Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2011 TMOB 69

Date de la décision: 2011-05-16

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Swedish Orphan International AB à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,213,054 pour la marque de commerce ORPHAN EUROPE & Dessin au nom de OE Operations, société par actions simplifiée

[1]               Le 13 avril 2004, Orphan Europe, société à responsabilité limitée (la Requérante), a produit une demande d'enregistrement concernant la marque de commerce ORPHAN EUROPE & Dessin (la Marque) reproduite ci-après, basée sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque en France sous le No. 94545412 en liaison avec les marchandises (telles qu’amendées au cours de l’examen de la demande) et services suivants :

 

ORPHAN EUROPE (& DESSIN)

 

Marchandises : Produits pharmaceutiques pour traiter les maladies rares, nommément pour le traitement de la persistance du canal artériel chez le nouveau-né prématuré de faible poids de naissance, du déficit en N acétyle glutamate synthase et de la crise aiguë de Prophyrie hépatique.

 

Services : Édition de livres et de revues; production de films et utilisation des techniques et moyens de l'audiovisuel; organisation et conduite de colloques, conférences, congrès et expositions à buts éducatifs ou culturels.

 

[2]               La demande a été annoncée pour fins d’opposition le 26 décembre 2007 dans le Journal des marques de commerce.

 

[3]               Swedish Orphan International AB (l’Opposante) a produit une déclaration d'opposition à l’encontre de cette demande en date du 21 février 2008.

 

[4]               La Requérante a produit le 3 avril 2008 une contre-déclaration déniant tous les motifs d’opposition. De façon concomitante, elle a demandé que soit rendue une décision interlocutoire sur la suffisance des allégations contenues dans certains paragraphes de la déclaration d’opposition. Par lettre officielle datée du 30 mai 2008, le registraire a fait droit partiellement à la demande de la Requérante. Les motifs d’opposition maintenus par la décision interlocutoire du registraire peuvent se résumer comme suit :

 

  1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(d) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, ch. T-13) (la Loi) en ce qu’à la date de production de la demande au Canada, la Requérante n’employait pas la Marque en France ou dans tout autre pays en association avec chacune des marchandises et chacun des services allégués dans la demande;
  2. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(i) de la Loi en ce qu’à la date de production de la demande au Canada, la Requérante ne pouvait être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services allégués dans la demande eu égard à la marque SWEDISH ORPHAN & Dessin de l’Opposante faisant l’objet de l’enregistrement canadien No. LMC683,087 en liaison avec les marchandises suivantes: Medicines (orphan drugs) for the treatment of rare diseases, namely antidotes, infectious diseases, hematology, metabolic disorders, rare lung diseases and for use in oncology and pain control;
  3. Eu égard aux dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable en ce qu’elle crée de la confusion avec la marque SWEDISH ORPHAN & Dessin de l’Opposante mentionnée plus haut; et
  4. La Marque n’est pas distinctive des marchandises et services de la Requérante au sens de l’article 2 de la Loi en ce que la Marque n’est pas adaptée à distinguer et ne distingue véritablement pas ces marchandises et services des marchandises de l’Opposante en liaison avec lesquelles la marque SWEDISH ORPHAN & Dessin mentionnée plus haut est employée.

 

[5]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit de James Haggerty, recherchiste en marques de commerce à l’emploi du cabinet d’avocats et d’agents de marques de commerce représentant l’Opposante dans la présente procédure, assermenté le 28 juillet 2008, de même que des copies certifiées de l’enregistrement no LMC683,087; de l’avis d’approbation relatif à la présente demande d’enregistrement; et d’un avis relatif à l’article 37(3) de la Loi à l’égard de l’enregistrement no LMC683,087. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de Karine Jarry, avocate à l’emploi du cabinet d’avocats et d’agents de marques de commerce représentant la Requérante dans la présente procédure, assermentée le 21 novembre 2008.

