Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION
de Chico’s Concept, Inc. à la demande no 1,038,916
produite par Utex Corporation en vue de l’enregistrement
de la marque de commerce LA CHICA
Le 10 décembre 1999, la requérante Utex Corporation a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce LA CHICA en liaison avec les marchandises suivantes :
Vêtements pour dames, hommes et enfants, nommément vestes, costumes, manteaux, imperméables, pantalons, pantalons sport, jupes, chemises et chandails.
La demande se fonde sur l’emploi projeté de la marque au Canada et a été publiée aux fins de toute opposition éventuelle le 28 mars 2001.
Chico’s Fas, Inc. a produit une déclaration d’opposition le 28 juin 2001, dont copie a été transmise à la requérante le 27 juillet 2001. En raison de la cession de diverses marques de commerce, c’est désormais Chico’s Concept, Inc. qui agit en qualité d’opposante.
Le premier motif d’opposition est que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce parce qu’elle ne contient pas la déclaration qui y est prévue. Le deuxième motif d’opposition consiste en la non‑conformité de la demande aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, la requérante n’ayant pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce sollicitée au Canada puisqu’elle connaissait l’emploi antérieur des marques de commerce et des noms commerciaux de l’opposante.
Comme troisième motif d’opposition, l’opposante soulève le fait que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’obtention de l’enregistrement de la marque au regard de l’alinéa 16(3)b) de la Loi car, à la date de production de la requérante, la marque de commerce sollicitée créait de la confusion avec les marques de commerce CHICO’S et CHICO’S PASSPORT pour lesquelles des demandes ont déjà été produites au Canada le 21 juillet 1999. La demande visant la marque de commerce CHICO’S porte le numéro de série 1,023,135 et couvre les « services de magasin de vente au détail de vêtements » ainsi que les marchandises suivantes :
Vêtements pour hommes, nommément vestes, pantalons, chemises et hauts; et vêtements pour femmes, nommément jupes, pantalons, chandails, chemisiers, robes, chemises, hauts et vestes.
La demande visant la marque de commerce CHICO’S PASSPORT porte le numéro de série 1,023,136 et concerne les « services d’escompte de cartes de crédit » et les « services de magasin de vêtements de détail ».
Le quatrième motif d’opposition veut que la requérante ne soit pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque au regard de l’alinéa 16(3)c) de la Loi car, à la date de production de la requérante, la marque de commerce sollicitée créait de la confusion avec les noms commerciaux Chico’s, Chico’s Fas, Inc. et chicos.com antérieurement employés au Canada par l’opposante. L’opposante fait valoir comme cinquième motif le caractère non distinctif de la marque de commerce sollicitée compte tenu de ses propres « marques de commerce et noms commerciaux antérieurs ».
La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration. L’opposante a soumis en preuve l’affidavit de Scott Edmonds, président et chef des opérations de Chico’s Fas, Inc. La requérante a choisi de ne produire aucun élément de preuve. Seule l’opposante a déposé une argumentation écrite et aucune audience n’a été tenue.
En ce qui concerne le premier motif d’opposition, l’alinéa 30e) de la Loi prévoit :
30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing......
(e) in the case of a proposed trade-mark, a statement that the applicant, by itself or through a licensee, or by itself and through a licensee, intends to use the trade-mark in Canada;
30. Quiconque sollicite l'enregistrement d'une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant......
e) dans le cas d'une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l'intention de l'employer, au Canada, lui-même ou par l'entremise d'un licencié, ou lui-même et par l'entremise d'un licencié;[.]
La demande déposée par la requérante comprend la déclaration suivante : « Le requérant a l’intention d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises suivantes... ». L’opposante fait valoir que l’alinéa 30e) exige une déclaration du requérant qu’il a l’intention d’employer la marque de commerce sollicitée soit « lui-même ou par l'entremise d'un licencié » ou « lui-même et par l'entremise d'un licencié », l’une ou l’autre de ces formulations devant être insérée dans la demande. Je ne suis pas de cet avis. La première solution « lui‑même ou par l’entremise d'un licencié » est libellée de façon disjonctive, si bien qu’il suffit d’être visé par l’une ou l’autre des propositions pour satisfaire à l’exigence prévue par la loi. Ainsi, la déclaration de la requérante portant qu’elle entend employer la marque de commerce sollicitée suffit pour les fins de l’alinéa 30e) de la Loi. Le premier motif d’opposition doit donc être écarté.
