Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 257

Date de la décision : 2014-11-25

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par 385MKE Limited à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,366,018 pour la marque de commerce SOYEZ VERT AVEC SERVICEMASTER CLEAN & DESSIN au nom de The ServiceMaster Company

[1]               Le 2 octobre 2007, The ServiceMaster Company (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement no 1,366,018 pour la marque de commerce SOYEZ VERT AVEC SERVICEMASTER CLEAN & DESSIN (la Marque), reproduite ci-dessous.


SOYEZ VERT AVEC SERVICEMASTER CLEAN & DESIGN

[2]               La demande est fondée sur un emploi projeté et vise actuellement des services qui sont décrits de la manière suivante : [traduction] « services de nettoyage d'immeubles commerciaux et résidentiels; services de conciergerie; services de nettoyage de fenêtres, de tapis et de mobilier; services d'entretien et de réparation d'immeubles, services d'entretien ménager ».

[3]               La demande pour la Marque a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 mars 2010.

[4]               Le 28 avril 2010, 385229 Ontario Limited (qui fait affaire sous le nom de Masterclean Service Company) s'est opposée à l'enregistrement de la Marque en produisant une déclaration d'opposition sur le fondement de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi).

[5]               385229 Ontario Limited (qui fait affaire sous le nom de Masterclean Service Company) est un prédécesseur en titre de 385MKE Limited (l'Opposante dans la présente procédure). Elle était auparavant propriétaire de la marque de commerce MASTER CLEAN (enregistrement no LMC226,306), qui vise des [traduction] « machines pour le nettoyage des tapis » et des [traduction] « services de restauration, de rénovation et de nettoyage », et de la marque de commerce MASTERCLEAN (enregistrement no LMC253,190), qui vise des [traduction] « services de restauration, de rénovation et de nettoyage ». L'enregistrement no LMC226,306 a été cédé à l'Opposante au cours de la présente procédure d'opposition et l'enregistrement no LMC253,190 a depuis été radié du registre.

[6]               Les motifs d'opposition soulevés en l'espèce sont fondés sur les articles 30a), 30i), 16(3)a), 16(3)c), 12(1)d) et 2 de la Loi.

[7]               La Requérante a produit une contre-déclaration le 23 juillet 2010.

[8]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Mark English, souscrit le 9 août 2010 (l'affidavit English). Un affidavit similaire a été produit dans des oppositions connexes engagées à l'encontre des demandes d'enregistrement nos 1,070,731 (pour SERVICEMASTER CLEAN) et 1,278,252 (pour SERVICEMASTER CLEAN & Dessin), et des contre-interrogatoires ont été menés le 21 août 2007 (contre-interrogatoire relatif au premier affidavit English) et le 28 février 2008 (contre-interrogatoire relatif au second affidavit English). Les parties ont demandé que les transcriptions, les pièces et les réponses aux engagements liées aux contre-interrogatoires menés dans le cadre de ces oppositions connexes soient versées au dossier de la présente procédure et, conséquemment, elles l'ont été.

[9]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Jane Griffith, souscrit le 3 octobre 2011 (l'affidavit Griffith), l'affidavit de Ian England, souscrit le 3 octobre 2011 (l'affidavit England), l'affidavit de Mary P. Noonan, souscrit le 3 octobre 2011 (l'affidavit Noonan) et l'affidavit de James C. Wassell, souscrit le 30 septembre 2011 (l'affidavit Wassell). Une ordonnance de contre-interrogatoire a été demandée pour chacun des quatre déposants.

[10]           Mme Griffith ayant déjà été contre-interrogée dans le cadre des oppositions connexes engagées à l'encontre des demandes nos 1,070,731 et 1,278,252, les parties ont demandé que la transcription de ce contre-interrogatoire soit versée au dossier de la présente procédure et, conséquemment, elle l'a été.

[11]           M. Wassell et M. England ne se sont pas rendus disponibles pour un contre-interrogatoire. Conséquemment, leurs affidavits ne figurent plus au dossier. Mme Noonan n'a pas été contre-interrogée, mais son affidavit figure tout de même au dossier.