 

[6]               Par lettre datée du 26 novembre 2008, la firme d’agents de marques de commerce représentant la Requérante a demandé au registraire de reconnaître la cession de la Marque intervenue le 12 avril 2007 par un document intitulé « Contrat de cession de marques » ainsi que le changement d’adresse du cessionnaire de sorte que la Marque soit dorénavant inscrite comme détenue par OE Opérations, société par actions simplifiée. Je note que l’enregistrement français No. 94545412 mentionné plus haut est également visé par ce contrat de cession. Comme suite à l’inscription de ce transfert de propriété par le registraire, l’Opposante a requis et obtenu la permission d’amender sa déclaration d’opposition afin de refléter le changement de titre intervenu. Je référerai ci-après indistinctement aux sociétés OE Opérations et Orphan Europe sous le vocable « la Requérante ».

 

[7]               Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit. Seule la Requérante a participé à une audience.

Analyse

[8]               Il incombe à la Requérante de démontrer que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun de ces motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Massimo De Berardinis c. Decaria Hair Studio (1984), 2 C.P.R. (3d) 319 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.); Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al, (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.F.A.); et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

[9]               Appliquant ces principes à la présente affaire, le seul motif d’opposition qui doit être tranché par le registraire est celui fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi. Les motifs d’opposition 1, 2 et 4 peuvent en effet être sommairement rejetés pour les raisons suivantes :

i) Motif fondé sur l’article 30(d) de la Loi : l’Opposante n’a pas rencontré son fardeau de preuve initial. En l’absence d’éléments de preuve au dossier soulevant tout questionnement quant au bien-fondé de l’allégation d’emploi de la Marque en France par la Requérante à la date de production de la présente demande, la Requérante n’est pas tenue de produire une preuve réfutant ce motif d’opposition;

ii) Motif fondé sur l’article 30(i) de la Loi : ce motif, tel que plaidé, n’est pas un motif d’opposition valable. Le seul fait que la Requérante ait pu connaître l’existence de la marque de commerce déposée de l’Opposante ne l’empêche pas de faire dans sa demande, la déclaration prévue à l’article 30(i) de la Loi. Même si ce motif avait été valablement plaidé, lorsqu’un requérant a produit la déclaration exigée par l’article 30(i), pareil motif ne doit être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve démontre que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co., 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Rien ne démontre que la Requérante était de mauvaise foi en l’espèce; et

iii) Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif : l’Opposante n’a pas rencontré son fardeau de preuve initial. Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce était devenue suffisamment connue au Canada à la date de la déclaration d’opposition de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc. c. No.6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F.); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc. c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. Or, l’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi de sa marque de commerce. La simple production d’une copie certifiée de l’enregistrement no LMC683,087 ne peut établir davantage qu’un emploi de minimis de la marque SWEDISH ORPHAN & Dessin. Pareille présomption d’emploi s’avère insuffisante dans les circonstances [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)].

[10]           Reste donc le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi.

Motif fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi

[11]           Tel qu’indiqué précédemment, l’Opposante a fourni une copie certifiée de l’enregistrement no LMC683,087 pour la marque de commerce SWEDISH ORPHAN & Dessin (reproduite ci-après) invoqué à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi :

 

SWEDISH ORPHAN & Design

 

[12]           La date pertinente pour décider d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.F.A.)]. J’ai exercé ma discrétion et vérifié que l’enregistrement de l’Opposante est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce. Puisque cela est le cas, l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant. La Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque de l’Opposante.

 

[13]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[14]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.)].

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[15]           La Marque est composée à la fois d’une portion nominale, soit des mots ORPHAN et EUROPE, et d’une portion graphique, soit la représentation du mot ORPHAN en caractères gras, centré à l’intérieur d’un cercle contenant deux séries de quatre bandes courbes disposées dans les parties supérieure et inférieure du cercle.

 

[16]           Tel que mis de l’avant par la Requérante, le mot ORPHAN dans le contexte des marchandises de la Requérante réfère aux médicaments orphelins ou « orphan drugs », lesquels sont définis dans la 2e Édition du Canadian Oxford Dictionary (voir les extraits de dictionnaires produits à titre de pièce KJ-2 au soutien de l’affidavit de Mme Jarry) comme « a drug that is useful but not commercially viable for the pharmaceutical company producing it unless it is granted tax credits and other special status ».

