Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 6

Date de la décision : 2012 ‑01‑09

DANS L'AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Ruko of Canada Limited à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1 335 693 pour la marque de commerce BENCHMARK SHARK au nom de Home Hardware Stores Limited

[1]               Le 15 février 1997, Home Hardware Stores Limited (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque BENCHMARK SHARK (la Marque), fondée sur l'emploi projeté de la Marque au Canada. L’état déclaratif des marchandises est actuellement libellé comme suit : pinces à dénuder et couteau universel. 

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des Marques de commerce du 28 novembre 2007.

[3]               Le 28 décembre 2007, Ruko of Canada Limited (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition à l'encontre de la demande. Les motifs d’opposition, tels qu'ils ont été modifiés le 4 septembre 2008, sont les suivants : en application de l'alinéa12(1)d), la Marque n'est pas enregistrable; suivant l'alinéa16(3)a), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque; enfin, la Marque n'est pas distinctive. Chacun de ces motifs est fondé sur la confusion créée avec l'emploi et l'enregistrement de la marque de commerce SHARK de l'Opposante (numéro d'enregistrement LMC220199), enregistrée en liaison avec des [traduction] « couteaux de plongée, couteaux de chasse et couteaux universels ».

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[5]               La preuve de l'Opposante consiste en l'affidavit de Renate Koppe, vice-présidente de l'Opposante. La preuve de la Requérante consiste en l'affidavit de Jessica Ryan, stagiaire en droit au cabinet de l'agent de la Requérante. Seule Mme Koppe a été contre-interrogée, et la transcription du contre-interrogatoire, les pièces et les réponses aux engagements ont toutes été versées au dossier.

[6]               La Requérante et l'Opposante ont toutes deux produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, et les deux parties y étaient représentées.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[7]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s'acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

[8]               Les dates pertinentes pour l'examen des motifs d’opposition sont les suivantes :

         alinéa 38(2)b) et alinéa 12(1)d) - la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         alinéa 38(2)c) et paragraphe 16(3) - la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)];

         alinéa 38(2)d) et article 2 - la date de production de l’opposition [voir Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Motifs d’opposition

Alinéa 38(2)b) et alinéa 12(1)d) - Non-enregistrabilité

[9]               Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) porte sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque SHARK de l'Opposante, dont le numéro d'enregistrement est LMC220199.

[10]           Je signale que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau initial à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), parce que le l'enregistrement no LMC220199 est en règle.

Le test en matière de confusion

[11]           Le test applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour appliquer le test régissant la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même.

[12]           Dans les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la démarche à appliquer pour apprécier les circonstances permettant de déterminer si deux marques de commerce créent de la confusion. C’est en gardant ces principes généraux à l’esprit que j’examinerai maintenant toutes les circonstances de l’espèce.

alinéa 6(5)a) - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenus connues

[13]           La marque de l'Opposante n'est pas intrinsèquement forte, parce que le mot « shark » est un mot ordinaire qui figure au dictionnaire et qui a une connotation suggestive lorsqu'il est employé en liaison avec des couteux et des marchandises connexes. Il est vrai que la Marque de la Requérante comprend aussi l'élément « shark », mais je conviens avec celle-ci que la Marque a un caractère distinctif inhérent légèrement supérieur à celui de la marque de l'Opposante, parce qu'elle comporte l'élément additionnel BENCHMARK, qui n'a aucune signification particulière en liaison avec les marchandises visées par la demande.

[14]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou par l’emploi. La preuve soumise par Mme Koppe, la déposante de l'Opposante, fournit les renseignements suivants quant à l'emploi de la marque de l'Opposante en liaison avec les marchandises visées par l'enregistrement :

         l'Opposante a commencé à employer la marque de commerce SHARK en 1976 en liaison avec une gamme de couteaux flottants flexibles, y compris des couteaux à filet et des couteaux de chasse; des photos montrant l'emballage d'origine des couteaux et les couteaux eux-mêmes sont jointes à l'affidavit de Mme Koppe à titre de pièces B et C;

         les couteaux de l'Opposante sont vendus dans des magasins d'articles de sport et des quincailleries partout au Canada ainsi que dans des magasins nationaux de détail tels que Canadian Tire, Rona, Zellers; ils sont aussi vendus aux centres de distribution Home Hardware en vue de leur distribution aux magasins Home Hardware.

