Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 122

Date de la décision : 2014-06-16
TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45, engagée à la demande de Morency Société d’avocats LLP, visant l'enregistrement no LMC331,732 de la marque de commerce SHAKEY’S PIZZA RESTAURANT & Dessin et l'enregistrement no LMC188,275 de la marque de commerce SHAKEY’S au nom de Shakey’s International Limited.

Introduction

[1]                     Le 5 mars 2012, à la demande de Morency Société d’avocats LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné à Shakey’s International Limited (la Propriétaire inscrite) deux avis (individuellement et collectivement appelés « l'avis ») en vertu de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi); le premier concernant l'enregistrement no LMC188,275 de la marque de commerce SHAKEY’S (Marque 1) et le second concernant l'enregistrement no LMC331,732 de la marque de commerce SHAKEY’S PIZZA RESTAURANT & Dessin reproduite ci-dessous :

SHAKEY'S PIZZA RESTAURANT & DESIGN

(Marque 2).

[2]                     L'enregistrement no LMC188,275 vise les pizzas et les ingrédients entrant dans leur fabrication, à savoir les mélanges de farine servant à fabriquer la pâte, et les mélanges d'épices utilisés comme assaisonnements et aromatisants (les Marchandises).

[3]                     L'enregistrement no LMC331,732 vise des services de pizzéria et de comptoir de mets à emporter (les Services).

[4]                     En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire inscrite a produit dans chaque cas le même affidavit de Ho Cheng Leong, accompagné des pièces A à C. Les plaidoyers écrits des parties sont également les mêmes dans les deux dossiers. Aucune audience n'a été tenue.

[5]                     Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus que les enregistrements no LMC188,275 et no LMC331,732 doivent être radiés.

Le droit

[6]                     L'avis donné à la Propriétaire inscrite exigeait que cette dernière indique si la Marque 1 et la Marque 2 ont été employées au Canada en liaison avec les Marchandises et les Services respectivement à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle elles ont ainsi été employées en dernier lieu et la raison de leur défaut d'emploi depuis cette date. La période pertinente en l'espèce s'étend du 5 mars 2009 au 5 mars 2012 (la Période pertinente).

[7]                     La procédure prévue à l'article 45 est simple et expéditive et a pour but de nettoyer le registre du « bois mort »; conséquemment, le critère préliminaire pour établir l'emploi est peu exigeant [voir Woods Canada Ltd c. Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)].

[8]                     Une simple allégation d'emploi de la Marque 1 et de la Marque 2 n'est pas suffisante pour établir l'emploi de ces dernières en liaison avec les Marchandises et les Services au sens de l'article 4 de la Loi. Il n'est pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve. Cependant, toute ambiguïté dans la preuve produite doit être interprétée à l'encontre de la propriétaire de la Marque [voir Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (4th) 62 (CAF)].

[9]                     Ainsi, je dois d'abord déterminer si la preuve produite, décrite dans les paragraphes qui suivent, me permet de conclure que la Marque 1 et la Marque 2 ont été employées au Canada par la Propriétaire inscrite en liaison avec les Marchandises et les Services respectivement au cours de la Période pertinente.

La preuve concernant l'emploi

[10]                 M. Leong travaille pour la Propriétaire inscrite depuis 2000 et a occupé divers postes avant d'en devenir le directeur en 2010. Il fournit un bref historique des activités commerciales de la Propriétaire inscrite, lesquelles ont débuté en 1964, à Sacramento, en Californie. Il allègue également que le premier restaurant Shakey Pizza au Canada a ouvert ses portes en 1968 à Winnipeg, au Manitoba. M. Leong ne fournit pas d'autres renseignements au sujet de ce restaurant. Tel qu'il ressortira de mon examen du reste de la preuve, je peux seulement supposer que ce restaurant n'était pas en activité pendant la Période pertinente.

[11]                 Dans son affidavit, M. Leong fournit d'autres renseignements factuels au sujet des activités commerciales de la Propriétaire inscrite dans le monde, mais rien, exception faite de ce qui suit, concernant ses activités au Canada.

