Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 78

Date de la décision : 2011-06-09

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45, engagée à la demande de Smart & Biggar, visant l'enregistrement n° LMC150529 de la marque de commerce ROTHMANS & DESSIN au nom de Rothmans, Benson & Hedges Inc.

[1]               Le 5 décembre 2008, à la demande de Smart & Biggar (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a envoyé l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) à Rothmans, Benson & Hedges Inc. (l'Inscrivante), propriétaire inscrite de l'enregistrement de la marque de commerce citée en rubrique.

[2]               La marque de commerce ROTHMANS & Dessin, reproduite ci-dessous (la Marque), est enregistrée aux fins d'un emploi en liaison avec des cigarettes.

La couleur est revendiquée comme une caractéristique de la Marque.

[traduction] La couleur prédominante est le bleu foncé sur un fond formé d’un réseau de courtes lignes parallèles gris pâle. Le blason du centre et les bandes latérales sont bleus avec des bordures dorées. Les armoiries sont dorées et l’écu central est rouge; les losanges sur les bandes latérales sont rouges également. La cartouche est dorée et le blason oblong est bleu.

[3]               L'article 45 de la Loi dispose que le propriétaire inscrit doit indiquer, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. La période pertinente en l'espèce pour établir l'emploi de la marque va du 5 décembre 2005 au 5 décembre 2008 (la période pertinente).

[4]               L’« emploi » en liaison avec des marchandises est décrit comme suit aux paragraphes 4(1) et 4(3) de la Loi :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[…]

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

Le paragraphe 4(1) s’applique en l’espèce.

[5]               Il est bien établi que l'article 45 a pour objet et pour champ d'application d'offrir une procédure simple, sommaire et rapide pour radier les enregistrements périmés du registre, de sorte que le critère applicable est peu exigeant. Comme l'a dit le juge Russell dans Uvex Toko Canada Ltd. c. Performance Apparel Corp. (2004) 31 C.P.R. (4th) 270, par. 68 :

Nous savons que l'objet de l'article 45 est de débarrasser le registre du « bois mort ». Nous savons que la simple affirmation par le propriétaire de l'emploi de sa marque de commerce ne suffit pas et que le propriétaire doit « indiquer » quand et où la marque a été employée. Il nous faut des éléments de preuve suffisants pour être en mesure de nous former une opinion en vertu de l'article 45 et d'appliquer cette disposition. Également, nous devons maintenir le sens des proportions et éviter la preuve surabondante. Nous savons également que le genre de preuve exigée varie d'une affaire à l'autre, en fonction d'une gamme de facteurs tels que la nature du commerce et les pratiques commerciales du propriétaire de la marque de commerce.

[6]               S'il est vrai que le critère applicable à l'établissement de l'emploi dans les procédures de cette nature est très peu rigoureux et qu'il n'appelle pas la production d'une surabondance d’éléments de preuve, il n'en faut pas moins communiquer des faits suffisants pour permettre au registraire d'arriver à la conclusion que la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l'enregistrement. En outre, l'inscrivant supporte en totalité la charge de la preuve [88766 Inc. c. George Weston Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 260 (C.F. 1re inst.)], et toute ambiguïté dans la preuve doit être interprétée contre lui [Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)].

[7]               En réponse à l'avis du registraire, l'Inscrivante a fourni l'affidavit de Derek Guile ainsi que les pièces « A » et « B ». Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient représentées à l’audience.

[8]               M. Guile travaille pour l’Inscrivante depuis 1983 et occupe le poste de directeur du marketing et des ventes de l’Inscrivante depuis le 1er juin 2006. M. Guile atteste que l’Inscrivante fabrique et vend des produits du tabac, incluant des cigarettes, à des grossistes partout au Canada, qui vendent ces produits à des détaillants, qui eux les vendent aux consommateurs. Dans certains cas, l’Inscrivante vend ses produits du tabac directement aux détaillants. Les cigarettes sont vendues dans des cartouches contenant huit ou dix paquets individuels.

