Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Terumo Kabushiki Kaisha, opérant aussi sous le nom de Terumo Corporation, à la demande no 1,128,961 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce CAPIO au nom de Boston Scientific Limited

 

 

Le 29 janvier 2002, Boston Scientific Limited (la requérante) a produit une demande pour faire enregistrer la marque de commerce CAPIO (la marque). La demande est fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec des « appareils de suture » (les marchandises de la requérante).

 

Aux fins de toute opposition éventuelle, la demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 19 mars 2003. Terumo Kabushiki Kaisha, opérant aussi sous le nom de Terumo Corporation (l’opposante), a produit une déclaration d’opposition le 29 mai 2003. La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration.

 

L’opposante a produit en preuve l’affidavit de Tsukasa Ikegami, directeur général du Service de la propriété intellectuelle de l’opposante, conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (1996) (le Règlement).

 

La requérante a produit en preuve l’affidavit de James Wagner, chef du Service des produits visés par la marque CAPIO de la requérante, conformément à l’article 42 du Règlement.

 

La requérante a produit en preuve un autre affidavit de Tsukasa Ikegami, conformément à l’article 43 du Règlement.

 

Les auteurs des affidavits n’ont pas été contre‑interrogés.

 

Les deux parties ont produit leur plaidoyer écrit. Aucune audience n’a été demandée.

Fardeau de la preuve

Il incombe à la requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme à la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi). Il appartient toutefois à l’opposante de produire d’abord une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et autres (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Motifs d’opposition

L’opposante a fait valoir quatre motifs d’opposition, lesquels reposent sur le risque de confusion entre la marque et la marque de commerce CAPIOX, que l’opposante a déclaré avoir fait enregistrer et utiliser en liaison avec des « oxygénateurs, réservoirs de cardiotomie, pompes sanguines, circuits d’oxygénateurs de pompes, échangeurs thermiques, canules artérielles et veineuses et instruments pour oxygénateurs de pompes » (les marchandises de l’opposante).

 

1.      Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

Selon le premier motif d’opposition invoqué, la marque crée de la confusion avec la marque de commerce enregistrée sous le no LMC 360,446. L’opposante n’a pas produit copie de l’enregistrement en question, mais j’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire des marques de commerce pour vérifier le registre et je confirme que l’enregistrement de l’opposante est en règle [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd., 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. L’opposante s’est donc ainsi acquittée du fardeau initial de la preuve qui lui incombait.

 

La date pertinente pour ce qui est de ce motif d’opposition est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

Déterminer s’il y a risque de confusion est une question de première impression et de vague souvenir. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région est susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour appliquer le critère de la confusion, le registraire doit prendre en compte toutes les circonstances de l’espèce, y compris les facteurs expressément énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. La liste des facteurs n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à ces derniers n’est pas forcément le même [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Dans deux récents arrêts, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, [2006] 1 R.C.S. 772, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et autres (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824, la Cour suprême du Canada a fait état du raisonnement à suivre pour analyser toutes les circonstances à prendre en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si deux marques de commerce créent de la confusion. C’est en gardant ces principaux généraux à l’esprit que j’évaluerai le risque de confusion entre les marques de commerce des parties.

 

Alinéa 6(5)a)

Dans les deux cas, la marque de commerce semble être formée d’un mot inventé. Les deux marques de commerce semblent donc être intrinsèquement distinctives.

 

Rien, dans la preuve, ne donne à croire que la marque de la requérante est devenue connue au moins jusqu’à un certain point au Canada. Par contre, M. Ikegami a déclaré que les ventes des marchandises en liaison avec la marque de commerce CAPIOX au Canada ont excédé le million de dollars chaque année, entre 1998 et 2002.

Alinéa 6(5)b)

L’opposante est avantagée en raison de la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage au Canada.

 

Alinéas 6(5)c) et d)

Les marques des deux parties sont employées en liaison avec des appareils médicaux. Certes, les marchandises de la requérante et les marchandises de l’opposante ne servent pas aux mêmes fins, mais les deux peuvent être utilisées dans le cadre d’interventions chirurgicales où il y a recoupement des services requis [voir le paragraphe 5 de l’affidavit de M. Wagner et la preuve produite au titre de l’article 43 du Règlement].

 

Les marchandises de la requérante se vendent environ 230 $US l’unité, tandis que les marchandises de l’opposante semblent coûter environ 200 $CAN l’unité [voir le paragraphe 3 de l’affidavit de M. Wagner; les factures versées à la pièce F de l’affidavit de M. Ikegami].

 

Les brochures de la requérante reproduisent des témoignages de médecins recueillis dans des centres médicaux [pièce A de l’affidavit de M. Wagner]. L’opposante fait la vente de ses marchandises par le truchement de ses succursales canadiennes, et ses factures montrent qu’elle vend ses marchandises à des fournisseurs médicaux et à des hôpitaux [paragraphe 4 et pièce F de l’affidavit de M. Ikegami].

 

Alinéa 6(5)e)

Visuellement, il existe un degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce. Sur le plan du son, celles-ci sont aussi très semblables.

