Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION
de la Société canadienne des postes
à la demande d’enregistrement no 1,164,246
visant la marque de commerce WEBPOST
produite par Butterfield & Daughters Computers
Ltd. (maintenant Webpost Enterprises Ltd.)
Le 8 janvier 2003, Butterfield & Daughters Computers Ltd. a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce WEBPOST sur le fondement de l’emploi projeté au Canada. La requérante a changé sa dénomination pour Webpost Enterprises Ltd. et la demande a ensuite été annoncée aux fins d’opposition le 15 décembre 2004. La demande annoncée couvre les marchandises suivantes :
(1) Logiciels pour fourniture d’accès multiutilisateurs à des réseaux d’ordinateurs. (2) Logiciels utilisés à des fins de création et de conception de sites Web.
et les services suivants :
(1) Développement de logiciels pour des tiers. (2) Conception, création, mise à jour et hébergement de sites Web pour des tiers. (3) Hébergement de données, images, contenu audio et vidéo de tiers sur un réseau informatique mondial, des réseaux internes et des extranets. (4) Consultation, soutien technique et conseils en rapport avec la conception, la construction, la maintenance et l’optimisation de sites Web avec la création de portails personnels et de communautés en ligne. (5) Fourniture de services d’utilisation temporaire de logiciels non téléchargeables en ligne pour création de catalogues électroniques, de sites Web, de vitrines électroniques et d’applications ayant trait à des bases de données sur des réseaux de communications mondiaux et internes.
L’opposante, la Société canadienne des postes, a produit une déclaration d’opposition le 14 février 2005, dont une copie a été transmise à la requérante le 24 février 2005. Le premier motif d’opposition porte que la marque de commerce faisant l’objet de la demande de la demande n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce. À cet égard, l’opposante a allégué que la marque de la requérante donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises et services visés par la demande et des personnes employées pour les vendre, les produire et les exécuter.
Le deuxième motif d’opposition est que la demande de la requérante ne satisfait pas à l’alinéa 30a) de la Loi parce que les marchandises « [l]ogiciels pour fourniture d’accès multiutilisateurs à des réseaux d’ordinateurs » et les services « [d]éveloppement de logiciels pour des tiers » ne sont pas définis dans les termes ordinaires du commerce. Selon le troisième motif, la demande ne satisfait pas à l’alinéa 30i) de la Loi. À l’appui de ce motif, l’opposante a allégué que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’employer sa marque au Canada parce que la marque suggère que les marchandises ont été autorisées ou approuvées par l’opposante et parce que l’emploi de la marque contrevient aux articles 58 et 61 de la Loi sur la Société canadienne des postes.
Selon le quatrième motif d’opposition, la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec plus de cinquante marques de commerce enregistrées de l’opposante, dont un certain nombre de marques qui comprennent le suffixe ou le préfixe « POST ». En particulier, les enregistrements des marques suivantes qui sont la propriété de l’opposante comprennent des logiciels ou des services d’informatique : POSTWARE, CANADA POST, GEOPOST, MAIL POSTE et dessin, POSTE MAIL et dessin, OMNIPOST, POST CARDS, POSTALSOFT, POSTEL et POSTNET.
Selon le cinquième motif d’opposition, la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable en vertu des alinéas 9(1)d) et 12(1)e) de la Loi parce qu’elle est susceptible de porter à croire que les marchandises et services en liaison avec lesquels son emploi est projeté ont reçu l’approbation gouvernementale ou sont produits, vendus ou exécutés sous le patronage ou sur l’autorité gouvernementale. Le sixième motif d’opposition porte que la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et de l’alinéa 12(1)e) de la Loi compte tenu des marques officielles de l’opposante, qui sont au nombre de plus de soixante, dont plus de cinquante qui emploient le préfixe ou le suffixe « POST ». L’opposante a mis un accent particulier sur ses marques officielles CYBERPOSTE, CYBERPOST, EPOSTE et EPOST.