[12]                 M. Leong affirme qu'en 2000, la Propriétaire inscrite a ouvert une [traduction] « franchise de pizzéria » à Prince George, en Colombie-Britannique, sous la marque de commerce SHAKEY’S. À l'appui de cette allégation, M. Leong a produit la pièce A, une copie d'un menu de restaurant qui, si l'on en juge par la lettre qui l'accompagne, a été utilisé en mai 2001. Il a également produit une copie d'une évaluation d'établissement comme pièce B. Ces faits se sont produits plus de huit ans avant le début de la Période pertinente; il va donc sans dire qu'ils ne sont pas pertinents en ce qui concerne l'emploi de la Marque 1 et/ou de la Marque 2 au cours de la Période pertinente. De plus, M. Leong affirme que la franchise située à Prince George a fermé ses portes en 2003 en raison de ventes insuffisantes attribuables au déclin de l'industrie du bois d'œuvre en Colombie-Britannique.

[13]                 Je tiens à souligner que, de toute façon, la marque de commerce qui figure sur le menu est la marque nominale SHAKEY’S PIZZA. Le menu ne saurait en aucun cas constituer une preuve de l'emploi de la Marque 1 en liaison avec les Marchandises au sens de l'article 4(1) de la Loi. Enfin, la Marque 2 ne figure nulle part sur le menu susmentionné. Il est fait mention de SHAKEY’S et de SHAKEY’S PIZZA sur ce qui semble être l'endos du menu, lequel fournit des renseignements historiques et généraux. À titre d'exemple, on y trouve la phrase suivante : « Get your child involved with Shakey’s Reading Rewards Program being offered at all Prince George Elementary Schools » [Inscrivez votre enfant au Programme d'encouragment à la lecture de Shakey’s qui est offert dans toutes les écoles primaires de Prince George].

[14]                 M. Leong allègue qu'en 2001, la Propriétaire inscrite a entamé des négociations avec une société d'investissement de Beaver Creek, en Colombie-Britannique, en vue d'exploiter une franchise. Comme pièce C, il a joint à son affidavit une copie d'une pièce de correspondance accompagnée de ce qui semble être un contrat de franchisage dûment signé par la Propriétaire inscrite et un représentant du franchisé. M. Leong affirme toutefois qu'en dépit de ce contrat de franchisage dûment signé, aucune entente n'a été conclue. Je peux donc uniquement présumer que cette franchise n'a jamais été exploitée et aucune raison n'est fournie pour expliquer cette situation.

Conclusion concernant l'emploi de la Marque 1 et de la Marque 2

[15]                 Au vu de cette preuve, je conclus qu'il n'existe aucune preuve de l'emploi de la Marque 1 en liaison avec les Marchandises au sens de l'article 4(1) de la Loi et aucune preuve de l'emploi de la Marque 2 en liaison avec les Services au sens de l'article 4(2) de la Loi, à quelque moment que ce soit au cours de la Période pertinente.

[16]                 Par conséquent, je dois maintenant déterminer si la Propriétaire inscrite a allégué des faits susceptibles de constituer des circonstances spéciales, au sens de l'article 45(3) de la Loi, justifiant le défaut d'emploi de la Marque 1 et de la Marque 2 au Canada pendant la Période pertinente.

Preuve concernant l'existence de circonstances spéciales

[17]                 Outre ses allégations concernant les négociations entreprises avec une société d'investissement en 2001 dans le but d'exploiter à Cache Creek, en Colombie-Britannique, une franchise qui n'a jamais vu le jour, M. Leong affirme ce qui suit :