 

Il n’est pas clair que les marques de commerce suggèrent une quelconque idée. Vu la nature des marchandises de l’opposante, j’aurais cru que le suffixe de sa marque, c.‑à‑d. OX, faisait allusion au mot « oxygène », mais selon la pièce A de l’affidavit de M. Ikegami, tel ne semble pas être le cas. Cette pièce est une fiche de renseignements sur le filtre artériel de marque CAPIOX, laquelle est distribuée aux clients actuels et potentiels de l’opposante. Dans le coin inférieur droit, on peut y lire [traduction] « avec Xcoating ™ », ce qui peut donner à croire que CAPIOX est la version X de CAPIO.

 

Autres circonstances de l’espèce

M. Wagner soutient que les marques de commerce des parties sont toutes les deux inscrites sur le registre américain des marques de commerce et qu’il n’a eu vent d’aucun cas où elles auraient créé de la confusion aux États‑Unis. Toutefois, on ne saurait accorder beaucoup de poids au fait que les marques de commerce existent simultanément sur des registres étrangers [voir, par exemple, Quantum Instruments, Inc. c. Elinca S.A., 60 C.P.R. (3d) 264, p. 268 et 269 (C.O.M.C.)], la raison étant qu’il peut y avoir plusieurs facteurs, dans un État étranger, mais non au Canada, pour expliquer l’existence simultanée de deux marques de commerce (par ex. des différences dans les lois ou un état différent du registre). J’accorde donc peu de poids aux déclarations de M. Wagner au sujet de l’absence de preuve de confusion aux États‑Unis parce qu’il n’y a aucune preuve que les marchandises des parties sont vendues à plus ou moins grande échelle dans le même secteur géographique ou que les cas de confusion sont portés à l’attention de M. Wagner. Par ailleurs, l’état du marché aux États‑Unis peut être tel que le risque de confusion est limité.

 

En l’absence de toute preuve relative à l’état du registre ou à l’état du marché au Canada, je ne peux conclure que les consommateurs canadiens d’appareils médicaux ont l’habitude de faire une distinction entre des marques de commerce aussi semblables que CAPIO et CAPIOX.

 

Conclusion quant au risque de confusion

Après avoir tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la requérante ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait de montrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est peu probable qu’il y ait confusion. Après tout, la marque que la requérante se propose d’employer est très semblable à la marque CAPIOX que l’opposante emploie déjà, et les marques de commerce visent des marchandises dans la même industrie. Je reconnais que les utilisateurs des marchandises médicales de chacune des parties sont probablement très avisés, mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne tiendraient pas pour acquis, sur la foi de leur première impression, que les marchandises associées à la marque CAPIO et les marchandises associées à la marque CAPIOX ne proviennent pas d’une seule et même source. La requérante a déclaré ceci dans son plaidoyer écrit : [traduction] « Il est extrêmement peu probable qu’il existe dans l’esprit du chirurgien qui utilise l’appareil CAPIO pour faire des points de suture une confusion entre l’appareil de suture visé par la marque CAPIO et le matériel d’oxygénation du sang visé par la marque de commerce CAPIOX. » Que j’accepte ou non cette déclaration, là n’est pas la question, car tel n’est pas le critère pertinent. En fait, le critère consiste à savoir si l’utilisateur final habituel qui connaît la marque de commerce CAPIOX, mais qui n’en a gardé qu’un vague souvenir, en arriverait à la conclusion, sur la foi de sa première impression, que les marchandises visées par la marque CAPIO sont d’une façon ou d’une autre associées aux marchandises visées par la marque de commerce CAPIOX [voir Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Association et autres (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (C.A.F.) p. 58 et 59].

 

J’accueille donc le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

 

2.      Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a)

Selon le second motif d’opposition invoqué, la requérante n’est pas une personne ayant droit à l’enregistrement de la marque parce que, au moment du dépôt de la demande, la marque créait de la confusion avec la marque de commerce CAPIOX, que l’opposante avait déjà fait enregistrer.

 

L’opposante s’est acquittée du fardeau initial de la preuve qui lui incombait relativement à ce motif d’opposition en produisant une preuve de l’emploi de sa marque de commerce au Canada avant le 29 janvier 2002 et en montrant qu’elle n’avait pas cessé de l’employer en date du 19 mars 2003 [voir l’article 16].

 

La date pertinente pour évaluer le risque de confusion, selon ce motif d’opposition, est de cinq années antérieures à la date pertinente pour ce qui est du premier motif d’opposition. Toutefois, compte tenu des circonstances de l’espèce, la date servant à déterminer la question de la confusion est sans importance. En conséquence, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) pour des raisons semblables à celles exposées dans l’analyse du premier motif d’opposition.

3. et 4. Motifs d’opposition fondés sur le caractère distinctif aux termes de l’alinéa 30i)

Puisque j’ai déjà tranché en faveur de l’opposante relativement à deux motifs, il ne m’est pas nécessaire d’analyser les autres motifs.

 

Décision

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande aux termes du paragraphe 38(8).

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 11e JOUR DE MAI 2007.

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions aux marques de commerce

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