 

[17]           Il convient de noter également la définition suivante de « maladie orpheline » tirée du dictionnaire Le Nouveau Petit Robert reproduite dans l’affidavit de Mme Jarry : « maladie trop peu fréquente pour que la recherche s’y intéresse ». L’affidavit de Mme Jarry contient également à cet effet divers extraits de sites Internet traitant du sujet des « maladies rares » ou « maladies orphelines », dont un extrait du site http://fr.wikipedia.org définissant l’expression « médicament orphelin », laquelle serait apparue aux États-Unis dans le Orphan Drug Act de 1983 (voir la pièce KJ-1). Étant donné les définitions de dictionnaires reproduites plus haut, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de me pencher plus avant sur l’admissibilité en preuve de ces divers extraits de sites Internet.

 

[18]           Le mot EUROPE en tant que désignation géographique s’avère également peu distinctif [voir California Fashion Industries Inc. c. Reitmans (Canada) Ltd. (1991), 38 C.P.R. (3d) 439 (F.C. 1re inst.)]. En ce sens, j’estime que la portion graphique de la marque constituée du cercle décrit plus haut s’avère être la portion la plus distinctive de la Marque.

 

[19]           Les mêmes commentaires s’appliquent à la marque SWEDISH ORPHAN & Dessin de l’Opposante, en faisant les ajustements nécessaires pour ce qui est des mots EUROPE et SWEDISH. L’énoncé des marchandises visées par l’enregistrement No. LMC683,087 réfère d’ailleurs expressément aux « Medicines (orphan drugs) for the treatment of rare disease ». Cet enregistrement contient également un désistement du droit à l’usage exclusif du mot ORPHAN en dehors de la marque de commerce.

 

[20]           Il convient d’ajouter sur ce point que la Requérante a également fait valoir lors de l’audience que l’Opposante indiquerait d’ailleurs sur son site Internet que « [o]ur name, Swedish Orphan International, comes from the expression « orphan drugs », a term used to describe the specialist drugs that we bring to market ». Cet argument de la Requérante est basé sur un extrait d’une page du site Internet www.swedishorphan.com produit comme pièce KJ-3 au soutien de l’affidavit de Mme Jarry. L’on peut également lire sur cet extrait que :

 

Swedish Orphan International’s business concept is to develop and supply orphan drugs – drugs designated for the treatment of rare, life-threatening or chronically debilitating diseases. Swedish Orphan International was founded in 1988 and is a pioneer within the area of orphan drugs. Swedish Orphan International has for several years been one of Sweden’s fastest growing companies, and now has affiliates throughout Europe.

 

[21]           Comme je l’ai fait remarquer à la Requérante lors de l’audience, le même argument vaut pour la Requérante puisque celle-ci a également produit dans la même veine, comme pièce KJ-4, un extrait d’une page du site Internet www.rare-diseases.com dans le but de démontrer le domaine d’activités de la Requérante, selon lequel :

 

Orphan Europe was founded in 1990 by Mr. William Gunnarsson with the aim to provide treatment for patients with unmet medical needs suffering from rare diseases. Orphan Europe was acquired by Recordati in December 2007. A lot has happened in 18 years; today the company provides nine orphan products to patients all over the world with the help of 130 medical, scientific and marketing specialists in over 15 countries. New subsidiaries are being created, the latest ones being set up in the Middle East region.

 

[22]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion et l’emploi. Tel qu’indiqué plus haut, l’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi de sa marque de commerce. Pour ce qui est de la preuve de la Requérante, les simples extraits de sites Internet produits comme pièces KJ-3 et 4 au soutien de l’affidavit de Mme Jarry s’avèrent insuffisants pour conclure que l’une ou l’autre des marques de commerce en cause est devenue connue au Canada de manière à en rehausser le caractère distinctif inhérent. J’estime à cet égard qu’il n’est pas nécessaire de me pencher plus avant sur le poids à accorder à ces deux extraits de sites Internet, et me limiterai à mentionner que les extraits choisis par Mme Jarry ne peuvent être qualifiés d’objectifs et exhaustifs, de même que suffisants en soi pour prouver la véracité de leur contenu.

