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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 52

Date de la décision : 2015-03-25

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Moffat & Co. visant l'enregistrement no LMC263,770 de la marque de commerce SANI-PRO & DESSIN au nom de Big Erics Inc.

[1]               Le 7 février 2013, à la demande de Moffat & Co. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Sani Pro Inc., la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC263,770 de la marque de commerce SANI-PRO & DESSIN (la Marque), reproduite ci-dessous :

SANI-PRO & DESIGN

[2]               La Marque est enregistrée en liaison avec les produits suivants :

[Traduction]
(1) Savon pour les mains et le visage; savon à usage général; nettoyants pour planchers, équipement et appareils; désinfectants pour hôpitaux, clubs, hôtels et établissements; solutions de nettoyage tout usage pour planchers, murs, appareils et équipement; nettoyants pour conduits; solutions de nettoyage et désinfectants pour usines d'aliments, usines à papier, usines d'embouteillage et pour utilisation dans les bâtiments, les bureaux et les écoles; assainisseurs d'air et désodorisants; insecticides; encaustique pour meubles; nettoyants pour acier inoxydable; nettoyants pour vitres et nettoyants tout usage.

(2) Lubrifiants à chaîne, produits de nettoyage pour voitures et détergents à vaisselle.

(3) Distributeurs à serviettes, corbeilles, distributeurs à savon, équipement d'entretien de planchers, nommément machines pour les planchers, aspirateurs, seaux pour vadrouille, récipients à sable, poubelles; équipement commercial et de restauration, nommément friteuses, plaques à frire, cuisinières, machines à glaçons, réfrigérateurs, appareils de cuisson d'aliments, lave-verres, lave-vaisselle, cafetières, grille-pains, fours à micro-ondes, malaxeurs électriques, mélangeurs, réchauds, chaises et tables pour restaurants et cafétérias.

[3]               L'avis exige que la propriétaire inscrite fournisse une preuve démontrant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des produits décrits dans l'enregistrement à un moment quelconque entre le 7 février 2010 et le 7 février 2013. À défaut d'avoir ainsi employé la Marque, la propriétaire inscrite devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               Après l'envoi de l'avis, l'enregistrement a été modifié afin de refléter un changement dans le nom de la propriétaire inscrite, qui est devenue Big Erics Inc. (la Propriétaire). Ce changement de nom n'est pas en cause dans cette procédure.

[5]               La définition pertinente d'emploi en liaison avec des produits est énoncée comme suit au paragraphe 4(1) de la Loi :

(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[6]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de présenter une surabondance de preuves [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il faut néanmoins produire des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure à un emploi de la marque de commerce en liaison avec chacun des produits visés par l’enregistrement au cours de la période pertinente.

[7]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit d'Edwin W. Stratton, président de la Propriétaire, souscrit le 9 septembre 2013. Aucune des parties n'a produit d'observations écrites; cependant, la Partie requérante était représentée à l'audience qui a été tenue le 28 novembre 2014.

La preuve de la Propriétaire

[8]               Dans son affidavit, M. Stratton affirme que la Propriétaire est un distributeur de plusieurs produits, y compris de l'équipement sanitaire, de l'équipement de restauration, des produits chimiques industriels et des fournitures pour l'esthétique automobile. Il affirme que, même si la Propriétaire vend ses produits à des consommateurs finaux industriels, commerciaux et résidentiels, elle vend principalement ses produits à de grandes entreprises œuvrant dans les secteurs industriels, sanitaires, hospitaliers, de la restauration, de la conciergerie et de l'automobile.

[9]               M. Stratton affirme que la Marque est une « marque maison » employée par la Propriétaire pendant la période pertinente. Il explique que, pendant la période pertinente, les produits ont été commandés auprès de la Propriétaire par téléphone, ou par l'entremise de l'un de ses représentants. Les produits étaient préparés pour la livraison ou la cueillette dans l'entrepôt de la Propriétaire. Cette préparation comprenait l'emballage des produits, l'application des étiquettes sur l'emballage, et la cueillette par le client ou l'expédition à celui-ci, avec la facture. Plus particulièrement, en ce qui concerne la première année de la période pertinente, soit entre le 7 février 2010 et le 6 février 2011, il atteste que la vente de produits visés par l'enregistrement au Canada en liaison avec la Marque s'élevait à au moins 500 000 $.

