Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 129

Date de la décision : 2016-07-20
[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Rolex SA

Opposante

et

 

Reklamidé i Vrämland AB

Requérante

 

 

 



 

1,502,741 pour la marque de commerce ROLL-X

 

Demande

 

Dossier

[1]        Le 5 novembre 2010, Reklamidé i Vrämland AB, qui est située à Karlstad, en Suède, a produit une demande pour faire enregistrer la marque de commerce ROLL-X sur la base d’un emploi projeté au Canada, en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

 

rouleaux pour pelliculeuses à usage industriel,

rouleaux de pellicule pour pelliculeuses à usage industriel.

 

 [2]       La requérante revendique la date de priorité conventionnelle du 14 mai 2010, en vertu de l’art. 34 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, sur la base de la demande correspondante qu’elle a produite à cette date dans l’UE.

 

[3]        La présente demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 août 2011, et Rolex SA s’y est opposée le 3 janvier 2012. Le 19 janvier 2012, le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante, comme l’exige l’art. 38(5) de la Loi sur les marques de commerce. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie l’ensemble des allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

 

[4]        La preuve de l’opposante est constituée de l’affidavit de Victor Royce. La preuve de la requérante est constituée de l’affidavit de James Haggerty. Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

 

Déclaration d’opposition

[5]        L’opposante fait valoir qu’elle est la propriétaire de la marque déposée ROLEX qu’elle a commencé à employer en liaison avec des montres, des services de magasin de vente au détail de montres et des services de réparation de montres bien avant la date de priorité conventionnelle de la requérante. L’opposante fait valoir que [Traduction] « sa marque ROLEX a acquis un achalandage significatif et une réputation en tant que symbole mondialement reconnu de qualité supérieure, de luxe et de fiabilité ».

 

[6]        Les premier, cinquième et sixième motifs d’opposition, qui sont fondés sur les art. 30i), e) et a) de la Loi sur les marques de commerce, portent, respectivement, que la requérante avait connaissance de la marque ROLEX de l’opposante et, par conséquent, ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit à l’enregistrement de la marque ROLL-X; que la requérante n’a jamais eu l’intention d’employer sa marque au Canada ou, subsidiairement, que la requérante a employé sa marque au Canada avant la date de production et avant la date de priorité conventionnelle; et que la requérante n’a pas décrit ses produits dans les termes ordinaires du commerce.

 

[7]        Les autres motifs d’opposition, qui sont fondés sur l’art. 12(1)d), l’art. 16(3)a) et l’art. 2 de la Loi, sont liés à la question de savoir si la marque ROLL-X visée par la demande crée de la confusion avec la marque ROLEX. Les dates pertinentes pour évaluer la question de la confusion sont, de la plus lointaine à la plus rapprochée, la date de production de la demande, c’est-à-dire la date de priorité conventionnelle du 14 mai 2010, en ce qui concerne l’art. 16; la date de l’opposition, c’est-à-dire le 3 janvier 2012, en ce qui concerne l’art. 2; et la date de ma décision en ce qui concerne l’art. 12 : pour une analyse de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 CPR (3d) 198 aux p. 206 à 209 (CF 1re inst.). Toutefois, dans les circonstances de la présente espèce, rien ne dépend de la date pertinente en fonction de laquelle la question de la confusion est évaluée.

 

[8]        Avant d’examiner les allégations contenues dans la déclaration d’opposition, je passerai d’abord en revue le fardeau ultime et le fardeau de preuve qui incombent aux parties, le sens qu’il faut donner au terme « confusion » dans le contexte de la Loi sur les marques de commerce, le cadre législatif qui régit l’évaluation de la confusion, ainsi que la preuve des parties.

 

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[9]        La requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce qu’allègue l’opposante dans sa déclaration d’opposition. L’opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition : John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) à la p. 298.

 

Ce qu’il faut entendre par « confusion »

[10]      Des marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’art. 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, lequel est reproduit ci-dessous :

 

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués . . . ou que les services liés à ces marques sont . . . exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[11]      Ainsi, l’art. 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur une confusion qui porterait à croire que des produits ou services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’art. 6(2) est celle de savoir si des clients potentiels souhaitant acheter les produits spécifiés dans la présente demande croiraient que les produits de la requérante, vendus sous la marque ROLL-X, ont été fabriqués par l’opposante, ou par la requérante en vertu d’une autorisation ou d’une licence accordée par l’opposante, qui vend ses montres et ses services de réparation de montres sous sa marque ROLEX. Comme je l’ai indiqué précédemment, c’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui s’applique en matière civile, qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion.