Le deuxième motif ne constitue pas un motif d’opposition correct. Le fait qu’un requérant puisse connaître l’existence des marques de commerce et des noms commerciaux de l’opposante ne l’empêcherait pas en soi d’insérer dans sa demande la déclaration requise par l’alinéa 30i) de la Loi. L’opposante n’a pas allégué que la requérante avait adopté sa marque de commerce en sachant que celle‑ci créait de la confusion avec les marques et les noms antérieurement employés par l’opposante au Canada. Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est lui aussi rejeté.
Quant au troisième motif d’opposition, l’opposante a la charge initiale d’établir que ses deux demandes de marques de commerce ont été produites avant la date de production de la requérante, comme le prescrit l’alinéa 16(3)b) de la Loi, et qu’elles étaient toujours pendantes à la date de publication de la requérante en application du paragraphe 16(4). Bien que l’opposante n’ait pas fait la preuve de la production de ses deux demandes, j’ai décidé d’exercer le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire en m’appuyant sur la décision en matière d’opposition Royal Appliance Mfg. Co. c. Iona Appliances Inc. (1990), 32 C.P.R.(3d) 525, p. 529, et consulté les dossiers du Bureau des marques de commerce qui concernent ces demandes. Ces dossiers confirment que ces deux demandes ont été produites préalablement à la date de production de la requérante et qu’elles étaient pendantes à la date de publication de celle‑ci.
Compte tenu de ce qui précède, le troisième motif doit encore être tranché au regard de la question de la confusion entre les marques en cause. La date pertinente pour l’examen des circonstances en matière de confusion est la date de production de la requérante. De plus, pour appliquer le critère de la confusion fondé sur le paragraphe 6(2) de la Loi, il faut prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi. Enfin, la requérante a le fardeau ou la charge ultime d’établir qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques.
Prenons tout d’abord la marque de commerce CHICO’S de l’opposante. Cette marque et la marque de la requérante LA CHICA ont toutes deux un caractère distinctif inhérent en liaison avec des marchandises et des services relatifs aux vêtements. Comme la requérante n’a produit aucun élément de preuve, je dois conclure que sa marque n’est pas devenue connue dans tout le Canada à la date pertinente. Il ressort de l’affidavit de M. Edmonds que le prédécesseur en titre de l’opposante, Chico’s Fas, Inc., a employé la marque de commerce CHICO’S pendant un certain nombre d’années en liaison avec une chaîne de magasins de vêtements et une collection de vêtements surtout pour femmes aux États‑Unis. Cependant, M. Edmonds n’a pas fait la preuve de quelque vente ou activité publicitaire que ce soit au Canada à la date pertinente ou avant. Je dois donc conclure que la marque de commerce de l’opposante n’est aucunement devenue connue au Canada à cette date.
La période pendant laquelle les marques ont été employées au Canada ne constitue pas une circonstance importante à considérer en l’espèce. S’agissant des alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, il existe un chevauchement considérable entre les marchandises des parties. La demande portant no 1,023,135 déposée par l’opposante vise divers articles de vêtements pour hommes et femmes ainsi que les « services de magasin de vente au détail de vêtements ». La demande déposée par la requérante vise elle aussi des articles de vêtements pour hommes et femmes. On peut supposer que le commerce des parties serait ou pourrait être similaire.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)e) de la Loi, le degré de ressemblance entre les marques des parties est relativement élevé. La composante dominante de la marque de la requérante LA CHICA est le mot CHICA dont une seule lettre la distingue de la marque de l’opposante CHICO’S, abstraction faite de sa présentation sous la forme possessive. Les marques se ressemblent donc beaucoup dans la présentation et le son.
Pour appliquer le critère de la confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Vu les conclusions auxquelles je suis arrivé, et particulièrement vu la ressemblance entre les marchandises, le commerce et les marques des parties, je conclus que la marque de commerce de la requérante LA CHICA crée de la confusion avec la marque de commerce de l’opposante CHICO’S, et ce, en date du 10 décembre 1999. En conséquence, le troisième motif d’opposition fondé sur la production antérieure de la demande de l’opposante portant no 1,023,135 est accueilli et le second aspect de ce motif n’a pas à être examiné.
Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas non plus nécessaire de se pencher sur les quatrième et cinquième motifs d’opposition. Compte tenu toutefois de l’omission de l’opposante d’établir l’emploi de ses noms commerciaux au Canada avant la date de production de la requérante ou la notoriété de ses marques et de ses noms au Canada à quelque moment que ce soit, ces deux motifs auraient vraisemblablement été rejetés.
Vu ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 5 MAI 2004.
David J. Martin,
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce