Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 186

Date de la décision : 2010-10-27

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Avon Products à l’encontre de la demande d’enregistrement nº 1193234 pour la marque de commerce MesmorEyes au nom de Farleyco Marketing Inc.

 

 

 

La procédure

[1]               Le 9 octobre 2003, Farleyco Marketing Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement portant le numéro 1193234 à l’égard de la marque de commerce MesmorEyes (la Marque), fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

Produits de beauté pour les yeux, nommément faux cils à la mode, faux cils individuels, recourbe‑cils, tampons démaquillants pour les yeux, produits dépilatoires pour sourcils, colorants à sourcils, colorants à cils, crayons pour épaissir les cils (les Marchandises).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition au Journal des marques de commerce du 29 septembre 2004. Le 28 février 2005, Avon Products, Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition, qu’elle a ensuite modifiée. Le 18 avril 2005, la Requérante a produit une contre‑déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition avancés dans la déclaration d’opposition modifiée, qui sont énumérés ci‑dessous.

[3]               L’Opposante a produit l’affidavit de Dominique Lebel et la Requérante a produit l’affidavit de Patricia Farley‑Pope, qui a fait l’objet d’un contre‑interrogatoire dont la transcription a été versée au dossier. L’Opposante a produit en réponse l’affidavit de Micheal Ryan.

[4]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et ont été représentées à l’audience.

Les motifs d’opposition

[5]               Les motifs d’opposition invoqués dans la déclaration d’opposition modifiée sont les suivants :

1.      La demande ne satisfait pas aux dispositions de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), en ce que la Requérante, elle‑même ou par l’entremise d’un licencié, ou elle‑même et par l’entremise d’un licencié, n’avait pas véritablement l’intention d’employer la Marque à la date de la production de la demande et n’a pas véritablement l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec tout ou partie des marchandises visées par la demande.

2.      La demande ne satisfait pas aux dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait affirmer être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises du fait qu’à la date de la production de la demande, la Requérante connaissait, ou aurait dû connaître la marque de commerce MESMERIZE (nº d’enregistrement LMC442464) de l’Opposante et l’emploi antérieur continu des marques de commerce de l’Opposante MESMERIZE, MESMERIZE FOR MEN et MESMERIZE FOR HER (collectivement désignées les marques de commerce MESMERIZE de l’Opposante).

3.      La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce antérieurement déposées de l’Opposante MESMERIZE, sous le nº d’enregistrement LMC442464, et MESMERIZE FOR MEN, sous le nº d’enregistrement LMC635139.

4.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi du fait qu’au cours de la période pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante MESMERIZE antérieurement employées.

5.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’alinéa 16(3)b) de la Loi du fait qu’au cours de la période pertinente, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante, qui avait fait l’objet d’une demande d’enregistrement antérieurement produite au Canada le 30 mars 1992 par l’Opposante sous le nº701873. La demande de l’Opposante à l’égard de MESMERIZE a fait l’objet d’un enregistrement le 5 mai 1995 sous le nº LMC442464 et n’était pas abandonnée au 29 septembre 2004, date d’annonce de la Marque.

6.      La Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas véritablement, n’était pas adaptée à distinguer et n’est pas apte à distinguer les Marchandises des marchandises d’autres propriétaires, en particulier des marchandises de l’Opposante en liaison avec lesquelles l’Opposante a employé et continue d’employer ses marques de commerce MESMERIZE au Canada. L’Opposante affirme, et estime avéré, qu’en raison de l’emploi continu au Canada de ses marques de commerce MESMERIZE, la Marque ne peut servir à distinguer la Requérante.

La question préliminaire

[6]               Il s’est produit une situation inhabituelle au cours de la procédure d’opposition. Comme je l’ai déjà dit, l’Opposante a produit l’affidavit de Mme Lebel, directrice des Affaires juridiques et générales d’Avon Canada Inc., filiale canadienne de l’Opposante. Le registraire a rendu une ordonnance autorisant le contre‑interrogatoire de Mme Lebel. Par lettre datée du 30 août 2006, la Requérante a informé le registraire que Mme Lebel n’était pas disponible pour un contre‑interrogatoire, car elle était alors en congé, et que les parties avaient convenu qu’un [traduction] « nouvel auteur d’affidavit », Colleen Leithman, secrétaire générale d’Avon Canada Inc. depuis 1997, endosserait les déclarations souscrites sous serment de Mme Lebel et serait contre‑interrogée à sa place.

