Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 4

Date de la décision : 2014-01-15

TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Fraser Milner Casgrain LLP visant les enregistrements nos LCD48,747 et LMC435,036 des marques de commerce TRU-LOVE & Dessin et TRU-LOVE au nom de JPI Limited

 

 

[1]               À la demande de Fraser Milner Casgrain LLP, le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T‑13 (la Loi) le 16 février 2012 à JPI Limited (l’Inscrivante), propriétaire inscrite des enregistrements nos LCD48,747 et LMC435,036 pour les marques de commerce TRU-LOVE & Dessin (la Marque figurative) et TRU-LOVE (la Marque verbale) (ci-après appelées conjointement les Marques). La Marque figurative est reproduite ci-dessous :

[2]               Les Marques sont enregistrées aux fins d'emploi en liaison avec les marchandises [traduction] « bijoux ». 

[3]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services décrits dans l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, qu’il précise la date où la marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l'espèce, la période pertinente pour établir l’emploi dans les deux cas s'étend du 16 février 2009 au 16 février 2012.

[4]               La définition pertinente du terme « emploi » est énoncée à l’article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet d’énoncer une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer le « bois mort » du registre et que le critère auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire est donc peu exigeant [Uvex Toko Canada Ltd c. Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF)].

[6]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit deux affidavits essentiellement identiques de Gus Xillas, le directeur général de l’Inscrivante, tous deux souscrits le 14 mai 2012. Seule la Requérante a produit des observations écrites et seule l’Inscrivante était présente à l’audience.

[7]               Dans ses affidavits, M. Xillas atteste que l’Inscrivante a employé les Marques en liaison avec des bijoux au Canada pendant la période pertinente. Plus particulièrement. M. Xillas explique que l’Inscrivante fabrique deux sortes de bagues qui affichent une variation des Marques; il décrit les bagues comme le modèle no J96509RD (Bague A), une bague de 18 carats, et le modèle no J64941RD (Bague B), une bague de 14 carats.

[8]               Comme preuves des ventes dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente, M. Xillas explique que l’Inscrivante a vendu la Bague A et la Bague B à un détaillant situé au Canada, European Jewellery, qui, en retour, a vendu les bagues à des consommateurs au Canada. À cet égard, M. Xillas produit les pièces C, D, E et F, qui sont des copies de quatre factures de l’Inscrivante à European Jewellery, toutes datées de la période pertinente. Les factures font référence aux numéros de modèle des deux bagues, et je suis convaincu que les factures démontrent des ventes des marchandises au Canada pendant la période pertinente.

[9]               En ce qui a trait à la manière dont les Marques étaient représentées, M. Xillas produit les pièces A et B, qui sont des photographies représentatives des Bagues A et B, respectivement. La marque représentée sur les deux bagues est reproduite ci-dessous (ci-après appelée la Marque modifiée) :

[10]           Dans ses observations écrites, la Requérante conteste les preuves comme suit : premièrement, la marque représentée sur les marchandises est différente des Marques déposées; et deuxièmement, l’Inscrivante n’a produit aucune preuve démontrant que les représentations des bagues correspondent aux numéros de modèles auxquels les factures font référence.

[11]           En ce qui concerne la deuxième observation, je suis convaincu que M. Xillas a fourni suffisamment de détails de la pratique normale du commerce de l’Inscrivante et a également expliqué le lien entre les représentations des marchandises et les preuves des ventes dans son affidavit. Je suis d’accord avec l’Inscrivante que les preuves démontrent qu’elle a vendu des bijoux arborant la Marque modifiée au Canada pendant la période pertinente.  

