Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 67

Date de la décision : 2015-04-07

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Jarrow Formulas, Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,306,694 pour la marque de commerce POM SHOTS au nom de Canada Bread Company, Limited.

[1]               Jarrow Formulas Inc. s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce POM SHOTS visée par la demande d'enregistrement no 1,306,694 en liaison avec, entre autres, des nutraceutiques pour utilisation comme compléments alimentaires; des boissons à base de fruits sans alcool, enrichies de vitamines et de minéraux; de l'eau additionnée de nutriments; de l'eau enrichie de vitamines; des préparations pour faire des boissons aux fruits; des boissons aromatisées aux fruits sans alcool; des boissons pour sportifs; des boissons énergétiques non alcoolisées; des extraits de grenade pour la fabrication de boissons aux fruits sans alcool et de boissons aromatisées aux fruits.

[2]               La question déterminante en l'espèce est celle de savoir si la marque de commerce POM SHOTS (la Marque) crée de la confusion avec la marque de commerce POMEGREAT visée par la demande d'enregistrement no 1,277,280. À la date de l'annonce de la demande d'enregistrement de la Marque, la demande no 1,277,280 était en instance relativement aux produits suivants : [traduction] « compléments alimentaires, nommément concentrés de jus de fruits, suppléments vitaminiques et suppléments à base d'extraits de fruits sous forme liquide ».

[3]               Pour les motifs qui suivent, j'estime que la demande d'enregistrement doit être repoussée en partie.

Dossier

[4]               La demande a été produite par Pom Wonderful LLC le 23 juin 2006, sur la base d'un emploi projeté au Canada, et elle revendique la priorité d'une demande américaine produite le 23 décembre 2005; elle est actuellement au nom de Canada Bread Company, Limited en tant que cessionnaire. Le terme « Requérante » est employé tout au long de la présente décision pour désigner la propriétaire de la demande au moment pertinente.

[5]               La demande a été modifiée à deux reprises au cours de son examen par l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). Le 12 mai 2010, l'état déclaratif des produits contenu dans la demande a été modifié afin qu'il respecte les termes ordinaires du commerce et pour y ajouter l'enregistrement et l'emploi de la Marque comme deuxième fondement de l'enregistrement au Canada. Ce fondement a subséquemment été retiré dans une demande modifiée produite le 5 août 2010. À la suite de la modification volontaire apportée le 3 octobre 2012, l'état déclaratif des produits contenu dans la demande se lit désormais comme suit au dossier :

(1) Nutraceutiques pour utilisation comme suppléments alimentaires, nommément poudres, liquides, capsules et pilules à base d'extraits de fruits et d'extraits de plantes; boissons à base de fruits sans alcool, enrichies de vitamines et de minéraux; eau additionnée de nutriments; eau enrichie de vitamines; préparations pour faire des boissons aux fruits, nommément extraits de fruits et sirops pour la fabrication de boissons aux fruits sans alcool, de boissons aromatisées aux fruits sans alcool et de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées; extraits de fruits non alcoolisés pour la préparation de boissons; boissons non alcoolisés aromatisées aux fruits et boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées; boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits; eau potable, eau aromatisée; boissons pour sportifs; boissons énergétiques non alcoolisées; extraits de grenade pour la fabrication de boissons aux fruits sans alcool, de boissons aromatisées aux fruits sans alcool et de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées.

[6]               La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 29 décembre 2010.

[7]               Une déclaration d'opposition a été produite par Jarrow Formulas Inc. (l'Opposante) le 28 février 2012 sur le fondement de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). En résumé, les motifs d'opposition sont fondés sur des allégations selon lesquelles :

(i)            la demande n'est pas conforme aux exigences prévues à l'alinéa 30a) de la Loi parce qu'elle ne contient pas de déclaration des produits associés à la Marque dans les termes ordinaires du commerce [alinéa 38(2)a) de la Loi];

(ii)          la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'alinéa 16(3)b) de la Loi, étant donné la confusion avec la marque de commerce POMEGREAT de l'Opposante, pour laquelle la demande no 1,277,280 avait déjà été produite [alinéa 38(2)c) de la Loi];

(iii)        la Marque ne distingue pas ni n'est adaptée à distinguer les produits de la Requérante des produits et services de tiers [alinéa 38(2)d) de la Loi].

