Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de The Chamberlain Group, Inc. aux demandes no 1224296 et 1224318 produites par Lynx Industries Inc. en vue de l’enregistrement des marques de commerce LYNXMASTER et LYNXMASTER & Dessin       

 

 

 

[1]          Le 21 juillet 2004, Lynx Industries Inc. (la Requérante) a produit deux demandes de marque de commerce; une pour LYNXMASTER (la Marque verbale) et une pour LYNXMASTER & Dessin (la Marque figurative), laquelle est reproduite ci‑dessous :

Cat head and word LynxMaster

 

[2]          Chacune des demandes est fondée sur l’emploi projeté de la marque de commerce en cause en liaison avec des ouvre-portes de garage.

 

[3]          Les deux demandes ont été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 12 janvier 2005. Le 13 juin 2005, The Chamberlain Group, Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de chacune des demandes.

 

[4]          La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration à l’égard des deux demandes.

 

[5]          À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit :

      une copie certifiée conforme de l’enregistrement canadien no 370675 de la marque de commerce;

      une copie certifiée conforme de l’enregistrement canadien no 330535 de la marque de commerce;

       l’affidavit de James H. Nelems;

       l’affidavit de Mark B. Tone;

       l’affidavit de Sarah S. Anderson;

       l’affidavit de Joseph T. Nabor.

 

[6]          À l’appui de sa demande, la Requérante a produit :

       l’affidavit de Lynne Brigant;

       l’affidavit de George Mantis;

       l’affidavit de James McCarthy;

       l’affidavit de Blair Hughes;

       l’affidavit de Mark Schram.

 

[7]          Comme contre‑preuve, l’Opposante a produit :

       l’affidavit de Kelly Brady;

       un autre affidavit de James H. Nelems.

 

[8]           La Requérante a contre‑interrogé Mme Anderson et M. Nelems au sujet de leur affidavit. La transcription des contre‑interrogatoires et des réponses aux engagements a été produite.

 

[9]          Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et a participé à l’audience tenue en l’espèce.

 

La question préliminaire – admissibilité de la preuve

[10]      Lorsque la Requérante a produit sa preuve, elle s’opposait à la production : 1) de la transcription de la déposition de Mark Schram (pièce A de l’affidavit de M. Nabor) et 2) du premier affidavit de M. Nelems. Monsieur Schram est vice‑président et directeur général de la Requérante. Monsieur Nabor est un associé du cabinet d’avocats inscrit au dossier pour l’Opposante dans l’opposition des parties aux États‑Unis; il a recueilli la déposition de M. Schram. Monsieur Nelems, responsable des études de marché, a mené une enquête auprès des consommateurs pour le compte de l’Opposante aux États‑Unis.

 

[11]      La Requérante s’opposait à ces deux éléments de preuve au motif qu’ils se rapportaient à la procédure d’opposition produite aux États‑Unis entre elle et l’Opposante. Dans son plaidoyer écrit, la Requérante a affirmé qu’elle s’opposait à la production de la transcription de la déposition de M. Schram parce qu’il s’agit d’une preuve par ouï‑dire inadmissible, qu’une déclaration antérieure n’est admissible que si l’auteur de la déclaration n’est pas disponible et que les déclarations figurant dans la transcription se rapportent à une procédure complètement différente.

 