[10]           Bien que la Propriétaire fournisse des preuves détaillées de ventes des produits, la question à trancher en l'espèce est celle de savoir si la Marque a été mise en évidence en liaison avec les produits plutôt qu'en liaison avec les services. À cet égard, M. Stratton produit une preuve démontrant cinq méthodes utilisées pour faire voir la Marque aux clients de la Propriétaire. Toutefois, comme il en est question ci-dessous, je ne considère qu'un seul moyen comme constituant une présentation de la Marque, en liaison avec les produits en question.

[11]           Les pièces suivantes sont jointes à l'affidavit de M. Stratton :

         La pièce A contient une photo et une reproduction d'une étiquette d'expédition, reproduite ci-dessous. La Marque figure bien en vue dans le coin supérieur gauche de l'étiquette. M. Stratton affirme que ces étiquettes sont représentatives de celles qui [Traduction] « ont été apposées sur les emballages des marchandises déposées avant leur envoi aux consommateurs ».

         La pièce B est une facture vierge qui, selon M. Stratton, est représentative des factures utilisées par la Propriétaire pendant la période pertinente. Il explique que, au moment où les produits ont été expédiés, la facture aurait été remplie de manière à indiquer une description des produits achetés par le client et qu'elle aurait accompagné les produits. Je note que la Marque apparaît dans la partie supérieure de la facture, à côté de l'adresse de la Propriétaire à St. John's, Terre-Neuve.

         La pièce C contient six photos qui, selon les dires de M. Stratton, sont des exemples représentatifs des produits SANI-PRO montrant la manière dont la Marque était apposée sur les produits pendant la période pertinente. Les photos sont de mauvaise qualité, mais la Marque semble avoir été imprimée ou inscrite au pochoir sur chaque produit ou son emballage, et ce, de façon permanente. M. Stratton atteste que ces produits illustrés comprennent [Traduction] « un désinfectant/solution désinfectante, un nettoyant pour conduits et un assainisseur d'air/désodorisant » et « une poubelle/corbeille, un panneau de mise en garde indiquant que le plancher est mouillé et un pichet à café ». Il atteste que les trois photos sont représentatives de la manière dont la Marque a été apposée sur les [Traduction] « nettoyants pour planchers, équipement et appareils, désinfectants ..., nettoyants pour conduits, solutions nettoyantes et désinfectants .. et assainisseurs d'air/désodorisants » et que les trois dernières photos sont représentatives des produits visés par l'enregistrement [Traduction] « corbeilles, distributeurs à savon, seaux pour vadrouille et poubelles ».

         La pièce D est une photo d'un « autocollant représentatif » qui, selon ce que déclare M. Stratton, était apposé sur les petits et gros appareils électroménagers avant d'être expédiés aux clients ou ramassés par ceux-ci. On peut voir sur l'autocollant la Marque, le nom de la Propriétaire et ce qui semble être le numéro de téléphone de la Propriétaire. Malheureusement, la photo est de mauvaise qualité et on ne voit pas bien si l'autocollant a été apposé.

         La pièce E est une photo de « sacs en plastique représentatifs » qui, selon ce que déclare M. Stratton, ont été utilisés au moment où les produits ont été vendus à des clients au comptoir, dans le magasin d'exposition de la Propriétaire. Les sacs arborent la Marque.

         La pièce F contient des dizaines de pages de « customer movement reports » (rapport d'activité client). M. Stratton atteste qu'il s'agit d'une liste détaillée des ventes des produits visés par l'enregistrement à des clients au Canada, pendant la période pertinente. M. Stratton affirme que ces rapports montrent les ventes de tous les produits visés par l'enregistrement, et il fournit des corrélations entre les diverses rubriques et les produits visés par l'enregistrement au paragraphe 20 de son affidavit.

