Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                                     Référence : 2014 COMC 110

Date de la décision: 2014-05-26

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS produites par Domaines Pinnacle Inc. à l’encontre des demandes d’enregistrement nos 1,490,127 et 1,490,128 pour les marques de commerce CID et CID&Dessin au nom de Les Vergers de la Colline inc.

 

 

Introduction

[1]               Les Vergers de la Colline inc. (la Requérante) a produit le 26 juillet 2010 des demandes pour l’enregistrement des marques de commerce CID (Marque 1), demande no  1,490,127 et CID & Dessin (Marque 2), demande no 1,490,128 telle que ci-après reproduite :

CID & Design

 

[2]         Les deux demandes sont fondées sur un emploi projeté en liaison avec :

[Traduction] Articles de table, nommément verres, sous-verres, bouteilles, caisses de bouteilles, serviettes, ouvre-bouteilles; vêtements, nommément chemises, tee-shirts, chandails, vestes, casquettes, chapeaux; boissons alcoolisées, nommément cidre (les Marchandises); et

 

Services de magasin de détail en ligne d'articles de table, de vêtements et de cidre; Services de magasin de détail d'articles de table, de vêtements et de cidre; services de conseil et services éducatifs, nommément conférences et ateliers ayant trait au cidre, à des recettes et à la dégustation de cidre (les Services).

 

[3]               Ces demandes furent annoncées le 26 janvier 2011 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition.

 

[4]               Domaines Pinnacle Inc. (l’Opposante) a produit le 25 mars 2011 une déclaration d’opposition dans chacun de ces dossiers. Les motifs d’opposition soulevés dans les deux oppositions sont fondés sur les articles 30(i), 16(3)(a) et 2 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13 (la Loi). Ils sont plus amplement décrits à l’annexe A de la présente décision. La Requérante a produit dans chacun des dossiers une contre-déclaration d’opposition identique niant tous et chacun des motifs d’opposition.

 

[5]               Dans chacun des dossiers :

         l’Opposante a produit l’affidavit de M. Charles Crawford (Crawford 1);

         M. Crawford a été contre-interrogé sur son affidavit Crawford 1;

         la Requérante a produit l’affidavit de M. Marc-Antoine Lasnier (Lasnier 1);

         l’Opposante a produit en réplique l’affidavit de M. Crawford (Crawford 2);

         la Requérante a produit comme preuve supplémentaire avec la permission du registraire l’affidavit de M. Lasnier (Lasnier 2);

         chaque partie a produit un plaidoyer écrit; et

         une audience a été tenue où chaque partie était représentée.

 

[6]               Je devrai d’abord déterminer si l’Opposante a produit suffisamment de preuve pour se décharger de son fardeau initial de preuve . Si c’est le cas, les motifs d’opposition reposent sur la probabilité de confusion entre la Marque et les marques CID et CID et graphisme de l’Opposante. Or ni dans son plaidoyer écrit ni lors de l’audience la Requérante a tenté de convaincre le registraire qu’il y a absence de confusion entre les marques des parties, sauf pour ce qui est des articles de table; les services de magasin de détail en ligne d'articles de table et de vêtements; et les services de magasin de détail d'articles de table et de vêtements.

 

[7]               Dans chacun de ces dossiers, et pour les raisons plus amplement décrites ci-après, j’estime que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve pour chacun des motifs d’opposition qu’elle a soulevés.

 

Fardeau de preuve

 

[8]               Dans le cadre de la procédure en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve concernant les motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. Si l’opposante se conforme à cette exigence, la requérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance de la preuve, que la marque de commerce est enregistrable [voir Joseph Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC) et John Labatt Ltd c Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

 

Remarques préliminaires

 

[9]               Durant le contre-interrogatoire de M. Crawford plusieurs engagements ont été pris. Lors de la production de la transcription de cet interrogatoire certaines réponses ont également été produites. Toutefois la Requérante n’a pas pu produire les réponses aux engagements numéros 1, 3, 5 et 8, l’Opposante ne les ayant pas encore fournies à cette époque. Elle les a par la suite reçues mais elle a oublié de les produire au dossier. J’ai accordé à la Requérante la permission de les produire à l’audience puisqu’il n’y avait pas d’objection de la part de l’Opposante.

 

[10]           Également, lors du contre-interrogatoire de M. Crawford, on a fait référence à une copie plus lisible des documents identifiés comme pièce CC-5 à l’affidavit Crawford 1. Or les documents utilisés lors du contre-interrogatoire n’ont pas été produits avec les notes sténographiques dudit contre-interrogatoire. J’ai accordé lors de l’audience la permission à l’Opposante de produire une copie de ces documents étant donné que la Requérante ne s’y objectait pas. Pour la rédaction de ma décision j’ai utilisé les documents plus lisibles [pièce CC-2 au contre-interrogatoire de M. Crawford] plutôt que la pièce CC-5 à l’affidavit Crawford 1.

 

[11]           Les motifs d’opposition, la preuve et les plaidoyers écrits sont quasi-identiques dans les deux dossiers. Afin de faciliter la rédaction et la lecture de cette décision, je référerai, sauf indication contraire, aux:

   deux demandes d’enregistrement en employant le terme ‘la demande’;

   deux procédures d’opposition en utilisant le terme ‘l’opposition’; et

   Marque 1 et Marque 2 en employant le terme ‘Marque’.

 

[12]           L’Opposante fonde son opposition sur l’emploi antérieur des marques de commerce CID et CID et graphisme. J’emploierai le terme CID pour désigner l’une et/ou l’autre de ces marques.

 

[13]           Comme je l’ai mentionné lors de l’audience tous les faits relatés par les déposants qui sont hors de leur connaissance personnelle constituent une preuve inadmissible de ouï-dire. Je réfère aux informations obtenues lors de rencontres impliquant des personnes autres que les déposants concernant les plans d’affaires de l’une ou l’autre des parties. Ainsi les allégations décrites à la deuxième phrase du paragraphe 15 de l’affidavit Crawford 1, aux paragraphes 18 à 22 de l’affidavit Crawford 2, aux paragraphes 42, 43, 46, 47 et 50 de l’affidavit Lasnier 1, et aux paragraphes 23 et 24 de l’affidavit Lasnier 2 ne seront aucunement considérées pour les fins de ma décision.

 

[14]           La preuve révèle que de façon générale le processus de vente de cidre au Québec est règlementé de la façon suivante. Le fabricant, avec les autorisations requises, peut vendre du cidre de façon artisanale à son lieu de fabrication. Si le produit alcoolisé (dans notre cas du cidre) a plus de 7% alc./vol. le fabricant ne peut vendre directement à des détaillants. Ces derniers doivent placer leurs commandes auprès de la Société des Alcools du Québec (SAQ). Le fabricant vend ses produits à la SAQ. Les cidres de l’Opposante portant la marque CID sont destinés au Québec aux magasins d’alimentation. C’est ainsi que la SAQ dans notre cas a refusé d’approvisionner les magasins d’alimentation désireux d’acheter du cidre portant la marque CID de l’Opposante. Par conséquent l’Opposante a dû présenter une requête devant la Régie des alcools des courses et des jeux du Québec (RAJQ) afin que son cidre portant la marque CID puisse être distribué au Québec dans les magasins d’alimentation. Pour des raisons stratégiques, le cidre de marque CID de l’Opposante n’était pas offert pour la vente aux consommateurs dans les succursales de la SAQ durant la période pertinente.