[9]               Les échantillons d’un emballage de cartouche et d’un paquet de cigarettes de l’Inscrivante sont joints à l’affidavit de M. Guile à titre de pièce « A » ainsi que des photographies de la cartouche, telle qu’elle est distribuée dans la pratique normale du commerce. L’échantillon de paquet de cigarettes joint par M. Guile à son affidavit à titre de pièce « A » est reproduit ci-dessous et montre la marque de commerce employée par l’Inscrivante au cours de la période pertinente :

                                    (la Marque modifiée)

[10]           L’affidavit de M. Guile comprend également des échantillons de factures jointes à titre de pièce « B », toutes datées de la période pertinente, qui incluent les chiffres de ventes pour le produit numéro 01060, identifié dans l’affidavit de M. Guile comme étant le produit montrant la Marque modifiée. Je suis convaincue que la preuve produite démontre l’emploi de la Marque modifiée en liaison avec les Marchandises au Canada au cours de la période pertinente. 

[11]           Par conséquent, la seule question restant à trancher est celle de savoir si l’emploi de la Marque modifiée constitue un emploi de la Marque telle qu’enregistrée. Dans Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA, (1985) 4 C.P.R. (3d) 523 (CAF), le juge Pratte a défini le critère permettant de décider si une modification à une marque de commerce est considérée comme un emploi de la marque telle qu’elle a été enregistrée au paragraphe 5 :

Il ne s'agit pas de déterminer si CII a trompé le public quant à l'origine de ses marchandises. Elle ne l'a manifestement pas fait. La seule et véritable question qui se pose consiste à se demander si, en identifiant ses marchandises comme elle l'a fait, CII a employé sa marque de commerce « Bull ». Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d'une façon telle qu'elle n'a pas perdu son identité et qu'elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée. Le critère pratique qu'il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu'un acheteur non averti concluerait, selon toute probabilité, qu'elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

[12]           L’Inscrivante déclare dans son affidavit que les modifications à l’emploi de la Marque découlent d’une loi fédérale qui exige qu’une mise en garde en matière de santé soit placée sur les paquets de cigarettes. L’article 15 de la Loi sur le tabac prévoit que les renseignements prévus par la loi sur les dangers pour la santé et ses effets sur celle-ci doivent figurer sur les emballages, et les articles 5 et 9 du Règlement sur l’information relative aux produits du tabac exigent que des mises en garde concernant la santé figurent sur les emballages de cigarettes et prévoient que celles-ci doivent occuper au moins 50 % sur l’une des principales surfaces exposées. Il est clair qu’une demande de modification à une marque de commerce ayant pour but de respecter une autre loi que la Loi sur les marques de commerce ne devrait pas être retenue contre un inscrivant (Saccone & Speed Ltd.c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 67 C.P.R. (2d) 119 (C.F. 1re inst.) et Marks & Clerk c. Sparkles Photo Ltd. (2005), 41 C.P.R. (4th) 236 (C.F.)). En l’espèce, la preuve montre que la Marque a été modifiée de sorte que sa partie supérieure est désormais constituée d’une mise en garde de Santé Canada et une des faces latérales montre également une mise en garde sur les dangers pour la santé et ses effets sur celle-ci attribuables aux cigarettes. Toutefois, bien que l’Inscrivante puisse avoir été obligée de modifier sa Marque pour respecter la Loi sur le tabac et le Règlement sur l’information relative aux produits du tabac, je note également que certaines autres modifications apportées à la Marque n’étaient peut-être pas nécessaires, notamment les modifications suivantes :

         Les mots « Quality blend cigarettes » ont été ajoutés;

         Les bandes latérales avec des bordures dorées, le losange rouge et les mots ROTHMANS OF PALL MALL ou ROTHMANS KING SIZE ont été retirés;

         La cartouche a été retirée du blason central;

         Le blason oblong a été déplacé sur la face centrale pour entourer les mots KING SIZE;

         La couleur du blason oblong est passée de bleu foncé à rouge;

         Le réseau de minces lignes grises a été remplacé par des lignes blanches parallèles. 