Analyse

[12]           À l'audience, la Partie requérante a soutenu que la preuve d'emploi produite par la Propriétaire était douteuse. À cet égard, elle a fait valoir que la preuve montre principalement l'emploi de la Marque en liaison avec les services de distribution de la Propriétaire, plutôt qu'en liaison avec les produits particuliers visés par l'enregistrement.

[13]           En ce qui concerne la présence visible de la Marque sur les étiquettes d'expédition (pièce A), les factures (pièce B), les autocollants (pièce D) et les sacs (pièce E), je suis d'accord avec la Partie requérante pour dire que, au mieux, une telle présence constitue un emploi en liaison avec les services de distribution et de vente de la Propriétaire, et ne fournit pas l'avis de liaison requis avec aucun des produits visés par l'enregistrement.

[14]           En effet, dans son affidavit, M. Stratton décrit la Propriétaire comme étant un distributeur de divers produits; on peut clairement déduire de la preuve qu'elle vend les produits de tiers, au moins en ce qui a trait à certains produits visés par l'enregistrement. Par exemple, la pièce F contient une liste de produits comme « Jackson Tempstar Dishwasher » (lave-vaisselle Jackson Tempstar), « C-Care Convoclean Solution » (solution nettoyante C-Care Convoclean), « Microwave Amana » (micro-ondes Amana) et « Javex Bleach » (eau de Javel Javex).

[15]           Par conséquent, la présence de la Marque dans la partie supérieure de la facture vierge produite en pièce B ne suffit pas pour constituer un emploi de la Marque en liaison avec l'un ou l'autre des produits énumérés sur les véritables factures qui auraient pu être émises pendant la période pertinente. Dans Tint King of California Inc c Registrar of Trade-marks (2006) 56 CPR (4th) 223, la Cour fédérale a noté ce qui suit, au paragraphe 35 :

[Traduction]
... la considération principale semble être, dans le cas des factures, de savoir si les marchandises elles-mêmes sont associées à la marque de commerce ou si la marque de commerce qui figure sur la facture semble être associée au distributeur, auquel cas elle constitue plutôt la preuve d'un emploi en liaison avec des services.

[16]           Bien qu'elle n'ait pas été citée par la Propriétaire, la décision Hortilux Schreder BV c Iwasaki Electric Co, 2012 CarswellNat 4836 (CAF) se distingue de l'affaire qui nous occupe, puisque la preuve y montre en partie que les produits d'un seul fabricant ont été cités dans les factures pertinentes. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Ici, la Marque visible dans la partie supérieure de la facture serait, au mieux, associée à l'entreprise de la Propriétaire, à savoir ses services de vente et de distribution.

[17]           Dans le même ordre d'idée, le fait de présenter de tels produits dans un sac arborant la Marque au moment de la vente ne constitue pas un emploi de la Marque en liaison avec les produits eux-mêmes [voir par exemple London Drugs Ltd c Brooks (1997), 81 CPR (3d) 540 (COMC) et Borden & Elliot c Raphaël Inc (2001), 16 CPR (4th) 96 (COMC)]. Comme l'a indiqué le registraire dans Gowling, Strathy & Henderson c Karan Holdings Inc (2001), 14 CPR (4th) 124 (COMC) à la page 127 :

[Traduction]
En ce qui concerne l’argument du titulaire de l’enregistrement selon lequel la marque de commerce figure sur une enseigne placée sur la façade du magasin, sur les sacs et sur les boîtes dans lesquelles les marchandises sont livrées, j’estime que ce type d’emploi ressemble plus à l’emploi de la marque en liaison avec un service, à savoir distinguer le point de vente au détail du titulaire de l’enregistrement des autres points de vente.

[18]           En l'absence d'observations de la part de la Propriétaire me convainquant du contraire, je ne peux faire autrement que d'en arriver à une conclusion semblable en ce qui concerne la présence de la Marque sur les étiquettes d'expédition (pièce A) et les autocollants (pièce B).

