est difficile de se faire une idée juste de l’apparence générale de l’appareil. Je souligne que, dans la déclaration d’opposition, l’inhalateur SPIRIVA est décrit comme ayant la forme d’un oeuf – une description que ne convient pas au disque-inhalateur. En contre-interrogatoire, M. Lam (un pharmacien) a dit de l’inhalateur SPIRIVA qu’il avait une forme s’apparentant à celle d’un œuf aplati et a précisé que cet inhalateur a été commercialisé pour la première fois en 2006 seulement.

[33]           Les inhalateurs TURBUHALER et SYMBICORT ont la même forme (le SYMBICORT étant, semble-t-il, un type d’inhalateur TURBUHALER) – leur forme est décrite, aussi bien dans la déclaration d’opposition que dans l’affidavit de M. Lam, comme rappelant celle d’un [TRADUCTION] « silo » – j’estime que cette description est adéquate. S'il est vrai qu’un silo a des parois courbes, je ne vois cependant aucune ressemblance entre ces inhalateurs et le disque-inhalateur.

[34]           L’inhalateur DISKHALER est décrit dans la déclaration d’opposition et dans l’affidavit de M. Lam comme ayant [TRADUCTION] « la forme d’un U »; une description que j’estime exacte. Cet inhalateur est plat et une de ses extrémités est arrondie, tandis que l’autre est droite. Je ne dirais pas de la forme de cet inhalateur qu'elle est semblable à celle du disque-inhalateur.

[35]           Le Dr McIvor n’a fourni aucune image de l’inhalateur VENTODISK, mais ce dernier est illustré à la pièce E de l’affidavit de M. Lam. Il est décrit dans la déclaration d’opposition et dans l’affidavit de M. Lam comme un inhalateur [TRADUCTION] « en forme de U ». Je ne dirais pas de la forme de cet inhalateur qu'elle est semblable à celle du disque-inhalateur.

[36]           En contre-interrogatoire, après avoir traité de divers inhalateurs « ronds », M. Lam a reconnu que les formes observées étaient toutes très différentes et a dit [TRADUCTION] « la forme de l’inhalateur DISKUS diffère de celle des autres inhalateurs ronds » [lignes 23 et 24, page 49].

Éléments de preuve provenant de consommateurs concernés – médecins, pharmaciens et patients

[37]           Trois groupes de consommateurs sont concernés par les marchandises pharmaceutiques – les médecins, les pharmaciens et les patients [Ciba-Geigy Canada Ltd c. Apotex Inc (1992), [1992] 3 R.C.S. 120, para. 110]. Relativement à cette question, la Cour fédérale s’est exprimée comme suit dans Apotex Inc c. le Registraire des marques de commerce et al. (2010), 81 CPR (4th) 459 (C.F.); conf. par (2010), 91 CPR (4th) 320 (C.A.F.), au para. 5 :

La question de savoir si une marque est distinctive est une question de fait, qui doit être tranchée par référence au message que la marque transmet aux consommateurs ordinaires : voir la décision Novopharm Ltd. c. Bayer Inc. (1999), 1999 CanLII 9384 (CF), [2000] 2 C.F. 553, paragraphe 70, 3 C.P.R. (4th) 305 (C.F. 1re inst.), conf. par 2000 CanLII 16510 (FCA), (2000), 9 C.P.R. (4th) 304, 264 N.R. 384 (C.A.F.). Le groupe pertinent de consommateurs, pour un produit comme celui-ci, comprend les médecins, les pharmaciens et les patients : voir l’arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc. (1993), 1992 CanLII 33 (CSC), [1992] 3 R.C.S. 120, paragraphe 110, 44 C.P.R. (3d) 289 (C.S.C.). Aux fins de la présente affaire, la question est de savoir si… tous ces consommateurs reconnaîtraient, d’une manière significative, la marque… d’après son apparence (à l’exclusion des étiquettes et de l’emballage) et associeraient cette [sic] habillage à une source unique : voir Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., précitée, paragraphes 78‑79.

[38]           Je dois donc déterminer si les médecins, les pharmaciens et les patients reconnaissent la Marque et associe cette forme seule, c’est-à-dire employée sans couleur ou autre marque de commerce, à une source unique.

[39]           Les seuls éléments de preuve provenant de ce groupe pertinent de consommateurs sont ceux fournis par les déposants de l’Opposante, le Dr McIvor et M. Lum; la Requérante ayant choisi de ne pas produire de tels témoins.

[40]           Le Dr McIvor est pneumologue en chef au Firestone Institute for Respiratory Health du St. Joseph’s Healthcare et professeur de médecine à l’Université McMaster. Il pratique la médecine depuis plus de 25 ans. Le Dr McIvor affirme qu’en raison de ses nombreuses années de pratique, il connaît bien les pratiques et les points de vue adoptés par bon nombre de pneumologues et médecins de famille canadiens en ce qui a trait au traitement de l’asthme et de la MPOC. En outre, le Dr McIvor passe considérablement de temps à parler d’inhalateurs avec ses patients. (En contre-interrogatoire, la Requérante a fait valoir que le Dr McIvor ne peut connaître l’avis des autres médecins et des autres patients que dans la mesure où ces derniers lui ont effectivement fait part de leurs points de vue.)