[8]               La Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d'opposition.

[9]               L'Opposante a choisi de ne produire aucune preuve.

[10]           La preuve de la Requérante est constituée de l'affidavit de Jessica Rodrigues-Cerqueira, une technicienne juridique employée par l'agent de marques de commerce de la Requérante, assermentée le 27 juin 2013. Mme Rodrigues-Cerqueira présente en preuve les détails d'enregistrements en vigueur et de demandes accueillies (les enregistrements et demandes POM), qu'elle a obtenus dans la base de données des marques de commerce canadiennes. Ces demandes et enregistrements appartiennent à la Requérante et visent des marques de commerce constituées du terme « POM » ou qui le contiennent (les Marques POM). Mme Rodrigues-Cerqueira n'a pas été contre-interrogée par l'Opposante.

[11]           Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Aucune audience n'a été tenue.

Fardeaux de preuve

[12]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées dans la déclaration d'opposition. Cela signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur. L'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition ne sera pris en considération que s'il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al. (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF); et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company (2005), 41 CPR (4th) 223 (CF)].

Motifs d'opposition rejetés sommairement

[13]           Je rejette sommairement les motifs d'opposition soulevés en vertu des alinéas 38(2)a) et 28(2)i) de la Loi pour les raisons suivantes.

[14]           Le motif d’opposition invoqué en vertu de l'alinéa 38(2)a) de la Loi, lequel est fondé sur une allégation selon laquelle la demande n'est pas conforme aux exigences de l'alinéa 30a) de la Loi, semble un argument « passe-partout », en ce sens qu'il ne fait que reprendre le libellé de la Loi. Quoi qu'il en soit, si l'on suppose que le motif d’opposition a été dûment plaidé, il est rejeté parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, soit de démontrer que la demande n'est pas conforme à l'alinéa 30a) de la Loi.

[15]           Le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, invoqué en vertu de l'alinéa 38(2)d) de la Loi, semble également être un argument « passe-partout », en ce sens qu'il allègue simplement que la Marque ne distingue pas, ni n'est adaptée à distinguer, les produits de la Requérante des produits et services de tiers.

[16]           Selon l’arrêt Novopharm Limited c AstraZeneca AB (2002), 21 CPR (4th) 289 (CAF), je dois évaluer l'étaiement suffisant des arguments en regard de la preuve soumise. Comme l'Opposante n'a fourni aucune preuve, je rejette le motif d’opposition parce qu'il n'a pas été dûment plaidé.

[17]           En revanche, étant donné que, dans le contexte de la déclaration d'opposition, on peut soutenir que l'argument s'entend d'une allégation selon laquelle la Marque n'est pas distinctive à la lumière de la marque de commerce POMEGREAT de l'Opposante, le motif d’opposition est rejeté parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait. Plus particulièrement, l'Opposante n'a pas démontré que la marque de commerce qu'elle invoquait était devenue suffisamment connue au Canada à la date de production de la déclaration d'opposition, soit le 28 février 2012, pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF); Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006) , 48 CPR (4th) 427 (CF)].

Examen des autres motifs d'opposition

[18]           L'autre motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 38(2)c) de la Loi est fondé sur l'article 16(3)b) de la Loi. Il repose sur une allégation de confusion entre la Marque et la marque de commerce POMEGREAT de l'Opposante, dont la demande porte le numéro 1,277,280.

[19]           J'estime qu'il est utile d'amorcer mon analyse de ce motif d’opposition par une reproduction des extraits suivants du plaidoyer écrit de la Requérante, car ils reflètent essentiellement sa position :
[traduction]

13.       Étant donné les enregistrements et demandes POM de la Requérante, lesquels ont été produits avant la demande POMEGREAT de l'Opposante (y compris la demande précédemment produite par la Requérante portant le numéro 1,222,704 pour la marque POM, laquelle couvre les mêmes marchandises qui figurent dans la demande POMEGREAT de l'Opposante, ainsi que l'enregistrement précédent de la marque de commerce POMWONDERFUL & Dessin de la Requérante portant le numéro LMC832,083), la Requérante détient des droits supérieurs relativement à la marque de commerce POM (et POM SHOTS) pour son emploi en liaison avec les marchandises énumérées dans la demande en objet, par rapport aux droits de l'Opposante relativement à sa demande POMEGREAT.