 

Test en matière de confusion

[12]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles expressément énoncées aux art. 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de tenir compte de tous les facteurs pertinents. En outre, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids, et le poids qu’il convient d’accorder à chacun varie en fonction des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst.). Toutefois, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l’art. 6(5).

 

Preuve de l’opposante

Victor Royce

[13]      M. Royce atteste qu’il est le président-directeur général de Rolex Canada Ltd. (« RCL »), une filiale canadienne de l’opposante. L’opposante est une société suisse dont le siège social est situé à Genève, en Suisse. L’opposante a été fondée en 1905 et fabrique des garde-temps luxueux de haute performance et de haute précision depuis plus de 100 ans. L’opposante a toujours été une chef de file novatrice dans l’art et la science de la fabrication des montres. En date de 2012, l’opposante était la plus grande fabricante de chronomètres de fabrication suisse certifiés dans le monde, ses produits ROLEX étant vendus dans plus de 100 pays.

 

[14]      La thèse que défend M. Royce est que sa marque ROLEX est bien connue partout dans le monde. Pour appuyer ses dires, il a fourni les pièces A à D qui font état d’une promotion et d’un emploi abondants de la marque partout dans le monde (mais pas spécifiquement au Canada). Les documents produits en pièce (compte non tenu de la preuve par ouï-dire des pièces A et B) corroborent généralement les affirmations contenues dans son affidavit.

 

[15]      Au Canada, l’opposante, par l’entremise de sa filiale et distributrice exclusive RCL, emploie sa marque ROLEX en liaison avec des services de magasin de détail et l’exploitation de boutiques à l’intérieur de magasins depuis 1974, et avec des services de réparation et d’entretien (les « services ») de montres depuis 1946. La marque ROLEX figure bien en vue sur les montres de l’opposante (montrées en pièce G) au centre de la moitié supérieure de la face avant de la montre, et est toujours accompagnée d’un dessin de couronne moins prédominant qui figure en position centrale au-dessus de la marque. À toutes les dates pertinentes, l’opposante exerçait un contrôle direct sur les caractéristiques et la qualité des produits distribués et des services offerts par l’entremise de RCL.

 

[16]      M. Royce décrit les activités de vente au détail de l’opposante aux par. 17 à 20 de son affidavit, lesquels sont reproduits ci-dessous [Traduction] :

17. Seules les meilleures bijouteries de vente au détail au Canada sont choisies comme Détaillants Rolex officiels par RCL au nom de l’Opposante. Plusieurs Détaillants Rolex officiels au Canada ont aménagé des boutiques ou des espaces-boutiques à l’intérieur de leurs magasins conformément aux spécifications de l’Opposante pour exposer à la vue des consommateurs et offrir en vente un ou plusieurs des Produits arborant la marque de commerce ROLEX.

 

18. Les Détaillants Rolex officiels qui ont aménagé des boutiques ou des espaces-boutiques à l’intérieur de leurs magasins peuvent également afficher la marque de commerce ROLEX sur la devanture de leurs magasins. Toutes les boutiques et tous les espaces-boutiques aménagés à l’intérieur des magasins des Détaillants Rolex officiels sont clairement identifiés par la marque de commerce ROLEX. Comme pièce « H » sont jointes des photographies de la devanture de certains des magasins exploités par les Détaillants Rolex officiels au Canada ainsi que des boutiques qu’ils contiennent. Cette façon d’afficher la marque de commerce ROLEX dans les boutiques est représentative de l’affichage dans toutes les boutiques exploitées au Canada.

 

19. Comme pièce « I » sont joints des spécimens de factures arborant la marque de commerce ROLEX qui ont été remises par RCL au nom de l’opposante à des Détaillants Rolex officiels au Canada suite à la vente d’un ou plusieurs des Produits à [sic] entre 2005 et 2012. Ces spécimens de factures sont représentatifs de toutes les factures remises aux Détaillants Rolex officiels sollicitant les Services à l’égard d’un ou plusieurs des Produits au Canada.