 

[23]           Pour conclure sur ce premier facteur, j’estime que les marques des parties possèdent somme toute le même degré de caractère distinctif inhérent, lequel m’apparaît être relativement faible compte tenu du caractère descriptif de leurs portions nominales respectives.

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[24]           Tel que mentionné précédemment, il n’y a aucune preuve que les marques respectives des parties ont été employées au Canada. Bien que l’enregistrement no LMC683,087 fasse mention d’une déclaration de commencement d’emploi de la marque SWEDISH ORPHAN & Dessin au Canada produite le 7 février 2007, pareille déclaration d’emploi ne saurait à elle seule favoriser de manière particulièrement significative l’Opposante en l’absence de preuve d’emploi continu de la marque SWEDISH ORPHAN & Dessin au Canada.

c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

[25]           L’énoncé des marchandises de la Requérante et celui des marchandises listées dans le certificat d’enregistrement de l’Opposante consistent tous deux en des produits pharmaceutiques ou médicaments pour le traitement de « maladies rares ». Bien que la nature des maladies rares énumérées dans chacun des énoncés diffère, j’estime qu’un certain chevauchement existe dans la nature des marchandises des parties de par le fait que celles-ci visent une catégorie particulière de médicaments, à savoir les médicaments orphelins ou « orphan drugs ». J’ajouterai sur ce point que la Requérante a elle-même fait valoir lors de l’audience que chacune des parties se positionne comme une entreprise ayant pour objet le développement de médicaments orphelins [voir à cet effet les extraits des sites Internet www.swedishorphan.com et www.rare-diseases.com reproduits plus haut].

 

[26]           Dans les circonstances, j’estime raisonnable de conclure que les canaux de distribution des marchandises des parties et la nature du commerce en cause sont les mêmes ou, du moins, susceptibles de se chevaucher. À cet égard, je ne suis pas prête à accorder de poids significatif à l’argument de la Requérante à l’effet que les produits des parties visent une clientèle très avisée et informée de la nature des produits pharmaceutiques en question. La preuve de la Requérante introduite par les extraits de sites Internet KJ-3 et 4 tend plutôt à démontrer que les patients de chacune des parties se retrouvent « all over the world » et que chacune des parties opère suivant le même modèle d’affaires. Il convient également de rappeler que dans le cas de médicaments sur ordonnance, le consommateur moyen s’entend non seulement des professionnels dans le domaine de la sante mais aussi du patient [voir Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120].

 

[27]           Pour ce qui est des services de la Requérante, j’estime raisonnable d’inférer que ceux-ci se rattachent au domaine pharmaceutique, et plus particulièrement aux maladies orphelines ou médicaments orphelins, compte tenu du contexte des marchandises de la Requérante et de la preuve introduite par la Requérante elle-même au moyen de la pièce KJ-4. Il est de jurisprudence constante que les états déclaratifs de marchandises et services doivent être lus avec l’objectif de déterminer le genre d’entreprise ou de commerce que les parties entendaient probablement établir plutôt que de répertorier tous les commerces que pourrait englober pareils libellés. La preuve relative aux commerces qu’exploitent réellement les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); et American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[28]           « À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire. » [Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1reinst.), à la page 149, confirmé par (1982), 60 C.P.R. (2d) 70 (C.A.F.)].

 

[29]           Par ailleurs, et tel que mentionné plus haut, il est bien établi en jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, « [m]ême s'il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d'en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), au paragraphe 34].