[7]               Le 4 octobre 2006, Mme Leithman a été « contre‑interrogée » par la Requérante. Au début du contre‑interrogatoire, l’avocat de l’Opposante a fait la déclaration suivante :

[traduction] L’affidavit dont est saisi le témoin a été souscrit par Dominique Lebel le 14 novembre 2005.

Le témoin, Colleen Leithman, endosse comme siennes et véridiques les déclarations contenues dans l’affidavit. Me Leithman est conseillère juridique d’Avon et secrétaire générale d’Avon Canada depuis janvier 1997.

[8]               Au terme de ces observations liminaires, l’avocat de l’Opposante a confirmé qu’il se fondait sur l’adoption par Me Leithman de l’affidavit de Mme Lebel, considérant cet affidavit comme le témoignage de l’Opposante dans la procédure et comme s’il avait été souscrit à l’origine par Me Leithman.

[9]               En règle générale, dans le cas où un témoin n’est plus disponible, la partie visée demande l’autorisation de produire comme élément de preuve supplémentaire un affidavit d’un autre témoin, habituellement identique à celui qui a déjà été produit, et demande que l’ordonnance du registraire autorisant le contre‑interrogatoire du témoin antérieur s’applique au témoin de remplacement. L’affidavit du témoin antérieur est alors retourné à la partie qui l’a produit, conformément aux dispositions du paragraphe 44(5) du Règlement sur les marques de commerce.

[10]           Dans les circonstances, Me Leithman n’a pas produit d’affidavit et l’affidavit portant la signature de Mme Lebel fait toujours partie du dossier. J’ai soulevé la question à l’ouverture de l’audience et demandé aux parties, qui ont convenu de procéder de cette façon, si je pouvais en fait accepter comme éléments du dossier l’affidavit de Mme Lebel ainsi que la transcription du « contre‑interrogatoire » de Me Leithman. J’ai invité les parties à présenter des observations écrites supplémentaires sur cette question et les deux parties ont convenu de procéder de cette façon.

[11]           L’Opposante a porté à mon attention une décision du protonotaire de la Cour fédérale, Nedship Bank N.V. c. Le « Zoodotis » (2000), 2000 CarswellNat 1238, dans laquelle une situation analogue s’était produite dans une procédure visant à établir l’ordre de priorité relatif au produit de la vente d’un navire.

[12]           L’énoncé de pratique concernant la procédure d’opposition en vigueur au 31 mars 2009 indique, au chapitre VI intitulé « Preuve » : « Lorsque les parties conviennent qu’une forme particulière de preuve devrait être acceptée, le registraire sera habituellement disposé à l’accepter. » En l’espèce, les parties ont convenu que Me Leithman endosserait toutes les déclarations de Mme Lebel dans son affidavit et serait contre‑interrogée comme si elle était la personne ayant souscrit l’affidavit signé par Mme Lebel.

[13]           Vu que la Requérante ne s’est pas opposée à cette façon de procéder et que les parties ont traité le dossier comme si ces éléments de la preuve en faisaient partie, je considère ‑ en dépit du caractère vraiment exceptionnel de la situation ‑ que la transcription du contre‑interrogatoire de Me Leithman et l’affidavit de Mme Lebel font partie du dossier.

Le fardeau de la preuve dans la procédure d’opposition aux marques de commerce

[14]           Le fardeau d'établir que sa demande satisfait aux dispositions de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l'Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d'opposition. Une fois que l'Opposante s'est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d'opposition particuliers ne devraient pas empêcher l'enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325, John Labatt Ltd. c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company [2005] C.F. 722].

Les dates pertinentes

[15]           La date pertinente pour l’analyse des motifs d’opposition varie selon le motif d’opposition particulier à apprécier.

  Non‑conformité aux dispositions de l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande (le 9 octobre 2003);

  Enregistrabilité de la Marque en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire : voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 à la page 424 (C.A.F.)];

  Droit à l’enregistrement de la Marque, dans le cas où la demande est fondée sur l’emploi projeté : la date de production de la demande (le 9 octobre 2003) [voir le paragraphe 16(3) de la Loi];

  Caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition (le 28 février 2005) est généralement acceptée comme la date pertinente [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la page 130 (C.A.F.) et la décision Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

Les motifs d’opposition rejetés sommairement

[16]           L’Opposante doit s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de son allégation de non‑conformité aux dispositions de l’alinéa 30e) de la Loi. L’Opposante invoque deux arguments à l’appui de ce motif d’opposition. Premièrement, l’Opposante fait valoir que la preuve établit que, deux ans après le lancement de sa gamme de produits sous la Marque, la Requérante n’avait pas encore mis sur le marché les marchandises suivantes en liaison avec la Marque : tampons démaquillants pour les yeux, produits dépilatoires pour sourcils, colorants à sourcils, colorants à cils, crayons pour épaissir les cils. Deuxièmement, compte tenu du déclin des ventes des Marchandises au cours des dernières années, la Requérante a décidé de recourir à une marque de distributeur pour répondre à la demande de sa clientèle.