Distorsion

[12]           En ce qui concerne la question de distorsion, généralement, il faut se demander si la marque de commerce a été employée d’une façon telle qu’elle ne perde pas son identité et qu’elle demeure reconnaissable malgré les différences entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et la forme sous laquelle elle a été employée [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)]. Pour répondre à cette question, il est nécessaire de déterminer si les caractéristiques dominantes de la marque ont été préservées [Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)]. Comme souligné dans Promafil :

[TRADUCTION]
La loi relative aux marques de commerce n'exige pas, pour éviter l'abandon, le maintien de l'identité absolue des marques, ni ne considère les différences insignifiantes afin de prendre en faute le propriétaire d'une marque de commerce enregistrée agissant de bonne foi en fonction de la mode et des autres tendances. Elle exige seulement une identité qui maintienne le caractère reconnaissable de la marque et qui évite la confusion chez les acheteurs non avertis. [au para. 71]

[13]           De plus, l’emploi de la marque de commerce combinée à d’autres mots ou caractéristiques constitue un emploi de la marque de commerce déposée si le public, à la première impression, perçoit cet emploi de la marque de commerce [voir Nightingale Interloc Ltd c. Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); 88766 Canada Inc c. National Cheese Co (2002), 24 CPR (4th) 410 (COMC)].

[14]           Le test à appliquer à cette fin est énoncé dans Honeywell Bull, précitée, comme suit :

[TRADUCTION]
Le test pratique à appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée, et à déterminer si les différences existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu’elles désignent toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine
. [au para. 525]

[15]           En résumé, lorsque la marque de commerce qui est employée diffère de la marque qui est enregistrée, il faut que la marque qui est employée ait conservé les caractéristiques dominantes de la marque qui est enregistrée pour que l’on puisse considérer qu’il s’agit d’un emploi de la marque telle qu’elle est enregistrée.

La Marque modifiée représentée sur les bagues constitue-t-elle un emploi de la Marque verbale?

[16]           De façon générale, l’emploi d’une marque verbale peut être appuyé par l’emploi d’une marque composée affichant la marque verbale avec d’autres éléments [voir Nightingale, précitée]. Comme indiqué dans Stikeman, Elliott c. Wm Wrigley Jr Co (2001), 14 CPR (4th) 393 :

[TRADUCTION]
Comme clairement indiqué par l’inscrivante, la marque de commerce comme déposée est une marque verbale. Aucun dessin ni aucune police en particulier n’a été enregistré. Par conséquent, dans le cas d’un mot servant de marque de commerce, l’emploi du mot ou des mots servant de marque de commerce, qu’importe la forme ou la couleur, peut être considéré comme constituant l’emploi de la marque déposée. [au para. 395]

[17]           Lorsqu’on tient expressément compte de l’embellissement des lettres, dans FAAM SpA c. Fabrica Italiana Accumulatori Motocarri Montecchio (2011), 95 CPR (4th) 184 (COMC), le registraire conclut comme suit :

[TRADUCTION]
La marque de commerce, telle qu’elle est employée, diffère uniquement en ce que les lettres F et M ont été légèrement décorées. J’estime que cette variation est mineure; les caractéristiques dominantes de la marque n’ont été conservées que dans la mesure où la variation en question n’induirait pas le public en erreur ni ne lui causerait de préjudice d’aucune manière, et qu’un acheteur non averti conclurait, malgré toute différence, que les marchandises ont la même origine. [au para. 20]

[18]           À l’audience, l’Inscrivante a fait valoir que la caractéristique dominante de la Marque modifiée était les mots TRU LOVE et que la caractéristique figurative était mineure, et consistait simplement en l’embellissement de la lettre « L » et un trait d’union qui a peut-être été omis ou intégré à la lettre embellie. Je suis d’accord avec l’Inscrivante que ces variations sont mineures et que l’emploi de la Marque modifiée constitue un emploi de la Marque verbale.

[19]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que l’Inscrivante a démontré l’emploi de la Marque verbale au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi en liaison avec des « bijoux ».  

La Marque modifiée représentée sur les bagues constitue-t-elle un emploi de la Marque figurative?

[20]           À l’audience, l’Inscrivante a fait valoir que les différences entre la Marque figurative et la Marque modifiée étaient mineures et consistaient en une différence de police, un embellissement de la lettre « L » et un trait d’union qui a peut-être été omis ou intégré à la lettre embellie. Comme pour la Marque verbale, l’Inscrivante a fait valoir que la caractéristique dominante de la Marque figurative est les mots TRU LOVE, qui sont maintenus dans la Marque modifiée. Avec un clin d’œil à The Princess Bride, l’Inscrivante fait également remarquer que, au son, les deux marques se prononcent « true love ».

[21]           En plus de la jurisprudence susmentionnée, l’Inscrivante a cité les affaires suivantes où des différences entre les marques déposées et employées étaient considérées comme acceptables : Brouillette Kosie Prince c. Dans un Jardin Inc, (2008) CarswellNat 375 (COMC) et Alibi Roadhouse Inc c. Grandma Lee’s International Holdings Ltd (1997), 76 CPR (3d) 327 (CF 1re inst.). Compte tenu de l’âge de la Marque figurative (enregistrée en 1930), l’Inscrivante fait valoir que la Marque modifiée représente une [traduction] « évolution naturelle » du dessin et, répétant Promafil, précitée, fait valoir que l’Inscrivante a agi de bonne foi en ce qui concerne la vente de marchandises et qu’il serait injuste de radier la Marque figurative en fonction de différences mineures.

[22]           Dans Alibi Roadhouse, précitée, la Cour a affirmé ce qui suit dans son examen de la caractéristique dominante et de l’emploi d’une marque comportant plusieurs différences :

[traduction]

L’existence d’autres caractéristiques ou embellissements peut rendre la marque déposée plus attrayante, mais je ne considère pas qu’il s’agisse de caractéristiques dominantes de la marque. Je ne vois pas comment ces distorsions peuvent causer préjudice ou tromper le public, ni comment cela peut changer le caractère distinctif commercial. [au para. 340]

 

[23]           Pareillement, en l’espèce, je ne considère pas que la police de la Marque figurative soit la caractéristique dominante. La police ne fait qu’ajouter à l’attrait esthétique ou du moins le faisait lorsque la marque a été enregistrée il y a plus de 80 ans. En ce qui concerne le fond foncé, bien qu’il incombe au propriétaire d’une marque de commerce de s’assurer que son enregistrement soit juste, compte tenu de l’âge de l’enregistrement en l’espèce, il n’est pas évident si le fond était considéré comme une caractéristique de la Marque figurative ou si c’est le résultat de la piètre qualité de l’image et des limites de la reproduction d’images de l’époque. Bien qu’aucune preuve n’ait été produite en ce qui a trait à l’emploi de la Marque figurative historiquement, vraisemblablement si elle était gravée sur des bijoux de façon semblable à la Marque modifiée, le fond n’apparaîtrait pas. De toute façon, compte tenu de l’analyse ci-dessus, ce facteur est sans portée; il est rare qu’un fond composé de simples formes géométriques, comme en l’espèce, constitue la caractéristique dominante d’une marque de commerce. En effet, la Requérante ne fait référence à aucune jurisprudence qui indiquerait le contraire.

[24]           Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec la simple assertion de la Requérante que la Marque modifiée représentée sur les bagues diffère [traduction] « de manière trop importante » de la Marque figurative déposée. Plutôt, selon moi, la Marque modifiée maintient la caractéristique dominante de la Marque figurative, soit l’emploi des mots TRU LOVE. Je suis d’accord avec l’Inscrivante que l’embellissement de la lettre « L » et la différence de police sont des variations relativement mineures purement cosmétiques.  

[25]           En effet, comme la caractéristique dominante de la Marque figurative et de la Marque modifiée est les mots TRU LOVE, je suis convaincu que la Marque modifiée comme représentée sur les bagues en pièces A et B constitue un emploi de la Marque figurative. Selon moi, les différences mineures entre la Marque figurative déposée et la Marque modifiée ne créent pas de confusion ou ne visent pas à tromper un acheteur non averti.

[26]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que l’Inscrivante a démontré l’emploi de la Marque figurative au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi en liaison avec des « bijoux ».  

Décision

[27]           Conséquemment, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, les deux enregistrements seront maintenus.

______________________________

Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 


Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.