[41]           Le Dr McIvor affirme ne pas être en mesure de déterminer la source d’un inhalateur uniquement d’après sa forme. Il affirme également ce qui suit : [TRADUCTION] « Je ne considère pas (et je suppose qu'il en est de même pour les autres médecins et pneumologues au Canada) que le mécanisme d'un appareil d'inhalation indique une source ou un fabricant en particulier. Je pense, au contraire, que différents fabricants continueront de fabriquer des inhalateurs de type DISKUS ou ronds pour diffuser des médicaments dans les bronches ».

[42]           Le Dr McIvor ne tient pas compte de la forme des inhalateurs au moment de décider quel médicament prescrire et n'indique pas la forme des inhalateurs qu'il prescrit sur ses ordonnances.

[43]           Au sujet des patients, le Dr McIvor affirme ce qui suit :

[TRADUCTION
D'après mon expérience (en 2001, en 2008 et aujourd'hui [2009]), la forme des inhalateurs n'a pas pour but de permettre aux patients d'identifier le fabricant. Aucun de mes patients n'est conscient de l'identité du fabricant des produits qu'ils utilisent, même lorsque le nom du fabricant est indiqué sur l'étiquette ou sur l'inhalateur DISKUS lui-même. Mes patients ne seraient aucunement portés à associer le système d'inhalation DISKUS ou tout autre inhalateur rond à une source unique. La plupart de mes patients considéreraient que l'inhalateur DISKUS peut être utilisé pour l'administration de plusieurs médicaments différents – sans égard au fabricant du médicament prescrit.

Les patients ne font jamais allusion aux sociétés qui fabriquent les inhalateurs. Lorsqu'un patient emploie plus d'un inhalateur, la couleur et la forme sont des outils fort utiles qui permettent au médecin comme au patient de savoir de quel médicament il s'agit et à quelle fréquence il doit être pris.

[44]           Il est vrai que le Dr McIvor n'a réalisé aucun sondage officiel auprès de ses patients ou de ses collègues, mais ses déclarations sont fondées sur son expérience et sur les constatations qu'il a eu l'occasion de faire au fil des ans. 

[45]           M. Lam exerce le métier de pharmacien depuis 1979; il enseigne également à d'autres pharmaciens.

[46]           M. Lam atteste que les inhalateurs remis aux patients arborent toujours une marque ou une étiquette. Il affirme ceci : [TRADUCTION] « Si un inhalateur rond ne comportait aucune marque ou étiquette, je ne tenterais jamais de déterminer la source ou le fabricant de cet inhalateur rond uniquement d'après sa forme, sa taille ou sa couleur ».

[47]           Au sujet des patients, M. Lam affirme ce qui suit :

[TRADUCTION]
En 2001 et en 2008, aucun de mes clients n'aurait associé la forme de son dispositif d'administration de médicaments à un fabricant donné. En ce qui concerne les inhalateurs, ni les clients ni les pharmaciens ne considèrent l'apparence (c.-à-d. la couleur, la forme et la taille) comme un signe révélant la source de l'appareil d'inhalation. Le même principe s'applique à la forme des appareils d'inhalation (indépendamment de leur couleur). Ils associent plutôt l'apparence (c.-à-d. la couleur, la forme et la taille) de leurs médicaments ou de leurs dispositifs d'administration à l'usage thérapeutique de ces derniers.

[48]           En contre-interrogatoire, la Requérante a posé un certain nombre de questions à M. Lam au sujet des déclarations qui précèdent. M. Lam a précisé que [TRADUCTION] « les clients ne parlent pas vraiment des fabricants ou des sources » et, faisant référence à ses fonctions de formateur, il a ajouté [TRADUCTION] « lorsque nous abordons des questions pertinentes, nous ne parlons jamais de la couleur, de la forme ou de la taille d'un appareil en particulier ». À cet égard, la Requérante soutient que M. Lam n'a pas vérifié si les clients ou d'autres pharmaciens partageaient les opinions qu'il exprime dans son affidavit (soit celles reproduites au paragraphe précédent).

[49]           La Requérante veut que j'admette que d'autres médecins ou pharmaciens associeraient une source à la Marque – or, aucune preuve provenant de ces autres personnes n'a été produite en l'espèce. La Requérante soutient que le Dr McIvor et M. Lam ne peuvent pas parler au nom des autres médecins, des autres pharmaciens ou des autres patients; si tel était le cas, la preuve s'en trouverait réduite à leurs seules opinions personnelles, mais là encore, aucun élément de preuve provenant d'autres personnes appartenant au groupe des consommateurs concernés n'a été présenté pour démontrer que les opinions exprimées par le Dr McIvor et M. Lam ne sont pas représentatives.