 

[15]           Finalement, tel qu’il appert de la lecture de ma décision, celle-ci repose sur la crédibilité des allégations contenues dans les affidavits Crawford 1 et Crawford 2. M. Crawford a été contre-interrogé et j’ai lu la transcription. De toute évidence il y a des contradictions entre ses réponses aux questions posées lors de son contre-interrogatoire et les allégations contenues dans lesdits affidavits. Comme je le soulignerai plus en détails, la séquence de production au dossier des différents éléments de preuve a constitué un facteur important dans ma prise de décision.

 

La preuve en chef de l’Opposante (Crawford 1)

 

[16]           M. Crawford est le Président et fondateur de l’Opposante. Il s’agit d’une entreprise familiale qui se spécialise dans la fabrication de cidre de glace depuis 2000. Il signe cet affidavit le 7 octobre 2011.

 

[17]           M. Crawford affirme que l’Opposante emploie la marque CID depuis au moins aussi tôt que le 4 avril 2010 en liaison avec du cidre. Pour appuyer cette prétention il a produit deux photos : l’une représentant une bouteille de cidre tranquille portant la marque CID ayant 11% de teneur d’alcool; et l’autre représentant une bouteille de cidre pétillant portant la marque CID ayant 11% de teneur d’alcool.

 

[18]           Pour soutenir la date de premier emploi de la marque CID du 4 avril 2010 M. Crawford a produit ce qu’il prétend être la facture de la première vente. Je tiens à souligner que les documents produits en liasse à cet effet [pièce CC-5 à l’affidavit Crawford 1] sont deux coupons de caisse et un formulaire énumérant les produits faisant l’objet de cette vente. Nul part sur ces documents il y a une référence à la marque CID, bien que cette référence sur ces documents ne soit pas obligatoire. Je devrai décider si la preuve dans son ensemble démontre l’emploi de la marque CID en liaison avec du cidre lors de cette vente.

 

[19]           La Requérante conteste vigoureusement la véracité de cette vente tel qu’en fait foi sa preuve et plus amplement décrite plus loin dans ma décision.

 

[20]           Je limiterai mes commentaires pour le moment aux faits suivants : l’un des produits vendus est un cidre pétillant; le prix de vente était de 14,95$; le montant total des produits vendus lors de cette vente et indiqué sur le formulaire (89,70$) ne concorde pas exactement avec le total des montants apparaissant sur les deux coupons de caisse (74,78$ + 14,95$ = 89,73$); les montants individuels apparaissant sur les coupons de caisse ne correspondent pas aux montants individuels apparaissant sur le formulaire de vente, sauf pour le montant de 14,95$ qui semble représenter le prix de vente du cidre pétillant.

 

[21]           M. Crawford énumère par la suite les différents canaux de distribution des produits de l’Opposante soit : la SAQ et les autres commissions ou corporations analogues des autres provinces canadiennes. Les cidres CID de l’Opposante sont aussi vendus directement à la boutique de l’Opposante et dans certains marchés publics; finalement il sont également vendus chez les bannières IGA, Metro, Loblaws, Provigo et Maxi.

 

[22]           M. Crawford parle de la renommée des produits de l’Opposante mais les informations fournies à ce sujet ne touchent aucunement le cidre portant la marque CID de l’Opposante. Les prix décernés à l’Opposante concernent les cidres de glace SIGNATURE RÉSERVE SPÉCIALE, DOMAINE PINACLE, REFLET D’HIVER et la crème d’érable COUREUR DES BOIS.

 

[23]           M. Crawford allègue que les ventes de l’Opposante de cidre portant la marque CID ont été, depuis le 4 avril 2010, de 26 000$ pour l’année 2010 et de 243 000$ pour l’année 2011. En termes de bouteilles vendues, cela se chiffre à 3 900 bouteilles en 2010 et 38 900 bouteilles en 2011.

 

[24]           M. Crawford affirme que l’Opposante consacre chaque année un budget promotionnel moyen approximatif de 700 000$ pour la publicité et promotion de ses produits. Toutefois il n’y aucune ventilation de ce montant en fonction de chacun des produits de l’Opposante et plus particulièrement le cidre vendu en liaison avec la marque CID.

 

[25]           Je ne résumerai pas le contenu de l’affidavit Crawford 1 décrivant les faits liés à la connaissance de la Requérante de l’emploi de la marque CID par l’Opposante. Cette connaissance est plus amplement détaillée lors de son contre-interrogatoire. Or il ressort de son contre-interrogatoire que les faits allégués à ce sujet par M. Crawford dans son affidavit ne sont pas à sa connaissance personnelle. Il s’agit donc d’une preuve par ouï-dire.

 

[26]           Finalement M. Crawford explique que les parties œuvrent dans le même domaine et que les produits et services liés à la Marque de la Requérante pourraient se retrouver ou être offerts à la même clientèle. Or ce dernier point est admis par la Requérante sauf pour ce qui est de certains services et marchandises identifiés au paragraphe 6 ci-haut.

 

[27]           Contre-interrogatoire de M. Crawford sur l’affidavit Crawford 1

 

[28]           M. Crawford a été contre-interrogé le 29 février 2012. Durant son contre-interrogatoire les faits suivants sont établis :

 

               en 2010 les cidres CID étaient vendus principalement dans la boutique de l’Opposante située à Frelighsburg, Québec (pages 13 et 23);

               il n’y a pas eu de publicité dans les journaux en 2010 pour les cidres CID (page 23);

               les épiceries s’approvisionnent des cidres CID auprès de la SAQ et l’Opposante vend à la SAQ depuis le 18 octobre 2010. Cependant il est difficile pour l’Opposante de dire depuis quand exactement les épiceries achètent les cidres CID de la SAQ (réponses aux engagements);

               les cidres CID sont vendus que dans les épiceries situées au Québec pour le moment (page 33);

               avant de vendre le produit à leur boutique l’Opposante n’avait pas présenté une demande d’autorisation à la Régie des alcools des courses et des jeux du Québec (RAJQ) pour vendre ce produit à son lieu de fabrication (page 32);

               c’est seulement vers le 30 mai 2011 [voir la pièce CC-2 à l’affidavit Crawford 1] que les cidres CID ont commencé à être disponibles dans les épiceries (page 37);

               l’Opposante a utilisé qu’un seul graphisme sur ses bouteilles et c’est celui apparaissant sur les photos des bouteilles de cidre de l’Opposante en annexe à son affidavit Crawford 1 et ci-après illustré :

