Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2014 COMC 281

Date de la décision : 2014-12-17

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Tiger Calcium Services Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,482,475 pour la marque de commerce ENVIRO-GUARD au nom de Sifto Canada Corp.

Le dossier

[1]        Le 25 mai 2010, Sifto Canada Corp a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce ENVIRO-GUARD, sur la base d'un emploi projeté au Canada, en liaison avec :

[Traduction]
Produits de déglaçage et pour prévenir la formation de glace sur les chaussées, les trottoirs et autres surfaces pavées.

 

[2]        La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 10 novembre 2010 et Tiger Calcium Services Inc. s'y est opposée le 10 janvier 2011. Le 18 janvier 2011, conformément au paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13, le registraire a transmis à la Requérante une copie de la déclaration d'opposition. Le 8 mars 2011, la Requérante a répondu en produisant et en signifiant une contre-déclaration, niant de façon générale les allégations contenues dans la déclaration d'opposition.

 

[3]        La preuve de l'Opposante est constituée de l'affidavit de Richard Kolodziej, qui a été contre-interrogé au sujet de son affidavit. La transcription de ce contre-interrogatoire fait partie de la preuve au dossier. La preuve de la Requérante est constituée des affidavits de Ken Johnston et de Karen Lau Cardinell. M. Johnston a été contre-interrogé concernant son affidavit; la transcription de ce contre-interrogatoire et les pièces connexes font partie de la preuve au dossier. La preuve en réponse de l'Opposante est constituée d'un deuxième affidavit de Richard Kolodziej. Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient également toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue le 29 septembre 2014.

 

[4]        À l'audience, les parties m'ont informé que le demandeur original, Sifto Canada Corp., avait changé de nom et s'appelait désormais Compass Minerals Canada Corp., ce qui n'est pas indiqué au dossier.

 

[5]        La principale question à considérer est celle de savoir si la marque ENVIRO-GUARD visée par la demande peut créer de la confusion avec une ou plusieurs des marques de l'Opposante qui contiennent les éléments GUARD et ENVIRO, employées en liaison avec des marchandises semblables à celles de la Requérante. Pour les raisons qui suivent, j'estime que la marque visée par la demande ne créerait pas de confusion et je rejette l'opposition.

 

La déclaration d'opposition

[6]        Les marques sur lesquelles l'Opposante s'appuie, et les motifs d'opposition invoqués, sont énoncés ci-dessous, dans leur intégralité :

 

Marques sur lesquelles l'Opposante s'appuie

[7]        L'Opposante s'appuie sur ses marques CLEAR GUARD, enregistrement no LMC780,782; ROAD GUARD PLUS, enregistrement no LMC781908; et NANUK ENVIRO NON/CHLORIDE, enregistrement no LMC589,398. À cet égard, l'Opposante allègue que depuis avant le 25 mai 2010, elle et ses licenciés emploient largement les marques susmentionnées et d'autres marques contenant le mot « road » et/ou le mot « enviro » en liaison avec un dégivrant liquide au Canada et aux États-Unis d'Amérique.

 

Motifs d'opposition

[8]        1.         La marque de commerce proposée n'est pas enregistrable au titre de l'article 30 et du paragraphe 38(2) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi), en ce sens que la demande n'est pas conforme aux exigences prévues par la Loi relativement aux demandes. Plus particulièrement, contrairement à l'alinéa 30a), les marchandises visées par la demande ne sont pas définies dans les termes ordinaires du commerce.

 

2.       La marque de commerce proposée n'est pas enregistrable au titre de l'article 30 et du paragraphe 38(2) de la Loi, en ce sens que la demande n'est pas conforme aux exigences prévues par la Loi relativement aux demandes. Plus particulièrement, contrairement à l'alinéa 30i), la Requérante ne peut pas avoir été convaincue, le jour où elle a produit une demande pour la marque de commerce proposée, soit le 25 mai 2010, qu'elle avait le droit d'employer la marque de commerce proposée au Canada en liaison avec les marchandises énoncées dans la demande, étant donné l'emploi antérieur et la révélation par l'Opposante, et/ou ses licenciées, de ses marques de commerce identifiées ou citées . . . ci-dessus.