[50]           Dans Novopharm Ltd c. Bayer Inc (1999), 3 C.P.R. (4th) 305 (C.F. 1re inst.), à la p. 331, le juge Evans a souligné que, bien qu'un requérant ne soit pas tenu de produire une preuve directe démontrant que les patients associent l'apparence d'une marchandise à une seule source, l'absence d'une telle preuve est préjudiciable lorsque des éléments de preuve provenant de pharmaciens et de médecins indiquent qu'en règle générale, les patients n'associent pas l'apparence d'un médicament à une seule source. C'est précisément le cas en l'espèce.

[51]           L'Opposante a fait remarquer que, dans Apotex Inc c. le Registraire des marques de commerce, précitée et Ciba-Geigy Canada Ltd c. Novopharm Ltd (1994), 56 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.), la Cour fédérale a admis des éléments de preuve provenant de médecins ou de pharmaciens en ce qui concerne la perception des patients.

[52]           Je mentionnerai, avant de poursuivre, que la Requérante a fait valoir que les éléments de preuve fournis par le Dr McIvor et M. Lum étaient constitués en grande partie de ouï-dire inadmissible, et empreints de partialité. La question du ouï-dire concerne principalement leurs opinions à savoir si d'autres associent la Marque à une source unique; je me suis déjà prononcée sur cette partie de la preuve. La question de la partialité, quant à elle, a trait surtout à la question de savoir si le Dr McIvor et M. Lam en sont venus à considérer comme normale la possibilité que des médicaments génériques nouvellement lancés sur le marché puissent avoir une apparence identique ou très semblable à celle du produit novateur, et s'ils sont partisans d'un tel système. Comme l'a déjà souligné, M. Herzig, membre de la Commission, les éléments de preuve et les arguments concernant l'opportunité d'autoriser les fabricants de produits pharmaceutiques génériques à commercialiser des marchandises ayant une apparence identique ou semblable à celle que le premier fabricant a donnée à son produit ne sont guère pertinents dans le contexte des procédures d'opposition [Novopharm Ltd c. Ciba-Geigy Canada Ltd (1997), 81 C.P.R. (3d) 558 (C.O.M.C.); inf. par (2000), 6 C.P.R. (4th) 224 (C.F.); conf. par (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.); autorisation de pourvoi refusée [2001] C.S.C.R. no 646]. En outre, dans Ciba-Geigy Canada Ltd c. Novopharm Ltd (1994), 56 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.), pp. 309 et 310, le juge Rothstein a reconnu que certains médecins et pharmaciens pouvaient être guidés par une certaine loyauté et a souligné que lorsque des déclarations sont exagérées ou semblent ne pas être raisonnablement fondées sur l'expertise du déposant, cela influe sur le poids à accorder à la preuve. Ainsi, les préoccupations exprimées par la Requérante n’ont pas pour conséquence d’entraîner le rejet de la preuve; elles entraînent, tout au plus, une diminution du poids qu'il convient d'accorder à la preuve. Mais, comme je le mentionne ailleurs, même dans la mesure où j'accorde un poids limité à la preuve du Dr McIvor et de M. Lum, cette dernière demeure suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau initial en ce qui a trait à la perception des consommateurs concernés.

Radiation d'un enregistrement de marque de commerce connexe en vertu de l'article 57

[53]           L'Opposante soutient que la présente instance s'apparente à Apotex Inc c. le Registraire des marques de commerce et al. (2010), 81 C.P.R. (4th) 459 (C.F.); conf. par (2010), 91 C.P.R. (4th) 320 (C.A.F.); autorisation de pourvoi refusée, 2011 Can LII 28464 (C.S.C.). Dans Apotex, l'enregistrement de marque de commerce de la Requérante visant la couleur violet appliquée à la forme du disque-inhalateur a été radié au motif que la marque n'était pas distinctive.

[54]           Il existe, à l'évidence, des différences notables entre l'affaire Apotex et la présente instance, notamment le fait que la marque en cause dans Apotex n'était pas un signe distinctif, que le fardeau de preuve ultime incombait à Apotex plutôt qu'à la propriétaire de la marque contestée (la présente Requérante), et que la preuve était différente (dans le cadre de cette procédure de radiation, la présente Requérante avait produit, à l'appui de ses arguments, des éléments de preuve provenant de médecins, de pharmaciens et de patients). Cette affaire demeure néanmoins pertinente, en raison, notamment, des observations qu'a formulées la Cour relativement au caractère distinctif. À titre d'exemple, au paragraphe 6 de sa décision, la Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[…] Une marque de commerce est effectivement distinctive si la preuve montre qu’elle permet de distinguer un produit des autres produits sur le marché : Astrazeneca AB c. Novopharm Ltd., 2003 CAF 57 (CanLII), 2003 CAF 57, 24 C.P.R. (4th) 326, par. 16. Le message véhiculé au public est un facteur crucial : Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1985), 7 C.P.R. (3d) 254 (C.F. 1re inst.), conf. par (1987), 17 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.). Le caractère distinctif s’établit du point de vue de l’utilisateur régulier, et la marque de commerce doit être considérée de façon globale et sous l’angle de la première impression : Molson Breweries c. John Labatt Ltd., [2000] 3 C.F. 145, 5 C.P.R. (4th) 180, par. 83 (C.A.F.).

[55]           Au paragraphe 221 de ses observations écrites, l'Opposante invoque la décision rendue dans Apotex à l'appui de la thèse suivante :

[TRADUCTION]
Pour qu'une marque soit considérée comme distinctive, il est indispensable que les médecins, les pharmaciens et les patients associent cette marque à une seule et même source et que cette marque leur serve de repère au moment de la prescription, du transfert ou de l'achat de médicaments. Le fait qu'il soit possible de conjecturer de manière raisonnée sur la source d'un produit n'est pas suffisant pour établir le caractère distinctif, peu importe que ce produit présente une conception unique et soit reconnu comme tel sur le marché. Qu'un médecin ou un pharmacien puisse, dans le cadre d'un entretien à vocation thérapeutique avec un patient, faire des suppositions non vérifiées sur la provenance d'un inhalateur violet en forme de disque ne suffit pas non plus à établir le caractère distinctif.

[56]           Dans Apotex, le juge Barnes a indiqué au paragraphe 14 qu'« il n’est pas non plus facile de prouver que l’apparence ou l’habillage d’un produit est devenu distinctif : voir l’arrêt AstraZeneca AB c. Novopharm Ltd. (2003), 2003 CAF 57, au paragraphe 26, 24 C.P.R. (4th) 326 ». Il s'est ensuite exprimé ainsi :

[15] S’agissant des médicaments d’ordonnance, l’importance de la couleur et de la forme pour les décisions d’achat et pour la notoriété de la marque est moins évidente parce que, comme le montre la preuve, les choix initiaux sont faits en connaissance de cause par les médecins et les pharmaciens. Cette intermédiation professionnelle est aussi un élément influent, mais non déterminant, des décisions des consommateurs. Après tout, on n’achète pas des médicaments d’ordonnance sur un coup de tête.

[16] Je reconnais avec GSK qu’il n’y a rien de foncièrement répréhensible dans une marque qui consiste, pour un produit, en une association particulière de formes et de couleurs. Il existe évidemment des marques notoirement connues fondées sur des associations de formes et de couleurs. Cependant, s’agissant d’un marché où les décisions d’achat sont habituellement prises par des professionnels, ou sur l’avis de professionnels, le caractère distinctif d’une telle marque dans le commerce sera naturellement plus difficile à établir. S’il en est ainsi, c’est parce que, ainsi que l’établit le poids de la preuve que j’ai devant moi, les médecins et les pharmaciens ne sont pas fortement influencés par ces attributs et n’ont aucune raison évidente de les associer à une source commerciale unique ou à une provenance unique. Dans la mesure où le consommateur ultime trouve de l’agrément dans une décision d’achat, il sera largement influencé aussi par les conseils reçus du médecin et du pharmacien (sans oublier l’étiquette) et, sans aucun doute, par l’association du produit à telle ou telle appellation notoirement connue.

 

[17] Il importe aussi de se rappeler que le consommateur ne verrait jamais la marque GSK qu’à la faveur d’une étiquette et compterait sans doute largement sur les renseignements imprimés avant de tirer des conclusions sur l’origine du produit. C’est là une observation qu’avait faite le juge Heery dans l’arrêt Cadbury Schweppes Ltd. c. Darrell Lea Chocolate Shops, [2008] F.C.A. 470 (C.F. Australie), paragraphes 64 et 65 :

 

64.  L’emploi du violet est inséparable du mot « Cadbury » – le violet n’est jamais employé isolément [100]. Le fait que le violet n’a jamais été employé sans le mot « Cadbury » ne semble pas être contesté; voir le jugement antérieur, paragraphes [82] à [87].

65. Les témoins experts de Cadbury ont dit que cela ne présentait aucune pertinence. Je ne partage pas leur avis. Le témoin expert de Cadbury appelé à témoigner au procès antérieur, le professeur Roger Layton, professeur émérite de marketing à l’Université des Nouvelles-Galles du Sud, a clairement considéré l’association de la marque à la couleur comme un élément important de la perception du consommateur; voir le jugement antérieur, paragraphes [77] et [78]. Pour des raisons assez évidentes, le consommateur ne se voit jamais offrir, au point de vente, un produit Cadbury, de couleur violette ou non, sans que le nom Cadbury n’apparaisse bien en évidence. Le consommateur ordinaire et raisonnable doit certainement en avoir conscience lorsqu’on lui propose le produit Darrell Lea censément trompeur.

 

Si le consommateur de confiseries au chocolat est vu comme suffisamment intelligent pour prendre une décision sur l’identité d’un produit en se fiant à une étiquette, le consommateur de produits pharmaceutiques l’est certainement tout autant.

 

[…]

 

[19] Le caractère distinctif d’une marque fondé sur la couleur et la forme peut également être réduit par son association avec une appellation enregistrée. Lorsqu’un produit pharmaceutique est toujours employé en association directe avec une marque verbale notoirement connue, le risque de confusion dans l’esprit du consommateur sera réduit, sinon totalement absent, lorsqu’un produit analogue sera offert à la vente avec une marque différente. Le problème de l’association de marques a été examiné dans l’arrêt General Motors du Canada c. Moteurs Décarie Inc. (2000), [2001] 1 C.F. 665, paragraphe 34, 9 C.P.R. (4th) 368 (C.A.F.). Selon la Cour d’appel fédérale, l’emploi constant de la marque verbale revendiquée « Décarie » en association avec les mots « Moteurs » et « Motors » indiquait que l’emploi du seul mot « Décarie » constituait un emploi « faible, voire inexistant », qui n’avait pas acquis une notoriété propre.