CID LOGO

(Je tiens à souligner que M. Crawford fait référence à la marque CID et graphisme qui fait l’objet, au moment de son contre-interrogatoire, d’une demande d’enregistrement produite par l’Opposante que le 4 octobre 2010) (pages 39-40);

               la première vente a eu lieu le 4 avril 2010 à la boutique de l’Opposante (page 40);

               les cidres CID sont annoncés sur le site web www.selectionspinnacle.com mais aucune vente ne peut se conclure par l’entremise de ce site (pages 43-44);

               le pourcentage d’alcool pour ce type de produit a toujours été de 11% (page 47);

               le nom CID n’apparaît pas sur le formulaire de la liste des produits de l’Opposante car à l’époque en 2010 l’Opposante vendait qu’un seul cidre pétillant soit le cidre CID qui apparaît sur la photo CC-1 à l’affidavit Crawford 1 (page 56);

               les cidres CID n’ont plus été vendus dans la boutique de l’Opposante une fois mis en vente dans les épiceries, soit à compter de mai 2011 (page 65);

               le graphisme apparaissant sur les photos de bouteilles de cidre a été conçu à l’externe (page 66);

               l’endos des étiquettes des bouteilles apparaissant sur les photos produites comporte la mention Sélections Pinnacle (il est noté que l’endos lui-même n’apparaît pas sur les photos produites) (page 69);

               plusieurs employés de l’Opposante, identifiés par M. Crawford, discutaient entre eux du fait que la Requérante était au courant que l’Opposante vendait du cidre sous la marque CID (pages 74-75);

               il a montré une bouteille de cidre CID à M. Michel Lasnier avant Juillet 2010 lors d’une exposition commerciale qui a eu lieu entre avril et juillet 2010, qu’il ne peut pas identifier,

               il identifie le nom des expositions et l’époque où il a rencontré des représentants de la Requérante après juillet 2010 pour discuter de la situation (pages 77-78, 81 et 90);

               l’Opposante ne vend pas de la vaisselle, des vêtements et ne fait pas la vente de ces produits par Internet (page 93);

               l’Opposante n’offre pas des services de consultation et d’éducation (page 94);

               les cidres CID ont été vendus dans des marchés publics en 2010 ainsi qu’à la boutique de l’Opposante avant qu’ils soient offerts par l’entremise de SAQ Alimentation dans les marchés d’alimentation (page 97).

 

[29]           Finalement lors du contre-interrogatoire de M. Crawford son agent s’est objecté à la production du contrat par lequel l’Opposante retenait les services d’un tiers pour la conception du graphisme de la marque CID apparaissant sur les bouteilles de cidre et dont la première vente remonte au 4 avril 2010. Si le contrat pour la confection de l’étiquette a été conclu après le 4 avril 2010 cela soulèverait de sérieux doutes quant à la crédibilité du témoignage de M. Crawford. Quoi qu’il en soit, tel qu’il appert de ma décision, c’est la Requérante qui nous a apporté des éclaircissements sur la confection de l’étiquette employée par l’Opposante. C’est suite à ces éclaircissements que l’Opposante a produit en réplique une facture au soutien de l’affidavit Crawford 2 afin de prouver le paiement des honoraires de cette firme externe et a allégué pour la première fois l’existence d’une étiquette conçue à l’interne.

 

La preuve de la Requérante (Lasnier 1)

 

[30]           L’affidavit de M. Marc-Antoine Lasnier a été signé le 13 septembre 2012. Il est le fils du président de la Requérante et est à l’emploi de celle-ci depuis 2003. Il en est le directeur de la division cidricole et le maître chai. Il donne un bref historique des activités de la Requérante qui remonte à 1927. Depuis 2003 la Requérante exploite une cidrerie et commercialise plusieurs boissons alcoolisées et non-alcoolisées faites à partir de pommes. Ces produits sont distribués et commercialisés principalement au Québec mais également dans les autres provinces canadiennes.

 

[31]           M. Lasnier affirme que les produits de la Requérante sont ou peuvent être vendus tant à la boutique de la Requérante que dans les succursales de la SAQ, les épiceries, dépanneurs, marchés publics, foires ou expositions, restaurants, bars et pubs. Il allègue que la Requérante détient un permis de production artisanale et un permis de fabricant de cidre industriel émis par la RAJQ. Il explique la portée de chacun de ces permis.

 

[32]           M. Lasnier explique que la Requérante a commencé à considérer d’adopter la Marque le 17 mai 2010. Il affirme avoir trouvé le nom. Il n’avait pas, à cette date, connaissance que des tiers utilisaient cette marque. Il a procédé à une recherche en employant l’engin de recherche GOOGLE ™ et n’a décelé aucune marque identique ou similaire employée au Canada. Par l’entremise d’agents, des recherches ont également été effectuées sur certaines bases de données, dont notamment celle de l’OPIC et rien de conflictuel n’a été repéré.

 

[33]           Par la suite la Requérante a confié à un graphiste le mandat de concevoir un logo qui sera éventuellement l’image des nouveaux produits de la Requérante et correspondant à la Marque 2. Le tout fut finalisé le 21 juin 2010 et il a produit les fiches conçues (pièce MCL-3). Dans la suite des choses, le 26 juillet 2010 la Requérante a produit une demande d’enregistrement pour la Marque 1. La demande ne vise pas uniquement les boissons alcoolisées mais également d’autres produits et services. Il explique qu’une seconde demande a été produite la même journée pour la Marque 2.

 

[34]           M. Lasnier affirme que depuis l’automne 2010 la Requérante a débuté l’emploi de la Marque par la vente de boissons alcoolisées au Québec. Il allègue que les boissons alcoolisées portant la Marque sont également commercialisées à la boutique de la Requérante depuis décembre 2010. Il a produit des factures de vente de Marchandises ainsi que des photos de certaines des Marchandises portant la Marque. Également à l’automne 2010 la Requérante a débuté l’emploi de la Marque en liaison avec des articles de table, des vêtements, et il a produit des photos de ces articles. Il mentionne que depuis septembre 2010 les produits portant la Marque sont disponibles dans plusieurs points de vente au Québec. Les points de vente au Québec en 2011 se chiffraient alors à 400 et il a produit une liste de ces points de vente, incluant IGA et Metro.

 

[35]           M. Lasnier allègue que la Requérante a dépensé 5 000$ en 2010 et plus de 50 000$ en 2011 pour promouvoir les produits portant la Marque. Il a produit des échantillons de matériel publicitaire. Depuis leur lancement en 2010, les différents cidres de la Requérante portant la Marque se sont mérités des prix et il a fourni la preuve de l’obtention de ces prix.

 

[36]           J’omets volontairement de décrire les allégués concernant la connaissance qu’aurait eue la Requérante des ventes de l’Opposante de produits portant la marque CID. Tous ces faits sont basés sur une preuve par ouï-dire. Toutefois M. Lasnier affirme que c’est en septembre 2011 qu’il a vu pour la première fois les produits de l’Opposante portant la marque CID.

 

[37]           M. Lasnier affirme que c’est impossible que l’Opposante ait débuté l’emploi de la Marque CID le 4 avril 2010 car le concours pour la conception du graphisme de l’Opposante s’est terminé que le 29 avril 2010 et il produit une copie d’extraits du site web de l’organisme qui gérait le concours [pièce MCL-11]. Bien que le contenu de ce site puisse constituer une preuve par ouï-dire, ces faits n’ont pas été contestés par l’Opposante.

 

[38]           M. Lasnier explique, qu’en raison de son taux d’alcool de 11%, les boissons alcoolisées de l’Opposante portant la marque CID pouvaient être vendues que par l’intermédiaire de la SAQ aux épiceries, dépanneurs et restaurants. Grâce à son permis de production artisanale, l’Opposante pouvait aussi les vendre dans sa boutique mais seulement après avoir soumis à la RAJQ les étiquettes et échantillons de ce nouveau produit pour fins d’analyse et reçu par la suite l’approbation de cette dernière.

 

[39]           M. Lasnier allègue également qu’il est impossible que l’Opposante ait fait la promotion des produits CID sur son site Internet ‘slectionspinacle.com’ dès avril 2010 puisque ce nom de domaine a été réservé par l’Opposante que le 17 août 2010 et il a produit la documentation pertinente provenant d’extraits des registres ‘Whois’ relativement à ce nom de domaine.