 

3.       La marque de commerce proposée n'est pas enregistrable au titre de l'article 30 et du paragraphe 38(2) de la Loi, en ce sens que la demande n'est pas conforme aux exigences prévues par la Loi relativement aux demandes. Plus particulièrement, contrairement à l'alinéa 12(1)d) la marque de commerce proposée crée de la confusion avec les marques de commerce CLEAR GUARD (enregistrement no LMC780,782), ROAD GUARD PLUS (enregistrement no LMC781,908), et NANUK ENVIRO NON/CHLORIDE (enregistrement no LMC589,398), lesquelles sont toutes en règle et continuent d'être employées au Canada.

 

4.       La marque de commerce proposée n'est pas enregistrable au titre des alinéas 16(3)a), 16(3)b), 16(3)c) et 38(2)c) de la Loi, parce que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque de commerce proposée. Plus particulièrement, à la date à laquelle la Requérante a produit la demande, soit le 25 mai 2010, et à toutes les dates pertinentes, la marque de commerce proposée créait de la confusion, ou était susceptible de créer de la confusion, avec les marques de commerce identifiées ou citées . . . ci-dessus et préalablement employées ou révélées au Canada par l'Opposante et/ou ses licenciés.

 

5.       La marque de commerce proposée n'est pas enregistrable au titre de l'alinéa 38(2)d) de la Loi, puisque la marque de commerce proposée n'est pas distinctive des marchandises de la Requérante, et ne pouvait pas l'être à aucune des dates pertinentes. Il s'agit plus particulièrement des marques de commerce identifiées ou citées . . . ci-dessus qui ont déjà été employées ou révélées par l'Opposante et/ou ses licenciés au Canada en liaison avec un dégivrant liquide. Par conséquent, compte tenu de l'article 2 de la Loi, la marque de commerce proposée laquelle crée de la confusion ou est susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce de l'Opposante qui ont déjà été employées ou révélées au Canada par l'Opposante et/ou ses licenciés ne distingue pas, ni n'est adaptée à distinguer, les marchandises de la Requérante de celles de l'Opposante.

 

[9]        J'examinerai les motifs d'opposition dans l'ordre dans lequel ils sont invoqués. Toutefois, avant de commencer, je vais revoir le fardeau de preuve initial qui incombe à l'Opposante, le fardeau ultime qui incombe à la Requérante et la preuve au dossier.

 

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[10]      Comme dans les instances de droit civil, (i) l'Opposante est tenue de corroborer les allégations qui figurent dans la déclaration d'opposition, et (ii) la Requérante a l'obligation de démontrer que sa demande mérite de passer à l'étape de l'enregistrement.

[11]      En ce qui a trait au point (i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l'Opposante doit s'acquitter du fardeau de prouver les faits sur lesquels elle appuie les allégations qu'elle plaide dans la déclaration d'opposition; voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293 à 298 (CF 1re inst). La présence d'un fardeau de preuve imposé à une partie opposante à l'égard d'une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisamment étayée pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ladite question. Quant au point (ii) susmentionné, c'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce invoquées par l'Opposante dans la déclaration d'opposition (concernant les allégations pour lesquelles l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe à la Requérante signifie que s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la Requérante.

 

Preuve de l'Opposante

Richard Kolodziej

Preuve par affidavit

[12]      M. Kolodziej atteste qu'il est le directeur financier de l'entreprise de l'Opposante. L'Opposante se spécialise dans les produits antigivrage et de déglaçage et autres produits semblables, qu'elle vend sous diverses marques, y compris les marques de commerce déposées CLEAR GUARD, ROAD GUARD PLUS et NANUK ENVIRO NON/CHLORIDE. L'Opposante est également propriétaire d'autres marques de commerce déposées, soit CHINOOK ICE MELTER, NORTH COUNTRY ICE MELTER, YUKON GOLD et YUKON INDUSTRIAL. L'Opposante vend ses produits aux municipalités, aux entreprises d'entretien routier, aux grossistes et aux détaillants de produits de rénovation domiciliaire. L'Opposante fait la promotion et l'annonce de ses produits sur son site Web, lequel est en ligne depuis 2003, ainsi qu'au moyen de documents publicitaires sur lesquels on peut voir ses marques.