[…]

22.       [...] comme le démontre clairement la preuve de la Requérante, cette dernière détient des droits supérieurs relativement à la marque de commerce POM, y compris toutes les variantes de celle-ci (qui comprendraient POM SHOTS, étant donné que la Requérante emploie déjà depuis longtemps les Marques POM au Canada et que ses enregistrements et demandes POM ont été produits avant la date de priorité de la demande POMEGREAT de l'Opposante (y compris la demande précédente de la Requérante portant le numéro 1,122,707 pour la marque POM, laquelle couvre les mêmes produits que ceux énumérés dans la demande POMEGREAT de l'Opposante).

23.       Ces droits que détient la Requérante relativement aux Marques POM, aux enregistrements et demandes POM (y compris la demande numéro 1,122,704 précédemment produite) existaient bien avant la date de priorité alléguée pour la demande POMEGREAT de l'Opposante, soit le 23 mai 2005. Plus précisément, ces droits datent de 75 ans.

24.       Cela dit, en toute déférence, ce n'est pas la demande en cause pour la marque POM SHOTS qui doit être considérée comme créant de la confusion avec la demande POMEGREAT de l'Opposante, mais l'inverse : c'est la demande POMEGREAT de l'Opposante qui doit être considérée comme créant de la confusion avec les Marques POM précédentes et les enregistrements et demandes POM précédents de la Requérante. En effet, [...] la Commission des oppositions en est déjà arrivée à cette conclusion dans l'opposition de la Requérante à l'encontre la demande POMEGREAT. En conséquence, ce motif d'opposition doit être rejeté.

25.       Quoi qu'il en soit, l'Opposante n'a produit aucune preuve permettant de conclure à un cas de confusion.

[20]           Sans vouloir offenser la Requérante, la question qui découle du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)b) ne concerne pas le droit de l'Opposante à l'enregistrement de la marque de commerce POMEGREAT en date du 23 mai 2005, mais plutôt la question de savoir si la Requérante est la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au 23 décembre 2005. En outre, c'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer qu'elle a droit à l'enregistrement de la Marque.

[21]           Il est vrai que le registraire a rejeté la demande no 1,277,280 de l'Opposante pour la marque de commerce POMEGREAT en vertu des alinéas 16(3)b) et12(1)d) de la Loi, à la suite de l'opposition de la Requérante. J'ai rendu la décision au nom du registraire puisque j'ai conclu à la présence de confusion entre la marque de commerce POMEGREAT de l'Opposante et la marque de commerce POM WONDERFUL et Dessin de la demande no 1,176,267 et de l'enregistrement no LMC832,083. La décision rendue le 18 juin 2013, indexée sous le nom Canada Bread Company, Limited c Jarrow Formulas Inc, 2013 COMC 108 (CanLII), fait actuellement l'objet d'un appel devant la Cour fédérale [dossier no T‑1539‑13].

[22]           Néanmoins, tout ce que doit faire l'Opposante pour s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe au titre de l'alinéa 16(3)b) est de démontrer que sa demande no 1,277,280 a été produite avant la date de priorité de la demande pour la Marque, soit le 23 décembre 2005, et qu'elle était en instance à la date de l'annonce de la demande de la Requérante, soit le 29 décembre 2010 [paragraphe 16(4) de la Loi]. Autrement dit, même si la Cour fédérale rejette l'appel dans le dossier Canada Bread Company, Limited, supra, le refus de la demande alléguée de l'Opposante après la date pertinente est sans conséquence dans l'analyse du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)b) [voir l'affaire ConAgra Inc C McCain Foods Ltd (2001), 14 CPR (4th) 228 (CF 1re inst) dans laquelle l'abandon de la demande de la partie opposante après la date pertinente a été considéré comme une circonstance non pertinente dans l'analyse de la probabilité de confusion au titre de l'alinéa 16(3)b) de la Loi].