         les ventes totales des marchandises de l'Opposante visées par l'enregistrement s'élèvent à 250 000 $ au Canada pour la période de 1977 à 1988;

         les marchandises de l'Opposante visées par l'enregistrement ont presque toutes été écoulées en 1998 en raison d'un différend avec le fabricant de l'Opposante. Par suite de ce différend, seule une quantité limitée de marchandises de l'Opposante visées par l'enregistrement était disponible sur le marché entre 1998 et 2008 (à savoir, neuf douzaines) (voir le contre-interrogatoire de Mme Koppe, aux questions 43 à 45);

         deux factures, toutes deux pour quatre couteaux SHARK, établies le 23 avril 2008 et le 25 avril 2008 au nom de Ruko Outdoor Products Inc., ont été versées en preuve comme pièce E de l'affidavit de Mme Koppe; en contre-interrogatoire, le témoin a révélé que les ventes ont été faites à deux anciens clients, que l’Opposante avait informés par téléphone qu'il restait en stock des marchandises dont ils pouvaient faire l'achat (voir le contre‑interrogatoire de Mme Koppe, aux questions 52 à 54);

         la gamme de produits SHARK de l'Opposante était annoncée dans le catalogue 1993‑1994 de l'Opposante, qui a été distribué par celle-ci à 800 clients réguliers; dans les catalogues 1995-1996 et 1998, la marque de l'Opposante n’était désignée que par le code de produit.

[15]           La Requérante soutient que l'Opposante n'a établi aucun emploi de sa marque déposée SHARK, parce que dans la preuve, la marque est toujours représentée avec la marque maison RUKO de l'Opposante. L'emploi d'une marque de commerce en combinaison avec des mots ou des éléments additionnels constitue un emploi de la marque déposée si le public, à la première impression, pensait qu'il s'agit d'un emploi de la marque de commerce elle-même. Il s'agit d'une question de fait qui dépend de la question de savoir si la marque de commerce se démarque des éléments additionnels et si la marque de commerce demeure reconnaissable [voir Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.); Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (C.A.F.)].

[16]           La preuve montre que, lorsque la marque de l'Opposante est employée sur les marchandises ou sur l'emballage, elle apparaît toujours avec le mot RUKO, soit côte à côte avec celui-ci et dans la même police de caractère, soit en tant qu'élément graphique distinctif dans lequel le S du mot SHARK englobe le mot RUKO. Le fait que la marque de commerce SHARK n'est pas employée seule sur les couteaux ou sur leur emballage a été confirmé par Mme Koppe en contre-interrogatoire (voir le contre-interrogatoire de Mme Koppe aux questions 26 à 31 ainsi que les pièces B, C et D de son affidavit).

[17]           Toutefois, la marque de l'Opposante apparaît seule dans le corps des deux factures établies le 23 avril 2008 et le 25 avril 2008 au nom de Ruko Outdoor Products Inc. et visant dans les deux cas quatre couteaux de marque SHARK, factures qui sont jointes comme pièce E à l'affidavit de Mme Koppe. Je ne suis pas certaine que cette preuve soit suffisante à elle seule pour établir l'emploi de la marque en soi, puisque rien n'indique que ces factures accompagnaient les marchandises au moment de la vente. En outre, la déposante n'explique pas pourquoi le nom qui figure sur les factures est différent du nom de l'Opposante. Enfin, Mme Koppe a admis en contre‑interrogatoire que les deux ventes ont été réalisées à la suite d'appels téléphoniques faits à deux anciens clients pour leur demander s'ils souhaitaient faire l'achat de certaines marchandises qui restaient en stock (voir le contre-interrogatoire de Mme Koppe, aux questions 52 à 54). Bien que Mme Koppe ait déclaré que rien ne motivait les appels aux anciens clients et que l'Opposante « [traduction] espérait seulement écouler les stocks », je conviens avec la Requérante qu'il est possible que ces ventes n'aient pas été conclues dans la pratique normale du commerce.