 

[13]      Les ventes annuelles des produits arborant les marques de l'Opposante s'élevaient à environ 100 000 $ en 2004. Elles ont augmenté à 1 million de dollars en 2006 et ont connu une hausse constante pour atteindre 1,8 million de dollars en 2009 et en 2010. Les ventes prévues pour 2011 sont d'environ 2,3 millions de dollars. L'Opposante annonce ses marques à l'aide d'articles promotionnels comme des polos de golf, des blousons, des casquettes de baseball et des sacs de voyage. Les dépenses annuelles associées à ces articles promotionnels s'élèvent à environ 5 000 $ pour 2004, augmentant de façon constante pour atteindre 18 000 $ en 2008. Elles représentent en moyenne 34 500 $ en 2009 et 2010.

 

Témoignage en contre-interrogatoire

[14]      Lors du contre-interrogatoire, on a demandé à M. Kolodziej quel était le pourcentage de ventes aux détaillants de produits de rénovation domiciliaire. Il a répondu que « [Traduction] les municipalités et les gouvernements représentent une part importante de la clientèle pour les liquides antigivrage et de déglaçage ». M. Kolodziej a également précisé que les chiffres d'affaires énoncés au paragraphe 13 ci-dessus concernent seulement les produits ROAD GUARD et CLEAR GUARD, c'est-à-dire que ces chiffres ne comprennent pas les ventes des produits vendus sous les autres marques de l'Opposante. Il a également attesté que les produits ROAD GUARD et CLEAR GUARD sont également vendus chez Costco, Home Depot et Home Hardware.

 

Preuve de la Requérante

Ken Johnson

Preuve par affidavit

[15]      M. Johnson atteste qu'il est un dirigeant au sein de l'entreprise de la Requérante. La Requérante vend du sel alimentaire aux consommateurs ainsi que du sel gemme pour le déglaçage des routes. Cependant, le produit de déglaçage ENVIRO-GUARD de la Requérante est trop coûteux pour être utilisé sur les routes et il est vendu aux clients résidentiels, principalement par l'entremise de magasins de détail et de quincailleries comme Home Depot et Canadian Tire.

 


[16]      La Requérante vend son produit de déglaçage ENVIRO-GUARD depuis novembre 2010. Le produit est vendu selon les formats suivants : cruchons de 5,44 kg; sacs de 10 kg et de 20 kg; et seaux de 20 kg. De 2010 à 2012, la Requérante a vendu 81 tonnes de son produit en cruchons de 5,44 kg et en sacs de 20 kg, pour une valeur de 36 000 $ en ventes brutes. La Requérante annonce son produit de déglaçage ENVIRO-GUARD dans des revues spécialisées. Le coût annuel de ce type de publicité varie d'environ 20 000 $ à 50 000 $. La pièce D de l'affidavit de M. Johnson, reproduite ci-dessous, montre la marque visée par la demande qui est apposée sur l'emballage du produit :

 

 

Témoignage en contre-interrogatoire

[17]      M. Johnson convient que les montants consacrés à la publicité, résumés au paragraphe 16 ci-dessus, concernent la famille complète de produits de la Requérante, et donc, que les dépenses associées au produit ENVIRO-GUARD correspondent au tiers de ces montants (voir les pages 42 et 43 de la transcription). M. Johnson a également fait état que la Requérante appartient à sa société mère, Compass Minerals, et que tous les employés de la Requérante sont des employés de Compass Minerals (voir les pages 18 et 32 de la transcription).

 

[18]      M. Johnson affirme de plus (1) qu'il connaît l'Opposante puisqu'elle est une ancienne cliente de la Requérante – l'Opposante achetait du sel de la Requérante pour les combiner à ses produits de déglaçage; et (2) que l'Opposante n'est pas réellement en concurrence avec la Requérante sur le marché de la vente au détail ou dans les voies de commerce au détail en ce qui a trait aux produits de déglaçage à des fins résidentielles ou domestiques.