[23]           En l'espèce, l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait. En effet, dans mon exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre des marques de commerce [voir Royal Appliance Mfg Co c Iona Appliance Inc (1990), 32 CPR (3d) 525 (COMC) à la page 529], j'ai confirmé que la demande invoquée par l'Opposante a été produite le 27 octobre 2005, revendiquant une date de priorité du 23 mai 2005, et qu'elle était en instance à la date de l'annonce de la demande d'enregistrement de la Marque.

[24]           Il reste donc à déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime d'établir que, en date du 23 décembre 2005, la Marque ne créait aucune confusion avec la marque de commerce POMEGREAT visée par la demande no 1,277,280.

[25]           Comme il a été indiqué précédemment, la loi exige qu'une demande alléguée à l'appui d'un motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)b), fondé sur l'absence de droit à l’enregistrement, soit en instance à la date de l'annonce de la demande visée par l'opposition. Par conséquent, dans mon évaluation de la probabilité de confusion, en date du 23 décembre 2005, je crois que l'analyse de l'état déclaratif des produits contenu dans la demande de l'Opposante, tel qu'il existait à la date de l'annonce de la demande pour la Marque, respecte l'intention du législateur.

[26]           Dans mon exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre des marques de commerce pour vérifier l'état de la demande no 1,277,280, j'ai conclu que le 29 décembre 2010, l'état déclaratif des produits contenu dans la demande no 1,277,280 se lisait comme suit : [traduction] « compléments alimentaires, nommément concentrés de jus de fruits, suppléments vitaminiques et suppléments à base d'extraits de fruits sous forme liquide », à la suite de la modification volontaire apportée le 12 novembre 2009.

[27]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ou les services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont impartis ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[28]           En appliquant le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Le poids qu'il convient d'attribuer à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour consulter une discussion exhaustive sur les principes généraux qui régissent le critère relatif à la confusion.]

[29]           Dans la décision Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada a déclaré que le degré de ressemblance entre les marques, bien qu'il s'agisse du dernier facteur énoncé au paragraphe 6(5) de la Loi, est souvent susceptible d'avoir la plus grande incidence sur l'examen de la confusion; la Cour a donc décidé de commencer son analyse en examinant ce facteur. Par conséquent, je passe à l'examen des facteurs énoncés au paragraphe 6(5), en commençant par le degré de ressemblance entre les marques de commerce.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[30]           Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faille considérer les marques dans leur ensemble, et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever des similitudes ou des différences entre leurs éléments constitutifs.

[31]           La première partie d'une marque de commerce est généralement considérée comme la plus importante au moment d'évaluer la probabilité de confusion [Conde Nast Publications Inc c Union Des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, p. 188 (CF 1re inst)]. Au paragraphe 64 de la décision Masterpiece, la Cour écrit que pour mesurer le degré de ressemblance, il est préférable de d'abord considérer s'il y a un aspect de la marque de commerce qui est particulièrement frappant ou unique.

[32]           Comme je ne considère pas l'adjectif laudatif « great » (grand, très bien) qui forme le suffixe de la marque de commerce de l'Opposante comme étant particulièrement frappant ou unique, je conclus que son préfixe « pome » est en quelque sorte plus important aux fins de la distinction. Quant à la Marque, je ne considère pas que son suffixe « shots » est plus frappant que son préfixe « pom » dans le contexte de ses produits connexes. Le terme « shot » (shooter) est un mot de la langue anglaise qui possède plusieurs significations, y compris le sens familier qu'est une injection ou une consommation d'une boisson fortement alcoolisée [voir le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary, 2e éd.]. Par conséquent, j'estime également que le premier élément de la Marque est en quelque sorte un peu plus important aux fins de la distinction.