 

[20] Je fais mien le point soulevé par le juge John Evans dans la décision Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., précitée, au paragraphe 79, lorsqu’il écrivait qu’il n’est pas fatal à un enregistrement de marque de commerce que les consommateurs puissent avoir recours à d’autres moyens que la marque pour rattacher le produit à une source unique. Néanmoins, le juge Evans atténuait son propos en disant qu’il fallait quand même qu’il existe une preuve suffisante de l’aptitude de la marque à être ainsi reconnue par elle-même. Autrement dit, une marque fondée sur l’habillage ne saurait acquérir son caractère distinctif du seul fait qu’elle est employée en association avec une marque verbale distinctive.

[57]           Relativement à ce qui précède, je souligne que la Requérante a fait valoir que la Cour d'appel fédérale a apporté les précisions suivantes afin de corriger une méprise concernant le « critère de l'emploi par le consommateur » :

[7] Selon Glaxo, le juge n’applique pas correctement le critère de la distinctivité lorsqu’il considère la façon dont les consommateurs « utilisent » la marque GSK. Le juge n’énonce ni n’applique un nouveau critère. La thèse contraire avancée par Glaxo se fonde sur une mauvaise interprétation du sens que le juge donne au terme « utiliser ». Il faut situer les propos du juge dans leur contexte, soit l’examen du processus au cours duquel un produit est associé à sa provenance. Pour qu’un produit soit jugé distinctif, les consommateurs concernés doivent distinguer le produit d’une source des marchandises d’autres personnes, et ce, en raison de la marque de la source. Si l’on tient compte du contexte, il ressort des propos du juge que c’est l’acte consistant à faire un lien entre une marque de commerce et sa source qui établit que le consommateur l’« utilise » comme il se doit. Si l’on substitue le terme « associe » au terme « utilise »,– qui est tout autant compatible avec le raisonnement du juge – l’argument de Glaxo ne tient plus. Il n’est donc pas fondé.

Le caractère fonctionnel et l'impact des brevets et des enregistrements de dessin industriel

[58]           L'Opposante allègue, dans diverses sections de sa déclaration d'opposition, que la Marque est fonctionnelle et qu'elle fait l'objet de plusieurs brevets et enregistrements de dessin industriel. En réponse, la Requérante a formulé les observations exposées dans les paragraphes qui suivent. Je souscris à ces observations.

[59]           Dans son affidavit, Mme Durell traite d'un brevet appartenant à la Requérante et du mécanisme visé par les revendications. Mme Durell a examiné l'intérieur de l'inhalateur de la Requérante, qu'elle a démonté pour les besoins de son analyse.

[60]           De multiples modes de réalisation sont illustrés dans le brevet, mais ce n'est pas la forme extérieure de l'inhalateur qui fait l'objet du brevet – la forme n'est qu'un des nombreux modes de réalisation du mécanisme breveté. Par conséquent, une fois le brevet expiré, d'autres pourraient utiliser le mécanisme breveté, nonobstant l'enregistrement de la marque de commerce visée par la présente demande; il leur suffirait d'avoir recours à un mode de réalisation différent. Comme il a été mentionné aux pages 505 et 506 de Thomas & Betts, Ltd c. Panduit Corp et al. (2000), 4 C.P.R. (4th) 498 (C.A.F.), il est possible de protéger un mode de réalisation en le faisant enregistrer comme marque de commerce, même s'il s'agit d'un mode de réalisation privilégié, et il est acceptable que l'objet qui constitue la marque de commerce présente un certain caractère fonctionnel. La décision rendue dans Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc (2005), 43 C.P.R. (4th) 385 (C.S.C.) se distingue de la présente instance du fait que la marque de commerce en cause dans cette affaire concernait uniquement des caractéristiques techniques et fonctionnelles protégées par un brevet.

[61]           En ce qui concerne l'existence d'enregistrements de dessin industriel, il est clairement indiqué dans WCC Containers Sales Ltd c. Haul-All Equipment Ltd (2003), 28 C.P.R. (4th) 175 (C.F. 1re inst.) que la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin industriel et la protection qui découle de l'enregistrement d'une marque de commerce ne s'excluent pas l'une l'autre.

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b)

[62]           L'Opposante allègue qu'il est faux de dire que la Marque est employée en liaison avec les marchandises décrites dans la demande depuis au moins mai 1998, et ce, pour plusieurs raisons.

[63]           La première raison a trait à la question de savoir si la Marque est visible au moment du transfert des marchandises. Je suis d'accord avec l'Opposante lorsqu'elle affirme qu'une marque de commerce doit être visible au moment du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises pour satisfaire aux exigences d'emploi énoncées au paragraphe 4(1) de la Loi. Néanmoins, le fait que le signe distinctif soit emballé dans une boîte ne signifie pas qu'il n'est jamais visible au moment du transfert. En effet, le Dr McIvor et M. Lum ont tous deux attesté que les médecins et les pharmaciens ont pour pratique de montrer aux patients comment utiliser un inhalateur lorsqu'un tel appareil leur est prescrit pour la première fois. Le signe distinctif est donc exposé à la vue des patients pendant la démonstration qui se déroule au moment du transfert des marchandises et cela suffit pour satisfaire aux exigences énoncées au paragraphe 4(1).

[64]           La deuxième raison invoquée par l'Opposante est que [TRADUCTION] « la Requérante emploie son emballage (c.-à-d. la boîte de carton dans laquelle se trouve le produit au moment du transfert) comme marque de commerce, y compris le mot DISKUS, le numéro d'identification du médicament, la marque de fabrique du médicament (p. ex. ADVAIR, FLOVENT, SEREVENT ou VENTOLIN), le dosage et d'autres renseignements; et/ou la Requérante emploie les étiquettes (sur lesquelles figurent des renseignements similaires) sur l'inhalateur qui n'est pas inclus dans la Marque ». J'interprète cette allégation comme signifiant que puisque la Requérante a employé d'autres marques ou mots servant de marque, il s'ensuivrait qu'elle n'a pas employé la Marque. Or, rien n'empêche une partie d'employer plus d'une marque en liaison avec une marchandise [voir AW Allen Ltd c. Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 C.P.R. (3d) 270 (C.F. 1re inst.), p. 272].

[65]           L'Opposante soutient, en outre, que les inhalateurs de la Requérante comportent une étiquette et des inscriptions qui ne font pas partie de la Marque. J'estime que cela est sans importance puisque le signe distinctif visé par la demande d'enregistrement est la forme des marchandises ou de leur contenant et que la présence d'étiquettes ou d'inscriptions sur les marchandises ne modifie en rien leur forme.

[66]           Pour les raisons qui précèdent, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b).

Motif d'opposition fondé l'alinéa 30i)

[67]           Selon l'alinéa 30i) de la Loi, une demande d'enregistrement doit comprendre « une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande ». Dans la mesure où le requérant a fourni cette déclaration, un motif fondé sur l'alinéa 30i) ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. La Requérante a fourni la déclaration exigée, mais l'Opposante soutient que la présente espèce est un cas exceptionnel du fait que la Requérante était consciente du caractère fonctionnel de sa marque. Je ne m'attarderai pas davantage sur cet argument de l'Opposante; d'une part parce que j'ai déjà traité de la question du caractère fonctionnel dans les sections portant sur d'autres motifs d'opposition et, d'autre part parce que, même dans la mesure où la Marque était fonctionnelle, cela n'empêcherait pas la Requérante de déclarer de bonne foi qu'elle est convaincue d'avoir droit d'employer la Marque, car si le caractère fonctionnel peut l'empêcher d'enregistrer la Marque, il ne peut pas l'empêcher de l'employer.

[68]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30i) est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b)

[69]           L'Opposante allègue que la Marque [TRADUCTION] « donne une description claire (d'un inhalateur contenant un médicament à inhaler sous forme de poudre sèche) ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée, puisqu'elle indique l'ingrédient actif, la formulation, la dose et/ou l'usage ou l'effet thérapeutique ».

[70]           La seule observation écrite que l'Opposante a présentée au soutien de ce motif est la suivante : [TRADUCTION] « La marque visée par la demande donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises, à savoir des préparations pharmaceutiques; ou une description fausse et trompeuse, du fait que la promotion et la vente des marchandises ne sont pas effectuées en liaison avec la Marque, telle qu'elle figure dans la demande, mais avec la Marque et des étiquettes d'identification ». Je ne vois pas comment le fait d'apposer des étiquettes d'identification pourrait rendre la Marque non enregistrable aux termes de l'alinéa 12(1)b). Par conséquent, je rejette ce motif d'opposition. 

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 38(2)d) – Caractère distinctif

[71]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas distinctive et qu'elle contrevient, en cela, à l'alinéa 38(2)d). La question de savoir si la Marque est distinctive constitue une question déterminante en l'espèce.

[72]           Selon l'article 2 de la Loi, « distinctive » s'entend d'une marque de commerce « qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi ».

[73]           Dans ses observations écrites, l'Opposante soutient qu'il existe une certaine confusion quant à la date pertinente qui s'applique à l'appréciation du caractère distinctif, affirmant que si on considère, en règle générale, que la date pertinente est la date de production de la déclaration d'opposition, il arrive également que l'appréciation de caractère distinctif soit effectuée en fonction de la date de production de la demande. Pour cette raison, l'Opposante a tenu compte du caractère distinctif de la Marque aussi bien à la date de production de la déclaration d'opposition qu'à la date de production de la demande. J'estime que l'analyse produit le même résultat peu importe la date en fonction de laquelle elle est effectuée, mais j'évaluerai le caractère distinctif de la Marque sur le fondement de l'alinéa 38(2)d), en fonction de la date de production de la déclaration d'opposition, soit le 7 avril 2008 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)]. 

[74]           L'un des arguments avancés par l’Opposante au soutien de son allégation voulant que la Marque ne soit pas distinctive est que la Marque ne distingue pas les inhalateurs de la Requérante des inhalateurs de forme similaire couramment employés dans le domaine pharmaceutique au Canada. La Requérante soutient pour sa part, et je lui donne raison, que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à cet égard. En effet, bien que l’Opposante ait invoqué au moins 30 autres inhalateurs au soutien de sa déclaration d’opposition, son argument voulant que ces inhalateurs aient une forme semblable à la Marque tient difficilement la route. Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante décrit ces autres inhalateurs comme ayant, selon le cas, la forme d’une botte, d’un silo, d’un T, d’un œuf, d’un U ou d’un tube; aucun de ces termes ne décrit adéquatement la forme de la Marque. L’Opposante prétend que ces inhalateurs appartiennent tous à la catégorie des inhalateurs de forme ronde du simple fait que chacun présente une ou plusieurs parties de forme arrondie et qu’il s’ensuit que tous ont une forme générale similaire à la Marque; je ne suis pas d’accord.

[75]           Le Dr McIvor et M. Lum se sont tous deux prononcés sur la forme des autres inhalateurs, mais leurs déclarations initiales ont perdu de leur crédibilité en contre-interrogatoire et ne sont pas corroborées par la preuve sous-jacente. De tous les inhalateurs offerts par des tiers, seul l’inhalateur SPIRIVA présente des ressemblances notables avec le Marque. La preuve révèle que l’inhalateur SPIRIVA a figuré dans différentes éditions du CPS postérieures à 2001. Le Dr McIvor et M. Lum connaissent bien l’inhalateur SPIRIVA, mais rien n’indique qu’ils pourraient confondre la source de cet inhalateur avec celle des inhalateurs portant la Marque. J’admets que l’inhalateur SPIRIVA a acquis une certaine notoriété au Canada, mais j’estime qu’il ne ressemble pas suffisamment à la Marque pour que le caractère distinctif de la Marque s’en trouve compromis. Je souligne, en outre, que la présente espèce se distingue d’autres affaires dans lesquelles des extraits du CPS ont également été invoqués à titre d’arguments, car la preuve présentée dans ces autres affaires confirmait l’existence de multiples produits pharmaceutiques de tiers ayant une apparence similaire.

[76]           Pour les raisons qui précèdent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif dans le contexte du marché canadien est rejeté.

[77]           Un autre des arguments invoqués par l’Opposante à l’appui de son allégation voulant que la Marque ne soit pas distinctive est que la Marque n’indique pas la source. Les éléments de preuve de l’Opposante les plus à même d’appuyer cet argument sont ceux fournis par le Dr McIvor et M. Lum. Le Dr McIvor et M. Lum font tous deux partie des consommateurs visés par les marchandises et tous deux ont affirmé catégoriquement que la forme qui constitue la Marque n’était pas pour eux, ni pour les autres professionnels du métier ou pour les consommateurs finals, une indication de la source des marchandises. Bien que la Requérante puisse faire valoir que les points de vue exprimés par le Dr McIvor et M. Lum ne sont pas forcément représentatifs de ceux qui prévalent au sein des trois groupes de consommateurs pertinents, je ne suis pas disposée à admettre que leurs points de vue seraient, pour cette raison, dénués de pertinence. Je crois le Dr McIvor et M. Lum lorsqu’ils affirment que la Marque ne constitue pas pour eux une indication de la source des marchandises et il n’existe, en l’espèce, aucune preuve directe indiquant que d’autres médecins, d’autres pharmaciens ou d’autres patients en jugeraient autrement.

[78]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en présentant des éléments de preuve concernant les perceptions d’au moins un médecin et un pharmacien, et, par le truchement de ces personnes, les perceptions d’autres médecins et d’autres pharmaciens ainsi que celles des consommateurs finals des marchandises, les patients. En revanche, et malgré le fardeau ultime qui lui incombait, la Requérante n’a présenté aucun élément de preuve provenant de personnes appartenant à un ou plusieurs des trois groupes de consommateurs clés que sont les médecins, les pharmaciens et les patients.

[79]           Bien que les marchandises portant la Marque aient fait l’objet d’une promotion considérable et que des quantités importantes aient été vendues, il est de jurisprudence constante que des ventes et une promotion importantes n’ont pas nécessairement pour effet de conférer un caractère distinctif. En l’espèce, je ne suis pas convaincue que les ventes et la promotion des marchandises ont eu pour conséquence de conférer un caractère distinctif, car les marchandises sont toujours vendues ou annoncées en liaison avec plusieurs autres éléments indiquant la provenance. J’ajouterai que la preuve de la Requérante est nettement insuffisante pour démontrer que les consommateurs concernés ont été informés du statut de marque de commerce de la marque visée par la demande.