[19]           D'abord, je note que par analogie, il a été établi que le simple fait d'attacher les étiquettes de prix d'un magasin au produit d'un tiers ne constitue pas un emploi d'une marque de commerce au sens du paragraphe 4(1) de la Loi [voir Coastal Trade-mark Services c Edward Chapman Ladies’ Shop Limited, 2014 COMC 80]. La marque de commerce qu'un détaillant affiche sur son étiquette de prix, laquelle est apposée sur ce produit, ne permet pas de distinguer les produits du détaillant de ceux du fabricant dudit produit; elle permet éventuellement de distinguer le prix du détaillant, et donc les services du détaillant, de ceux d'autres détaillants.

[20]           Néanmoins, au moment de la vente, la marque de commerce du détaillant était visible sur le produit ou son emballage grâce à l'étiquette de prix. On pourrait soutenir que, d'après le libellé du paragraphe 4(1), il peut s'agir d'un emploi d'une marque de commerce puisqu'elle est « apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués ».

[21]           Toutefois, une telle interprétation du paragraphe 4(1) est trop générale et entraînerait des résultats absurdes : une marque de commerce apposée sur du ruban ou du papier d'emballage serait automatiquement associée à tout produit expédié à l'aide de ce ruban ou de ce papier; les marques de commerce que l'on voit sur les étampes seraient associées à tout produit envoyé à l'aide de ces étampes, ce qui serait contraire à toute logique, à la jurisprudence susmentionnée et à la définition de « marque de commerce » énoncée à l'article 2 de la Loi.

[22]           Bien que je fasse référence à la définition de « marque de commerce » énoncée à l'article 2, je tiens à noter que la Cour d'appel fédérale a averti le registraire quant à la juste portée des procédures de radiation en vertu de l'article 45. Dans United Grain Growers Ltd c Lang Michener (2001), 12 CPR (4th) 89 (CAF), la Cour d'appel fédérale a conclu que le registraire avait commis une erreur en tranchant la question de savoir si la marque de commerce visée servait réellement à distinguer les produits en cause dans cette affaire. Elle a plutôt indiqué ceci, aux paragraphes 13 à 15 :

[Traduction]
... le registraire a jugé nécessaire d'évaluer si les mots « Country Living » pouvaient être perçus comme une marque de commerce servant à distinguer le magazine Country Guide. À cet égard, le registraire a pris en considération l'article 2 qui donne la définition de marque de commerce :

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres;

Citant l'arrêt Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc., (1980), 53, CPR (2d) 629 (CAF), le registraire a conclu que les mots « Country Living » n'étaient pas utilisés pour distinguer le magazine de l'appelante et par conséquent qu'ils n'étaient pas utilisés comme marque de commerce. C'est pour cette raison qu'elle a radié « Country Living » du registre.

[14] En toute déférence, le registraire a mal interprété ses fonctions sous l'article 45 et a commis une erreur de droit en s'engageant dans une enquête pour décider si les mots « Country Living » étaient utilisés de façon à distinguer le magazine de l'appelante. Il n'y a rien dans l'article 45 qui demande au registraire de réexaminer la question de savoir si la marque de commerce déposée est employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises. Aux termes de l'article 45, le seul devoir du registraire est plutôt de déterminer, à l'égard des marchandises que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce, telle qu'elle se trouve dans le registre, a été employée dans les trois ans précédant l'avis.

[15] En l'espèce, le fait que la marque de commerce déposée « Country Living » était apposée sur le magazine Country Guide lors du transfert de la propriété ou de la possession du magazine dans la pratique normale du commerce n'est pas contesté. Nous sommes d'avis qu'une fois qu'il a été établi qu'une marque de commerce déposée, telle qu'elle est inscrite dans le registre, était employée en liaison avec les marchandises que spécifie l'enregistrement, l'enquête prévue à l'article 45 est terminée.

[23]           Comme l'a noté la Cour d'appel fédérale, la marque de commerce avait dans ce cas été imprimée dans le magazine même au moment de la publication. Cela constitue clairement l'apposition de la marque de commerce sur les « produits mêmes ». Comme il n'y a aucune question d'écart, la marque de commerce a été considérée comme ayant été employée en liaison avec les produits que représente le magazine.