[18]           Quoi qu'il en soit, comme l'Opposante l'a fait valoir, elle n’était pas tenue de montrer l'emploi de sa marque telle qu'elle est enregistrée pour étayer son motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d). Toutefois, je ne peux, à la lumière de la preuve, conclure que la marque de l'Opposante telle qu'elle est enregistrée est devenue connue au Canada dans quelque mesure que ce soit. Puisque la demande visant la Marque de la Requérante est fondée sur l'emploi projeté et que la Requérante n'a établi aucun emploi de sa Marque depuis la date de production de sa demande, ce facteur ne favorise aucune des parties.

alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage

[19]           La période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage ne favorise aucune des deux parties.

alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[20]           En ce qui concerne ce facteur, ma décision repose sur la comparaison entre l'état déclaratif des marchandises figurant dans la demande de la Requérante et les marchandises et services décrits dans l'enregistrement de l'Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.)]; Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

[21]           Les marchandises des parties se ressemblent en ce qu'elles consistent en des couteaux dans les deux cas. Cependant, elles ne sont pas identiques, puisque les pinces à dénuder et le couteau universel de la Requérante sont considérés comme des « outils polyvalents », ce qui n'est pas le cas des couteaux de plongée, des couteaux de chasse et des couteaux à filet de l'Opposante. Il convient également de prendre en considération que l'Opposante, à l'époque où Mme Koppe a souscrit son affidavit, développait une nouvelle gamme de couteaux de poche portant la marque de commerce SHARK et planifiait d'élargir sa gamme SHARK pour y inclure quelques-uns de ses affûteurs et de ses couteaux universels.

[22]           En ce qui concerne les voies commerciales, l'Opposante a produit des éléments de preuve pour établir qu'elle vend ses produits de marque SHARK dans les magasins de la Requérante, de même que dans des grands magasins et des magasins d'articles de sport. Par conséquent, il est probable que les voies commerciales des parties se recoupent.

alinéa 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[23]           Bien que la première partie de la marque soit souvent considérée comme la plus importante pour ce qui est du caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)], la marque doit aussi être considérée dans son ensemble [voir Pernod Ricard c. Brasseries Molson (1992), 44 C.P.R. (3d) 359 (C.F. 1re inst.), à la page 369]. En l'espèce, les marques BENCHMARK SHARK et SHARK se ressemblent visuellement et sur le plan sonore, au point où la Marque de la Requérante englobe entièrement la marque de l'Opposante. Bien que, dans une certaine mesure, l'élément BENCHMARK contribue à distinguer la Marque de la Requérante de la marque de l'Opposante, je conviens avec l'Opposante qu'il s'agit d'un mot statique et, qu'aux yeux du consommateur, il n'est pas aussi suggestif que l'élément SHARK. À mon avis, le mot SHARK suggère que les marchandises des deux parties possèdent des caractéristiques proches de celles du requin (c'est‑à‑dire qu'elles sont aussi aiguisées que les dents d'un requin).

autres circonstances de l’espèce

[24]           Comme autre circonstance de l'espèce, la Requérante invoque la preuve de l’état du marché, présentée par Mme Ryan. Celle-ci a mené une recherche sur les marques de commerce qui contiennent le mot « shark » et qui sont employées en liaison avec des couteaux et des ciseaux vendus au Canada. Mme Ryan a relevé les exemples suivants :

         affûte-couteaux SAMURAI SHARK, acheté dans un magasin Canadian Tire par Mme Ryan à Ottawa le 18 novembre 2009;

         coupe-ruban/coupe-bandage THE SHARK, offert sur le site www.bigkahuna.ca, commandé par Mme Ryan depuis son bureau à Ottawa et reçu ensuite conformément à la commande;

         couteau NEBO SHARK, offert sur le site www.bigkahuna.ca, commandé par Mme Ryan depuis son bureau à Ottawa et reçu ensuite conformément à la commande;

         ciseaux professionnels de coiffure SHARK FIN, offerts sur le site www.sharkfinshears.com/ grooming, et qui, selon le représentant de l'entreprise, peuvent être expédiés au Canada;

         couteau SHARK, qui n'est plus vendu, mais qui était auparavant offert sur le site www.klassenbronze.com, une entreprise qui vend ses produits par l'intermédiaire de distributeurs, notamment au Canada.