Selon le septième motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement en raison de l’alinéa 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de la production de la demande par la requérante, la marque de commerce faisant l’objet de la demande créait de la confusion avec des douzaines de marques de commerce, de noms commerciaux et de marques officielles antérieurement employés et/ou à l’égard desquels une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par l’opposante. Le huitième motif d’opposition est ainsi conçu :
[traduction] La marque de commerce n’est pas distinctive, par application de l’alinéa 38(2)d) de la Loi, du fait qu’elle n’est pas adaptée à distinguer et ne distingue pas véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels l’enregistrement est demandé des marchandises et services fournis par l’opposante et son prédécesseur; au contraire, elle est conçue de manière à créer la confusion et à permettre à la requérante de tirer profit de l’achalandage attaché à la dénomination sociale, aux marques de commerce, aux marques officielles et aux noms commerciaux de l’opposante cités ci-dessus.
La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. L’opposante a présenté en preuve 42 affidavits souscrits par les personnes suivantes :
Gary Allen (2) Patrick Bartlett
Dale Bemben Josée Bergeron
Gaston Bouchard David Brassard
Elliott Clarke Raymond Clement
Steve Cutler (2) Simon J. Ely (2)
Jean-Maurice Filion David Findlay (2)
Judith Follett-Johns Ray Gervais
P. Claire Gordon Douglas Johnston (2)
Joelle Kolodny David Lamarche
Tom Lippa Gilles Manor (4)
Jean-Claude Martineau Herbert McPhail
Jean-Marc Nantais Paul Oldale (3)
Lianne Pepper John Reis
Catherine Riggins Timothy Skelly
Andrea Smith Jennifer Vanmeer
Pierre-Yves Villeneuve Janet Wilkinson
La requérante a choisi de ne pas présenter de preuve. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit, encore que le plaidoyer écrit de la requérante est un document superficiel de deux pages affirmant fondamentalement que l’opposante ne s’est acquittée de son fardeau de présentation à l’égard d’aucun de ses motifs d’opposition. Une audience a été tenue, à laquelle seule l’opposante était représentée.
Examinons pour commencer le deuxième motif d’opposition, fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi; l’ancien registraire des marques de commerce a déclaré dans la décision Dubiner and National Yo-Yo and Bo-Lo Ltd. c. Heede Int'l Ltd. (1975), 23 C.P.R. (2d) 128, qu’un requérant, dans sa demande, [traduction] « doit exposer clairement les marchandises ou les services tels qu’ils sont ordinairement appelés dans le commerce (non souligné dans l’original) ». À cet égard, on peut également citer la décision en matière d’opposition Pro Image Sportswear, Inc. c. Pro Image, Inc. (1992), 42 C.P.R. (3d) 566, à la page 573. Dans la présente affaire, l’opposante soutient que la description d’un service comme « [d]éveloppement de logiciels pour des tiers » est trop large, vague et donc n’est pas dans les termes ordinaires du commerce. Je souscris à cette position. Pour que cette description soit satisfaisante, il faudrait fournir plus de détails, par exemple le type de logiciel ou le but en fonction duquel il a été conçu. Le deuxième motif d’opposition est accueilli dans la mesure où il s’applique au service « développement de logiciels pour des tiers ».
L’opposante a également soutenu que la description d’une marchandise comme « [l]ogiciels pour fourniture d’accès multiutilisateurs à des réseaux d’ordinateurs » est trop large et vague. Toutefois, à la différence du service attaqué, la description de la marchandise attaquée expose le but en fonction duquel le logiciel a été conçu. Donc, en l’absence de preuve de l’opposante sur ce point, cet aspect du deuxième motif d’opposition n’est pas retenu. L’opposante n’a pas contesté le reste des marchandises et services sur le fondement de l’alinéa 30a).