[24]           Le cas qui nous occupe devient moins clair. Même s'il n'est pas question d'écart, il est nécessaire de considérer la juste interprétation du paragraphe 4(1) à la lumière de la preuve démontrant que la Marque est apposée sur des autocollants et des étiquettes d'expédition par la Propriétaire.

[25]           Dans Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst) aux paragraphes 16 et 17, la Cour fédérale a indiqué ceci :

[Traduction]
... l’article 4 envisage la pratique normale du commerce comme un cycle commençant avec le fabricant, se terminant avec le consommateur, en ayant comme intermédiaire un grossiste et (ou) un détaillant. Lorsque la requérante a vendu au détaillant et que le détaillant a vendu au public, le public en est venu à associer la marque de la requérante avec la ... ceinture, l’article 4 considère que l’emploi entre le détaillant et le public profite au fabricant et constitue un emploi au Canada. En d’autres mots, si une partie quelconque de la chaîne se trouve au Canada, cela constitue un « emploi » au Canada au sens de l’article 4.

[26]           Ainsi, il faut garder à l'esprit cette notion de « chaîne » de distribution au moment de trancher la question de savoir si une marque de commerce particulière est apposée conformément au paragraphe 4(1) de la Loi. Au sens du paragraphe 4(1), une Marque est considérée comme étant employée en liaison avec des produits si elle « est apposée sur les produits mêmes », si elle est apposée « sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués », ou si elle est affichée « de toute autre manière » de sorte qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[27]           Le raisonnement implicite dans Karan Holdings, supra est que les sacs de magasinage et les boîtes des détaillants ne constituent pas des « emballages dans lesquels les [produits] sont distribués », nonobstant le fait que les produits sont remis ou envoyés aux clients dans ces sacs ou ces boîtes au moment de l'achat et du transfert. Une marque de commerce apposée sur un emballage postal ou une étiquette d'expédition lorsqu'un distributeur ou un détaillant envoie un produit à un acheteur ne constitue pas l'application d'une marque de commerce sur « les emballages dans lesquels les produits sont distribués ». À mon avis, le paragraphe 4(1) concerne l'emballage du fabricant, mais pas nécessairement l'emballage utilisé par un distributeur ou un détaillant pour envoyer ou remettre les produits au client.

[28]           Dans le même ordre d'idées, il ne faut pas interpréter de façon trop générale le paragraphe 4(1) et ainsi considérer qu'un autocollant arborant la marque de commerce, apposé sur un produit par le distributeur seulement, fait en sorte que cette marque de commerce « est apposée sur les produits mêmes ». Comme dans le cas de l'étiquette de prix du détaillant mentionné précédemment, la marque de commerce est inscrite sur l'autocollant et non sur les produits mêmes.

[29]           De façon générale, une marque de commerce apposée sur un produit de manière permanente (généralement par le fabricant) constitue une marque de commerce qui est « apposée sur les produits mêmes ». De la même façon, la signification du libellé du paragraphe 4(1) relativement à la position de la marque « sur les emballages dans lesquels les produits sont distribués » dépendra des circonstances particulières et de la pratique normale du commerce, mais il concerne généralement l'emballage dans lequel les produits sont distribués sur toute la chaîne et non à une seule étape.

[30]           Il est possible que dans certains cas, une marque de commerce soit « ajoutée » par quelqu'un d'autre que le fabricant, de sorte qu'elle devienne associée aux produits eux-mêmes. Par exemple, le registraire a conclu, dans certains cas, à l'emploi d'une marque de commerce en liaison avec des produits remis à neuf [voir Dominion Automotive Group Inc c Firebolt Engine Installation Centres Inc (1998), 86 CPR (3d) 403 (COMC); Sim & McBurney c Parts Now! LLC, 2011 COMC 104].