 

La preuve en réponse de l’Opposante (Crawford 2)

 

[40]           M. Crawford signe un second affidavit le 17 octobre 2012 et il est produit au dossier à titre de preuve en réponse à la preuve de la Requérante. Je tiens à souligner que cet affidavit est signé par M. Crawford plus de 7 mois après son contre-interrogatoire.

 

[41]           Pour employer l’expression utilisée par l’agent de la Requérante lors de l’audience, le contenu de cet affidavit est pour le moins ‘surprenant’ compte tenu des allégations à l’affidavit Crawford 1 et des confirmations et éclaircissements fournis par M. Crawford en toute connaissance de cause lors de son contre-interrogatoire. D’ailleurs c’est lui-même qui dira lors de son contre-interrogatoire :‘Well, there is not much in this affidavit, so yes, I’m, it’s not hard to be familiar with it at all.’ (page 13).

 

[42]           Or dans son second affidavit M. Crawford nous soumet une version différente de certains faits importants et ajoute d’autres informations. Ainsi, il allègue que l’idée de développer et de mettre en marché de nouveaux produits pour un cidre tranquille portant la marque CID est venue à l’Opposante à la fin de l’année 2009 [paragraphe 4]. Il allègue que l’Opposante a décidé de tester la marque CID en vendant les produits dans sa boutique [paragraphe 5]. L’Opposante a donc créé une étiquette à cette fin et il a produit une photo de cette dernière [paragraphe 6]. L’étiquette produite ne correspond aucunement à l’étiquette apparaissant sur les photos de bouteilles produites au soutien de son premier affidavit. De plus l’étiquette porte les mentions suivantes : ‘cidre tranquille’, ‘9% alc./vol.’ et ‘domaine pinnacle’.

 

[43]           M. Crawford explique que, comme les produits CID de l’Opposante ont été favorablement accueillis par les clients, celle-ci a décidé de les produire et les commercialiser [paragraphe 8]. C’est ainsi que l’Opposante a décidé de lancer un concours via le site Internet ‘99designs’ pour la conception du design de ses produits finis portant la marque CID [paragraphe 9]. L’Opposante a reçu plusieurs visuels et elle en a sélectionné et retenu quelques-uns [paragraphe 10]. L’Opposante a arrêté son choix et le gagnant a été payé le 24 avril 2010 [paragraphe 11].

 

[44]           M. Crawford allègue que le 21 avril 2010 l’Opposante discutait de l’enregistrement de la marque CID avec ses agents et il a produit une copie d’un courriel reçu de ses agents en date du 7 juin 2010 [paragraphes 12 et 13]. Je tiens à souligner qu’il n’y a aucune référence dans ce courriel à une rencontre qui aurait eu lieu le 21 avril 2010.

 

[45]           M. Crawford allègue que c’est à ce moment que l’Opposante a parallèlement commencé à créer un site web pour ses produits CID (‘selectionspinnacle’) qui a été enregistré que le 17 août 2010 [paragraphe 14]. Cela semble contredire ce qu’il a dit lors de son contre-interrogatoire à l’effet que dès le départ (soit le 4 avril 2010) l’Opposante voulait dissocier les produits de cidre portant la marque CID de ses autres produits en adoptant la dénomination sociale Sélections Pinnacle.

 

[46]           M. Crawford affirme que l’Opposante a commencé à commercialiser les cidres CID avec le nouveau graphisme illustré au paragraphe 28 ci-haut depuis au moins aussi tôt que le 18 octobre 2010 par le biais de la SAQ alimentation et par les chaînes d’épiceries Sobeys (IGA), Metro, Provigo/Maxi/Loblaws [paragraphe 15]. Ceci contredit ce qu’il a dit en contre-interrogatoire alors qu’il affirmait que les produits CID ont toujours porté la même étiquette.

 

[47]           M. Crawford prétend que l’Opposante détient toutes les autorisations nécessaires pour la fabrication et la commercialisation de boissons alcoolisées [paragraphe 16]. Ainsi il a produit quatre différents permis. Je note toutefois que le permis ‘production artisanale de cidre’ ne comporte pas de date d’émission.

 

Preuve supplémentaire de la Requérante (Lasnier 2)

 

[48]           M. Lasnier allègue que l’Opposante n’a jamais reçu à toute date pertinente les autorisations nécessaire pour la vente en vertu de son permis de production artisanale de ses cidres CID à sa boutique. Pour prouver ce fait la Requérante a présenté une demande le 10 septembre 2012 auprès de la RAJQ pour que cette dernière fournisse les demandes d’approbation produites par l’Opposante à ce sujet. Le 13 septembre 2012 la RAJQ a répondu qu’elle ne détenait aucun document concernant des demandes d’approbation pour les cidres de marque CID de l’Opposante et M. Lasnier a produit une copie de cette lettre (pièce MCL-5).

 

[49]           M. Lasnier affirme qu’il était impossible pour l’Opposante de commercialiser avant la date de l’opposition (25 mars 2011) les cidres CID par l’entremise de la SAQ alimentation en vertu de son permis de fabricant de cidre industriel . En effet en septembre 2012 la Requérante a découvert que des procédures judiciaires et administratives impliquant l’Opposante et la SAQ remontant à novembre 2010 existaient. Il s’agissait d’un différend devant la RAJQ au sujet d’une décision empêchant l’Opposante de commercialiser des cidres alcoolisés en vertu de son permis de production artisanale et de son permis de fabricant de cidre industriel.

 

[50]           C’est alors que la Requérante a demandé le 17 septembre 2012 à la RAJQ certains documents se rapportant à cette affaire. M. Lasnier a produit toute la documentation pertinente à ce sujet. Je tiens à souligner que le fait que les autorisations ou dérogations n’aient pas été obtenues n’empêchent pas que, dans les faits, il y ait pu avoir des ventes de nature artisanale au lieu de fabrication de l’Opposante. La première question est de savoir si j’ai une preuve de ces ventes. Dans l’affirmative, la seconde question est : si elles ont eu lieu en l’absence d’autorisation de l’autorité règlementaire, sont-elles opposables à la Requérante dans le cadre de cette opposition?

 

[51]           Selon M. Lasnier les allégations contenues dans la requête de l’Opposante devant RAJQ [pièce MCL-7 en liasse] démontrent que l’Opposante n’a pu commercialisé ses produits CID avant le dépôt de son opposition (25 mars 2011) car elle n’avait toujours pas obtenu à cette date l’approbation de la RAJQ.

 

Analyse de toute cette preuve et les conclusions qui s’imposent

 

[52]           Je retiens de toute cette preuve:

 

  • il y a des contradictions entre le contre-interrogatoire de M. Crawford sur son affidavit Crawford 1 et le contenu de son affidavit Crawford 2;
  • l’Opposante a attendu plus de six mois et après la production de la preuve de M. Lasnier (Lasnier 1), qui soulevaient certaines anomalies dans la version des faits de M. Crawford, avant de rectifier sa version des faits;
  • cette nouvelle version des faits [paragraphes 4 à 15 de Crawford 2] produite à titre de preuve en réplique ne constitue pas une preuve en réplique au sens de l’article 43 du Règlement sur les marques de commerce (Règlement);
  • l’Opposante n’a pas cru bon de contre-interroger M. Lasnier.