On retrouve au coeur de la plupart des autres motifs de l’opposante sa prétention que le terme « post » est généralement compris comme signifiant les marchandises et services de l’opposante et que, par conséquent, la marque de commerce de la requérante WEBPOST est susceptible de porter à croire que les marchandises et services en liaison avec lesquels elle est employée sont produits, exécutés ou vendus par l’opposante ou font l’objet d’une licence conférée par elle. Les entrées de dictionnaire et d’encyclopédie introduites en preuve par l’affidavit Gordon appuient la prétention de l’opposante portant que l’un des sens du terme « post » se rapporte au travail effectué par un système postal public. La Loi sur la Société canadienne des postes confère à l’opposante des droits exclusifs dans ce domaine à l’intérieur de certains paramètres et, compte tenu du volume des activités de l’opposante, il est probable que la plupart des Canadiens associeraient le terme ordinaire « post » à l’opposante, du moins dans le contexte de marchandises et services relatifs au courrier. À cet égard, on peut également se reporter à la décision Société canadienne des postes c. Postpar Inc. (1989), 20 C.I.P.R. 180, [1988] R.J.Q. 2740. Par contre, le terme « post » a aussi d’autres sens couramment employés qui ne se rapportent pas nécessairement à la livraison du courrier : voir Société canadienne des postes c. Micropost Corp. (2000), 4 C.P.R. (4th) 417, à la page 419 (C.A.F.); conf. (1998), 84 C.P.R. (3rd) 225 (C.F. 1re inst.); conf. (1997), 84 C.P.R. (3rd) 214 (C.O.M.C.).
L’examen de la preuve de l’opposante révèle que la requérante et l’opposante sont des concurrents potentiels. Il ressort de la preuve de l’opposante que, quoique son activité principale soit la livraison du courrier, elle s’occupe aussi de développement de logiciels pour des tiers, de conception et de création de sites Web pour des tiers et de divers autres services en ligne. On trouve une description détaillée du chevauchement des marchandises et services des parties aux pages 39 à 43 du plaidoyer écrit de l’opposante. Par exemple, les affidavits Villeneuve, Brassard et Johnston décrivent le développement et la vente de logiciels à des clients par l’opposante ou par des sociétés liées. Il faut aussi noter le Programme d’évaluation et de reconnaissance de logiciel de l’opposante qui indique aux gros expéditeurs commerciaux quels logiciels de tiers satisfont aux normes de l’opposante (voir les affidavits Bouchard et Pepper).
Dans mon examen de la preuve en l’espèce, j’ai aussi été guidé par la décision du juge Muldoon Société canadienne des postes c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.), qui portait sur une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision interlocutoire relative à une procédure d’opposition. Les commentaires suivants du juge Muldoon au sujet de la décision Postpar se trouvent à la page 239 de sa décision :
Les manifestations de l’attention toute spéciale et de la protection accordées à Postes Canada abondent dans la L.S.C.P. [la Loi sur la Société canadienne des postes], en particulier dans les passages précités. Ainsi, les définitions des termes « envois » ou « courrier », « objets » et « transmission postale » identifient virtuellement Postes Canada à l’envoi de tous les « [m]essages, renseignements, fonds ou marchandises qui peuvent être transmis par la poste ».
Le juge Muldoon examine ensuite de manière approfondie les dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes et écrit ce qui suit à la page 240 de la décision :
Compte tenu du statut exceptionnel que le Parlement a conféré à Postes Canada, la COMC ne peut, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu des Règles, légitimement empêcher la Société de manifester son importance législative considérable, particulièrement en ce qui a trait aux marques et aux mentions, en refusant les modifications projetées à sa déclaration d’opposition, comme si Postes Canada n’était tout bonnement qu’une personne physique ou morale ordinaire. En d’autres termes, la loi exige que Postes Canada soit en mesure de manifester son statut particulier en ce qui concerne son image, de façon à ce que la COMC puisse être saisie de tous les faits relatifs à l’exercice de son monopole, à son statut et à son image de marque à l’encontre de tous ceux et celles qui voudraient devenir titulaires enregistrés d’une marque de commerce similaire ou de nature à faire penser aux marques de Postes Canada, ces marques étant bannies par les dispositions générales et spécifiques de la L.S.C.P.
Je souhaite faire observer que, s’il est indubitablement vrai que la Société canadienne des postes a un statut spécial du fait de sa loi habilitante et qu’elle peut invoquer les dispositions de cette loi au soutien d’un ou plusieurs motifs d’opposition, la Société canadienne des postes devrait néanmoins recevoir le même traitement que les autres relativement à des demandes interlocutoires dans une procédure d’opposition. Si le juge Muldoon exprime une autre position, je ne puis y souscrire.
S’agissant du premier motif d’opposition, étant donné la décision Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 254 (C.F. 1re inst.), qui s’appuie sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada Lightning Fastener Co. c. Canadian Goodrich Co., [1932] R.C.S. 189, il appert que la date pertinente pour l’appréciation d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi est, et a toujours été, la date de production de la demande. En outre, la question à trancher en fonction de l’alinéa 12(1)b) de la Loi doit être jugée du point de vue d’un utilisateur moyen des marchandises ou services. Enfin, il ne faut pas analyser la marque de commerce avec soin et la décomposer en ses éléments constitutifs, mais il faut plutôt la considérer dans son ensemble et d’après la première impression : voir les décisions Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25, aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183, à la page 186.
Étant donné que les états déclaratifs des marchandises et services de la requérante sont rédigés en termes larges et ne sont pas restreints à des applications autres que postales ou ayant trait au courrier, il est possible que les consommateurs réagissent à la marque WEBPOST comme si elle avait quelque rapport avec Postes Canada. Par contre, il semble également vraisemblable que des consommateurs réagissent à la marque comme si elle suggérait des marchandises ou services conçus pour aider à publier quelque chose sur le Web [post en anglais]. On ne peut donc dire que la marque projetée WEBPOST donne une description claire de la nature ou la qualité des marchandises ou services de la requérante ou des personnes employées dans la vente, la production ou l’exécution de ceux-ci. Donc, le premier motif d’opposition est rejeté.
S’agissant du deuxième motif d’opposition, la requérante s’est conformée à l’alinéa 30i) de la Loi sur le plan de la forme en incluant dans sa demande la déclaration demandée. La question devient alors celle de savoir si la requérante s’est conformée à cet alinéa sur le plan du fond, c’est-à-dire si la déclaration était vraie au moment où la demande a été produite. L’opposante soutient que la déclaration ne pouvait être vraie parce que l’emploi de la marque par la requérante contrevenait aux articles 58 et 61 de la Loi sur la Société canadienne des postes.
En l’espèce, il incombait à l’opposante de présenter une preuve suffisante dont on pouvait raisonnablement conclure que l’emploi par la requérante de sa marque WEBPOST contreviendrait à l’article 58 de la Loi sur la Société canadienne des postes. Après avoir examiné la preuve de l’opposante, j’estime qu’elle s’est acquittée de son fardeau de présentation à l’égard de ce motif. Étant donné que les parties pourraient potentiellement fournir des marchandises et des services similaires sous des marques similaires, je conclus que l’opposante a satisfait à son fardeau de présentation pour établir que l’emploi de sa marque par la requérante contreviendrait à l’article 58 de la Loi sur la Société canadienne des postes. Puisque la requérante n’a pas produit de preuve pour démontrer le contraire, le deuxième motif est accueilli. Si la requérante avait restreint ses états déclaratifs des marchandises et services à des applications autres que postales ou ayant trait au courrier, le résultat aurait pu être différent conformément à la décision Micropost, précitée.
S’agissant du quatrième motif d’opposition, la date pertinente pour considérer les circonstances ayant trait à la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir la décision Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538, aux pages 541 et 542 (C.O.M.C.). Le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit établir qu’il n’existe pas de risque raisonnable de confusion entre les marques en cause. De plus, dans l’application du critère de la confusion prévu au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut prendre en compte toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi. Ainsi qu’il a déjà été noté, les marques de commerce déposées de l’opposante comprennent les marques déposées suivantes en liaison avec des logiciels ou des services d’informatique : POSTWARE, CANADA POST, GEOPOST, MAIL POSTE et dessin, POSTE MAIL et dessin, OMNIPOST, POST CARDS, POSTALSOFT, POSTEL et POSTNET.
Par rapport à l’alinéa 6(5)a) de la Loi, la marque projetée de la requérante WEBPOST est un mot inventé et est donc distinctive en elle-même. Toutefois, elle suggère soit des services postaux accessibles sur Internet, soit des marchandises et des services qui permettent à l’utilisateur de publier [to post, en anglais] sur Internet. La marque n’est donc pas forte en elle-même. Puisque que la requérante n’a pas présenté de preuve, je doit conclure que sa marque n’est pas devenue connue du tout au Canada.
Les marques de l’opposante sont aussi distinctives en elles-mêmes bien qu’elles suggèrent toutes des services postaux ou relatifs au courrier. Aucune de ces marques n’est donc forte en elle-même. La preuve de l’opposante établit que certaines de ses marques, comme CANADA POST, MAIL POSTE et dessin y afférent et POSTE MAIL et dessin y afférent, sont devenues très bien connues dans tout le Canada pour les services postaux et de livraison. Les autres marques mentionnées ci-dessus ont aussi été employées à un degré moindre. Pour la plupart, ces marques sont employées et connues en liaison avec l’activité de livraison du courrier de l’opposante. Toutefois, une réputation très limitée a été acquise dans un marché choisi pour certaines des marques en liaison avec des marchandises et services relatifs à l’informatique, notamment les logiciels.
Par rapport à l’alinéa 6(5)b) de la Loi, la période pendant laquelle les marques ont été en usage joue en faveur de l’opposante. Par rapport aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, ce sont les états déclaratifs des marchandises et services de la requérante et les états déclaratifs des marchandises et services dans les enregistrements de l’opposante qui sont déterminants : voir les arrêts Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3, aux pages 10 et 11, (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110, à la page 112. (C.A.F.), et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381, aux pages 390 à 392 (C.A.F.). Toutefois, il faut lire ces états dans le but de déterminer le type probable d’activité ou de commerce visé par les parties plutôt que tous les types possibles de commerce qui pourraient être compris dans la formulation À cet égard, une preuve sur le commerce réellement effectué par les parties est utile : voir l’arrêt McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168, à la page 169 (C.A.F.).
Ainsi qu’il a été noté, l’activité principale de l’opposante consiste dans le traitement et la livraison du courrier. Toutefois, la preuve établit une activité mineure de l’opposante dans les domaines du logiciel et des services connexes. De plus, la requérante n’a pas restreint ses états déclaratifs des marchandises et services pour se limiter aux applications autres que postales ou ayant trait au courrier. Ainsi, contrairement à la situation dans l’affaire Micropost, il semble qu’il pourrait y avoir un chevauchement dans les marchandises, les services et les commerces des parties.
Par rapport à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, il existe un bon degré de ressemblance entre les marques à tous égards puisque toutes les marques comprennent le mot « post ». Ainsi qu’il a été noté, l’une des idées suggérées par la marque WEBPOST de la requérante est l’exécution de services postaux par le moyen d’Internet, ce qui correspond à l’idée suggérée par la marque enregistrée POSTNET de l’opposante.