[17]           S’agissant du premier argument, la demande a été produite sur le fondement de l’emploi projeté. Le fait que la Requérante n’avait pas encore mis sur le marché certaines des Marchandises n’implique pas qu’elle n’avait pas l’intention d’employer la Marque en liaison avec ces marchandises. S’agissant du second argument, malgré le déclin dans la vente des produits portant la Marque, les ventes enregistrées ont néanmoins dépassé 181 000 $ sur une partie de 2007, l’affidavit de Mme Farley‑Pope ayant été signé en octobre 2007. Je n’associe pas un tel volume de ventes à l’intention de ne pas faire emploi de la Marque. Le premier motif d’opposition est donc rejeté.

[18]           S’agissant du deuxième motif d’opposition, la Requérante a produit la déclaration exigée à l’alinéa 30i) de la Loi portant qu’elle était convaincue d’avoir droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les Marchandises. Pour étayer ce motif d’opposition, l’Opposante soutient que la preuve établit qu’elle a fait un emploi étendu de sa marque de commerce MESMERIZE depuis au moins 1995, que cette marque de commerce a été enregistrée le 5 mai 1995 et qu’elle est donc accessible à l’inspection du public sur la base de données en ligne de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. Enfin, l’Opposante soutient que la Requérante connaissait l’Opposante, mais ne s’est pas préoccupée de ce que cette dernière vendait par la voie de ses catalogues ou en ligne.

[19]           Le fait que la Requérante connaissait l’Opposante (par opposition aux produits de l’Opposante) ne signifie pas que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’enregistrer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises. En effet, au cours du contre‑interrogatoire de Mme Farley Pope, celle‑ci a dit n’avoir eu connaissance des produits de l’Opposante ainsi que du contenu de ses catalogues et de son site Web qu’après le début de la présente procédure d’opposition. Même si elle avait connu les produits de l’Opposante et l’enregistrement de la marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante, la Requérante pouvait toujours affirmer en toute bonne foi qu’elle avait droit d’enregistrer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises.

[20]           Normalement, ce motif d’opposition est retenu dans le cas où des circonstances exceptionnelles sont établies, notamment si la preuve établit la mauvaise foi de la Requérante [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. Le dossier ne comporte aucun élément de preuve de cette nature. Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est également rejeté.

[21]           Pour s’acquitter du fardeau initial qui lui incombe à l’égard du cinquième motif d’opposition, l’Opposante doit établir qu’elle avait antérieurement produit une demande et que cette demande était toujours pendante à la date de l’annonce de la présente demande (le 29 septembre 2004) [voir le paragraphe 16(4) de la Loi]. La demande n° 701873 a été produite le 30 mars 1992 et a fait l’objet d’un enregistrement le 5 mai 1995 sous le numéro d’enregistrement LMC442464. Par conséquent, elle n’était plus pendante à l’annonce de la présente demande [voir Hudson's Bay Co. c. Kmart Canada Ltd./Kmart Canada Limitée (1997), 76 C.P.R. (3d) 526].

[22]           J’ai également constaté que Mme Lebel, dans son affidavit, a bien joint un exemplaire de la demande n° 1239972, produite le 8 décembre 2004. Cette demande n’a pas été mentionnée dans la déclaration d’opposition et, de toute façon, a été produite après la production de la demande de la Requérante. Je ne la prendrai donc pas en considération.

[23]           Pour tous ces motifs, le cinquième motif d’opposition est rejeté lui aussi.

L’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’alinéa 12(1)d)

[24]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en produisant, par la voie de l’affidavit de Mme Lebel, la photocopie d’un extrait de la base de données sur les marques de commerce canadiennes de l’OPIC visant l’enregistrement LMC442464 à l’égard de la marque de commerce MESMERIZE et l’enregistrement LMC635139 à l’égard de la marque de commerce MESMERIZE FOR MEN. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre. Je puis confirmer que ces enregistrements sont toujours en vigueur.

[25]           L’enregistrement LMC442464 de la marque de commerce MESMERIZE vise le parfum pour femme, nommément déodorant à bille, talc, crème parfumée, lotion, produit pour le corps en vaporisateur, gel pour le bain et la douche tandis que l’enregistrement LMC635139 de la marque de commerce MESMERIZE FOR MEN vise le savon sur corde, l’eau de Cologne, le savon liquide pour les cheveux et le corps, le talc, le désodorisant/antitranspirant personnel ainsi que le baume et la lotion après‑rasage.