 

[30]           Je conviens avec l’Opposante que les marques en cause se ressemblent beaucoup. Leurs portions graphiques consistent toutes deux en la représentation du mot ORPHAN, centré de manière proéminente à l’intérieur d’un cercle (ou d’une sphère) contenant deux séries de quatre bandes courbes disposées dans les parties supérieure et inférieure du cercle (ou de la sphère). Leurs portions nominales se ressemblent également au niveau des idées suggérées en ce que l’une réfère à la région géographique de l’Europe alors que l’autre réfère à un pays de l’Europe, nommément la Suède. Il convient également de noter qu’au niveau visuel, les mots EUROPE et SWEDISH sont tous deux positionnés à l’extérieur du cercle (ou de la sphère), à la même hauteur que le mot ORPHAN retrouvé à l’intérieur de celui-ci (ou de celle-ci) donnant à penser que les portions nominales EUROPE et SWEDISH ORPHAN jouent un rôle de second ordre servant essentiellement à identifier la provenance géographique des marchandises ou services des parties ou une division quelconque.

Circonstance additionnelle

[31]           À titre de circonstance additionnelle, l’Opposante fait valoir l’état du registre des marques de commerce en ce qui a trait à des marques de commerce constituées d’un « globe design with interior sheres » similaire à celui compris dans la marque de commerce de l’Opposante, en association avec des produits pharmaceutiques.

 

[32]           Plus particulièrement, l’Opposante fait valoir que les recherches effectuées par M. James Haggerty sur le registre des marques de commerce mises en preuve par l’affidavit de celui-ci démontrent qu’il n’existe sur le registre que deux marques de commerce seulement constituées d’un dessin similaire, soit précisément les marques de commerce sous étude. La Requérante fait valoir quant à elle que ces recherches démontrent au contraire qu’une vingtaine d’enregistrements ou demandes d’enregistrement de marques de commerce en instance visent des marques de commerce constituées du dessin d’un globe comprenant des sphères intérieures. Partant, la Requérante soumet que pareil élément figuratif est relativement commun dans le domaine des produits pharmaceutiques et que le consommateur est habitué à distinguer des marques de commerce incorporant un tel dessin.

 

[33]           La preuve de l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où on peut en tirer des conclusions concernant l’état du marché, et des conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont relevés [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

[34]           En l’occurrence, je note qu’un certain nombre de demandes d’enregistrement relevées par M. Haggerty n’ont pas été admises à l’enregistrement. Je suis néanmoins prête à convenir avec la Requérante que la dizaine d’enregistrements relevés par ces recherches supporte l’argument de la Requérante à l’effet que l’Opposante ne jouit pas d’un monopole sur pareil élément figuratif, quoique je convienne également avec l’Opposante qu’aucun des dessins relevés par ces recherches ne ressemble autant à celui de l’Opposante que celui compris dans la Marque de la Requérante. En cela, je suis d’avis que la preuve de l’état du registre n’assiste de façon significative aucune des parties.

Conclusion – probabilité de confusion

[35]                Tel qu’indiqué plus haut, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Le fait que pareil fardeau incombe à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive une fois toute la preuve produite, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante [voir John Labatt, précité].

[36]                Considérant le caractère distinctif inhérent relativement faible de la marque de l’Opposante et le fait que la preuve au dossier ne démontre pas que celle-ci a acquis une réputation substantielle au Canada, j’estime que la marque de l’Opposante a droit seulement à une étendue de protection limitée. Malgré cela, je ne suis pas satisfaite qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque SWEDISH ORPHAN & Dessin de l’Opposante ne serait pas susceptible de conclure, sur la base de la première impression, que les marchandises et services associés à la Marque ORPHAN EUROPE & Dessin de la Requérante proviennent de la même source ou sont autrement reliées ou associées aux marchandises de l’Opposante.

[37]                Bien que la marque de l’Opposante soit une marque faible, je suis d’avis que la Requérante n’a pas adopté une marque suffisamment différente de la marque de l’Opposante. J’estime que le facteur déterminant en l’occurrence est le fort degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties. Bien que chacun des éléments composant les marques de commerce en cause soit peu distinctif, il est frappant de constater que l’agencement de ceux-ci est, à toutes fins pratiques, identique. Ceci combiné au fait que les parties œuvrent toutes deux dans le domaine des produits pharmaceutiques destinés au traitement de « maladies rares » (quoique différentes), m’amènent à conclure que la Requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, l’absence de risque de confusion entre les marques en cause. Conséquemment, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi.

Décision

[38]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande en vertu de l’article 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

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