[12]      À l’audience, l’Opposante a soutenu que la transcription de la déposition de M. Schram était admissible suivant l’exception à la règle du ouï‑dire fondée sur la nécessité car, comme M. Schram est le vice‑président de la Requérante, elle ne pouvait lui demander de produire un affidavit pour son propre compte. Toutefois, j’estime que l’argument de la Requérante à l’audience est plus convaincant, c’est‑à‑dire qu’aucune nécessité ne justifiait l’exception à la règle du ouï‑dire, car l’Opposante pouvait contre‑interroger M. Schram au sujet de l’affidavit qu’il a finalement produit à l’appui de la présente demande. L’Opposante a répondu en soutenant qu’elle n’aurait pas pu obtenir les renseignements énoncés dans la transcription produite aux É.‑U. en contre‑interrogeant M. Schram, car la Requérante aurait fait valoir que ces renseignements dépassaient le cadre du contre‑interrogatoire. Bien entendu, nous ne saurons jamais si la Requérante aurait refusé de répondre aux questions posées à M. Schram en contre‑interrogatoire. À mon avis, l’Opposante aurait mieux fait de contre‑interroger M. Schram et de voir si les réponses à ses questions étaient adéquates. Dans la négative, alors l’Opposante aurait pu soit demander au registraire d’accorder moins de poids au témoignage de M. Schram au motif qu’il a refusé de répondre à des questions pertinentes, soit produire la transcription en vue de réfuter toute preuve contradictoire. Dans la mesure où certaines parties de la transcription ne se rapportent pas à l’espèce, la Requérante aurait donc eu raison de refuser de répondre à ces questions, évidemment.

 

[13]      À l’appui de son argument selon lequel l’affidavit de M. Nelems devrait être écarté, la Requérante se fonde sur la décision National Hockey League c. Pepsi-Cola Canada Ltd., [1995] B.C.J. no 310 (C.A.), pour faire valoir que les résultats d’une enquête ne sont pertinents à titre d’éléments de preuve que s’ils se rapportent à la population adéquate et ne peuvent être extrapolés pour tirer des conclusions sur ce qui se passerait dans d’autres régions géographiques. Dans son affidavit, M. Nelems présente les résultats d’une enquête qu’il a menée aux États‑Unis pour le compte de l’Opposante, qu’il a utilisés dans l’opposition à la demande d’enregistrement présentée aux États‑Unis pour la marque de commerce LYNX MASTER de la Requérante. La Requérante affirme donc que les résultats d’une enquête menée aux É.‑U. n’ont aucune signification au Canada. L’attestation de M. Nelems selon laquelle il n’a [traduction] « aucune raison de croire que les résultats obtenus dans l’étude [menée aux É.‑U.] seraient manifestement différents de ceux obtenus au Canada si une enquête semblable avait été menée » n’est pas convaincant, car sa déclaration est fondée sur sa connaissance et son expérience relativement au domaine de l’étude des marchés, et non sur une connaissance précise de la différence entre la réaction des Canadiens et celle des Américains. Autrement dit, je suis d’avis que les préoccupations exprimées dans la décision NHL s’appliquent en l’espèce. Par conséquent, j’accorde peu de poids au témoignage de M. Nelems.

 

[14]      Incidemment, dans la décision sur l’opposition produite aux É.‑U. concernant LYNX MASTER, le Trademark Trial and Appeal Board a accordé peu de poids aux résultats de l’enquête de M. Nelems, après avoir analysé ce qu’il considérait comme des lacunes dans la façon dont l’enquête a été menée. [Voir The Chamberlain Group, Inc. c. Lynx Industries, Inc. (l’Opposition produite aux É.‑U.), opposition n91160673 à la demande no 78281660 produite le 31 juillet 2003, décision transmise le 14 décembre 2007 et présentée par l’Opposante.]

 

[15]      Dans sa lettre du 9 mars 2007, la Requérante était d’avis que si le Trademark Trial and Appeal Board a accepté l’affidavit de M. Nelems et la transcription de l’affidavit de M. Schram, alors il aurait dû accepter également les affidavits respectifs de MM. Mantis, McCarthy et Hughes. Ces trois affidavits ont été produits pour réfuter la preuve faisant l’objet de l’opposition.

 

[16]      À l’audience, j’ai confirmé que si je n’examinais pas la preuve faisant l’objet de l’opposition de l’Opposante, alors je ne devrais pas examiner les affidavits respectifs de MM. Mantis, McCarthy et Hughes. Comme j’accorderai peu de poids à l’affidavit de M. Nelems et à la transcription de la déposition de M. Schram, je n’ai pas à examiner les affidavits respectifs de MM. Mantis, McCarthy et Hughes.

 

Le fardeau de la preuve

[17]      Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande respecte les exigences de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la « Loi »). Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298]. 