[traduction]
7.         MON ENTREPRISE continue de faire des efforts pour implanter les marques de commerce SHAKEY'S PIZZA RESTAURANT& Dessin et SHAKEY'S au Canada et entend ré-établir ses droits au Canada. Plus particulièrement, à la fin de 2006 Chiram Strategic Group a fait l'acquisition de MON ENTREPRISE, et en est devenu propriétaire; l'intention du groupe était de créer une nouvelle image de marque et d'établir une stratégie de croissance future dans la région Asie-Pacifique en accordant une place prépondérante au Canada. Hong Kong a été le lieu privilégié de ce rebranding, et MON ENTREPRISE y a, par la suite, ouvert six établissements. MON ENTREPRISE a investi dans la réécriture de ses procédures d'exploitation normalisées, a lancé de nouveaux menus et de nouveaux logos, et a mis en place des modules d'affaires. Depuis 2006, MON ENTREPRISE a ouvert six établissements à Hong Kong et, en 2011, le groupe a entrepris des démarches de franchisage dans d'autres pays. Au troisième trimestre de 2012, un contrat de franchise a été conclu avec Shakey's Singapore, qui exploitera trois établissements en 2013. Des négociations sont également en cours avec un certain nombre d'autres pays, dont les Maldives, l'Inde, l'Indonésie et la Thaïlande. MON ENTREPRISE prévoit étendre ses activités de marketing et ouvrir des franchises en Europe, en Amérique du Sud et en Amérique du Nord, y compris au Canada.

8.          La nature des services de MON ENTREPRISE est telle que, lorsqu'un restaurant faisant partie d'une chaîne mondiale ferme ses portes, il peut parfois s'écouler plusieurs années avant qu'une nouvelle franchise soit mise sur pied. Ce processus peut être long même lorsque le propriétaire de la franchise de restaurant est sérieux dans ses démarches pour reprendre ses activités, comme c'est le cas pour MON ENTREPRISE qui poursuit ses efforts pour ouvrir de nouveau un établissement au Canada. Malheureusement, MON ENTREPRISE, comme bien d'autres, n'a aucun contrôle sur la disponibilité de nouveaux franchisés. Si un franchisé était disponible, MON ENTREPRISE ouvrirait de nouveau un restaurant canadien. En outre, l'ouverture et la fermeture de franchises de restaurant font partie du cycle normal de l'exploitation d'une chaîne mondiale de franchises de restaurant.

[18]                 Je reprends à mon compte les commentaires formulés par ma collègue Kathryn Barnett dans Ferstman Law Office c. S M Jaleel & Co (2011), 94 CPR (4th) 470 (COMC) concernant le critère à appliquer pour déterminer s'il existe une preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi d'une marque de commerce :

[traduction]
9 L’examen de la question de savoir s’il existe des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi nécessite la prise en considération des trois critères suivants :

(i) la durée pendant laquelle la marque n’a pas été employée;

(ii) la question de savoir si le défaut d’emploi était attribuable à des circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit;

(iii) a question de savoir s’il existe une intention sérieuse de reprendre dans un bref délai l’emploi de la marque. [Canada (Registraire des marques de commerce) c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 CP. (3d) 488 (CAF)].

Concernant le deuxième critère, les « circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit » s’entendent de « circonstances de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles » [John Labatt Ltd. c. Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst.)].

 

10 L'arrêt Scott Paper Ltd. c. Smart & Biggar (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF) a quelque peu clarifié l’interprétation du critère des circonstances spéciales faite dans l’arrêt Harris Knitting précité. Plus précisément, la Cour a conclu que l’examen approprié, lorsqu’il s’agit de déterminer s’il existe des circonstances spéciales qui justifieraient le défaut d’emploi d’une marque, doit porter sur la cause du défaut d’emploi, et non sur toute autre considération. Selon cette analyse, il doit être satisfait au deuxième critère du test énoncé dans Harris Knitting pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi d’une marque. Toutefois, si je comprends bien, cela ne signifie pas que les deux autres critères ne sont pas des facteurs pertinents, mais simplement que ces critères ne sauraient, à eux seuls, constituer des circonstances spéciales. D’ailleurs, la pertinence du premier critère est manifeste, car les raisons pouvant justifier une brève période de non-emploi pourraient ne pas justifier une période de non-emploi qui se prolonge [Harris Knitting, précité; Goldwell Ltd., Re (1974), 29 CPR (2d) 110 (RMC)]. Dans tous les cas, l’intention de reprendre l’emploi doit être étayée par la preuve (Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst.); NTD Apparel Inc. c. Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst.)).

 

[19]                 Appliquant ces principes à la preuve qui a été produite, je conclus, pour les raisons exposées ci-dessous, que la Propriétaire inscrite n'a pas établi l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque 1 et de la Marque 2 au Canada pendant la Période pertinente.