 

Karen Cardinell

[19]      Mme Cardinell atteste qu'elle est une employée du cabinet représentant la Requérante. Son affidavit sert à produire en preuve, par voie de pièces, les résultats d'une recherche dans le registre des marques de commerce, effectuée le 3 août 2012, concernant les marques de commerce actives contenant le mot (i) « enviro » et les combinaisons des mots (ii) « enviro » et « guard ». La recherche a permis de trouver 561 marques contenant l'élément « enviro » et 14 marques de tiers contenant les mots « enviro » et « guard ».

 

La preuve en réponse de l'opposante

Richard Kolodziej

[20]      La preuve en réponse de l'Opposante concerne la présence de cette dernière sur le marché de la vente au détail. Le produit CLEAR GUARD est vendu à des fins résidentielles en formats de 5, 10 et 20 litres. L'affidavit de M. Kolodziej comprend des photos de la gamme de produits de vente au détail de l'Opposante montrant le produit CLEAR GUARD, vendu dans des « [Traduction] quincailleries, magasins de produits de rénovation, magasins de fournitures agricoles et stations-service ».

M. Kolodziej fait également référence aux produits de vente au détail de l'Opposante vendus par l'entremise de son licencié et filiale en propriété exclusive Keg River Chemical Corp. et joint en pièce D une liste des produits de déglaçage vendus au détail. On peut voir dans la liste (i) quatre produits de vente au détail de Keg River vendus sous la marque YUKON GOLD, ainsi que (ii) quatre produits de vente au détail de la Requérante vendus sous les marques de commerce ICE MELT EXTREME, ICE MELT 5510 EXTREME, ICE MELT 5520 EXTREME et SAFE-T-SALT. La pièce D ne fait aucunement référence à l'une ou l'autre des marques de commerce en cause dans les présentes procédures.

 

Les voies de commercialisation des parties Conclusions fondées sur la preuve

[21]      Étant donné le poids de la preuve au dossier, il me semble que seule une faible portion des ventes de l'Opposante est faite à des consommateurs individuels. À mon avis, la preuve de l'Opposante ne parvient guère à faire oublier la preuve de la Requérante selon laquelle les parties ne sont pas concurrentes, ou du moins que l'Opposante n'est pas un concurrent majeur, sur le marché du détail où la Requérante vend son produit de déglaçage ENVIRO-GUARD.

 

[22]      À la page 6 de son plaidoyer écrit, la Requérante fait valoir que la preuve en réponse de l'Opposante ne doit en aucun cas faire partie de la preuve au dossier :
[Traduction]

. . . L'affidavit en réponse ne se limite aucunement aux matières servant de réponse à la preuve de la Requérante et donc doit être entièrement rejeté. La preuve a plutôt pour but de corriger les lacunes et incohérences évidentes de l'affidavit Kolodziej produit en tant que preuve de l'Opposante requise par larticle 41, lesquelles ont été soulevées lors du contre-interrogatoire. L'Opposante ne donne aucune explication quant à la raison pour laquelle cette preuve n'a pas été incluse dans l'affidavit Kolodziej et n'a pas pu l'être.

 

[23]      Bien que j'accorde un certain mérite à l'observation de la Requérante, ma conclusion selon laquelle les parties vendent leurs marchandises, sous les marques en cause dans les présentes procédures et par des voies de commercialisation essentiellement différentes, serait la même, peu importe que la preuve en réponse de l'Opposante soit prise en compte ou non. Le poids de la preuve appuierait quand même, pour la plupart, les observations de la Requérante qui se trouvent à la page 9 de son plaidoyer écrit :
[Traduction]

. . . la Requérante et l'Opposante occupent deux voies de commercialisations très différentes. La Requérante fait affaire sur le marché résidentiel et vend son sel gemme ENVIRO-GUARD sous forme de cristaux verts, par l'entremise de détaillants et de quincailleries, en petites quantités. En revanche, l'Opposante vend ses produits de chlorure de calcium de marques CLEAR GUARD et ROAD GUARD PLUS sous forme de liquide brun et ses produits de marque NANUK ENVIRO NON/CHLORIDE sous forme de granules roses; tous ces produits sont destinés à un usage sur les routes et pendant les conditions hivernales difficiles et sont vendus aux villes, aux comtés, aux gouvernements ainsi qu'aux entreprises d'entretien routier, en vrac et en grosses quantités.