 

La preuve

[18]      La question principale en l’espèce est celle de savoir si les marques de la Requérante créent de la confusion avec l’une ou l’autre des marques invoquées de l’Opposante, à savoir GARAGE MASTER, LIFT MASTER, LIFTMASTER et ACCESSMASTER. Ainsi, je résumerai la preuve concernant la réputation de chaque marque.

 

Les marques de l’Opposante

[19]      Selon Mme Anderson, vice‑présidente chargée de la commercialisation, l’Opposante est une société américaine qui exerce ses activités partout dans le monde. Elle atteste que l’Opposante est le plus gros fabricant d’ouvre-portes de garage résidentiels et de dispositifs de portes commerciales au monde. Cependant, ce sont les activités au Canada qui sont pertinentes en l’espèce et je limiterai mon résumé en conséquence.

 

[20]      En contre‑interrogatoire, Mme Anderson a fait savoir que puisque l’Opposante est une société privée, toutes les données financières sont traitées comme des renseignements exclusifs, [traduction] « alors on ne divulgue aucun chiffre à personne » [question 345]. L’Opposante peut choisir de ne pas divulguer de tels renseignements, mais dans la mesure où le témoignage qui en résulte est ambigu, il devrait être interprété contre elle.

 

 

 

i) LIFTMASTER

[21]      Comme les consommateurs ne percevraient pas LIFT MASTER et LIFTMASTER comme deux marques différentes, je les considère interchangeables. Dans le résumé suivant, je vais rassembler la preuve concernant les deux marques, et je vais les appeler collectivement LIFTMASTER.

 

[22]      Madame Anderson affirme que l’Opposante vend des produits LIFTMASTER au Canada depuis au moins 1990. Les produits LIFTMASTER comprennent des produits de commande de porte et des produits de commande à distance, qui peuvent également être décrits comme des ouvre-portes de garage et accessoires. Madame Anderson a présenté les ventes annuelles approximatives des produits LIFTMASTER au Canada pour les années 2000 à 2005 :

          2000 – supérieures à 90 000

          2001 – supérieures à 90 000

          2002 – supérieures à 110 000

          2003 – supérieures à 120 000

          2004 – supérieures à 140 000

          2005 – supérieures à 120 000

         

[23]       Madame Anderson a également fourni une trousse indiquant comment la marque LIFTMASTER est liée à des ouvre-portes de garage (pièce 7) et une liste partielle des concessionnaires ou des installateurs au Canada qui vendent les marchandises de l’Opposante (pièce 8).

 

[24]      Madame Anderson affirme que l’Opposante fait la publicité de ses produits LIFTMASTER par divers media. Elle soutient que certaines revues spécialisées contenant de la publicité pour les produits LIFTMASTER circulent au Canada (paragraphe 12, pièce 4). Elle prétend également que l’Opposante expose ses marchandises dans des salons professionnels, mais elle ne fournit pas le nombre précis de Canadiens pouvant avoir connu la marque LIFTMASTER de cette façon. Elle affirme également qu’en 2004, plus d’un million de dollars a été consacré à la publicité des marchandises LIFTMASTER au Canada. Selon les pages 76 et 77 de la transcription de son contre‑interrogatoire, ces dépenses sont liées à la publicité imprimée et télédiffusée et aux sommes accordées aux concessionnaires pour promouvoir les ouvre‑portes de garage résidentiels LIFTMASTER. La publicité nationale est [traduction] « principalement » télédiffusée, mais l’Opposante ne nous a pas donné d’exemples de publicité télédiffusée.

 

[25]      Madame Anderson nous informe que [traduction] « la part [de l’Opposante] du marché des ouvre‑portes de garage composé essentiellement de produits LIFTMASTER » est d’environ 65 % au Canada (Mme Anderson a confirmé à la question 422 de son contre‑interrogatoire que le 65 % inclut d’autres marques que LIFTMASTER). Sa déclaration est fondée en partie sur les données d’une enquête relative aux propriétaires obtenues par l’entremise d’une société de recherche indépendante; bien que ces données d’enquête aient été ventilées par marque, Mme Anderson a choisi de ne pas fournir les chiffres ainsi ventilés [contre‑interrogatoire, questions 425 à 437]. Le représentant de l’Opposante a soutenu que la part de 65 % du marché composé essentiellement de produits de marque LIFTMASTER équivaut à une part d’au moins 33 % du marché se rapportant uniquement aux produits de marque LIFTMASTER.