[20]                 Premièrement, la Propriétaire n'a pas indiqué, comme l'exige l'article 45(3) de la Loi, la date à laquelle la Marque a été en dernier lieu employée en liaison avec les Marchandises, tel que je l'ai expliqué précédemment. J'arrive à une conclusion similaire en ce qui concerne la date du dernier emploi de la Marque 2 en liaison avec les Services, car la marque de commerce qui a été en dernier lieu employée en liaison avec les Services est soit SHAKEY’S soit SHAKEY’S PIZZA, deux marques nominales dont l'emploi ne peut être considéré comme un emploi de la Marque 2 reproduite plus haut.

[21]                 Même si je considérais l'emploi de l'une ou l'autre de ces marques de commerce comme un emploi de la Marque 2 en liaison avec les Services, je n'en conclurais pas moins que la Propriétaire inscrite n'a pas établi l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de cette marque de commerce au Canada pendant la Période pertinente.

[22]                 En effet, les marques nominales SHAKEY’S et SHAKEY’S PIZZA ont été employées au Canada en liaison avec les Services pour la dernière fois en 2003, soit plus de neuf ans avant la signification de l'avis. Cette période prolongée joue assurément en défaveur de la Propriétaire inscrite.

[23]                 La Propriétaire inscrite fait valoir qu'il existe une preuve d'une [traduction] « acquisition récente ». Or, cette acquisition présumée décrite par M. Leong a eu lieu en 2006, c'est-à-dire trois ans avant le début de la Période pertinente et trois ans après la date alléguée du dernier emploi des marques de commerce SHAKEY’S et/ou SHAKEY’S PIZZA. La Propriétaire inscrite considère que cette période de près de six ans ne constitue pas [traduction] « un laps de temps significatif lorsqu'il s'agit de développer et de relancer une entreprise ». Qu'il me soit permis de ne pas partager cet avis. La simple affirmation de M. Leong selon laquelle [traduction] « il faut parfois compter plusieurs années pour mettre sur pied une nouvelle franchise » ne peut pas, à elle seule, servir de fondement pour justifier le défaut d'emploi sur une aussi longue période. De plus amples explications auraient été nécessaires pour rendre plausible le fait que la Propriétaire inscrite n'a pas été en mesure de trouver un seul franchisé depuis 2003. Enfin, il n'y a aucune preuve que la Propriétaire inscrite a fait des efforts concrets pour démarrer une nouvelle franchise au Canada entre 2006 et 2012. M. Leong n'a pas indiqué que ces difficultés étaient spécifiques au marché canadien. Et, pourtant, depuis 2006, la Propriétaire inscrite a réussi à ouvrir six établissements à Hong Kong.

[24]                 La Propriétaire inscrite invoque Lapointe Rosenstein LLP c. West Seal Inc (2012), 103 CPR (4th) 136 (COMC), une décision du registraire dans laquelle il est mentionné que le délai de démarrage maximal dont dispose un inscrivant pour commencer à faire un usage commercial sérieux de sa marque au Canada est de trois ans. En l'espèce, la Propriétaire inscrite fait valoir que puisqu'une acquisition a eu lieu en 2006, la période de non-emploi depuis cette date est seulement de deux ans et demi.

[25]                 Le registraire, dans Lapointe Rosenstein LLP, ne s'est pas prononcé sur l'effet d'une acquisition effectuée au cours de la période de non-emploi. Il a simplement mentionné qu'en vertu des dispositions de l'article 45(1) de la Loi, toute personne peut présenter une demande en vue de faire radier un enregistrement dès lors que trois années se sont écoulées à compter de la date à laquelle l'enregistrement a été accordé. C'est dans ce contexte qu'a été formulé le commentaire concernant le fait qu'un inscrivant dispose d'un délai de trois ans pour commencer à faire un usage commercial sérieux de sa marque enregistrée au Canada. Ce raisonnement ne s'applique pas à la présente situation, car l'enregistrement no LMC188,732 a été accordé en février 1973 et l'enregistrement no LMC331,732 en septembre 1987.