[12]           Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue.

[13]           Pour les raisons exposées ci-dessous, je repousse la demande d'enregistrement.

Fardeau de preuve

[14]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a, toutefois, le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298].

Motifs d'opposition rejetés sommairement

Articles 30a) et 30i)

[15]           Un motif d'opposition fondé sur une allégation de non-conformité à l'article 30a) de la Loi qui ne spécifie pas quelles marchandises ou quels services ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce est insuffisamment détaillé [voir K-tel International Ltd c 1033064 Canada Inc, (1998), 86 CPR (3d) 122 (COMC) et Where Magazines International et al c Nystrom Division of Herff Jones, Inc, (2004) 42 CPR (4th) 271 (COMC)]. En l'espèce, l'Opposante n'a pas indiqué quels services, parmi ceux visés par la demande, n'étaient soi-disant pas décrits dans les termes ordinaires du commerce, et n'a pas produit le moindre élément de preuve ou formulé la moindre observation substantielle à l'appui de ce motif d'opposition. En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté sommairement.

[16]           Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée par l'article 30i) de la Loi, un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve de la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155]. La Requérante a fourni la déclaration requise et la présente espèce n'est pas un cas exceptionnel. Par conséquent, le motif fondé sur l'article 30i) est rejeté sommairement.

Analyse des motifs d'opposition restants

Article 12(1)d)

[17]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec ses marques de commerce déposées MASTERCLEAN (enregistrement no LMC253,190) et MASTER CLEAN (enregistrement no LMC226,306).

[18]           Un opposant s'acquitte de son fardeau de preuve initial à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) si l'enregistrement qu'il invoque est en règle à la date de ma décision. L'enregistrement no LMC253,190 ayant été radié, l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial uniquement à l'égard de l'enregistrement no LMC226,306 de la marque MASTER CLEAN, lequel, je le confirme, est en règle.

[19]           Mon analyse de la probabilité de confusion au titre de ce motif sera, par conséquent, fondée exclusivement sur l'enregistrement no LMC226,306 de la marque MASTER CLEAN et la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre cette marque de commerce et la Marque.

[20]           L'article 6(2) de la Loi porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce, lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[21]           Il est bien établi que le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22 (CanLII); Veuve Cliquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23 (CanLII); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27 (CanLII)].

[22]           D'entrée de jeu, je tiens à souligner que, même si le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est évalué uniquement en fonction de l'enregistrement no LMC226,306 de la marque MASTER CLEAN de l'Opposante, tout emploi de la marque MASTERCLEAN sera considéré comme constituant un emploi de la marque MASTER CLEAN [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd, (1984), 2 CPR (3d) 535]. Ainsi, il est entendu que toute mention, dans la présente décision, de l'emploi ou de la notoriété de MASTER CLEAN tiendra compte également de tout emploi ou de toute notoriété associés à MASTERCLEAN.

[23]           J'amorcerai maintenant mon analyse des facteurs énoncés à l'article 6(5) et des autres circonstances de l'espèce.

Remarques préliminaires

[24]           Comme je l'ai mentionné précédemment, les parties à la présente procédure ont également été parties à des procédures d'opposition antérieures qui concernaient les demandes nos 1,070,731 (pour SERVICEMASTER CLEAN) et 1,278,252 (pour SERVICEMASTER CLEAN & Dessin). Dans une décision rendue le 30 mars 2012, la Membre Bradbury a repoussé les deux demandes d'enregistrement qui étaient visées par ces oppositions [385229 Ontario Limited c ServiceMaster Company (2012), 101 CPR (4th) 380 (COMC)]. Cette décision a été confirmée par la Cour fédérale plus tôt cette année [The Servicemaster Company c 385229 Ontario Ltd (s/n Masterclean Service Company (2014) 122 CPR (4th) 40 (CF)]. Les parties ont cité de nombreux passages de cette décision dans leurs observations écrites, ainsi qu'à l'audience. Je reconnais que la décision de la Membre Bradbury peut être instructive à certains égards. Néanmoins, chaque affaire doit être tranchée en fonction de son bien-fondé et des faits qui lui sont propres.