 

20. Entre 2005 et 2011, RCL et les Détaillants Rolex officiels ont vendu annuellement au Canada, au nom de l’opposante, pour plus de 8 millions de dollars de Produits par le biais des services de vente au détail en liaison avec la marque de commerce ROLEX.

 

[17]      M. Royce décrit les activités de réparation et d’entretien de l’opposante aux par. 21 à 27 de son affidavit, lesquels sont reproduits ci-dessous [Traduction] :

 

21. RCL et/ou les Détaillants Rolex officiels fournissent également des services de réparation et d’entretien après-vente aux clients du Canada à l’égard d’un ou plusieurs des Produits arborant la marque de commerce ROLEX.

 

22. Les clients au Canada disposent d’une garantie internationale qui leur permet d’obtenir sans frais certains services de réparation à l’égard des produits de l’Opposante arborant la marque de commerce ROLEX pendant une période de deux ans suivant la date de leur achat. Comme pièce « J » est joint un spécimen de brochure présentant la garantie dans lequel les services de réparation offerts par l’Opposante ont été surlignés. La brochure arbore la marque de commerce ROLEX et est remise à tous les consommateurs qui achètent un Produit au Canada. Le reste de l’information présentée a été caviardé pour des raisons de confidentialité.

 

23. Outre les services de réparation mentionnés au paragraphe 22 qui sont fournis pendant la période de garantie, l’Opposante offre également aux clients canadiens tous les services de réparation et d’entretien, y compris, mais non exclusivement, des services de révision du mouvement, de calibrage, de nettoyage et de polissage, à l’égard des Produits moyennant des frais.

 

24. Pour se prévaloir de ces services de réparation et d’entretien, dans le cadre de la garantie ou autrement, un client peut soit a) remettre le Produit directement à RCL, soit b) déposer le Produit aux fins de réparation chez un Détaillant Rolex officiel, qui expédiera ensuite le Produit à RCL. RCL est l’entité officiellement autorisée par l’Opposante pour exécuter les services de réparation et d’entretien à l’égard des Produits. L’Opposante contrôle le niveau de qualification que doit posséder chaque réparateur embauché par RCL.

 

25. Sont joints comme pièce « K » des spécimens de formulaires, d’étiquettes et d’estimations des coûts remis à des consommateurs canadiens des Produits qui ont sollicité, directement ou indirectement, des services de réparation et d’entretien auprès de RCL.

 

26. Sont joints comme pièce « L » des spécimens de factures arborant la marque de commerce ROLEX qui ont été remises par RCL à des clients partout au Canada par l’entremise des Détaillants Rolex officiels relativement à des services de réparation et/ou d’entretien au cours des sept dernières années. Des factures similaires sont émises relativement aux services de réparation et/ou d’entretien qui sont fournis directement aux consommateurs canadiens. Ces spécimens de factures sont représentatifs de toutes les factures liées à des services de réparation et/ou d’entretien fournis par RCL au Canada.

 

27. De 2005 à 2011, RCL, directement ou par l’entremise des Détaillants Rolex officiels, a fourni des services après-vente et vendu des pièces et accessoires pour plus de 500 000 $ annuellement à des consommateurs au Canada.

 

[18]      L’opposante fait la promotion de ses produits et services au Canada en liaison avec la marque de commerce ROLEX depuis au moins aussi tôt que 1913. Cette promotion prend différentes formes, notamment la diffusion d’annonces dans divers magazines et journaux qui ont une distribution régionale ou nationale, ou à la télévision; la distribution de catalogues, de brochures et de fiches de renseignements à des clients au Canada; et l’exploitation d’un site Web présentant les produits offerts en vente. Des exemples de la publicité faite par l’opposante sont fournis aux pièces N à P de l’affidavit de M. Royce.

 

[19]      Le témoignage de M. Royce et les documents à l’appui produits en pièce sont suffisants pour me permettre de conclure que, à toutes les dates pertinentes, la marque ROLEX de l’opposante avait acquis en liaison avec des montres une réputation significative au Canada, et une réputation moindre en liaison avec les services connexes de réparation et d’entretien. Cependant, au vu de la preuve dont je dispose, il m’est impossible d’admettre la thèse de l’opposante selon laquelle sa marque ROLEX était [Traduction] « célèbre » au Canada.

 

Preuve de la requérante

James Haggerty

[20]      M. Haggerty atteste qu’il est un recherchiste en marques de commerce à l’emploi du cabinet qui représente la requérante. Il a effectué une recherche informatisée dans le registre des marques de commerce, qui est tenu à jour par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (dont relève également la présente Commission), afin de repérer les enregistrements de marques comprenant l’élément ROLL ou ROL pour emploi en liaison avec des produits liés à des rouleaux. Les résultats de sa recherche, qui a révélé 33 marques, sont joints en liasse comme pièce A à son affidavit.

 

[21]      La requérante présente un résumé de la pièce A au par. 20 de son plaidoyer écrit. Après examen du par. 20, je souligne que la plupart des marques sont inscrites au nom de propriétaires différents. Les marques déposées comprennent, à titre d’exemple, ROL-TEK en liaison avec des rouleaux applicateurs; ROLL-A-DECK en liaison avec des plateformes roulantes; ROLLMAX en liaison avec des accessoires enrouleurs pour moissonneuse; et ROL-LOC en liaison avec un film étirable pour l’arrimage. La preuve de l’état du registre fournie par la requérante indique qu’il n’est pas inhabituel pour des commerçants de choisir des marques comprenant le terme ROL ou ROLL pour emploi en liaison avec des produits et/ou services qui ont rapport au nom ou au verbe « roll » [rouleau; roulement; rouler].

 

Motifs d’opposition fondés sur l’art. 30

[22]      Je souscris aux observations que présente la requérante aux par. 24 à 29 en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur l’art. 30 [Traduction] :

 

[24] L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’Article 30a) de la Loi en ce que « l’état déclaratif des marchandises contenu dans la demande n’est pas dressé dans les termes ordinaires du commerce, comme l’exige l’art. 30a), et est ambigu et vague ».

 

[25] L’Opposante allègue également que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la marque de commerce annoncée au Canada, soit elle-même ou par l’entremise d’un licencié, soit elle-même et par l’entremise d’un licencié, à la date de production de la demande. Subsidiairement, l’Opposante allègue que la Requérante a employé la marque au Canada en liaison avec les marchandises énumérées dans la demande avant la date de priorité conventionnelle et avant la date de production de la demande, en contravention de l’Article 30e).

 

[26] Aucune de ces allégations n’est corroborée par la preuve de l’Opposante. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve et les motifs d’opposition fondés sur les art. 30a) et 30e) doivent être rejetés.

 

[27] L’Opposante allègue également que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’art. 30i) de la Loi parce que :

 

...l’Opposante avait déjà employé la Marque de l’Opposante au Canada en liaison avec les services indiqués à l’Annexe A, à la date de priorité conventionnelle et à la date de production de la demande no 1,502,741. À la date de la demande, et à toutes les dates pertinentes, une recherche dans le Registre des marques de commerce aurait permis de repérer la Marque de l’Opposante qui est invoquée dans la présente procédure et, en tout état de cause, la Requérante avait parfaitement connaissance de l’emploi que faisait l’Opposante de sa marque ROLEX au Canada et à l’étranger et ne pouvait pas, par conséquent, être convaincue, au titre de l’art. 30i), de son droit d’employer la marque visée par la demande.

 

[28] Ce motif, tel qu’il est plaidé, ne constitue pas un motif d’opposition adéquat. Le simple fait que la Requérante puisse avoir eu connaissance de l’existence de la marque de commerce ROLEX de l’Opposante au moment où la demande pour sa marque a été produite ne l’empêchait pas de faire, dans sa demande, la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi.

 

[29] Même si le motif avait été adéquatement plaidé, lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’art. 30i), un motif d’opposition fondé sur l’art. 30i) ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi. Il n’y a pas la moindre preuve de cette nature en l’espèce. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) doit être rejeté.

 

[23]      Les motifs d’opposition fondés sur l’art. 30 sont rejetés. Les autres motifs, comme je l’ai indiqué précédemment, sont liés à la question de la confusion, dont je traite dans les paragraphes qui suivent.

 

Évaluation de la confusion - Examen des facteurs énoncés à l’art. 6(5)

Facteurs 1 et 2 – le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis; la période d’usage

[24]      La marque ROLEX de l’opposante possède un caractère distinctif fort parce que i) elle est constituée d’un mot inventé et ii) ce mot n’a aucune connotation qui le relie aux montres ou aux services de réparation de montres. La marque ROLEX avait également acquis, à toutes les dates pertinentes, un caractère distinctif substantiel à la suite de ventes et d’activités de promotion au Canada. L’opposante emploie sa marque ROLEX au Canada depuis au moins 1974 en liaison avec des ventes au détail de montres, et depuis au moins 1946 en liaison avec des services de réparation de montres.

 

[25]      En revanche, la marque ROLL-X visée par la demande a un caractère distinctif inhérent plutôt faible parce que i) le préfixe ROLL est un mot du dictionnaire, ii) le suffixe X n’est qu’une simple lettre de l’alphabet, et iii) le terme ROLL-X est suggestif des produits de la requérante parce que le préfixe ROLL est lié aux produits de la requérante. Ma conclusion selon laquelle la marque ROLL-X possède un caractère distinctif inhérent plutôt faible concorde avec la preuve de l’état du registre présentée par M. Haggerty : voir le par. 21, ci-dessus.

 

[26]      La présente demande a été produite le 5 novembre 2010 sur la base d’un emploi projeté au Canada et la requérante n’a pas démontré que sa marque était en usage au Canada à une quelconque date pertinente.

 

[27]      En conséquence, les premier et deuxième facteurs favorisent fortement l’opposante. Cependant, comme je l’ai souligné précédemment, les facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids - le poids qu’il convient d’accorder à chacun varie en fonction des circonstances de chaque affaire.

 

Facteurs 3 et 4 – le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce

[28]      Je souscris pour l’essentiel aux observations que présente la requérante aux par. 39 et 40 de son plaidoyer écrit en ce qui concerne les troisième et quatrième facteurs [Traduction] :

 

[39] La marque de la Requérante est destinée à être employée en [sic] avec des « rouleaux pour pelliculeuses à usage industriel, rouleaux de pellicule pour pelliculeuses à usage industriel », tandis que la marque de l’Opposante est employée en liaison avec des « services de magasins de détail, nommément l’exploitation de boutiques à l’intérieur de magasins, nommément des magasins de vente au détail de bijoux [sic] et de montres, et des services au point de vente à l’égard de bijoux [sic], de montres et d’horloges et de produits entrant dans la fabrication des montres » et des « services de réparation, de révision du mouvement, de calibrage, d’entretien, de nettoyage et de polissage de bijoux[sic], de montres, d’horloges et de pièces et d’accessoires connexes ». Il est clair qu’il n’y a aucun recoupement dans le genre des marchandises et services des parties.

 

[40] D’après la preuve au dossier, les commerces des parties sont également d’une nature distincte. Les produits de l’Opposante sont vendus au grand public par l’entremise de ses Détaillants Rolex officiels qui sont considérés comme étant « les meilleures bijouteries au Canada ». Il est clair que les « rouleaux pour pelliculeuses à usage industriel, rouleaux de pellicule pour pelliculeuses à usage industriel » de la Requérante ne seraient pas vendus au grand public l’entremise des Détaillants Rolex officiels de l’Opposante; on peut plutôt présumer que ces produits seraient vendus à des professionnels de l’industrie.

 

[29]      Les produits et services de l’opposante sont très différents des produits de la requérante et, en l’absence d’une preuve contraire, je n’ai aucune raison de croire que la requérante commercialiserait ses produits par les mêmes voies de commercialisation que l’opposante. Les troisième et quatrième facteurs favorisent fortement la requérante.

 

Facteur 5 – la ressemblance (présentation; son; idées)

[30]      Les marques ROLEX et ROLL-X des parties produisent des impressions visuelles générales substantiellement plus dissemblables que semblables, même si, bien sûr, il existe des similitudes sur le plan visuel. Les marques des parties sont identiques sur le plan phonétique. ROLEX est un mot inventé qui ne suggère aucune idée en particulier, tandis que la marque ROLL-X suggère l’idée de quelque chose de circulaire ou cylindrique. J’estime que, lorsqu’on considère conjointement les trois aspects de la ressemblance, les marques des parties sont substantiellement plus dissemblables que semblables. Le dernier facteur favorise donc la requérante.