[33]           Or, à première vue, sans que je les examine en détail, j'estime qu'il existe un certain degré de ressemblance entre les marques de commerce sur le plan de la présentation et du son quant à leur premier élément respectif. Cela dit, j'estime que le degré de ressemblance entre les marques de commerce sur le plan du son est plus important que sur le plan de leur présentation. En effet, même si l'on peut soutenir que les éléments « pom » et « pome » se distinguent pour un consommateur anglophone, les connaissances que j'ai relativement à ma langue maternelle me font conclure que « pom » et « pome » se prononcent de manière identique pour un consommateur francophone; les deux éléments « pom » et « pome » ont la même sonorité que le mot pomme en français (apple en anglais). Il convient de rappeler qu'une marque de commerce ne peut pas être enregistrée s'il y a risque de confusion pour le consommateur anglophone moyen, le consommateur francophone moyen ou le consommateur bilingue moyen [voir Pierre Fabre Medicament c SmithKline Beecham Corporation c (2001), 11 CPR (4th) 1 (CAF)].

[34]           En ce qui concerne les idées suggérées, bien qu'ils ne soient pas particulièrement frappants, les suffixes respectifs créent effectivement des différences entre les idées suggérées par les marques de commerce. En effet, j'estime que l'on peut raisonnablement conclure que la marque de commerce de l'Opposante évoque l'idée que ses produits associés sont supérieurs à la moyenne. En revanche, la Marque évoque l'idée que ses produits associés sont offerts ou consommés en format « shooter », à boire d'une traite.

Alinéa 6(5)a) Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[35]           J'estime que la marque POMEGREAT de l'Opposante ne possède pas un caractère distinctif inhérent élevé dans le contexte des produits énumérés dans la demande no 1,277,280. Mis à part la connotation laudative du suffixe « great » (grand, très bien), dans la mesure où l'élément « pome » a la même sonorité que le mot français pomme, le préfixe « pome », dans le contexte des [traduction] « compléments alimentaires, nommément concentrés de jus de fruits, suppléments vitaminiques et suppléments à base d'extraits de fruits sous forme liquide » (soulignement ajouté), évoque pour un consommateur francophone des concentrés de jus de pomme et des suppléments à base d'extraits de pomme.

[36]           Dans la mesure où les produits associés à la Marque consistent en des extraits de fruits, des boissons à base de fruits et aromatisées aux fruits et des boissons sans alcool contenant des jus de fruits (soulignement ajouté), l'élément « pom » de la Marque évoque, pour un consommateur francophone, des extraits de pomme, des boissons à base de pomme et aromatisées aux pommes et des boissons sans alcool contenant du jus de pommes. En outre, j'estime que l'on peut raisonnablement conclure que l'élément « pom » évoque l'idée de la grenade dans le contexte suivant : « extraits de grenade pour la fabrication de boissons aux fruits sans alcool, de boissons aromatisées aux fruits sans alcool et de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées ». Comme il en a aussi été question précédemment, l'élément « shots » de la Marque n'est pas dénué de connotation suggestive dans le contexte des produits de la Requérante.

[37]           Finalement, j'estime que les deux marques de commerce possèdent un certain caractère distinctif inhérent que je considère comme étant à peu près le même, bien que le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce POMEGREAT soit probablement moindre étant donné sa connotation laudative.

[38]           Enfin, aucune des parties n'a produit de preuve pour établir que sa marque de commerce avait acquis un caractère distinctif par la promotion ou l'emploi au Canada.

Alinéa 6(5)b) – La période d'emploi des marques de commerce

[39]           Ce facteur n'a aucune importance. La Marque et la marque de commerce POMEGREAT sont toutes deux visées par une demande d'enregistrement fondée sur un emploi projeté et aucune des parties n'a produit de preuve d'emploi au Canada.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce

[40]           Comme il a été mentionné précédemment, j'estime qu'il convient d'analyser l'état déclaratif des produits contenu dans la demande d'enregistrement de la marque de commerce POMEGREAT tel qu'il existait à la date de l'annonce de la demande d'enregistrement relative à la Marque, à savoir [traduction] « compléments alimentaires, nommément concentrés de jus de fruits, suppléments vitaminiques et suppléments à base d'extraits de fruits sous forme liquide » (les compléments alimentaires de l'Opposante).