[31]           Toutefois, il n'est pas question de produits remis à neuf en l'espèce, ni d'autres produits du genre. M. Stratton atteste seulement que l'autocollant SANI-PRO a été ajouté à certains produits par la Propriétaire avant que ceux-ci soient expédiés aux acheteurs. À mon avis, cela constitue au mieux l'application de la Marque « de toute autre manière » et non à l'application de celle-ci « sur les produits mêmes » ou « sur les emballages dans lesquels les produits sont distribués ». Par conséquent, la question clé à trancher en l'espèce est celle de savoir si une telle présence de la Marque suffit pour « qu'avis de liaison soit alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée », ce qui s'inscrit dans la portée de la procédure de radiation en vertu de l'article 45.

[32]           Comme c'est le cas dans la jurisprudence sur la présence de marques de commerce sur des factures, plusieurs facteurs doivent être pris en compte, y compris la question de savoir si les marques de commerce de tiers y sont visibles. En l'espèce, la question de savoir si les marques de commerce de tiers ont été apposées sur les produits mêmes est pertinente. Sans la présence de telles marques de tiers, peut-être que la Marque apposée sur l'autocollant collé par la Propriétaire serait associée à un certain produit acheté. Toutefois, M. Stratton ne soumet pas une preuve suffisante sur la nature et la présentation des produits visés par l'enregistrement.

[33]           Il est probable que tout consommateur aurait acheté le produit du tiers auprès de la Propriétaire en se référant à la marque de commerce du tiers. Autrement dit, une cuisinière Amana® ne devient pas une cuisinière Sani-Pro® parce qu'elle a été achetée auprès d'un distributeur Sani-Pro®. L'autocollant ajouté sur le produit par la Propriétaire n'y change rien; ce consommateur identifierait l'autocollant aux services de vente et de distribution de la Propriétaire et non aux produits eux-mêmes.

[34]           Encore ici, bien que conforme à l'article 2 de la Loi, il n'est pas nécessaire de s'appuyer sur la définition de « marque de commerce » pour en venir à cette conclusion. Il est bien établi que le propriétaire inscrit doit fournir suffisamment de détails concernant sa pratique normale du commerce afin de répondre adéquatement à un avis donné en vertu de l'article 45 [voir, à titre d'exemple, SC Johnson & Son, Inc c Registrar of Trade-marks (1981), 55 CPR (2d) 34 (CF 1re inst.)]. En l'espèce, la Propriétaire a établi qu'elle est principalement un distributeur des produits visés par l'enregistrement. Malheureusement, à l'exception des produits illustrés en pièce C, la Propriétaire n'a fourni que peu de preuves indiquant qu'elle est plus qu'un simple distributeur de produits de tiers ou que des acheteurs en viendraient à associer la Marque à l'ensemble des produits achetés auprès de la Propriétaire.

[35]           Quant à la plupart des produits visés par l'enregistrement, M. Stratton ne fournit pas suffisamment de détails concernant la nature des produits et n'indique pas clairement si ces produits arborent les marques de commerce de tiers, nommément les fabricants des produits. À l'exception des produits décrits en pièce C, cette ambiguïté doit être résolue en défaveur de la Propriétaire [voir Plough, supra]. Quant à la photo produite en pièce D, elle est de mauvaise qualité; on ne peut même pas établir clairement sur quel produit l'autocollant SANI-PRO est apposé, encore moins si le produit arbore sa propre marque de commerce.

[36]           Contrairement à ce qui précède, relativement aux produits illustrés en pièce C, la Marque n'est pas simplement affichée sur un autocollant ou une étiquette d'expédition. Elle apparaît plutôt sur les produits ou leur emballage, de façon permanente. Par exemple, la poubelle illustrée en pièce C arbore la Marque, tout comme le panneau indiquant que le plancher est mouillé; la Marque semble avoir été peinte ou imprimée directement sur les produits. À mon avis, cela désigne une Marque qui a été « apposée sur les produits mêmes », comme le prévoit le paragraphe 4(1) de la Loi.