 

Jurisprudence

[31]      Bien que j’aie conclu que la marque ROLEX n’est pas célèbre au Canada, je me suis tout de même référé aux affaires Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF) dans lesquelles Mattel et United Artists ont invoqué leurs « célèbres » marques (BARBIE et THE PINK PANTHER, respectivement) pour alléguer la confusion. Dans une affaire comme dans l’autre, la renommée des marques invoquées n’a pas suffi à « éclipser » les autres considérations énoncées à l’art. 6(5). Les allégations de confusion ont été rejetées même s’il existait une forte ressemblance entre les marques en cause.

 

[32]      Dans Mattel, supra, l’opposante a invoqué son emploi de la marque BARBIE en liaison avec des poupées pour alléguer la confusion avec la marque BARBIE’S & Dessin qui était visée par la demande et employée en liaison avec des services de restaurant. La Cour s’est exprimée comme suit relativement à la nature des commerces des parties, aux par. 86 et 87[Traduction] :

 

[86] Les parties empruntent des voies de commercialisation différentes et distinctes à l’intérieur desquelles leurs marchandises et services ne se chevauchent pas. Dans McDonald’s Corp., au par. 32, le juge McKeown souligne que, même si les deux parties vendaient du café, le marché qu’occupe une boutique spécialisée dans le café est différent de celui qu’occupe un restaurantminute (conf. par (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.). Le genre de clients susceptibles d’acheter les marchandises et services respectifs des parties est considéré depuis longtemps comme une circonstance pertinente : General Motors Corp. c. Bellows (1949), 10 C.P.R. 101 aux pp. 116 et 117, [1950] 1 D.L.R. 569; Fox (2002), aux pp. 8-38 à 8-40

 

[87] Dans le présent pourvoi, indépendamment de la grande différence qu’il y a entre eux, les marchandises de l’appelante et les services de l’intimée empruntent des voies de commercialisation différentes et la possibilité accrue de confusion que leur chevauchement à l’intérieur d’une seule voie de commercialisation pourrait entraîner ne pose pas un problème sérieux. (je souligne)

 

[33]      Dans Pink Panther, supra, United Artists a invoqué sa marque THE PINK PANTHER, employée en liaison avec des films, pour alléguer la confusion avec la marque PINK PANTHER, employée en liaison avec des produits de beauté. La Cour a commencé par énoncer une question sous-jacente [Traduction] :

 

[1] Le présent appel porte sur la question de savoir jusqu’où va la protection que la Loi sur les marques de commerce offre aux marques de commerce célèbres lorsqu’elles sont employées en liaison avec des marchandises ou des services totalement différents.

 

[34]      La Cour se penche sur la question de savoir comment des différences entre les produits (anciennement appelés les « marchandises ») des parties peuvent primer sur la renommée d’une marque, aux par. 50 à 52 [Traduction] :

 

[50] Les conclusions du juge de première instance en ce qui a trait aux différences dans le genre de marchandises et la nature du commerce sont exactes. Il a conclu qu’ils étaient tous deux bien différents. Je suis de cet avis, mais j’insisterais davantage sur ces différences. J’estime qu’il a commis une erreur en concluant que les facteurs penchaient autant en faveur de l’intimée que de l’appelante et en donnant gain de cause à United Artists en raison de la notoriété de sa marque. Il ne fait aucun doute que "THE PINK PANTHER" est une marque de commerce célèbre et bien établie. Si elle ne possède pas de caractère distinctif inhérent, elle a certainement acquis un caractère distinctif considérable depuis les quelque trente ans qu’elle fait partie de la culture populaire. Toutefois, il ne s’agit pas de savoir à quel point la marque est célèbre, mais de déterminer s’il existe un risque de confusion, dans l’esprit du consommateur moyen, entre la marque de United Artists et la marque que l’appelante projette d’employer en liaison avec des biens et services déterminés. Il faut répondre à cette question par la négative. Il n’existe pas de probabilité de confusion quant à la source des produits. Le facteur décisif en l’espèce est l’énorme différence qui sépare le genre de marchandises et la nature du commerce. Ce n’est pas un fossé, c’est un abîme.

 

[51] United Artists produit des films. Elle ne fabrique ni ne distribue de produits de beauté. Il n’est guère vraisemblable que les produits de United Artists en viennent à être offerts dans les mêmes commerces que les produits de l’appelante. Les cinémas ou les clubs vidéo ne vendent pas de shampoing. Les salons de beauté ou de coiffure n’offrent pas de vidéocassettes. Ce sont des faits que le juge de première instance a admis, mais il faut les souligner. L’élément sur lequel il n’a pas suffisamment insisté est que non seulement les marchandises sont totalement différentes dans chaque cas, mais qu’en outre il n’existe aucune sorte de lien entre elles. Je le répète, lorsqu’un tel lien n’existe pas, on pourra rarement conclure à la confusion.

 

[52] Il s’agit d’une marque projetée. Cette marque n’a pas encore été réellement utilisée au Canada. Dans tous les cas d’emploi projeté, la probabilité de confusion restera toujours une question hypothétique. . . Ce n’est pas parce que la marque de l’intimée est célèbre qu’il faut automatiquement présumer qu’il y aura confusion. La jurisprudence est claire à ce sujet. On a seulement tendance à la protéger en tenant compte des autres facteurs en cause. Dans les circonstances, si l’on garde à l’esprit que le critère à satisfaire est la probabilité de confusion (et non la possibilité de confusion), je ne vois pas comment la notoriété de la marque peut constituer un atout de commercialisation propre à éliminer complètement les autres facteurs. (je souligne)

 

[35]      De façon similaire, dans Mattel, la Cour a souligné que ni le caractère distinctif acquis d’une marque ni les différences entre les produits et services des parties ne devraient être individuellement considérés comme dominants au point de disposer de la question de la confusion, aux par. 71 et 72 [Traduction] :

 

[71] Dans la mesure où le juge Linden a statué que la différence entre les marchandises ou les services constituera toujours un facteur dominant, je ne suis pas d’accord avec lui, mais compte tenu du rôle et de la fonction des marques de commerce, il s’agira en général d’une considération importante. . . .

 

[72] . . . c’est l’appelante . . . qui cherche à écarter le critère de « toutes les circonstances de l’espèce » dans le cas d’une marque de commerce célèbre et à accorder prépondérance à la notoriété. Je suis d’accord avec l’appelante qu’une différence entre les marchandises ou les services n’est pas fatale, mais la notoriété de la marque de commerce n’est pas décisive non plus. Il faut juger chaque situation en considérant l’ensemble de son contexte factuel. (je souligne)

 

Décision

[36]      En l’espèce, j’ai tenu compte du fait que l’opposante emploie sa marque depuis bien plus longtemps; du fait que la marque ROLEX possède un caractère distinctif inhérent fort alors que la marque ROLL-X possède un caractère distinctif inhérent faible; et que, à toutes les dates pertinentes, la marque ROLEX avait acquis une réputation significative au Canada alors que la marque ROLL-X n’avait acquis aucun caractère distinctif. J’ai également tenu compte du fait qu’il existe une grande différence entre les produits, services et voies de commercialisation des parties, et que les parties occupent des créneaux de marché différents.

 

[37]      Compte tenu de ce qui précède, et des indications contenues dans Mattel et Pink Panther, supra, j’estime que, à toutes les dates pertinentes, la requérante s’est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la marque ROLL-X visée par la demande et la marque ROLEX de l’opposante. Ma conclusion aurait été la même si j’avais admis la thèse de l’opposante selon laquelle sa marque ROLEX était célèbre au Canada à toutes les dates pertinentes. Dans les circonstances de la présente espèce, la renommée prétendue de la marque de l’opposante n’aurait pas éclipsé la différence entre les produits et services des parties.

 

[39]      Compte tenu de ce qui précède, l’opposition est rejetée.

 

[40]      Cette décision est rendue dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’art. 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

______________________________

Myer Herzig, membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2015-03-16

 

COMPARUTIONS

 

Sanjukta Tole                                                                                       POUR L’OPPOSANTE

 

Michael O’Neill                                                                                   POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Sim & McBurney                                                                                 POUR L’OPPOSANTE

 

Gowling WLG (Canada) LLP                                                             POUR LA REQUÉRANTE

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