[41]           Dans la mesure où les produits associés à la Marque sont conçus pour être utilisés en tant que compléments alimentaires, j'estime qu'il est raisonnable de conclure à un chevauchement de ces produits et des compléments alimentaires de l'Opposante. Par conséquent, en l'absence d'observations de la part de la Requérante pour me convaincre du contraire, j'estime que je peux raisonnablement conclure à un chevauchement des produits suivants figurant dans la demande d'enregistrement de la Marque et des compléments alimentaires de l'Opposante :

(1) Nutraceutiques pour utilisation comme suppléments alimentaires, nommément poudres, liquides, capsules et pilules à base d'extraits de fruits et d'extraits de plantes; [...] (les nutraceutiques de la Requérante).

[42]           Cependant, en l'absence d'observations de la part de l'Opposante pour me convaincre du contraire, je conclus que les produits suivants figurant dans la demande d'enregistrement de la Marque se distinguent des compléments alimentaires de l'Opposante :

(1) […] boissons à base de fruits sans alcool enrichies de vitamines et de minéraux; eau additionnée de nutriments; eau enrichie de vitamines; préparations pour faire des boissons aux fruits, nommément extraits de fruits et sirops pour la fabrication de boissons aux fruits sans alcool, de boissons aromatisées aux fruits sans alcool et de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées; extraits de fruits non alcoolisés pour la préparation de boissons; boissons non alcoolisés aromatisées aux fruits et boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées; boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits; eau potable, eau aromatisée; boissons pour sportifs; boissons énergétiques non alcoolisées; extraits de grenade pour la fabrication de boissons aux fruits sans alcool, de boissons aromatisées aux fruits sans alcool et de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées.

[43]           En effet, non seulement les produits susmentionnés ne figurent pas dans la demande comme étant employés en tant que compléments alimentaires, ils sont aussi énoncés séparément des nutraceutiques de la Requérante.

[44]           Enfin, dans la mesure où je conclus qu'il y a chevauchement des nutraceutiques de la Requérante et des compléments alimentaires de l'Opposante, pour les besoins de l'évaluation de la probabilité de confusion et sans preuve pour me convaincre du contraire, je peux également conclure à un éventuel chevauchement des voies de commercialisation des parties pour ces produits.

[45]           Par conséquent, je conclus que l'examen global des facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et d) s'applique en faveur de l'Opposante seulement en ce qui concerne les nutraceutiques de la Requérante.

Autres circonstances de l'espèce

[46]           On peut soutenir que la preuve et les observations de la Requérante présentent son statut de propriétaire de ses enregistrements des marques de commerce constituées du terme « POM », ou contenant celui-ci, comme une autre circonstance de l'espèce.

[47]           La preuve de la Requérante établit que quatre de ses Marques POM ont été enregistrées à la date pertinente, soit le 23 décembre 2005. Ces marques de commerce sont les suivantes : POM, enregistrement no LMCDF49765; POM LITE enregistrement no LMC335,814; « POM GOLD » (POM D’OR), enregistrement no LCD40516; et POM & Dessin, enregistrement no TMA469,001. Cependant, non seulement les produits couverts par ces enregistrements sont-ils essentiellement des produits de boulangerie-pâtisserie, mais il est aussi établi en droit que, le fait d'être propriétaire d’un enregistrement ne confère pas le droit d’obtenir automatiquement l’enregistrement d’autres marques, quelque ressemblantes qu’elles soient avec la marque initialement enregistrée [voir Groupe Lavo Inc c Procter & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533 (CMOC) à la page 538].

[48]           Par conséquent, je ne considère pas l'existence des enregistrements de la Requérante susmentionnés comme étant pertinente en ce qui a trait à ma décision sur le motif d’opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)b).