[37]           Parallèlement, les contenants de désinfectant, de nettoyant pour conduits et d'assainisseur d'air illustrés en pièce C sont tous des exemples où la Marque est apposée sur l'emballage des produits. Comme pour les liquides ou les gaz, il est nécessaire d'apposer toute marque de commerce sur le contenant de tels produits. Encore une fois, la Marque semble avoir été imprimée de façon permanente sur les contenants illustrés et non à l'aide d'un simple autocollant ou d'un emballage ajouté pour l'expédition par un distributeur.

[38]           Je noterai que, peu importe qu'une marque de commerce soit affichée ou apposée de manière permanente, il ne s'agit pas nécessairement d'un facteur déterminant. Essentiellement, la question à trancher est celle de savoir si l'avis de liaison requis est donné; c'est le cas dans certaines situations, mais cela dépend des faits particuliers de chaque cas et de la pratique normale du commerce qui s'applique. Bien que le paragraphe 4(1) envisage une chaîne de transactions, un produit peut se retrouver dans une nouvelle chaîne à un moment donné, comme dans le cas des produits remis à neuf. En outre, à la lumière de la décision de la Cour d'appel fédérale dans United Grain Growers, supra, ce qui empêche un distributeur d'apposer sur les produits de tiers sa propre marque de commerce et de vendre ces produits comme les siens dépasse fort probablement la portée de la procédure de radiation en vertu de l'article 45.

[39]           Quant à la question de savoir si les photos de la pièce C sont représentatives des produits qui ne sont pas précisément reproduits, je note que dans l'un des rapports produits en pièce F (onglet 9), on voit la vente de « SOAP DISH WH SANI PRO ». Cette référence à « SANI PRO » est conforme aux déductions selon lesquelles la Propriétaire a vendu du savon à vaisselle associé à la Marque et arborant celle-ci, comme l'a attesté M. Stratton.

[40]           Par conséquent, à la lumière de la preuve de ventes des produits figurant en pièce F et des déclarations solennelles de M. Stratton relativement aux produits représentés par les photos figurant en pièce C, je suis convaincu que la Propriétaire a démontré l'emploi de la Marque en liaison avec les produits suivants visés par l'enregistrement seulement, au sens des articles 4 et 45 de la Loi : nettoyants pour planchers, équipement et appareils, désinfectants; nettoyants pour conduits, solutions nettoyantes et désinfectants; assainisseurs d'air et désodorisants; corbeilles; distributeurs à savon, seaux pour vadrouille; et poubelles.

Décision

[41]           À la lumière de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi et, conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l'enregistrement sera modifié de manière à radier les produits suivants de l'enregistrement :

(1) Savon pour les mains et le visage; savon à usage général; ... solutions de nettoyage tout usage pour planchers, murs, appareils et équipement; ... insecticides; encaustique pour meubles; nettoyants pour acier inoxydable; nettoyants pour vitres et nettoyants tout usage.

(2) Lubrifiants à chaîne, produits de nettoyage pour voitures et détergents à vaisselle.

(3) Distributeurs à serviettes, ... équipement d'entretien de planchers, nommément machines pour les planchers, aspirateurs, ... récipients à sable, ... équipement commercial et de restauration, nommément friteuses, plaques à frire, cuisinières, machines à glaçons, réfrigérateurs, appareils de cuisson d'aliments, lave-verres, lave-vaisselle, cafetières, grille-pains, fours à micro-ondes, malaxeurs électriques, mélangeurs, réchauds, chaises et tables pour restaurants et cafétérias.

[42]           L'état déclaratif des produits modifié sera libellé comme suit :

(1) Nettoyants pour planchers, équipement et appareils, désinfectants pour hôpitaux, clubs, hôtels et établissements; nettoyants pour conduits, solutions nettoyantes et désinfectants pour usines d'aliments, usines à papier, usines d'embouteillage et pour utilisation dans les bâtiments, les bureaux et les écoles; assainisseurs d'air et désodorisants.
(2) Corbeilles, distributeurs à savon, équipement d'entretien pour planchers, nommément seaux pour vadrouille, poubelles.

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Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad. a.

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