[13]           La détermination des éléments constituant les traits dominants et la question de savoir si la différence est suffisamment mineure pour que l'on puisse conclure à l'emploi de la marque sont des questions de fait qui doivent être tranchées en fonction des circonstances de chaque affaire. Dans Promafil Canada Ltee c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (C.A.F.), la Cour a fait les observations suivantes :

De toute évidence, lors de chaque modification, le propriétaire de la marque de commerce joue avec le feu. Selon les termes du juge Maclean, « la pratique de s'éloigner de la forme précise d'une marque de commerce enregistrée ... constitue un grand danger pour l'auteur de l'enregistrement. » Mais des modifications prudentes peuvent être apportées sans conséquences fâcheuses si les mêmes traits dominants sont préservés et si les différences sont si insignifiantes qu'elles ne trompent pas l'acheteur non averti.

 

[…] La loi relative aux marques de commerce n'exige pas, pour éviter l'abandon, le maintien de l'identité absolue des marques, ni ne considère les différences insignifiantes afin de prendre en faute le propriétaire d'une marque de commerce enregistrée agissant de bonne foi en fonction de la mode et des autres tendances. Elle exige seulement une identité qui maintienne le caractère reconnaissable de la marque et qui évite la confusion chez les acheteurs non avertis.

[14]           La Marque, telle qu’elle est enregistrée, comprend les éléments dominants suivants : les mots ROTHMANS et KING SIZE, le blason, avec une couleur bleue foncée prédominante, sur lequel ces mots sont situés et les armoiries. La Marque modifiée est constituée d’une version plus petite du blason, qui montre les mots ROTHMANS dans une police agrandie et KING SIZE dans une police diminuée. Un blason oblong comportant les mots ROTHMANS KING SIZE, mais sans les armoiries, a été ajouté sur trois des quatre côtés du paquet de cigarettes. D’autres modifications ont été apportées à la Marque, comme je l’ai dit ci-dessus, mais je conclus qu’elles sont relativement peu importantes. Je suis d’accord avec l’Inscrivante concernant le fait que la Marque modifiée a conservé toutes les caractéristiques principales de la Marque; cette dernière demeure reconnaissable et à première vue, elle ne tromperait pas un consommateur non averti.

[15]           La Partie requérante a fait valoir que le fait pour l’Inscrivante de posséder un enregistrement distinct au Canada pour une marque de commerce qui est identique au blason oblong de la Marque modifiée équivaut à une admission de sa part que la Marque modifiée est significativement différente de la Marque en cause. Le fait que l’Inscrivante puisse détenir d’autres marques de commerce déposées n’a pas été établi en preuve en l’espèce et n’est pas pertinent quant à ma décision dans la présente procédure en radiation en vertu de l’article 45 de la Loi. Comme l’a déclaré Mme Savard, l’agente d’audience dans Austin Nichols & Co. c. Cinnabon, Inc. (1998), 86 C.P.R. (3d) 241 (C.O.M.C.), commentant la décision du juge Rouleau dans John Labatt Ltée. c. Brasseries Molson (1992), 46 C.P.R. (3d) 6 (C.F. 1re inst.) au paragraphe 18 :

[traduction] (…) il semble qu’un propriétaire peut détenir plusieurs marques de commerce associées et l’emploi d’une des marques ou d’une marque très similaire peut constituer un emploi de toutes les marques de commerce si les marques ne sont pas significativement différentes, à condition que personne n’ait été trompé par la modification. Par conséquent, le fait que l’inscrivant détienne plusieurs marques de commerce associées n’affecte aucunement la décision.

[16]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue qu’il y a eu emploi de la Marque au sens de l'article 45 et du paragraphe 4(1) de la Loi à l'égard des cigarettes au cours de la période pertinente.

 

Décision

[17]           En conséquence, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, l'enregistrement nLMC150529 de la marque ROTHMANS & Dessin sera maintenu conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Darlene Carreau

Commissaire

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

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