 

[26]      Le site Web des produits LIFTMASTER de l’Opposante a été visité par plus de 20 000 personnes au Canada en 2006.

 

ii) ACCESSMASTER

[27]      Très peu de renseignements ont été fournis concernant la marque ACCESSMASTER de l’Opposante. En contre‑interrogatoire, Mme Anderson a affirmé que la marque est employée dans le secteur résidentiel, mais qu’elle n’est pas publicisée [questions 683 à 691].

 

iii) GARAGE MASTER

[28]      De même, très peu de renseignements ont été fournis concernant la marque GARAGE MASTER de l’Opposante. D’après le contre‑interrogatoire de Mme Anderson, nous savons toutefois que cette marque n’est pas publicisée [questions 683 à 694].

 

 

Les marques de la Requérante

[29]      Selon M. Schram, la Requérante est la société canadienne qui occupe le premier rang mondial dans la fabrication, la distribution et la commercialisation de portes de garage et d’éléments de portes de garage. Monsieur Schram atteste que la Requérante fabrique et distribue des ouvre‑portes de garage électriques résidentiels et commerciaux depuis 1977. La Requérante emploie LYNX et son logo représentant une tête de chat pour établir une distinction entre ses produits et ceux des concurrents, et ceux‑ci apparaissaient sur tous les dispositifs de portes de garage vendus au Canada.

 

i) LYNXMASTER

[30]      Rien ne démontre que la Requérante a commencé à employer ses marques projetées ou à en faire la promotion. Bien que Mme Brady, une agente de marques de commerce employée par les représentants de l’Opposante, ait effectué des enquêtes téléphoniques auprès de tiers et que ces derniers ont répondu par l’affirmative à la question de savoir s’ils vendent des ouvre‑portes de garage LYNXMASTER, cette preuve est inadmissible car elle constitue du ouï‑dire.

 

ii) LYNXMASTER & Dessin

[31]      De même, rien ne démontre que la Requérante a commencé à employer sa marque figurative ou à en faire la promotion.

 

Les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 12(1)d)

[32]      L’Opposante a fait valoir que les marques de la Requérante ne sont pas enregistrables au sens de l’alinéa 12(1)d) de la Loi puisqu’elles créent de la confusion avec la famille de marques de commerce MASTER de l’Opposante, composée des marques de commerce déposées GARAGE MASTER et LIFT MASTER.

 

[33]      La date pertinente au regard de ce motif d’opposition est la date de ma décision (voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]. L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve parce que ses enregistrements nos LMC370675 pour la marque LIFT MASTER et LMC330535 pour la marque GARAGE MASTER sont valides.

 

[34]      Puisque la preuve de l’Opposante est plus convaincante à l’égard de sa marque LIFT MASTER, j’axerai mon analyse sur la probabilité de confusion entre LIFT MASTER et LYNXMASTER. Si LYNXMASTER ne crée pas de confusion avec LIFT MASTER, alors elle ne créera pas non plus de confusion avec GARAGE MASTER. De même, si LYNXMASTER ne crée pas de confusion avec LIFT MASTER ou GARAGE MASTER, alors LYNXMASTER & Dessin ne créera pas non plus de confusion avec LIFT MASTER ou GARAGE MASTER.

 

[35]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le par. 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles précisément énumérées au par. 6(5) de la Loi. Toutefois, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas forcément le même.

 

L’analyse fondée sur le paragraphe 6(5)

al. 6(5)a

[36]      La marque LIFT MASTER de l’Opposante n’est pas intrinsèquement forte puisqu’elle sous‑entend que les ouvre‑portes de garage associés à cette marque ont maîtrisé l’art de soulever des portes de garage. (Dans l’enregistrement, l’Opposante renonce au droit à l’usage exclusif du mot « lift » [soulever].)

 

[37]      La marque LYNXMASTER de la Requérante est intrinsèquement plus forte que celle de l’Opposante, car LYNX, contrairement à LIFT, n’a aucune signification dans le domaine des ouvre‑portes de garage.

 

[38]      Seule l’Opposante a établi que sa marque a acquis une certaine réputation par l’emploi ou la promotion. À cet égard, précisons que plus de 670 000 produits LIFT MASTER ont été vendus au Canada à ce jour.

 

al. 6(5)b)

[39]      L’Opposante prétend que sa marque a été employée au Canada depuis au moins 1990. La Requérante ne prétend pas avoir employé sa marque à ce jour.

 

al. 6(5)c

[40]      Les marchandises visées par l’enregistrement de la marque LIFT MASTER sont des ouvre‑portes de garage, donc les marchandises des parties sont identiques.

 

al. 6(5)d

[41]      Bien que les parties aient fourni divers éléments de preuve et arguments sur la question de savoir s’il existe une distinction entre les acheteurs et/ou voies de commercialisation qu’elles envisageaient, étant donné que les marchandises des parties sont les mêmes et qu’il n’y a aucune restriction sur les voies de commercialisation ni dans la demande de la Requérante ni dans l’enregistrement de l’Opposante, il conviendrait en l’espèce de considérer que les voies de commercialisation se chevauchent à tout le moins, à défaut d’être identiques.

 

al. 6(5)e

[42]      S’agissant du degré de ressemblance, les marques doivent être considérées dans leur ensemble; il est inexact de placer les marques de commerce côte à côte et de comparer et observer les ressemblances ou les différences entre leurs éléments ou leurs composantes. Néanmoins, le premier élément d’une marque est souvent considéré comme celui qui sert le plus à établir son caractère distinctif [Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.) et Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]. De plus, lorsqu’un mot est courant et descriptif, il a droit à une protection plus étroite qu’un mot inventé ou unique.

 

[43]           En général, les marques sont nettement différentes sur le plan de la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent. Bien que chacune des marques comprenne un mot à une seule syllabe commençant par la lettre L suivie du mot MASTER, leurs différences sont plus importantes que leurs ressemblances. En particulier, les plus grandes différences entre les mots LIFT et LYNX dans la présentation et dans le son, mais plus important encore, dans les idées qu’elles suggèrent, neutralisent toute ressemblance entre ces marques. Bien que les marques aient en commun le mot MASTER, cette caractéristique commune n’est pas la partie dominante de la marque de la Requérante. De plus, le mot MASTER est un mot courant du dictionnaire qui évoque une proposition élogieuse. Même si l’Opposante a fait remarquer que la nature descriptive du mot MASTER varie selon qu’elle est employée à titre de nom ou d’adjectif, je considère cet argument comme étant trop sémantique et non déterminant quant au degré de ressemblance entre les marques.

 

Les autres circonstances de l’espèce

i) L’état du marché

[44]           L’Opposante soutient avec raison que seul l’état du marché canadien est pertinent en l’espèce. Les marques appartenant à des tiers aux É.‑U. ne sont pas pertinentes.

 

[45]           Madame Brigant, technicienne juridique employée par les avocats de la Requérante, a effectué des recherches dans la base de données des marques de commerce canadiennes le 9 février 2007 visant le mot MASTER. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions sur l’état du marché, et de telles conclusions ne peuvent être tirées que lorsqu’un nombre substantiel d’enregistrements ont été repérés. [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]

 

[46]     Madame Brigant a repéré 3 037 enregistrements comportant le mot MASTER dans le nom de la marque de commerce. La popularité de ce mot provient probablement de sa nature élogieuse.

 

[47]     Madame Brigant a ensuite restreint sa recherche aux marques de commerce MASTER qui comportaient le mot « garage » dans les marchandises ou services. Cette recherche a généré six marques appartenant à des tiers, au nom de quatre parties. Ce faible nombre ne suffit pas à établir l’état du marché.

 

[48]     Monsieur Schram a affirmé au paragraphe 13 de son affidavit qu’il sait personnellement que beaucoup d’autres sociétés emploient ou ont employé le terme MASTER en liaison avec des portes, des ouvre‑portes et des services d’installation de portes. Il a donné quatre exemples dans le cas du Canada :

1.             Canadian Doormaster Electric Ltd. de la Colombie‑Britannique, qui commercialise des portes de garage (pièce « E »);

2.             Sunshine Door de l’Alberta, qui commercialise ses portes sous le nom DOOR MASTERS (pièce « F »);

3.             Spring Masters of Canada de l’Ontario, qui vend des portes et des matériaux de construction (pièce « G »);

4.             Pro-Master Garage Doors Service de l’Ontario, qui vend des portes de garage et des ouvre‑portes d’autres parties, notamment les ouvre‑portes LIFTMASTER (pièce « H »).

 

[49]     L’Opposante a produit l’affidavit de Mme Brady en réponse au témoignage susmentionné de M. Schram. Le témoignage de Mme Brady concernant les quatre sociétés en date du 9 août 2007 est le suivante :

1.             La page Web de Canadian Doormaster était toujours affichée sur Internet; un appel téléphonique à cette société a confirmé qu’elle vend des ouvre‑portes de garage, particulièrement de marques LIFTMASTER et LYNXMASTER (mais non de la marque GARAGE MASTER).

2.             Le site Web de Sunshine Doors n’affichait plus le logo particulier DOOR MASTERS après le 6 mai 2006, mais en 2007, il affichait le logo A DOOR MASTERS SUNSHINE DOOR et la déclaration suivante : [traduction] « Les produits Sunshine Door sont fabriqués à Red Deer, en Alberta, par DOORMASTERS INC. » Lors d’un appel téléphonique à la société, la réceptionniste a répondu ainsi : [traduction] « Bonjour, Door Masters » et a confirmé que la société vend des ouvre‑portes de garage de marque LIFTMASTER, mais pas de marque GARAGE MASTER ou LYNXMASTER.

3.             La page Web de Spring Masters of Canada était toujours affichée sur Internet, mais le numéro de téléphone indiqué n’était plus en service. Au moyen de l’assistance‑annuaire de Bell, Mme Brady a repéré le numéro de Spring Masters of Canada en Ontario, mais un appel téléphonique à ce numéro a révélé que cette société ne vend pas d’ouvre‑portes de garage et exerce ses activités dans un domaine différent.

4.             La page Web de Pro-Master Garage Doors Service de l’Ontario était toujours affichée sur Internet. Lors d’un appel téléphonique à la société, la réceptionniste a répondu ainsi : [traduction] « Pro-Master, comment puis‑je vous aider? » et a confirmé que la société vend des ouvre‑portes de garage, particulièrement de marque LIFTMASTER, et des pièces de marque LYNXMASTER, mais aucun produit de marque GARAGE MASTER.

 

[50]     Compte tenu de ce qui précède, je peux seulement conclure que l’Opposante n’est pas seule à employer le mot MASTER dans son domaine général. Je ne peux conclure que le mot MASTER a été suffisamment employé par des tiers pour permettre aux Canadiens de faire la distinction entre deux marques contenant ce mot. Quoi qu’il en soit, étant donné la nature élogieuse du mot, les consommateurs canadiens seraient vraisemblablement attirés vers les autres caractéristiques de ces marques.

 

[51]     Il est intéressant de mentionner également la preuve produite à titre de pièce 3 au contre‑interrogatoire de Mme Anderson, à savoir les pages Web datées du 7 novembre 2007 de Creative Door Services Ltd. (située en C.‑B., en Alberta et en Saskatchewan). Les produits offerts par Creative Door Services Ltd. comprennent les ouvre‑portes de garage de l’Opposante et les ouvre‑portes de garage iDrive TorqueMaster appartenant à un tiers [pages 31 à 33, contre‑interrogatoire de Mme Anderson]. De plus, les pages provenant du site Web de 2007 de l’Opposante, produites à titre de pièce 6 en contre‑interrogatoire, démontrent que l’un des concessionnaires autorisés à vendre les produits LIFTMASTER de l’Opposante est la société Pro Master de Mississauga, en Ontario.