 

i) preuve en réplique de l’Opposante

 

[53]           L’article 43 du Règlement réfère à ‘une preuve se limitant strictement aux matières servant de réponse’. La preuve sous l’article 41 du Règlement concerne ‘la preuve sur laquelle [l’Opposante] s’appuie’. Ainsi l’Opposante doit présenter toute sa preuve sur laquelle elle compte s’appuyer pour prouver le bien-fondé de ses motifs d’Opposition. La grande majorité des faits décrits dans l’affidavit Crawford 2 concernent l’emploi de la marque CID par l’Opposante avant le 26 juillet 2010 et se rapportait donc directement au motif d’opposition fondé sur un emploi antérieur de cette marque. Elle ne peut scinder sa preuve en fonction de ce que pourrait produire la Requérante comme preuve [voir Halford c Seed Hawk Inc (2003), 24 CPR (4th) 220 (CF 1re inst)].

 

[54]           Dans le présent dossier il est apparent que l’Opposante a présenté une première version des événements qui ont mené à la vente de cidre en liaison avec la marque CID le 4 avril 2010 à titre de preuve sous l’article 41 du Règlement. La Requérante a inclus dans sa preuve sous l’article 42 des faits contredisant la version de l’Opposante ou soulevant des doutes sérieux quant à la véracité des faits entourant la date de premier emploi de la marque CID par l’Opposante.

 

[55]           Les allégations contenues aux paragraphes 4 à 15 de l’affidavit Crawford 2 concernent la date de premier emploi de la marque de commerce CID par l’Opposante. Ces allégations ne constituent pas proprement dit une preuve ‘se limitant strictement aux matières servant de réponse’. Il s’agit plutôt d’une nouvelle preuve ou une preuve additionnelle se rapportant à la date de premier emploi de sa marque qui nécessitait la permission du registraire avant sa production au dossier.

 

[56]           Ainsi les paragraphes 4 à 15 inclusivement de l’affidavit Crawford 2 ne seront donc pas considérés dans le cadre de cette décision.

 

 

 

ii) motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi

 

[57]           C’est l’Opposante qui a le fardeau initial de preuve concernant ses motifs d’opposition. Tout d’abord sous le motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi, elle devait démontrer la connaissance de la Requérante des activités commerciales de l’Opposante en rapport avec la commercialisation des cidres CID de cette dernière au moment du dépôt de la présente demande d’enregistrement, soit le 26 juillet 2010. Or toute la preuve de l’Opposante sur cette prétendue connaissance de la Requérante des activités commerciales de son compétiteur repose sur de la preuve par ouï-dire, à l’exception d’un événement que je commenterai plus tard.

 

[58]           M. Crawford a identifié lors de son contre-interrogatoire les employés de l’Opposante qui discutaient entre eux du fait que la Requérante savait que l’Opposante avait débuté l’emploi de la marque CID en liaison avec du cidre. Aucun des acteurs principaux dans les échanges verbaux sur ce sujet a produit un affidavit. Où sont les affidavits de M. Marino, M. Bérubé ou d’une personne prénommée Guy? M. Crawford les a tous identifiés lors de son contre-interrogatoire. Pourquoi n’ont-ils pas été en mesure de produire un affidavit sur ces faits?

 

[59]           M. Crawford a mentionné durant son contre-interrogatoire qu’il a rencontré M. Michel Lasnier lors d’une exposition commerciale qui aurait eu lieu entre le 4 avril 2010 et le 26 juillet 2010 (date de production de la présente demande d’enregistrement) et qu’il lui aurait montré une bouteille de cidre  de l’Opposante portant la marque CID. Or M. Crawford, sur cet événement d’une importance capitale, ne se souvient pas ni de l’endroit, ni du nom de l’exposition commerciale et ni de la date ou du mois (pages 78 et 81) de cet événement. Toutefois durant le même contre-interrogatoire M. Crawford était en mesure d’identifier de façon précise deux autres rencontres qu’il a eues avec M. Marc-Antoine Lasnier et durant lesquelles ils ont discuté de la présente affaire soit lors: du Mondial du Cidre (février 2011) et l’assemblée annuelle de l’association des cidriculteurs artisans du Québec (mars 2011).

 

[60]           Il est acquis que s’il y a eu des ventes de cidre portant la marque CID par l’Opposante avant le 26 juillet 2010, la majorité d’entre elles ont été conclues à son centre de fabrication et quelques unes dans des marchés publics. Il s’agissait donc des ventes artisanales. La première vente commerciale (par opposition aux ventes artisanales) a été conclue que le 18 octobre 2010 avec SAQ alimentation dans les circonstances dont je discuterai un peu plus loin. Donc je ne peux pas inférer de ces seules ventes artisanales que la Requérante savait au moment de la production de sa demande d’enregistrement que l’Opposante avait débuté l’emploi de la marque CID en liaison avec du cidre.

 

[61]           Compte tenu de l’absence d’affidavits des employés de l’Opposante, de l’absence de ventes commerciales avant le 26 juillet 2010 et de l’absence de précisions sur cette présumée rencontre entre M. Crawford et M. Michel Lasnier, je conclus que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de prouver que la Requérante savait que l’Opposante avait débuté l’emploi de la marque de commerce CID en liaison avec du cidre au moment du dépôt de sa demande d’enregistrement. Ainsi l’Opposante n’a pas démontré que la Requérante était au courant de l’emploi de la marque de commerce CID par l’Opposante et donc de mauvaise foi lorsqu’elle a déclaré le 26 juillet 2010 dans sa demande d’enregistrement qu’elle était convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et Services.

 

[62]           Pour tous ces motifs, je rejette donc le motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi.

 

iii) motif d’opposition fondé sur l’article 16(3) de la Loi

 

[63]           Sous ce motif d’opposition l’Opposante devait démontrer qu’elle a employé avant le 26 juillet 2010 la marque CID, au sens de l’article 4(1) de la Loi, en liaison avec du cidre [voir l’article 16(3) de la Loi]. C’est pour cette raison que les deux parties se sont attardées sur les faits se rapportant à la preuve de la première vente de l’Opposante survenue le 4 avril 2010 puisqu’il s’agit de la seule vente mise en preuve étant survenue avant la date pertinente.

 

[64]           Il semble y avoir eu une vente le 4 avril 2010 à l’usine de fabrication de l’Opposante, mais s’agissait-il d’un cidre de marque CID? Le coupon de caisse et le formulaire interne, qui contient l’inventaire des produits vendus par l’Opposante lors de cette transaction, ne font aucunement référence à la marque CID. Je suis conscient que M. Crawford a affirmé lors de son contre-interrogatoire que le seul cidre pétillant (par opposition au cidre tranquille) offert en vente par l’Opposante à cette époque était en liaison avec la marque CID. Mais j’ai de sérieux doutes quant à la version des faits de M. Crawford sur cette vente.

 

[65]           D’abord M. Crawford affirme dans son affidavit Crawford 1 que la bouteille vendue le 4 avril 2010 était identique à celle illustrée sur la pièce CC-1 jointe audit affidavit. Durant son contre-interrogatoire il a réitéré cette affirmation en ajoutant que les étiquettes sur les bouteilles illustrées à la pièce CC-1 étaient les seules que l’Opposante ait employées depuis le 4 avril 2010. Durant son-contre-interrogatoire il a ajouté que la mention ‘sélections pinnacle’ apparaît à l’endos des bouteilles (que nous ne voyons pas sur les photos produites) puisque l’Opposante voulait distinguer les produits de cidre portant la marque CID de ses autres produits dont entre autres les cidres de glace qui étaient vendus sous la dénomination sociale ‘domaine pinnacle’. Finalement il a confirmé durant son contre-interrogatoire que le taux d’alcool pour le cidre de marque CID a toujours été de 11%.