[26]           Je dois décider, selon la prépondérance des probabilités, s’il existe un risque de confusion entre la Marque et les marques de commerce déposées de l’Opposante MESMERIZE et MESMERIZE FOR MEN. J’estime que l’argumentation la plus solide de l’Opposante porte sur l’enregistrement LMC442464, compte tenu de la marque de commerce et des marchandises visées par l’enregistrement.

[27]           Le test applicable pour décider s’il existe un risque de confusion entre les marques de commerce des parties est exposé au paragraphe 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées par la même personne, que ces marchandises soient ou non de la même catégorie générale. Dans cette appréciation, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles qui sont prévues au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre des marchandises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Je renvoie à l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, de la Cour suprême du Canada pour l’analyse de ces critères.

[28]           La marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante est un terme courant de la langue anglaise. Monsieur Ryan était stagiaire en droit au moment où il a souscrit son affidavit. Il a produit des extraits de divers dictionnaires anglais pour la définition du mot « mesmerize ». Je me référerai seulement au Canadian Oxford Dictionary, qui définit « mesmerize » dans les termes suivants : [traduction] « 1. Fasciner, saisir, envoûter. 2. Psych. Hypnotiser. »

[29]           Au cours de son contre‑interrogatoire, Me Leithman a reconnu que l’emploi de la marque de commerce MESMERIZE en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement vise à à suggérer aux clients de l’Opposante que l’usage de ces produits parfumés pourrait hypnotiser d’autres personnes.

[30]           S’agissant de la Marque, elle est un mot forgé, malgré sa ressemblance phonétique avec le mot « mesmerize ». Elle s’écrit également avec un E majuscule, ce qui se trouve à faire ressortir d’une certaine façon le mot « eyes ». La Marque possède donc de ce fait un caractère distinctif inhérent plus marqué que la marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante.

[31]           Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accentué par l’emploi ou par l’importance de sa promotion au Canada. Je résumerai maintenant la preuve produite par les deux parties au sujet de l’emploi de leurs marques de commerce respectives.

[32]           Madame Lebel était employée par Avon Canada Inc. au moment où elle a souscrit son affidavit. Elle explique qu’Avon Canada Inc. est la filiale et la licenciée au Canada de l’Opposante. Elle fournit des renseignements généraux sur l’Opposante, qui exerce son activité et vend des produits au Canada depuis 1924. La publicité des produits de l’Opposante passe principalement par la distribution de catalogues par plus de 60 000 représentantes commerciales d’Avon et aussi par le site Web d’Avon Canada Inc. Madame Lebel fournit les dépenses annuelles de publicité et de promotion des produits annoncés dans les catalogues d’Avon depuis 1997, mais sans ventilation par marque de commerce. Elle présente aussi une ventilation annuelle du nombre de catalogues d’Avon distribués au Canada depuis 1997, qui représente plus de 32 millions de dollars par an entre 1997 et 2004.

[33]           Des échantillons des catalogues distribués chaque année de 1997 à 2005 (pièces D à L inclusivement) ont été produits. Les articles suivants ont été annoncés en liaison avec la marque de commerce MESMERIZE :

Pièce D (1997) : vaporisateur d’eau de Cologne, lotion pour le corps, gel pour le bain et la douche, huile parfumée, désodorisant, talc parfumé, crème pour le corps, émollient parfumé pour la peau, baume parfumé, huile pour le corps en vaporisateur;

Pièce E (1998) : huile parfumée pour le corps en vaporisateur, lotion pour le corps, vaporisateur d’eau de Cologne, désodorisant, gel pour le bain et la douche, talc parfumé, crème pour le corps;

Pièce F (1999) : gel pour le bain et la douche, crème pour le corps, désodorisant, lotion pour le corps, huile pour le corps en vaporisateur, talc parfumé, vaporisateur d’eau de Cologne, baume parfumé, cristaux parfumés pour le bain, bougie parfumée, gel pour le bain et la douche;

Pièce G (2000) : vaporisateur d’eau de Cologne, désodorisant, talc parfumé, gel pour le bain et la douche, crème pour le corps, émollient parfumé pour la peau, produits rafraîchissants en vaporisateur, cristaux parfumés pour le bain, lotion pour le corps, bougie parfumée;

Pièce H (2001) : gel pour le bain et la douche, lotion pour le corps, désodorisant, vaporisateur d’eau de Cologne, talc parfumé, émollient parfumé pour la peau, produits rafraîchissants en vaporisateur, talc parfumé, parfum bille, crème pour le corps;

Pièce I (2002) : émollient parfumé pour la peau, vaporisateur d’eau de Cologne, lotion pour le corps, parfum bille, désodorisant, crème pour le corps, talc parfumé, produits rafraîchissants en vaporisateur, gel pour le bain et la douche;

Pièce J (2003) : vaporisateur d’eau de Cologne, désodorisant, gel pour le bain et la douche, talc parfumé, émollient parfumé pour la peau et poudre pour le corps.