 

(iii) La famille de marques

[52]     L’Opposante a fait valoir qu’elle possède une famille de marques MASTER. Pour se prévaloir d’une famille de marques, l’Opposante doit prouver l’emploi de chacune des marques de la famille invoquée. [McDonald’s Corp. c. Alberto-Culver Co. (1995), 61 C.P.R. (3d) 382 (C.O.M.C.)] De plus, lorsqu’une famille de marques est invoquée, il est utile d’examiner la question de savoir si la caractéristique commune aux marques de l’Opposante figure également dans les marques de commerce appartenant à des tiers. [Association Olympique canadienne c. Techniquip Limited (1999), 3 C.P.R. (4th) 298 (C.A.F.)]

 

[53]      L’Opposante n’a pas établi sa famille invoquée puisqu’elle a uniquement démontré l’emploi d’une seule marque MASTER, et il appert que d’autres sociétés dans l’industrie emploient le mot MASTER.

 

(iii) L’Opposition produite aux É.‑U.

[54]      Je n’analyserai pas davantage l’Opposition produite aux É.‑U., car cette affaire est différente de l’espèce sur les plans du droit et de la preuve. Les décisions rendues par des tribunaux étrangers n’ont pas valeur de jurisprudence contraignante pour la Commission. [Origins Natural Resources c. Warnaco U.S. (2000) 9 C.P.R. (4th) 540 (C.O.M.C.); voir également Vivat Holdings Ltd. c. Levi Strauss & Co. (2005), 41 C.P.R. (4th) 8 (C.F. 1re inst.)]

 

(iv) La réputation de la Requérante concernant la marque LYNX

[55]      Selon la Requérante, le fait que le mot clé de sa dénomination sociale est le premier mot des marques visées par la demande et que la marque LYNX a été employée par elle au Canada depuis 1976 en liaison avec des ouvre‑portes de garage constitue une autre circonstance à examiner.

 

[56]      Bien que la preuve permette d’établir que la Requérante a acquis une réputation en liaison avec la marque LYNX, c’est la marque LYNXMASTER, et non LYNX, qui est en litige en l’espèce.

 

La conclusion concernant le par. 6(5)

[57]      Après examen de l’ensemble des circonstances, j’estime qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. Le facteur le plus important ou décisif dans la détermination de la question de la confusion est le degré de ressemblance entre les marques de commerce, et les différences marquées entre la première partie dominante de chaque marque rend la confusion improbable, peu importe si seule la marque de l’Opposante a acquis une certaine réputation. [Voir la décision Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), à la p. 149, confirmée par 60 C.P.R. (2d) 70.]  Arriver à une conclusion différente reviendrait, à mon sens, à accorder à l’Opposante un monopole déraisonnable au mot élogieux MASTER dans son domaine.

 

[58]      Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur l’al. 12(1)b) sont rejetés.

 

Les motifs d’opposition fondés sur l’article 16

[59]      L’Opposante a fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement au sens du par. 16(3) de la Loi, car à la date de production des demandes, les marques de la Requérante créaient de la confusion avec ses marques de commerce GARAGE MASTER, LIFT MASTER et LIFTMASTER, lesquelles étaient employées antérieurement au Canada en liaison avec, notamment, des ouvre‑portes de garage et des pièces connexes. Les marques de la Requérante créaient également de la confusion avec sa marque de commerce ACCESSMASTER, laquelle était antérieurement employée au Canada en liaison avec des dispositifs de protection d’accès au périmètre, ainsi qu’avec sa famille de marques de commerce MASTER. Afin de s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de l’al. 16(3)a), l’Opposante doit prouver qu’elle a employé ses marques au Canada avant le 21 juillet 2004. L’Opposante ne l’a fait qu’en ce qui concerne les ouvre‑portes de garage LIFTMASTER.