                                  (non souligné dans l'original)

 

[24]      J'ajouterais que l'Opposante n'a fourni aucune preuve indiquant la portée des ventes associées à sa marque NANUK ENVIRO NON/CHLORIDE.

 

L'étude des motifs d'opposition

Premier motif invoqué en vertu de l'alinéa 30a) Les marchandises de la Requérante ne sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce

[25]      À mon avis, l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, soit de contester le premier motif d'opposition : voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c. Bacardi & Company Ltd, 2014 FC 323 aux paragraphes 30 à 38 (CanLII). De plus, j'accepte les observations de la Requérante sur ce sujet, à la page 7 de son plaidoyer écrit, à savoir que les marchandises sont effectivement décrites conformément à l'alinéa 30a) :

La Requérante fait valoir que les marchandises visées par la demande sont décrites de façon suffisamment précise, et dans les termes ordinaires du commerce, de manière à permettre au consommateur de comprendre facilement ce en quoi consiste le produit ENVIRO-GUARD et son utilité particulière. Les termes utilisés pour décrire les marchandises sont des mots de la langue courante. La Requérante ne fait pas affaire dans un domaine hautement technique où il serait nécessaire d'utiliser et d'expliquer davantage des termes de l'industrie ou des mots techniques non familiers pour décrire le produit qu'elle offre. En revanche, les mots « déglaçage », « produits pour prévenir la formation de glace » et « les chaussées, les trottoirs et autres surfaces pavées » sont issus de la langue courante et évoquent une signification évidente, sans autre précision requise.

 

Deuxième motif invoqué en vertu de l'alinéa 30i) La Requérante ne peut pas avoir été convaincue qu'elle avait le droit à l'enregistrement

[26]      Pour appuyer une allégation fondée sur l'alinéa 30i), il faut établir que la Requérante a agi de mauvaise foi ou de façon frauduleuse ou encore qu’elle contrevient à une loi fédérale : voir, à titre d'exemple, Sapodilla Co Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la page 155 et Canada Post Corporation c Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst).

 

[27]      Le fait que la Requérante était, ou aurait dû être, au courant des marques de l'Opposante n'empêche pas en soi la Requérante de prononcer sincèrement et précisément la déclaration prévue à l'alinéa 30i), à savoir que la Requérante était convaincue qu'elle avait le droit d'employer la marque : voir Lorillard, Inc c Fabriques de Tabac Reunies S.A.(1990), 30 CPR(3d) 406 à la page 408 (COMC); Taverniti S.A.R.L. c D.G.G.M. Britton Holdings Inc (1986), 8 CPR(3d) 400 aux pages 404 et 405 (COMC).

 

[28]      Par conséquent, l'Opposante n'a pas allégué suffisamment de faits pour invoquer un motif d'opposition au titre de l'alinéa 30i). Le deuxième motif d'opposition est donc rejeté.

 

Autres motifs La confusion est le principal enjeu

[29]      La principale question à trancher est celle de savoir si la marque ENVIRO-GUARD visée par la demande crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques CLEAR GUARD, ROAD GUARD PLUS et NANUK ENVIRO NON/CHLORIDE de l'Opposante. Les dates pertinentes pour l'examen de la question de la confusion sont la date de ma décision relativement au motif d'opposition alléguant la non-enregistrabilité, en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce; la date de production de la demande (25 mai 2010) relativement aux motifs alléguant l'absence de droit à l'enregistrement, en vertu de l'article 16 de la Loi; et la date de l'opposition (10 janvier 2011) relativement au dernier motif d'opposition alléguant l'absence de caractère distinctif, en vertu de l'article 2 : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d'opposition, voir American Retired Persons c Canadian Retired Persons (1998), 84 CPR(3d) 198 (CF 1re inst) aux pages 206 à 209.