[34]           En ce qui concerne les catalogues des années 2004 et 2005 (pièces K et L), aucun produit n’y est offert à la vente en liaison avec la marque de commerce MESMERIZE. Toutefois, on y trouve des produits offerts à la vente en liaison avec la marque de commerce MESMERIZE FOR MEN, notamment de l’eau de Cologne en vaporisateur, de la lotion après‑rasage et du savon sur corde.

[35]           Au cours de son contre‑interrogatoire, Me Leithman a admis qu’aucun produit pour femme portant la marque de commerce MESMERIZE n’a été annoncé dans les catalogues ou sur le site Web de l’Opposante depuis 2004. Cependant, elle a déclaré que des produits portant la marque de commerce MESMERIZE figurent encore sur les bons de commande utilisés par les représentantes commerciales d’Avon. Des ventes de ces produits ont été enregistrées en 2004 et en 2005, comme l’attestent des factures datées du 10 mars 2004 (émollient pour la peau), du 26 juillet 2004 (eau de Cologne en vaporisateur) et du 21 septembre 2005 (produit pour le corps en vaporisateur) qui font partie de la pièce N de l’affidavit de Mme Lebel.

[36]           Madame Farley‑Pope est la présidente de la Requérante depuis mai 1989. Elle donne des renseignements détaillés sur ses antécédents professionnels qui indiquent son activité dans le secteur des cosmétiques et des produits de soins de santé depuis 1974. Elle explique que la Requérante est un distributeur et un bureau de vente canadien de cosmétiques et de produits de soins de santé depuis 1989. La Requérante vend des produits sous sa propre marque, notamment sous la Marque.

[37]           La Requérante a commencé à vendre des produits en liaison avec la Marque en décembre 2003. Les produits actuellement vendus sous la Marque sont notamment les suivants : faux cils en franges, faux cils séparés, recourbe-cils, colle à faux cils, dissolvant de colle à faux cils, faux cils et colle en trousse et faux cils d’Halloween (ci‑après désignés sous le terme les Produits pour les distinguer des Marchandises). La Marque est imprimée sur l’emballage de ces produits, comme l’attestent des photos produites par Mme Farley‑Pope de certains Produits et de leur emballage.

[38]           Les Produits portant la Marque sont annoncés en ligne aux détaillants et aux consommateurs sur le site Web de la Requérante. Madame Farley‑Pope  a produit une copie d’une page Web du site Web de la Requérante sur laquelle ces produits sont annoncés. Les Produits sont aussi annoncés régulièrement à l’intérieur des magasins sur des présentoirs sur pied et des panneaux d’exposition. Elle a produit des photos de présentoirs et de panneaux sur lesquels apparaît la Marque. Enfin, les Produits sont également annoncés aux consommateurs dans des circulaires dont la production et la distribution sont destinées aux détaillants qui vendent les Produits. Elle a produit des exemplaires de ces circulaires sur lesquels la Marque figure en liaison avec certains des Produits.

[39]           Elle n’a pas été en mesure de fournir des chiffres de ventes des Produits portant la Marque pour 2003 et 2004 du fait que ces données étaient archivées au moment où elle a signé son affidavit. Mais elle a communiqué ces chiffres pour les années 2005 à 2007 inclusivement; ils excèdent 180 000 $ par an. Au cours de son contre‑interrogatoire, elle a dit que les ventes des Produits portant la Marque au Canada en 2004 seraient de l’ordre de 250 000 $. Elle a produit des échantillons de factures (la plus ancienne remontant à décembre 2006) qui attestent la vente des Produits au Canada en liaison avec la Marque.

[40]           Or la preuve versée au dossier établit un emploi important de la marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante de 1997 à 2003 inclusivement, en liaison avec divers parfums et articles de toilette pour femme, et d’un emploi plutôt symbolique de cette marque de commerce en liaison avec ces produits au Canada depuis 2004. Par ailleurs, la Marque a été employée au Canada en liaison avec certaines des Marchandises depuis 2004.