[26]                 Quant au troisième facteur énoncé dans Harris Knitting, M. Leong ne précise pas à quel moment la Propriétaire inscrite entend reprendre l'emploi de la Marque 2 au Canada en liaison avec les Services. Il affirme que la Propriétaire inscrite [traduction] « est sérieuse dans ses démarches pour reprendre ses activités, comme c'est le cas pour MON ENTREPRISE qui poursuit ses efforts pour ouvrir de nouveau un établissement au Canada ». Or, aucune preuve de ces efforts pour trouver un nouveau franchisé au Canada n'a été produite. La dernière tentative en ce sens remonte à 2001, tel qu'il est indiqué plus haut. Comme il a été dit dans Arrowhead, nous sommes [traduction] « dans l'ignorance à savoir combien de temps encore durera la période de non-emploi ». Par conséquent, ces faits jouent en défaveur de la Propriétaire inscrite.

[27]                 Enfin, comme il est mentionné dans Fertsman, précité, la Propriétaire inscrite doit satisfaire au deuxième critère énoncé dans Harris Knitting. La Propriétaire inscrite soutient que les circonstances qui ont mené à la fermeture de son établissement de Prince George, en Colombie-Britannique, à savoir un ralentissement généralisé dans l'industrie du bois d'œuvre, étaient indépendantes de sa volonté. Même si j'acceptais cet argument, il n'en demeure pas moins que la fermeture en question s'est produite en 2003 et que la Propriétaire inscrite n'a pas été en mesure de reprendre ses activités commerciales au Canada depuis. Aucun renseignement n'a été fourni au sujet des efforts qu'elle aurait faits dans le but de trouver de nouveaux franchisés au Canada, en dehors de la tentative pour ouvrir un restaurant à Cache Creek, à Colombie-Britannique, en 2001. Plus de 10 années se sont écoulées entre cette tentative et la signification de l'avis. Aucune autre tentative n'a été alléguée par M. Leong.

[28]                 La Propriétaire inscrite plaide également que la perte d'un franchisé est équivalente à la perte d'un distributeur. Une telle perte peut constituer une circonstance spéciale dispensant l'inscrivant de s'acquitter de son obligation d'établir l'emploi. À l'appui de cet argument, la Propriétaire inscrite a cité certaines décisions faisant jurisprudence.

[29]                 Dans Wolfe Bazinet c. Labelmasters Canada Inc. (1995), 60 CPR (3d) 106 (COMC), l'agente d'audience principale Savard a clairement indiqué que la perte d'un distributeur peut constituer une circonstance spéciale de nature à justifier le défaut d'emploi d'une marque pendant une certaine période. En pareil cas, cependant, l'inscrivant doit décrire les démarches entreprises pour rectifier la situation ou doit fournir des renseignements au sujet de cette situation. Aucun renseignement n'a été fourni au sujet des démarches entreprises par la Propriétaire inscrite pour trouver un nouveau franchisé au Canada.

[30]                 Dans Rogers, Bereskin & Parr c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1987), 17 CPR (3d) 197 (CF 1re inst.), le juge Collier a cité l'arrêt Harris Knitting dans lequel il a été statué que des conditions de marché difficiles ne pouvaient constituer à elles seules des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi. De telles conditions doivent être combinées à au moins un autre facteur indépendant de la volonté de l'inscrivant. Dans cette affaire, la Cour a entériné la conclusion du registraire selon laquelle des conditions de marché difficiles conjuguées à une absence d'installations de production formaient une combinaison équivalant à des circonstances spéciales au sens de l'article 45(3) de la Loi.

[31]                 La Propriétaire inscrite s'appuie également sur Ridout & Maybee c. Sealy Canada Ltd/Ltée (1998), 83 CPR (3d) 269 (COMC). Cette décision a toutefois été portée en appel et, bien que l'appel ait été rejeté [voir Ridout & Maybee c. Sealy Canada Ltd/Ltée (1999), 87 CPR (3d) 307 (CR 1re inst.)], la Cour a statué que le registraire avait eu tort de conclure que le défaut d'emploi de la marque en cause était indépendant de la volonté de l'inscrivant. Dans cette affaire, la Cour a néanmoins maintenu l'enregistrement parce que, entre autres choses, l'inscrivant a prouvé qu'il avait entrepris des démarches actives au cours de la période pertinente dans le but de reprendre l'emploi de la marque et a démontré qu'il avait effectivement recommencé à employer la marque peu après la fin de la période pertinente. M. Leong ne relate aucun fait de cette nature dans son affidavit.