 

[66]           Or M. Lasnier, dans son affidavit Lasnier 1, contredit certaines des affirmations de M. Crawford. Tout d’abord il a produit de la documentation concernant un concours lancée par l’Opposante pour la conception de l’étiquette que nous retrouvons sur les bouteilles apparaissant sur les photos CC-1. Il appert de cette documentation que ce concours a été lancé que le 23 avril 2010 [voir la pièce MCL-11 à l’affidavit Lasnier 1]. Il devenait donc impossible pour l’Opposante d’avoir vendu le 4 avril 2010 du cidre dans des bouteilles portant les étiquettes illustrées à la pièce CC-1. Le travail pour la conception de ces étiquettes n’avait pas encore débuté au 4 avril 2010.

 

[67]           M. Lasnier a produit de la documentation [pièce MCL-12 à Lasnier 1] démontrant que le nom de domaine ‘selectionspinnacle’ a été créé que le 17 août 2010. Ainsi le cidre de marque CID n’a pu être annoncé sur ce site web qu’après cette date. De plus la dénomination sociale ‘Sélections Pinnacle’ est entrée en vigueur que le 10 octobre 2012 selon l’extrait du registre des entreprises produit comme pièce CC-4 à l’affidavit Crawford 2 [voir paragraphe 17 de l’affidavit Crawford 2]. Ces documents viennent contredire les affirmations de M. Crawford à l’effet que le cidre de marque CID a toujours été vendu sous la dénomination sociale ‘Sélections Pinnacle’.

 

[68]           M. Crawford nous a fourni le chiffre des ventes de cidre portant la marque de commerce CID en 2010 tant en nombre de bouteilles qu’en dollars. Toutefois il ne précise pas le montant des ventes avant le 26 juillet 2010. La seule preuve au dossier est cette vente survenue le 4 avril 2010 que j’ai déjà commentée auparavant.

 

[69]           J’estime que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initiale de prouver l’emploi de la marque CID en liaison avec du cidre avant le 26 juillet 2010.

 

[70]           Dans l’éventualité où je serais dans l’erreur en excluant du dossier le contenu des paragraphes 4 à 15 de l’affidavit Crawford 2, même en les considérant j’arriverais à la même conclusion et ce pour les raisons qui suivent.

 

[71]           Tout d’abord c’est seulement après la production de l’affidavit Lasnier 1 que l’Opposante a tenté de corriger le tir en produisant l’affidavit Crawford 2. M. Crawford décrit alors une suite d’événements incompatibles avec sa première version des faits.

 

[72]           M. Crawford allègue dans son affidavit Crawford 2 qu’à la fin 2009 l’Opposante entrevoyait l’idée de mettre en marché de nouveaux produits pour du cidre tranquille. Je note que M. Crawford ne parle pas de cidre pétillant alors que la première vente datée du 4 avril 2010 concernait un cidre pétillant selon sa version des faits fournie lors de son contre-interrogatoire sur son affidavit Crawford 1.

 

[73]           L’Opposante aurait donc décidé de tester ses nouveaux produits en les vendant dans sa boutique. Ainsi le 22 mars 2010 l’Opposante aurait conçu une étiquette à l’interne pour ces nouveaux produits. M. Crawford a produit une photo de cette étiquette [pièce CC-1 à Crawford 2] mais aucun document n’a été produit pour supporter cette date du 22 mars 2010.

 

[74]           Or l’étiquette CC-1 à Crawford 2 porte les inscriptions suivantes :

  • Cidre Tranquille-Still Cider
  • Domaine Pinnacle
  • 9% alc./vol.

 

[75]           Bien que cette étiquette porte la mention ‘CID’, toutes les inscriptions ci-haut identifiées sont en contradiction avec sa première version des faits. En premier lieu il avait mentionné que la première bouteille vendue était du ‘cidre pétillant’. M.Crawford n’a pas produit une étiquette pour ce type de cidre. La mention ‘Domaine Pinnacle’ contredit son affirmation à l’effet qu’il voulait dissocier le cidre portant la marque CID de la dénomination sociale Domaine Pinnacle. De plus la référence à ‘9% alc./vol.’ contredit son affirmation à l’effet que le cidre de marque CID a toujours eu qu’une seule teneur en alcool soit 11%.

 

[76]           Finalement lors de son contre-interrogatoire M. Crawford a été formel : le cidre portant la marque CID a toujours porté l’étiquette apparaissant sur les photos produites comme pièce CC-1 à l’affidavit Crawford 1. Jamais au cours de son contre-interrogatoire il a fait référence à une étiquette fabriquée à l’interne qui aurait été employée lors des ventes artisanales conclues au lieu de fabrication de ces cidres. C’est seulement après la production de l’affidavit Lasnier 1, qui mettait en doute la véracité de l’emploi des étiquettes apparaissant sur les photos CC-1 à l’affidavit Crawford 1, que M. Crawford a dévoilé des faits se rapportant à l’emploi d’une autre étiquette portant la marque CID.

 

[77]           Un autre fait qui vient miner la crédibilité de M. Crawford est son affirmation dans l’affidavit Crawford 2 que l’Opposante détenait toutes les autorisations nécessaire pour la vente des produits de marque CID [paragraphe 16 et pièce CC-3 au soutien de l’affidavit Crawford 2]. Or M. Lasnier, dans son affidavit Lasnier 2, a produit une copie d’une requête de l’Opposante présentée devant la RAJQ en date du 23 février 2011 et amendée le 28 mars 2011 [pièce I-2 à Lasnier 2]. Les allégués de l’Opposante dans cette requête contredisent les affirmations de M. Crawford. Au paragraphe 3 de cette requête l’Opposante allègue :

[L’Opposante] est titulaire notamment de deux permis d’alcool soit ‘permis artisanal de cidre’ et permis de ‘Fabricant de cidre’ et ne peut vendre au Québec ses produits sans l’aval de la SAQ….(mes soulignements)

 

[78]           Ainsi il appert de cette requête déposée devant la RAJQ que l’Opposante n’avait toujours pas obtenu l’autorisation de la SAQ pour commercialiser les produits de cidre portant la marque CID.

 

[79]           Toutes ces anomalies, contradictions et éclaircissements après son contre-interrogatoire et la production de documents par la Requérante sèment des doutes sérieux quant à la véracité des faits entourant la première vente de cidre en liaison avec la marque CID par l’Opposante présumée avoir eu lieu le 4 avril 2010. Comme la preuve documentaire réfère qu’à cette seule vente antérieure au 26 juillet 2010, je considère que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de prouver l’emploi de la marque CID avant le 26 juillet 2010.

 

[80]           Pour toutes ces raisons je rejette donc le motif d’opposition sous l’article 16(3) de la Loi.

 

iv) motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi (caractère distinctif)

 

[81]           Il est généralement accepté que la date pertinente pour analyser ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition (25 mars 2011) [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd and The Registrar of Trade Marks (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

 

[82]           Dans l’arrêt Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657 la Cour fédérale a procédé à une analyse exhaustive des arrêts Motel 6 Inc c No.6 Motel Limited, [1982]1 CF638 et E & J Gallo Winery c Andres Wines Ltd [1976] 2 CF 3 afin de déterminer ‘la norme de preuve à laquelle il faut satisfaire afin de prouver qu’une marque de commerce est suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif d’une autre marque de commerce.’[Bojangles’ op.cit. paragraphe 24].