[41]           Je conclus sur le fondement de cette preuve que le premier facteur du paragraphe 6(5) de la Loi est légèrement favorable à la Requérante. La Marque possède un caractère distinctif inhérent plus marqué que celui de la marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante. De plus, la Marque de la Requérante est devenue connue dans une certaine mesure en raison de son emploi depuis 2004. S’agissant de l’emploi de la marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante, la réputation qu’elle a pu acquérir entre 1997 et 2003 par son emploi en liaison avec le parfum et les articles de toilette pour femme s’est atténuée depuis en raison de son emploi symbolique et de l’absence de promotion depuis 2004 en liaison avec ces marchandises.

[42]           L’Opposante a employé la marque de commerce MESMERIZE depuis au moins 1997. La Requérante a fait usage de la Marque depuis décembre 2003. Ce facteur joue en faveur de l’Opposante.

[43]           Le troisième facteur à prendre en compte est le genre des marchandises associées aux marques de commerce respectives des parties. La marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante est enregistrée en liaison avec du parfum pour femme alors que les Marchandises faisant l’objet de la présente demande sont des produits de beauté pour les yeux. Les marchandises des deux genres s’adressent aux femmes. Je tiens à souligner que la Requérante fait valoir dans son plaidoyer écrit que les marchandises actuelles de l’Opposante associées à la marque de commerce MESMERIZE FOR MEN s’adressent aux hommes. Toutefois, s’agissant d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), je dois comparer les Marchandises à celles qui font l’objet du certificat d’enregistrement LMC442464. Je considère que les marchandises des parties tombent dans le genre des produits de beauté pour femme. Ce facteur joue en faveur de l’Opposante.

[44]           S’agissant des voies commerciales, certaines des Marchandises actuellement commercialisées sont vendues dans des chaînes de pharmacies telles que London Drugs, Shoppers Drug Mart, Value Drug Mart, Pharmasave, Jean Coutu, Uniprix et Familiprix ainsi que dans des commerces au détail comme Wal-Mart, Loblaws et Zellers.

[45]           Les marchandises de l’Opposante sont principalement offertes à la vente et vendues par commandes placées auprès des représentantes commerciales et par commandes en ligne.

[46]           Dans son affidavit, Mme Farley‑Pope déclare que dans les pharmacies au détail, les parfums sont affichés ensemble et souvent placés sous clé dans des vitrines en raison de leur prix élevé, alors que les faux cils et les produits adhésifs connexes sont des produits en libre‑service, c’est‑à‑dire des produits dont les consommateurs peuvent toucher et examiner l’emballage sans aide. Ces produits sont généralement présentés à côté des cosmétiques pour le visage et des produits de soin des ongles. Pour appuyer cette allégation Mme Farley‑Pope a produit des photos prises dans deux pharmacies. Au cours de son contre‑interrogatoire, elle a mentionné que les présentoirs sur pied destinés aux faux cils pouvaient être très proches des produits de soin de la peau. Toutefois, elle a affirmé que cela s’expliquait seulement par le fait que ces panneaux de présentation étaient généralement placés, sans motif particulier, à la fin ou au début d’une allée où se trouvent les produits de soin de la peau. Les produits de soin de la peau sont habituellement placés dans une allée, et les cosmétiques dans une allée différente.

[47]           Comme l’a souligné l’Opposante, dans l’une des annonces produites par la Requérante, à la pièce E de l’affidavit de Mme Farley-Pope qui est une circulaire de la pharmacie Pharmasave, du parfum et des faux cils de la Requérante sont annoncés sur la même page.

[48]           À partir de ces faits, les deux parties ont chacune fait valoir que les résultats de l’analyse de ce critère devraient jouer en faveur de leur thèse respective. Il convient de se rappeler que l’objet de la comparaison porte sur les voies commerciales normales qui seraient empruntées par la Requérante pour les Marchandises par rapport à celles que l’Opposante emprunterait pour les marchandises énumérées dans son enregistrement.

[49]           Dans la décision Culinar Inc. c. Mountain Chocolates Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 251, le registraire a déclaré ce qui suit :

Pour évaluer le risque de confusion entre des marques de commerce en fonction d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), le registraire doit tenir compte des canaux de distribution qui pourraient normalement être associés aux marchandises énumérées dans la demande de la requérante et dans l’enregistrement de l’opposante, étant donné que c’est l’état déclaratif des marchandises figurant respectivement dans la demande et dans l’enregistrement qui détermine l’étendue du monopole revendiqué par les parties à l’égard de leurs marques [voir M. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., 19 C.P.R. (3d) 3, pp. 10‑12 (CAF)]. Ainsi, en l’absence d’une restriction dans l’état déclaratif des marchandises fourni dans la présente demande pour ce qui est des canaux de distribution associés aux marchandises de la requérante, le registraire, dans son appréciation de la question de la confusion, ne peut prendre en compte le fait que la requérante écoule peut‑être ses marchandises seulement par un circuit de distribution particulier, tel que ses propres magasins de détail [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc., 2 C.P.R. (3d) 361, p. 372 (SPICFD.), 12 C.P.R. (3d) 110, p. 112 (CAF)]. En conséquence, dans la présente opposition, ni la demande de la requérante ni l’enregistrement de l’opposante ne limite les canaux de distribution associés à leurs marchandises respectives. Cependant, les états déclaratifs des marchandises doivent être interprétés en vue de déterminer la nature probable du commerce envisagée par les parties, plutôt que tous les commerces susceptibles d’être visés par le libellé. À cet égard, la preuve des commerces réels des parties est utile [voir McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd., 68 C.P.R. (3d) 168, p. 169 (CAF)].

[50]           Lorsque j’applique ces principes à l’espèce, je conclus à l’existence d’un certain chevauchement des voies commerciales. Rien dans l’enregistrement de l’Opposante ne restreint la vente de ses marchandise par ses propres agents et catalogues et par son site Web. Je fais remarquer qu’on a établi un chevauchement potentiel des voies commerciales, tel qu’il appert de la circulaire de Pharmasave et en ce qui concerne les ventes sur l’Internet. Ce facteur milite en faveur de l’Opposante.

[51]           Le degré de ressemblance entre les deux marques de commerce est l’un des critères les plus importants pour l’appréciation du risque de confusion entre les marques [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Lsd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145]. On doit considérer les marques dans leur ensemble et ne pas séparer chacune en ses composantes. Il faut aussi avoir à l’esprit le test applicable, qui est celui du souvenir imparfait du consommateur ordinaire à l’égard de la marque de commerce de l’Opposante lorsqu’il se trouve en présence des Marchandises portant la Marque. Cette personne, à sa première impression, penserait‑elle que les Marchandises proviennent de l’Opposante?

[52]           Il y a incontestablement une ressemblance dans la prononciation des marques en litige. Madame Farley‑Pope a dit, au cours de son contre‑interrogatoire, que la Requérante avait créé la Marque en souhaitant que le jeu de mots incite les consommateurs à avoir une belle image, une image ensorcelante d’eux‑mêmes. Il y a donc également une ressemblance dans les idées que suggèrent les marques des parties. Enfin, la première partie des deux marques est identique.

[53]           Comme circonstance supplémentaire en l’espèce, la Requérante soutient que la présentation ou le mode d’emballage des Marchandises et, par voie de conséquence, la façon dont la Marque est présentée au public, sont une considération importante dans l’appréciation du risque de confusion. La Requérante s’appuie sur la présentation de son emballage, où la Marque est affichée dans une police cursive oblique, typiquement accompagnée d’une grande photo des yeux ou du visage d’une femme. La Requérante souligne que la Marque comprend la majuscule « E », qui fait ressortir le mot « Eyes ».

[54]           Rien ne garantit que cette forme d’emballage sera toujours utilisée en liaison avec les Marchandises. S’agissant de l’emploi du « E » majuscule, bien que le mot « Eyes » fasse partie de la Marque, c’est toujours l’impression d’ensemble de la Marque qui importe dans l’esprit du consommateur qui se souvient imparfaitement de la marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante. On doit noter que la lettre « e » figure aussi au milieu de cette marque de commerce.

[55]           La Requérante fait valoir que la Marque a coexisté avec la marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante pendant plus de six ans sans aucun cas de confusion. L’absence de confusion pourrait s’expliquer par la courte durée de la coexistence des marques depuis l’introduction de la Marque à la fin de 2003. Cependant, la marque de commerce MESMERIZE FOR MEN a été employée depuis 2003, mais en liaison avec du parfum pour homme, de la lotion après‑rasage et du savon sur corde.

[56]           Cette analyse m’amène à conclure que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait et n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, l’absence de risque de confusion entre la Marque et la marque de commerce MESMERIZE de l’Opposante. Ma conclusion se fonde sur le fait que les marques visées se ressemblent phonétiquement, visuellement et dans les idées qu’elles suggèrent. Les marchandises respectives des parties tombent dans la même catégorie, celle des produits de beauté, et il y a chevauchement dans les voies commerciales qu’elles empruntent, tel qu’il appert de la preuve même de la Requérante. Je renvoie à la circulaire qui fait partie de la pièce E de l’affidavit de Mme Farley-Pope, qui représente sur la même page certaines de Marchandises et du parfum.