Au titre des circonstances de l’espèce, j’ai également considéré la famille ou série de marques de l’opposante. Ainsi qu’il a été noté, l’opposante possède un certain nombre de marques qui comprennent le terme « POST » et qui sont enregistrées pour les marchandises ou services relatifs à l’informatique et la preuve établit que certaines de ces marques ont fait l’objet d’un emploi commercial actif. De plus, la preuve établit que l’opposante a employé d’autres marques comprenant le terme « POST », bien que ce ne soit pas nécessairement dans des applications relatives à l’informatique. Ces autres marques comprennent notamment DOCUPOST, ENVOYPOST, INTELPOST, PRIORITY POST et XPRESSPOST. La famille de marques de l’opposante comprenant le terme « POST » augmente donc le risque de confusion, surtout si l’on tient compte de la large portée des états déclaratifs des marchandises et services de la requérante.
Pour l’application du test en matière de confusion, j’ai considéré que c’est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit établir qu’il n’y aurait pas de risque raisonnable de confusion suivant la prépondérance des probabilité. Cela signifie que, si les probabilités ne favorisent ni l’une ni l’autre des parties, je dois trancher à l’encontre de la requérante. Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, et particulièrement de la ressemblance entre les marques en cause, du chevauchement potentiel des marchandises, des services et des commerces des parties et de l’existence de la famille de marques de l’opposante comprenant le terme « POST », je conclus que les probabilités sont égales pour chaque partie. Donc, la requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de persuasion et le quatrième motif est accueilli. Si les états déclaratifs des marchandises et services de la requérante avaient été restreints à des domaines autres que les domaines reliés au domaine postal ou si la requérante avait présenté une preuve pour distinguer son activité de celle de l’opposante, le résultat aurait pu être différent.
La date pertinente pour la considération des circonstances à l’égard du sixième motif d’opposition est la date de ma décision : voir les arrêts Allied Corporation c. Association olympique canadienne (1989), 28 C.P.R. (3d) 161 (C.A.F.), et Olympus Optical Company Limited c. Association olympique canadienne (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.). De plus, l’opposante n’est pas tenue de faire la preuve de l’emploi et de l’adoption des marques officielles invoquées, du moins en l’absence de preuve donnant à penser que les marques n’ont pas été employées : voir la page 166 de l’arrêt Allied. Enfin, si la requérante est capable de jeter un doute sur la qualité d’autorité publique du titulaire de la marque officielle, l’opposante peut être tenue de faire la preuve de sa qualité d’autorité publique avant d’invoquer une marque officielle : voir la page 216 de la décision de première instance dans l’affaire Big Sisters Association of Ontario c. Big Brothers of Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (C.A.F.); conf. (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.), et la décision Heritage Canada Foundation c. New England Business Service, Inc. (1997), 78 C.P.R. (3d) 531, aux pages 536 et 538 (C.O.M.C.).
Ainsi qu’il est prévu au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, le test à appliquer consiste à déterminer si la marque de la requérante est composée de la marque officielle ou lui ressemble tellement qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec la marque officielle. Autrement dit, la marque de la requérante est-elle identique, ou presque identique, à la marque officielle? Voir la page 217 de la décision de première instance dans l’affaire Big Sisters, précitée. On a soutenu que les mots « est composée de » ne sont pas équivalents aux mots « identique à », mais le juge O’Keefe a décidé le contraire dans la décision Canadian Council of Professional Engineers c. APA - The Engineered Wood Association (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 (C.F. 1re inst.), à la page 259 :
Après avoir expliqué la protection dont jouissent les marques officielles, d’après les dispositions de la Loi, il faut maintenant déterminer quelle est l’étendue des marques interdites : c’est-à-dire plus spécifiquement le sens de l’expression « composé de » . Par suite de l’explication qui précède, qui démontre clairement la position privilégiée dont jouissent les marques officielles, je rejette l’interprétation que l’appelant propose du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et déclare que l’interprétation donnée par le registraire est correcte. Pour contrevenir au sous-alinéa 9(1)n)(iii), et ne pas être enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)e), la marque projetée doit soit être identique à la marque officielle, soit avoir avec elle une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec elle. Les mots « composé de » utilisés au paragraphe de la Loi doivent être interprétés comme signifiant « identique à » , conclusion à laquelle en est apparemment venu le registraire.