 

[83]           Je tiens à souligner que le motif d’opposition tel que libellé ne fait aucunement référence à la réputation de la marque CID de l’Opposante. Cette dernière n’a fait que reproduire le langage que nous retrouvons à l’article 2 sous la définition du terme ‘marque de commerce’. La Requérante n’a pas demandé de précisions sur ce motif d’opposition. Dans un tel cas je dois tenir compte de la preuve au dossier [voir Novopharm c AstraZeneca AB et al (2002), 21 CPR (4th) 289 (CAF)]. Or la preuve de l’Opposante repose uniquement sur ses ventes de cidre portant la marque CID tel que je l’expliquerai plus amplement ci-après. En effet la preuve de réputation concerne des produits de l’Opposante portant des marques de commerce autres que la marque CID. Il n’y a aucune référence, dans cette portion de la preuve de l’Opposante, à la réputation de ses cidres portant la marque CID.

 

[84]           Il est important de distinguer la norme juridique (la marque de l’Opposante doit être connue au moins jusqu’à un certain point selon Motel 6) du poids de la preuve. Or les mots ‘importante’, ‘significative’ et ‘suffisante’ employés dans Bojangles’ servent à qualifier la réputation de la marque de l’Opposante, si cet élément fait partie de la preuve au dossier.

 

[85]           M. le juge Noël conclu ainsi dans Bojangles’ après avoir cité les passages pertinents des arrêts ci-haut mentionnés :

Une marque doit être connue au moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif établi d’une autre marque, et sa réputation au Canada devrait être importante, significative ou suffisante. Cela est conforme à la jurisprudence. Exiger que la réputation de la marque soit « importante », « significative » ou « suffisante » n’est pas incompatible avec la norme « au moins jusqu’à un certain point » énoncée dans la décision Motel 6, précitée, et elle n’est pas non plus contraire aux remarques que la Cour d’appel fédérale a faites dans l’arrêt Andres Wines, d’où l’emploi par la Cour de l’expression « très grand nombre de téléspectateurs [au Canada] » pour décrire la preuve de la demanderesse à l’égard de la publicité qui était faite à la télévision (voir Andres Wines, paragraphe 19). Enfin, je note que la Cour d’appel fédérale n’a rien changé à la norme énoncée par le juge Cullen dans la décision Bousquet c. Barmish Inc., précitée (voir Bousquet c. Barmish Inc., [1993] A.C.F. no 34).

 

[86]           Je dois donc analyser toute la preuve soumise se rapportant à des faits survenus avant le 25 mars 2011. J’ai déjà discuté de la vente du 4 avril 2010. Je m’attarderai donc aux autres événements survenus entre le 4 avril 2010 et le 25 mars 2011 afin de déterminer si l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de prouver que sa marque de commerce CID était connue le 25 mars 2011 au moins jusqu’à un certain point.

 

[87]           Dans son affidavit Crawford 1, M. Crawford allègue qu’en 2010 l’Opposante a vendu 3900 bouteilles de cidre portant la marque CID. Or dans le cadre de son contre-interrogatoire M. Crawford a produit une facture datée du 18 octobre 2010 émise à la SAQ [pièce U-2 au contre-interrogatoire de M. Crawford] pour la vente de 1248 bouteilles de cidre portant la marque CID. Lors de l’audience l’agent de l’Opposante a concédé qu’il s’agissait de l’unique vente de l’Opposante de cidre portant la marque CID à SAQ Alimentation mise en preuve et ayant été conclue durant la période pertinente soit entre le 4 avril 2010 et le 25 mars 2011. Je commenterai plus en détails ci-après cette unique vente à la SAQ.

 

[88]           Si je soustrais le nombre de bouteilles vendus à SAQ Alimentation soit 1248 du nombre total de bouteilles vendus en 2010 soit 3900, nous arrivons à un total de 2652 bouteilles vendues au lieu de fabrication de l’Opposante, soit à Frelighsburg pour l’année 2010.

 

[89]           Or si je prends le montant total des ventes en 2010 et que je soustrais le montant de la facture émise à la SAQ soit environ 8 730$, excluant les taxes, j’arrive à des ventes totalisant la somme d’environ 17 300$. Or selon le document interne produit par M. Crawford comme pièce CC-5, nous savons que le cidre tranquille de marque CID se vendait à la boutique de l’Opposante à un prix unitaire de 12,95$ et le cidre pétillant à 14,95$ l’unité. En prenant le scénario le plus favorable à l’Opposante, soit le prix unitaire de 12,95$, j’arrive à un nombre total de 1330 bouteilles de cidre portant la marque CID vendues à sa boutique.

 

[90]           Bien que l’Opposante ait suggéré lors de l’audience un nombre total de 2652 bouteilles vendues de façon artisanale (soit la différence entre le nombre total de bouteilles vendues moins les bouteilles vendues à la SAQ :3900-1248), je ne peux l’accepter. À partir des chiffres de ventes fournis par M. Crawford, j’arrive à un total de 1330 bouteilles vendues de façon artisanale. L’écart est trop important pour accorder toute crédibilité aux chiffres fournis par M. Crawford.

 

[91]           Puis-je justifier cet écart d’environ 1320 bouteilles (2652-1330) par les ventes effectuées dans les marchés publics? M. Crawford a affirmé que les produits portant la marque CID de l’Opposante ont effectivement été vendus dans certains marchés publics. Toutefois durant son contre-interrogatoire il affirma que l’Opposante n’a pas vendu de grandes quantités dans ces endroits (‘We didn’t sell that very much at those’ [question 523]). Ainsi je ne peux pas attribuer ce manque d’environ 1300 bouteilles (soit le tiers du nombre total de bouteilles vendues en 2010), aux ventes qui auraient été conclues dans les marchés publics pour lesquelles nous n’avons aucune information.

 

[92]           Pour ce qui est des ventes de l’Opposante en 2011 jusqu’à la date pertinente (25 mars 2011), M. Crawford ne nous a pas fourni cette information. Tout ce que nous avons ce sont les chiffres des ventes en nombre de bouteilles et en dollars pour toute l’année 2011. Le montant des ventes pour l’année 2011 n’a pas été ventilé par mois. Les ventes auraient pu toutes avoir eu lieu après le 25 mars 2011. D’ailleurs tel qu’il a été démontré plus tôt, l’Opposante n’avait toujours pas reçu l’aval de la SAQ pour la vente de ses cidres portant la marque CID à cette date.

 

[93]           Quant à la promotion du cidre portant la marque CID de l’Opposante, M. Crawford allègue dans son affidavit Crawford 1 que l’Opposante a un budget promotionnel annuel moyen approximatif de 700 000$ CAD. Or il a admis durant son contre-interrogatoire que ce budget couvre tous les produits de l’Opposante. Nous n’avons donc aucune information concernant les cidres CID uniquement. M. Crawford a également mentionné lors de son contre-interrogatoire qu’en 2010, pour les cidres CID, la promotion s’est limitée à des brochures à la boutique de l’Opposante et des présentoirs de promotion. Aucun de ces documents n’a été produit. Il n’y a eu aucune promotion des cidres CID de l’Opposante dans les journaux.

 

[94]           Quant aux activités promotionnelles en 2011 M. Crawford affirma durant son contre-interrogatoire que les cidres CID de l’Opposante étaient listés dans les chaînes Sobeys IGA, Metro, Provigo Maxi Loblaws, sans spécifier ce qu’il voulait dire par ‘listés’. Il y a bien eu la production d’un bulletin d’information destiné aux détaillants de l’alimentation mais il porte la date du  30 mai 2011 soit postérieure à la date pertinente.