 

Dans quelles situations les marques de commerce créent-elles de la confusion?

[30]      Les marques de commerce créent de la confusion lorsquil existe une probabilité raisonnable de confusion au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, lequel est libellé comme suit :

 

Lemploi dune marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque lemploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises ou les services. . . liés à ces marques de commerce sont fabriqués. . . ou que les services liés à ces marques sont... exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non. . . de la même catégorie générale.

 

[31]      Par conséquent, le paragraphe 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur une confusion qui porterait à croire que les produits ou les services d'une source proviennent d'une autre source. En l'espèce, la question soulevée par le paragraphe 6(2) est celle de savoir si les acheteurs du produit de déglaçage de la Requérante, vendu sous la marque ENVIRO-GUARD, pourraient croire que ces marchandises ont été fournies, autorisées ou licenciées par l'Opposante qui offre des produits de déglaçage sous les marques CLEAR GUARD; ROAD GUARD PLUS; et NANUK ENVIRO NON/CHLORIDE. Cest à la Requérante quincombe le fardeau ultime de démontrer, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui sapplique en matière civile, quil ny aurait pas de probabilité raisonnable de confusion.

 

Le test en matière de confusion

[32] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles expressément énoncées aux alinéas 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi, à savoir, le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste nest pas exhaustive et tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. En outre, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids, car le poids qu’il convient d’accorder à chacun varie selon les circonstances : voir Gainers Inc c Tammy L Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst). Toutefois, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5).

 

Examen des facteurs énoncés à l'article 6(5)

Premier facteur le caractère distinctif inhérent et acquis

[33]      La marque visée par la demande, ENVIRO-GUARD, ne possède pas un caractère distinctif inhérent très élevé, puisque le premier élément de la marque serait perçu comme la troncation du mot « environnement » et le deuxième élément comme un mot de langue courante. La marque dans son ensemble évoque soit que le produit de la Requérante est écologique, soit que le consommateur sera protégé contre l'environnement en utilisant le produit de la Requérante. La preuve fournie par Mme Cardinell souligne la nature non distinctive de l'élément ENVIRO. La marque visée par la demande est donc relativement faible. De même, les marques CLEAR GUARD et ROAD GUARD PLUS de l'Opposante sont relativement faibles, puisqu'elles sont composées de mots de la langue courante et évoquent la nature protectrice des marchandises de l'Opposante. La marque NANUK ENVIRO NON/CHLORIDE de l'Opposante est également une marque relativement faible, car le premier élément serait perçu comme un nom inuit masculin et le dernier élément est descriptif des marchandises de l'Opposante. Par conséquent, le caractère distinctif inhérent des marques en cause ne favorise aucune des parties.

 

[34]      Les marques CLEAR GUARD et ROAD GUARD PLUS de l'Opposante avaient acquis une réputation assez solide à la date pertinente la plus ancienne, soit le 25 mai 2010, et ont continué de développer leur caractère distinctif par la suite. Il n'y a aucune preuve pour contredire le fait que la marque NANUK ENVIRO NON/CHLORIDE de l'Opposante n'a acquis qu'un caractère distinctif minime, peu importe la date pertinente à laquelle on se réfère. La demande en objet pour la marque ENVIRO-GUARD est fondée sur un emploi projeté et donc, la Requérante ne peut pas invoquer le caractère distinctif de sa marque à compter de la plus ancienne date pertinente. Toutefois, la marque de la Requérante a commencé à acquérir un certain caractère distinctif grâce aux ventes et à la publicité qui ont débuté en novembre 2010. Le caractère distinctif acquis de la marque des parties s'applique en faveur de l'Opposante à toutes les dates pertinentes. Néanmoins, l'avantage pour l'Opposante est considérablement réduit étant donné que l'Opposante a établi une réputation pour ses marques à l'aide de grands acheteurs institutionnels plutôt que de consommateurs sur le marché du détail.

 

Deuxième facteur la période pendant laquelle les marques des parties ont été en usage

[35]      Le deuxième facteur favorise l'Opposante, puisque la preuve démontre que l'Opposante employait ses marques CLEAR GUARD et ROAD GUARD PLUS depuis environ 2003, alors que la Requérante n'a pas commencé à employer sa marque ENVIRO-GUARD avant la fin de 2010.