[32]                 La Propriétaire inscrite cite Ferstman, précitée, à l'appui de son argument selon lequel la fermeture de la franchise en raison des conditions économiques qui prévalaient en 2003 et l'acquisition subséquente de la Propriétaire inscrite par Chiram Strategic Group en 2006 constitueraient conjointement des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque 1 et de la Marque 2 au Canada pendant la Période pertinente. Les faits qui ont mené à la conclusion qu'il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la marque dans Ferstman peuvent aisément être distingués des faits en cause dans la présente affaire.

[33]                 Dans Ferstman, la période pertinente débutait le 20 janvier 2006. L'inscrivant avait perdu son distributeur en 2005 et son coemballeur en 2006. L'inscrivant a produit une preuve démontrant qu'il avait assisté à des salons commerciaux en 2006 dans le but d'établir un nouveau réseau de distribution au Canada. Des efforts avaient également été faits en 2007 pour trouver un nouveau distributeur. En 2008, des négociations sérieuses avaient été entamées avec un nouveau distributeur potentiel et avaient mené à la réception d'une première commande tout juste huit jours après la fin de la période pertinente. La conclusion du registraire dans cette affaire reposait sur l'ensemble de ces faits. En l'espèce, aucun fait de cette nature n'a été présenté en preuve.

[34]                 Il ressort clairement des allégations formulées au paragraphe 7 de l'affidavit de M. Leong que la Propriétaire inscrite a volontairement décidé d'accorder la priorité à d'autres intérêts commerciaux plutôt que de déployer des efforts au Canada. Il n'est nulle part fait mention d'efforts déployés au Canada dans le but de trouver de nouveaux franchisés. Par conséquent, cette décision d'affaires ne peut pas être considérée comme une circonstance indépendante de la volonté de la Propriétaire inscrite [voir Smart & Biggar c. Rick Worobec 2012 COMC 146 et Exxon Mobil Oil Corp c. Mövenpick Hoding AG (2013), 115 CPR (4th)115 (COMC)].

[35]                 Enfin, la Propriétaire inscrite soutient qu'elle est seulement tenue d'exposer les raisons à l'origine du défaut d’emploi depuis l'acquisition et de démontrer qu'elle avait réellement l'intention, avant de recevoir l'avis du registraire, de reprendre l'emploi de ses marques. Elle cite, à cet égard, la décision du registraire dans Baker & McKenzie c. Garfield’s Fashions Ltd (1993), 52 CPR (3d) 274 (COMC). Dans cette affaire, le registraire a conclu, au vu de la preuve produite, qu'il semblait évident que l'emploi commencerait sous peu. En l'espèce, aucune allégation qui pourrait me permettre de conclure que la Propriétaire inscrite a l'intention de reprendre sous peu l'emploi de Marque 1 et de la Marque 2 au Canada n'a été formulée. Plus de six années se sont écoulées entre l'acquisition de la Propriétaire inscrite par Chiram Strategic Group et la fin de la Période pertinente. Aucune démarche concrète n'a été entreprise pendant cette période dans le but de trouver un nouveau franchisé au Canada. La dernière tentative remonte à 2001.

Décision

[36]                 Étant donné que j'ai conclu que la Propriétaire inscrite n'a pas démontré l'emploi de la Marque 1 en liaison avec les Marchandises au cours de la période pertinente ni l'emploi de la Marque 2 en liaison avec les Services au cours de la Période pertinente; et que la Propriétaire inscrite n'a pas établi qu'il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de ces marques au Canada pendant la Période pertinente; dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi et, conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l'enregistrement no LMC188,275 de la marque de commerce SHAKEY’S et l'enregistrement no LMC331,732 de la marque de commerce SHAKEY’S PIZZA RESTAURANT & Dessin seront radiés du registre.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 

 


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

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