 

[95]           La Requérante plaide que la vente à SAQ Alimentation d’environ 1250 bouteilles de cidre portant la marque CID du 18 octobre 2010 ne constitue pas une vente dans le cours normal des affaires et ne peut donc être utilisée par l’Opposante pour prouver que la marque CID de l’Opposante était connue du public le 25 mars 2011.

 

[96]           La Requérante argumente que la preuve démontre que ces bouteilles ne pouvaient se retrouver sur les étagères des commerces ci-haut identifiés car l’Opposante n’avait toujours pas obtenu en date du 25 mars 2011 l’autorisation de la SAQ pour commercialiser le cidre portant la marque CID [voir la requête coté I-5 et faisant partie de la pièce MCL-7 à l’affidavit de Lasnier 2]. Il est clair de la pièce I-6 que le 23 février 2011 la SAQ refusait la commercialisation des cidres portant la marque CID. J’ai également noté qu’il y a eu le dépôt d’une requête en irrecevabilité par l’Opposante datée du 30 mars 2011 dans le cadre de son litige avec la RAJQ [voir pièce I-6 à l’affidavit Lasnier 2].

 

[97]           Par conséquent le 25 mars 2011 l’Opposante était toujours en litige avec la SAQ qui refusant de vendre les cidres CID de l’Opposante aux différents commerces d’alimentation. Nous savons toutefois que le 30 mai 2011 la SAQ annonce des nouveaux produits incluant le cidre de l’Opposante portant la marque CID. La preuve révèle que cette annonce [pièce CC-2 à Crawford 1] est destinée aux clients de SAQ Alimentation soit les différents commerçants dans le domaine de l’alimentation. Nous ne savons pas la date précise où la SAQ a accepté de vendre les cidres de l’Opposante portant la marque CID mais, tel que démontré précédemment, ces ventes ont débuté après le 25 mars 2011. Ainsi les bouteilles de cidre portant la marque CID vendues à SAQ Alimentation le 18 octobre 2010 se sont retrouvées sur les tablettes des différents commerces d’alimentation qu’après le 25 mars 2011. Il n’y a donc pas eu de vente aux consommateurs avant le 25 mars 2011.

 

[98]           Hormis les consommateurs qui se sont présentés au lieu de fabrication de l’Opposante pour se procurer des bouteilles de cidre portant la Marque CID, le public en général n’a pas été mis en contact avec les produits CID de l’Opposante avant la date pertinente. Selon la Requérante, le fait qu’il n’y a pas eu de preuve de la vente des produits de l’Opposante portant la marque CID d’un marché d’alimentation à un consommateur lui serait fatal. En effet l’Opposante n’aurait pas su démontrer qu’en date du 25 mars 2011 sa marque CID était connue au moins jusqu’à un certain point du public.

 

[99]            L’Opposante au contraire soutient que cette vente de l’Opposante à SAQ Alimentation peut servir à démontrer que sa marque était connue car elle a été effectuée dans le cours normal de ses affaires. En effet selon l’Opposante cette vente est la deuxième étape qui mènera ultimement à une vente au consommateur. Or la première étape est la visite des chaînes d’alimentation par les représentants de l’Opposante (or il n’y a aucune preuve au dossier que de telles visites ont lieu) pour leur offrir le cidre portant la Marque CID. La deuxième étape est d’approvisionner SAQ Alimentation de ce produit pour que cette dernière puisse vendre aux marchés d’alimentation les quantités de cidre que ces derniers veulent se procurer. Finalement une fois sur les étagères des marchés d’alimentation, les produits de l’Opposante portant la marque CID sont disponibles pour la vente aux consommateurs.

 

[100]       Même si j’acceptais le fait que cette seule vente du 18 octobre 2010 à la SAQ peut servir la cause de l’Opposante , j’estime que la preuve de cette seule vente est nettement insuffisante pour conclure que la marque CID de l’Opposante était connue jusqu’à un certain point.

 

[101]       Dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc 2011 CSC 27, la Cour Suprême du Canada a clairement indiqué que la question de confusion est de savoir si, à partir de sa première impression le consommateur ordinaire plutôt pressé qui voit la marque de la Requérante alors qu’il a un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante sera véritablement confus.

 

[102]       Or le motif d’opposition tel que plaidé par l’Opposante suppose qu’il y avait risque de confusion à la date pertinente entre sa marque CID et la Marque. Ceci laisse présumer que le consommateur ne pouvait distinguer les Marchandises et Services des produits de l’Opposante. Le test ultime est auprès des consommateurs et non la SAQ qui est experte en cette matière. Ainsi c’est le consommateur ayant une vague connaissance des produits portant la marque CID qui ultimement avait à déterminer si les Marchandises et Services provenaient de la même source que les produits CID de l’Opposante. Puisque nous référons au consommateur, l’Opposante avait le fardeau initial de prouver que sa marque CID était connue des consommateurs canadiens à la date pertinente.

 

[103]       Dans les circonstances je ne peux pas accorder un poids quelconque à cette unique vente à la SAQ Alimentation effectuée le 18 octobre 2010 puisque je n’ai pas de preuve que ces produits ont été distribués avant la date pertinente aux différents commerces d’alimentation et ainsi être ultimement disponibles pour la vente aux consommateurs.

 

[104]       Il reste donc que les ventes artisanales effectuées en 2010 par l’Opposante à son lieu de fabrication. Or il existe un sérieux doute sur la véracité des chiffres fournis par M. Crawford concernant ces ventes tel qu’expliqué précédemment. Ceci doit s’interpréter au détriment de l’Opposante. N’étant pas été capable de chiffrer avec exactitude ces ventes, je ne peux pas conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de preuve sur la seule base de ses ventes artisanales.

 

[105]       De l’ensemble de la preuve admissible je conclus que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve de démontrer à la date pertinente que sa marque CID était connue jusqu'à un certain point de telle sorte que la Marque ne pouvait servir à distinguer les Marchandises et Services des produits de l’Opposante portant la marque CID.

 

[106]       Je rejette donc le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.


 

Disposition

 

[107]       En raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les oppositions aux demandes d’enregistrement nos 1,490,127 et 1,490,128 pour les marques de commerce CID et CID et Dessin le tout selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

 

 

_________________________

Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

Annexe A

 

Les motifs d’opposition peuvent se résumer ainsi :

 

  1. La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux exigences de l’article 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (« Loi ») en ce que la Requérante et l’Opposante œuvrent dans le même domaine, nommément, la production et vente de cidre et boissons alcoolisées à base de pommes. Conséquemment, chaque partie est familière avec les produits, services et marques de commerce de l’autre partie. L’Opposante emploie ainsi les marques de commerce CID et CID et graphisme depuis aussi tôt que le 4 avril 2010 en liaison avec du cidre. De ce fait la Requérante ne pouvait et ne peut toujours pas faire la déclaration prévue à l’alinéa 30(i) puisqu’elle ne pouvait et ne peut toujours pas être convaincue qu’elle a droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et Services étant donné qu’au moment de la production de la demande, la Requérante était au courant de l’emploi par l’Opposante des marques CID et CID Logo;

 

  1. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(a) de la Loi puisqu’en date de la production de la demande la Marque créait de la confusion avec au moins une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada soit les marques ci-haut citées;

.

  1. La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi puisque la Marque ne peut véritablement distinguer et n’est pas adaptée à distinguer les Marchandises et Services de la Requérante des marchandises de l’Opposante.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.