 

Troisième et quatrième facteurs le genre de marchandises et les voies de commercialisation

[36]      Le genre de marchandises des parties est essentiellement le même, ce qui favorise l'Opposante. Toutefois, comme il en a été question plus tôt, les voies commerciales des parties sont distinctes, et au mieux ne se chevauchent que légèrement, ce qui favorise la Requérante. Les troisième et quatrième facteurs, pris ensemble, s'équilibrent l'un et l'autre et ne favorisent donc aucune des parties.

 

Cinquième facteur le degré de ressemblance entre les marques des parties

[37]      Étant donné que la première partie d'une marque est celle qui a le plus de poids aux fins de la distinction, j'estime que les marques des parties sont plus différentes que semblables sur le plan visuel, de la sonorité et des idées suggérées : voir Conde Nast Publications Inc c Union Des Editions Modernes (1979) 26 CPR(2d) 183 at 188 (CF 1re inst). Le cinquième facteur, et le plus important, s'applique donc en faveur de la Requérante. De plus, il existe un principe du droit des marques de commerce, qui favorise également la Requérante, selon lequel des différences minimes peuvent suffire à distinguer des marques « faibles », c'est-à-dire des marques ayant un caractère distinctif faible (voir GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd, (1975), 22 CPR(2d) 154 (CF 1re inst.)) – cela est d'autant plus vrai si l'Opposante n'a pas démontré de caractère distinctif acquis pour ses marques afin que celles-ci se voient accorder une protection élargie.

 

[38]      À la lumière de ce qui précède, et particulièrement du fait que les marques des parties sont relativement faibles, que les voies commerciales des parties sont distinctes et que les marques des parties sont plus différentes que semblables sur chacun des trois plans liés à la ressemblance, j'estime qu'à toutes les dates pertinentes, les marques en questions ne créaient aucune confusion.

 

[39]      J'aimerais également souligner que dans son plaidoyer écrit, et à l'audience, l'Opposante a fait valoir que le cinquième motif d'opposition, invoquant l'absence de caractère distinctif, devait être accueilli parce que l'emballage du produit de la Requérante arbore parfois les marques SAFE STEP et CLEARING THE WAY TO A BEAUTIFUL HOME, ces marques appartenant à différentes sociétés associées de la Requérante, de pair avec les marques de la Requérante. L'Opposante fait valoir que la Requérante n'a présenté aucun accord de licence conclu entre elle et ses sociétés associées concernant ses marques de commerce et que, dans de telles circonstances, la marque visée par la demande ne peut pas être distinctive des marchandises de la Requérante.

 

[40]      Il convient d'accorder un certain mérite aux observations de l'Opposante, mais je ne suis pas d'accord pour dire que le cinquième motif, tel qu'il est invoqué dans la déclaration d'opposition, peut être interprété de manière si générale que l'on puisse y inclure une allégation d'absence de caractère distinctif fondée sur les faits ci-dessus invoqués par l'Opposante. L'Opposante est limitée aux allégations plaidées, en l'espèce celles qui ont trait à la confusion. Dans certains cas, la preuve au dossier peut servir à corriger des lacunes dans un motif d'opposition (voir à titre d'exemple Novopharm Ltd c AstraZeneca AB (2002) 21 CPR (4th) 289 (CAF) au paragraphe 23). Toutefois, ce n'est pas le cas en l'espèce (voir à titre d'exemple Massif Inc c Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011) 95 CPR (4th) 249 (CF) aux paragraphes 26 à 28. Et même si c'était le cas, j'estimerais que la preuve au dossier ne suffit pas pour satisfaire au fardeau de preuve qui incombe à l'Opposante, soit de contester l'allégation d'absence de caractère distinctif ci-dessus.

 

[41]      Compte tenu de ma conclusion énoncée au paragraphe 38 ci-dessus, l'opposition est rejetée.

 

[42]      La présente décision est rendue dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

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Myer Herzig, membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

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