[57]           Par conséquent, je retiens le troisième motif d’opposition.

[58]           Je voudrais ajouter que si je devais analyser de manière aussi détaillée les divers facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi pour apprécier le risque de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée MESMERIZE FOR MEN de l’Opposante, j’arriverais à une conclusion différente. En effet, l’ajout des mots « FOR MEN » servirait à distinguer les marques. Ces mots suggèrent bien que les marchandises vendues en liaison avec cette marque de commerce (eau de Cologne en vaporisateur, lotion après‑rasage et savon sur corde) sont destinées aux hommes alors que la preuve produite établissait que les Marchandises sont principalement destinées aux femmes. Outre le fait que les marchandises des parties sont différentes, un autre facteur milite en faveur de la Requérante, en l’occurrence celui des voies commerciales. Enfin, le degré de ressemblance est moindre en raison de l’ajout des mots « FOR MEN » à « MESMERIZE ».

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) de la Loi

[59]           Pour s’acquitter du fardeau de preuve initial relatif à ce motif d’opposition, l’Opposante devait établir son emploi antérieur de la marque de commerce MESMERIZE et le fait qu’elle ne l’avait pas abandonné à la date de l’annonce de la présente demande [voir le paragraphe 16(5) de la Loi]. Sur le fondement de la preuve exposée au sujet du motif d’opposition portant sur l’enregistrabilité de la Marque, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de MESMERIZE et de MESMERIZE FOR MEN. Il n’y a pas de preuve d’emploi de la marque de commerce MESMERIZE FOR HER.

[60]           La question à trancher demeure le risque de confusion entre la Marque et les marques de commerce MESMERIZE et MESMERIZE FOR MEN de l’Opposante. L’analyse que j’ai faite des divers facteurs pertinents pour le motif d’opposition précédent produirait la même conclusion, car la différence des dates pertinentes n’affecte pas l’issue de l’analyse qui précède. Je pourrais ajouter qu’à la date pertinente la plus ancienne, la Requérante n’avait employé la Marque au Canada en liaison avec aucune des Marchandises. Par conséquent, il ne pouvait y avoir de risque de confusion en l’absence d’un emploi concomitant des marques des parties à cette époque.

[61]           Par conséquent, je retiens le quatrième motif d’opposition.

Le caractère distinctif

[62]           Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante devait établir que ses marques de commerce MESMERIZE et MESMERIZE FOR MEN étaient devenues assez connues le 28 février 2005, date de production de la déclaration d’opposition, pour priver la Marque de tout caractère distinctif [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la page 58]. J’ai délibérément éliminé la marque de commerce MESMERIZE FOR HER en l’absence de preuve d’emploi. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’était pas susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante du fait qu’elle était adaptée à distinguer ou distinguait réellement au Canada les Marchandises des marchandises de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272].

[63]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante a soutenu que la date pertinente en l’espèce est celle de la production de la déclaration d’opposition modifiée. Elle n’a fourni aucune jurisprudence à l’appui de sa position. La différence des dates entre la production de la déclaration d’opposition originale et de la déclaration d’opposition modifiée n’est pas un facteur déterminant en l’espèce. Quoi qu’il en soit, je tiens à souligner que la déclaration d’opposition modifiée ne comporte aucune modification du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif. Par conséquent, je ne vois donc pas en quoi la date de production de la déclaration d’opposition modifiée serait la date pertinente.

[64]           D’après la preuve produite à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité de la Marque, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial d’établir que sa marque de commerce MESMERIZE était assez connue au Canada en liaison avec du parfum et des articles de toilette à la date pertinente. La preuve qu’a produite Mme Lebel établit en outre que la marque de commerce MESMERIZE FOR MEN était connue dans une certaine mesure au Canada à la date pertinente en liaison avec l’eau de Cologne en vaporisateur, la lotion après‑rasage et le savon sur corde. Je fais remarquer que tous ces produits sont annoncés pour les hommes.

[65]           La question qui reste à trancher est celle du risque de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante. La différence entre les dates pertinentes du présent motif d’opposition et du motif fondé sur l’enregistrabilité n’influe pas sur mon analyse des divers facteurs pertinents pris en compte. Je conclus que la Marque ne distinguait pas et n’était pas apte à distinguer, à la date pertinente, les Marchandises de la Requérante des produits de l’Opposante portant la marque de commerce MESMERIZE. Par conséquent, le présent motif d’opposition est également retenu.

 

Décision

[66]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en vertu des dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

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