 

[60]      La preuve dont nous disposons aujourd’hui diffère de celle établie à la date de production des demandes. S’agissant de la date de production du 21 juillet 2004, rien ne démontre que des tiers ont employé la marque MASTER, et la preuve relative à la réputation de l’Opposante en est quelque peu réduite. Toutefois, ces différences ne me permettent pas d’arriver à une conclusion différente sur la question de la probabilité de confusion de celle à laquelle je suis arrivée suivant l’al. 12(1)d), puisque ma conclusion à cet égard était fondée principalement sur les différences entre les marques des parties. Par conséquent, dans les circonstances de l’espèce, la date à laquelle la question de la confusion est déterminée n’a aucune incidence.

 

[61]      Par conséquent, pour des raisons semblables à celles énoncées à l’égard des motifs d’opposition fondés sur l’al. 12(1)d), les motifs fondés sur l’art. 16 sont également rejetés.

 

Les motifs d’opposition fondés sur le caractère distinctif

[62]      L’Opposante a fait valoir que les marques de la Requérante ne sont pas distinctives, car elles créent de la confusion avec les marques de l’Opposante. La date à laquelle il convient d’évaluer la confusion à l’égard de ce motif est la date de production de l’opposition [Metro‑Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)]. Toutefois, l’évaluation de la probabilité de confusion à cette date n’est pas tellement différente de celle effectuée en date d’aujourd’hui sur le fondement de l’al. 12(1)d).

 

[63]      Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur le caractère distinctif sont rejetés pour des raisons semblables à celles mentionnées à l’égard des motifs fondés sur l’al. 12(1)d).

 

Les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30i)

[64]      Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) ne doit être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve démontre que le requérant est de mauvaise foi. [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co., 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)] Rien ne démontre que la Requérante était de mauvaise foi en l’espèce. À cet égard, j’estime que ni la connaissance de la Requérante des marques de l’Opposante, ni un litige en matière de brevets entre les parties ne permet d’établir la mauvaise foi.

 

[65]      Les motifs d’opposition fondés sur l’al. 30i) sont rejetés.

 

Les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30e)

[66]      L’Opposante a soutenu que les demandes ne respectent pas l’al. 30e) de la Loi car, à la date de production des demandes, la Requérante n’avait pas l’intention d’employer les marques de commerce visées par les demandes. L’Opposante se fonde sur les contre‑déclarations pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif. Les contre‑déclarations de la Requérante, et le fait qu’elle a nié les motifs d’opposition, exposent divers arguments. Normalement, on ne tient pas compte d’un argument soulevé au mauvais endroit. Cependant, en l’espèce, l’Opposante désire se fonder sur la déclaration suivante provenant du paragraphe g) des contre‑déclarations : [traduction] « La Requérante affirme que comme le logo représentant une tête de lynx apparaît en liaison avec tous ses produits d’une manière quelconque, le caractère distinctif commercial de sa marque de commerce augmentera davantage sur le marché. »

 

[67]      Je ne saurais interpréter la citation précédente comme une sorte d’admission selon laquelle la Requérante n’a pas l’intention d’employer les marques visées par les demandes. De plus, je rejette l’argument de l’Opposante selon lequel même si ces déclarations ne vont pas manifestement à l’encontre de l’intention de la Requérante d’employer les marques, un tel test ne devrait pas être appliqué puisque l’Opposante n’est pas habilitée à mener un contre‑interrogatoire sur le contenu d’une contre‑déclaration. De toute évidence, l’Opposante aurait pu contre‑interroger M. Schram, vice‑président de la Requérante, si elle avait vraiment voulu donner suite à ce motif d’opposition. De plus, comme l’a souligné le représentant de la Requérante à l’audience, M. Schram a clairement attesté dans son affidavit que la Requérante avait l’intention d’employer les deux marques visées par les demandes.

 

[68]      Par conséquent, je rejette les motifs d’opposition fondés sur l’al. 30e) au motif que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial à cet égard.

 

Décision

[69]      Dans l’exercice des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette les deux oppositions conformément au paragraphe 38(8).

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 19 OCTOBRE 2009.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau

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