[80]           Je m’appuie également sur les observations formulées par la Cour d’appel fédérale dans Novopharm Ltd c. Ciba-Geigy Canada Ltd (1997), 81 C.P.R. (3d) 558 (C.O.M.C.); inf. par (2000), 6 C.P.R. (4th) 224 (C.F.); conf. par (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.); autorisation de pourvoi refusée [2001] C.S.C.R. no 646 , à la page 339 :

[TRADUCTION]
[45] Le juge de première instance a conclu qu'en se fondant uniquement sur la preuve selon laquelle les produits des appelantes étaient populaires et connaissaient du succès dans le marché pharmaceutique et qu'aucun autre produit n'était interchangeable, le registraire a omis d'appliquer les principes de droit reconnus en matière de caractère distinctif. Il a estimé que les appelantes n'avaient présenté aucune preuve provenant de consommateurs pour établir que la couleur et la forme des produits des appelantes avaient servi à les distinguer dans n'importe quel marché. Il a conclu que le registraire était arrivé à des conclusions abusives lorsqu'il a jugé que les marques de commerce de l'appelante étaient, en fait, distinctives.

 

[46] À notre avis, le juge de première instance n'a commis aucune erreur dans l’appréciation de la preuve dont il disposait relativement à la question du caractère distinctif. Nous souscrivons à ses conclusions.

[81]           Par conséquent, je donne gain de cause à l’Opposante relativement à son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif parce que la preuve qu’elle a produite indique qu’à la date pertinente, la Marque ne distinguait pas véritablement la source des marchandises et que la preuve de la Requérante ne me convainc pas du contraire.

Motif fondé sur l'article 13

[82]           La Loi donne la définition suivante du terme « signe distinctif » :

*       Selon le cas :

*      
(a) façonnement de marchandises ou de leurs contenants;

*       (b) mode d’envelopper ou empaqueter des marchandises,

dont la présentation est employée par une personne afin de distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres.

[83]           L'article 13 porte sur l'enregistrement des signes distinctifs; il est ainsi libellé :

13.    (1) Un signe distinctif n’est enregistrable que si, à la fois :

*  a) le signe a été employé au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenu distinctif à la date de la production d’une demande d’enregistrement le concernant;

*  b) l’emploi exclusif, par le requérant, de ce signe distinctif en liaison avec les marchandises ou services avec lesquels il a été employé n’a pas vraisemblablement pour effet de restreindre de façon déraisonnable le développement d’un art ou d’une industrie.

(2) Aucun enregistrement d’un signe distinctif ne gêne l’emploi de toute particularité utilitaire incorporée dans le signe distinctif.

(3) L’enregistrement d’un signe distinctif peut être radié par la Cour fédérale, sur demande de toute personne intéressée, si le tribunal décide que l’enregistrement est vraisemblablement devenu de nature à restreindre d’une façon déraisonnable le développement d’un art ou d’une industrie.

[84]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable, car, contrairement aux dispositions de l’alinéa 13(1)a), la Marque n’avait pas été employée au Canada de façon à être devenue distinctive à la date du 6 août 2001. Plus précisément, l’Opposante soutient que la Marque n’était pas propre à distinguer les marchandises de la Requérante et qu’elle ne distinguait pas les marchandises de la Requérante de celles de tiers pour les raisons exposées relativement à son motif d’opposition fondé sur l’article 2. Comme je l’ai mentionné dans mon analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d), mon appréciation du caractère distinctif demeure la même peu importe que je me fonde sur la date production de la demande (qui est la date pertinente pour l’examen d’un motif fondé sur l’article 13) ou sur la date de production de la déclaration d’opposition. Par conséquent, le motif fondé sur l’alinéa 13(1)a) est accueilli pour des raisons similaires à celles énoncées relativement au motif fondé sur l’alinéa 38(2)d)/l’article 2.

[85]           Néanmoins, pour les raisons exposées dans la section intitulée « Le caractère fonctionnel et l'impact des brevets et des enregistrements de dessin industriel », je rejette les autres actes procédures se rapportant à l’article 13.

Demande no 1 111 740

[86]           La demande no 1 111 740 a également été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 novembre 2007. Le 17 avril 2008, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement de la Marque-O. Comme dans le cas de la demande no 1 111 739, la signification de la déclaration d’opposition a été suivie par la production d’une contre-déclaration, de déclarations d’opposition modifiées, de contre-déclarations modifiées, et, enfin, d’une décision interlocutoire. La déclaration d’opposition qui prévaut est celle en date du 9 juin 2009 et la contre-déclaration qui prévaut est celle en date du 29 octobre 2009.

[87]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a indiqué que l’analyse s’appliquant à la Marque-O différait de manière significative de celle s’appliquant à la Marque. Ainsi, les motifs d’opposition soulevés à l’égard de cette deuxième demande sont accueillis ou rejetés pour des raisons similaires à celles énoncées relativement à la demande no 1 111 739. Par conséquent, je rejette la demande no 1 111 740 au motif que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer que la Marque était devenue distinctive soit à la date de production de la demande, soit à la date de production de la déclaration d’opposition.

Décision

[88]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette les demandes nos 1 111 739 et 1 111 740 en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

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