[49]           Enfin, bien qu'elles ne s'appliquent pas à l'évaluation de la question dont je suis saisie, on peut soutenir que les observations de la Requérante relativement à l'absence de droit à l’enregistrement de l'Opposante pour la marque de commerce POMEGREAT font état du fait que la demande d'enregistrement de la Marque a été approuvée par la section de l'examen de l'OPIC, malgré la demande précédemment produite par l'Opposante. Je tiens à souligner que le fardeau de preuve qui incombe à une partie requérante est différent selon que la demande en soit à l'étape de l'examen ou à l'étape de l'opposition. Plus particulièrement, à l'étape de l'examen, le registraire est tenu d'annoncer une demande, sauf s'il est convaincu que la partie requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque de commerce [article 37 de la Loi]. À l'étape de l'opposition, il revient à la partie requérante de convaincre le registraire qu'elle est la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque de commerce.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[50]           En appliquant le test en matière de confusion, j'ai considéré qu'il s'agissait d'une question de première impression et de souvenir imparfait. Dans mon appréciation de l'ensemble des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi et de leur importance relative, je ne suis pas convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait, à savoir de démontrer qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque, en liaison avec les nutraceutiques de la Requérante, et la marque de commerce POMEGREAT de l'Opposante, visée par la demande no 1 ,277,280, pour le consommateur francophone moyen, au 23 décembre 2005.

[51]           En effet, étant donné le chevauchement des nutraceutiques de la Requérante et des compléments alimentaires de l'Opposante, et la possibilité de chevauchement des voies de commercialisation, si je tiens compte du degré de ressemblance entre les marques de commerce, particulièrement sur le plan du son, j'estime que la prépondérance des probabilités penche tout autant du côté de la confusion que du côté de l'absence de confusion. Comme il revient à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce POMEGREAT visée par la demande no 1,277,280 au 23 décembre 2005, je dois trancher en défaveur de la Requérante.

[52]           Cependant, je suis convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait, à savoir d'établir qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque en liaison avec des produits autres que les nutraceutiques de la Requérante et la marque de commerce POMEGREAT de l'Opposante visée par la demande no 1,277,280 au 23 décembre 2005. En effet, malgré le degré de ressemblance entre les marques de commerce, si je tiens compte du fait que la marque de commerce POMEGREAT ne jouit pas d'un caractère distinctif acquis et de ma conclusion selon laquelle les autres produits énumérés dans la demande d'enregistrement de la Marque se distinguent des compléments alimentaires de l'Opposante, j'estime que la prépondérance des probabilités penche en faveur de la Requérante.

[53]           Par conséquent, le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)b) est accueilli seulement en ce qui concerne les produits suivants :

(1) Nutraceutiques pour utilisation comme suppléments alimentaires, nommément poudres, liquides, capsules et pilules à base d'extraits de fruits et d'extraits de plantes; […]

[54]           Je souhaite ajouter que si la Requérante avait produit une preuve pour démontrer que ses Marques POM ont été employées ou sont devenues connues dans une certaine mesure au Canada à la date pertinente, j'aurais peut-être conclus que l'analyse globale des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi penchait en sa faveur, relativement aux nutraceutiques de la Requérante. Toutefois, la conclusion d'une opposition est fondée sur la preuve et les plaidoyers des parties et non pas sur des observations non étayées des parties.

La décision

[55]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande aux termes du paragraphe 38(8) de la Loi relativement aux produits suivants :

(1) Nutraceutiques pour utilisation comme suppléments alimentaires, nommément poudres, liquides, capsules et pilules à base d'extraits de fruits et d'extraits de plantes; […]

[56]           Cependant, je rejette l'opposition en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi concernant les produits suivants :

(1) […] boissons à base de fruits sans alcool enrichies de vitamines et de minéraux; eau additionnée de nutriments; eau enrichie de vitamines; préparations pour faire des boissons aux fruits, nommément extraits de fruits et sirops pour la fabrication de boissons aux fruits sans alcool, de boissons aromatisées aux fruits sans alcool et de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées; extraits de fruits non alcoolisés pour la préparation de boissons; boissons non alcoolisés aromatisées aux fruits et boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées; boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits; eau potable, eau aromatisée; boissons pour sportifs; boissons énergétiques non alcoolisées; extraits de grenade pour la fabrication de boissons aux fruits sans alcool, de boissons aromatisées aux fruits sans alcool et de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées.

[voir Produits Menagers Coronet Inc c Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 CPR (3d) 492 (CF 1re inst) à titre d’autorité jurisprudentielle permettant de rendre une décision donnant en partie gain de cause].

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad. a.

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