Aux pages 218 et 219 de la décision de première instance dans l’affaire Big Sisters, le juge Gibson a confirmé que, dans l’appréciation de la ressemblance entre les marques en cause, on peut prendre en compte les facteurs énumérés à l’alinéa 6(5)e) de la Loi. En outre, à la page 218, le juge Gibson a indiqué que le test à appliquer était celui de la première impression et du souvenir imparfait : voir aussi les pages 302 à 303 de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Association olympique canadienne c. Techniquip Limited (1999), 3 C.P.R. (4th) 298. Enfin, l’opposante peut invoquer une famille de marques officielles si elle fait la preuve de l’emploi de membres de la famille : voir les pages 303 et 304 de l’arrêt Techniquip.
L’opposante a invoqué plus de cinquante marques officielles comprenant le mot « POSTE » ou « POST », bien qu’elle ait surtout invoqué les marques officielles CYBERPOSTE, CYBERPOST, EPOSTE et EPOST. La marque projetée de la requérante WEBPOST n’est identique à aucune de ces quatre marques et, ayant appliqué les critères de la première impression et du souvenir imparfait, je ne considère pas qu’elle ressemble à l’une d’elles au point qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec l’une d’elles. Toutefois, l’opposante a fait la preuve de l’emploi d’un certain nombre de membres de sa famille de marques officielles comprenant le mot « POST », notamment CANADA POST, GEOPOST, INNOVAPOST, INTELPOST, MAIL POSTE et dessin, PRIORITY POST et XPRESSPOST. Ce facteur rend plus vraisemblable que la marque projetée de la requérante WEBPOST soit confondue avec l’une des quatre marques officielles qui sont surtout invoquées par l’opposante. La requérante avait la possibilité de présenter une preuve sur l’état du registre ou sur le marché pour établir l’adoption et l’emploi de marques de tiers comprenant le mot « POST » pour neutraliser l’effet de la famille de marques de l’opposante, mais elle a choisi de ne pas le faire. Par conséquent, je conclus que la requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de persuasion par rapport au motif fondé sur le sous-alinéa 9(1)n)(iii) et l’alinéa 12(1)e) de la Loi et ce motif est donc accueilli.
S’agissant du huitième motif d’opposition, la date pertinente pour la considération des circonstances à l’égard de la question du caractère distinctif est la date de la production de l’opposition. Le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit établir que la marque de commerce faisant l’objet de la demande distingue véritablement ou est adaptée à distinguer ses marchandises et services de ceux d’autres titulaires de marques dans tout le Canada. Toutefois, un fardeau de présentation incombe à l’opposante, qui doit prouver les allégations de fait à l’appui de ce motif.
Ici encore, je juge que l’opposante s’est acquittée de son fardeau de présentation en établissant une association marquée dans l’esprit du public entre le terme ordinaire « post » et l’opposante et en établissant qu’elle s’est occupée, du moins à un certain degré, de marchandises et de services relatifs à l’informatique en liaison avec un certain nombre de ses marques comprenant le mot « POST ». J’ai aussi considéré que l’opposante jouit apparemment d’une protection plus large pour ses marques compte tenu de l’interprétation que donne le juge Muldoon des dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes dans la décision Société canadienne des postes, traitée ci-dessus. Mes conclusions sur les quatrième et sixième motifs d’opposition s’appliquent également à ce motif. Puisque la requérante n’a pas présenté de preuve ni restreint ses états déclaratifs des marchandises et services, elle ne s’est pas acquittée du fardeau de persuasion qui lui incombait et le huitième motif est également accueilli. Il n’est donc pas nécessaire de considérer les deux autres motifs.
Pour les motifs exposés ci-dessus, et en vertu du pouvoir qui m’est délégué au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 17 JUIN 2008.
David J. Martin
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.