[25]           Parmi les cinq produits repérés par Mme Ryan, je conviens avec l'Opposante que le couteau SHARK et les ciseaux de coiffure SHARK FIN ne sont pas pertinents, puisque le premier produit n'était plus vendu au moment où Mme Ryan a mené sa recherche et que la preuve selon laquelle le second produit peut être livré au Canada, constitue du ouï-dire.

[26]           Des trois autres instruments de coupe, tous achetés par Mme Ryan, un a été acheté en personne et deux ont été commandés au moyen d’Internet. Bien que les achats en ligne prouvent que les Canadiens peuvent acheter ces marchandises sur Internet, cette preuve concernant des marques de tiers ne constitue pas à mon avis une preuve très solide de l'emploi sur le marché au Canada. Ne reste plus que la preuve relative à l'affûte-couteaux SAMURAI SHARK acheté dans un magasin Canadian Tire à Ottawa. En soi, cette preuve ne suffit pas à établir que les Canadiens ont l'habitude de distinguer les divers instruments de coupe de marque SHARK. Je conclus donc que la preuve de l’état du marché présentée par la Requérante est insuffisante pour constituer une circonstance importante en l'espèce.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[27]           Le test applicable est celui de la première impression que laisse, dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé, la vue de la marque BENCHMARK SHARK sur les pinces à dénuder et les couteaux universels de la Requérante, à un moment où il n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce SHARK de l'Opposante et ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [voir l'arrêt Veuve Clicquot].

[28]           Compte tenu des conclusions que j'ai déjà énoncées, et particulièrement de la ressemblance entre les marchandises des parties, du recoupement entre les voies commerciales des parties et du degré de ressemblance élevé entre les marques dans la présentation et le son et dans l'idée qu'elles suggèrent, il me semble que ce consommateur croirait probablement, à la première impression, que les marchandises liées à la marque SHARK et celles liées à la marque BENCHMARK SHARK sont fabriquées, vendues ou exécutées par la même personne.

[29]           Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) est donc retenu.

Alinéas 38(2)c) et 16(3)a) - Absence de droit à l'enregistrement

[30]           L'Opposante allègue aussi que, suivant l'alinéa 16(3)a), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement parce que la Marque crée de la confusion avec la marque SHARK de l'Opposante, antérieurement employée au Canada en liaison avec des couteaux.

[31]           À l'égard de ce motif d'opposition, l'Opposante a le fardeau initial de démontrer qu'elle avait employé sa marque de commerce avant la date de production de la demande de la Requérante et qu'elle ne l'avait pas abandonnée à la date de l'annonce de la demande de la Requérante [article 16].

[32]           La preuve soumise ne m'a pas convaincue que l'Opposante a établi l'emploi de sa marque en soi avant la date de production de la demande de la Requérante et le non-abandon de sa marque à la date de l'annonce de la demande de la Requérante. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Alinéa 38(2)d) et article 2 - Absence de caractère distinctif

[33]           En ce qui a trait au motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif de la Marque aux termes de l’article 2 de la Loi, l’Opposante doit établir qu'à la date de production de la déclaration d'opposition, sa marque de commerce était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque visée par la demande [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.), à la page 58 ); Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), à la page 130; Bojangles International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427]. L'Opposante n'a pas à prouver que sa marque était devenue bien connue; il lui suffit d'établir que sa marque était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque de la Requérante. Comme l'a déclaré le juge Noël dans la décision Bojangles, à la page 444, « [u]ne marque doit être connue au moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif établi d’une autre marque, et sa réputation au Canada devrait être importante, significative ou suffisante ».

[34]           L’Opposante n’ayant pas fourni une preuve suffisante de l'emploi de sa marque en soi au Canada avant la date de production de la déclaration d'opposition, j'estime qu’elle n'a pas établi que sa marque de commerce est suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la Marque. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.


 

Décision

[35]           Vu ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Dominique Lamarche, trad. a.

 

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