[25]           Il est vrai que l'Opposante n'a pas obtenu gain de cause à l'égard de son motif fondé sur l'article 12(1)d) dans le cadre de l'opposition relative à la demande no 1,070,731 (pour SERVICEMASTER CLEAN), mais s'il en a été ainsi, c'est en partie parce que la Requérante avait démontré que sa marque de commerce avait acquis une notoriété considérable et qu'aucun cas de confusion n'avait été observé malgré la longue coexistence des marques de commerce des parties. Dans le cas présent, ces facteurs ne jouent pas en faveur de la Requérante, car la demande pour la Marque est fondée sur un emploi projeté. Qui plus est, il n'y a en l'espèce aucune preuve au dossier établissant que l'élément SERVICEMASTER CLEAN compris dans la Marque a acquis une quelconque notoriété. Si une telle preuve avait été produite, ma conclusion aurait pu être différente.

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[26]           Ni l'une ni l'autre des marques de commerce des parties ne possède un caractère distinctif inhérent particulièrement fort, car toutes deux sont composées de mots du dictionnaire d'usage courant. De plus, comme l'a souligné la Membre Bradbury dans 385229 Ontario Limited c ServiceMaster Company [ibid], CLEAN [propre] est descriptif et MASTER [maître] est laudatif. En outre, comme l'a fait valoir l'Opposante, les mots SOYEZ VERT suggèrent aux consommateurs l'idée d'« être vert » (c.-à-d. adopter un comportement écologique). Cela dit, les marques de commerce des parties possèdent tout de même un certain caractère distinctif inhérent.

[27]           Le caractère distinctif d'une marque de commerce peut être accru par l'emploi et la promotion.

[28]           La demande pour la Marque est fondée sur un emploi projeté, et il n'y a au dossier aucun élément de preuve donnant à penser que la Marque a été employée ou a acquis une quelconque notoriété.

[29]           En revanche, l'Opposante ou son prédécesseur ont employé la marque de commerce MASTER CLEAN de l'Opposante de façon continue depuis 1971 en liaison avec des services de restauration, de rénovation et de nettoyage [affidavit English, para. 12 et 13]. Les ventes réalisées du 1er mai 1996 au 30 septembre 2007 ont été supérieures à 46 millions de dollars [affidavit English, para. 18]. Les ventes réalisées du 1er octobre 2007 au 30 avril 2008 ont été de l'ordre de 2 975 440 $, tandis que les ventes réalisées du 1er mai 2008 au 30 avril 2009 se sont chiffrées à environ 6 088 414 $ environ [affidavit English, para. 19].

[30]           La Requérante a souligné que les pièces jointes à l'affidavit English établissaient l'emploi de MASTERCLEAN CONTRACTING AND CLEANING, et non l'emploi de MASTER CLEAN ou de MASTERCLEAN en soi. Or, dans la mesure où MASTER CLEAN figure sur une ligne distincte ou dans une police différente dans certains de ces exemples d'emploi, il s'agit là d'un emploi de MASTER CLEAN en soi [Nightingale Interloc Ltd précitée].

[31]           Les services de restauration, de rénovation et de nettoyage de l'Opposante ont été annoncés en liaison avec la marque de commerce MASTER CLEAN de l'Opposante par l'intermédiaire de l'annuaire Pages Jaunes (aussi bien en ligne que dans la version papier) et d'autres annuaires et brochures, ainsi que dans le journal officiel de l'Ontario Insurance Adjusters Association [affidavit English, para. 22 et 23]. Les dépenses publicitaires engagées par l'Opposante du 1er mai 1996 au 30 septembre 2007 ont été supérieures à 1,4 million de dollars [affidavit English, para. 24]. Du 1er octobre 2007 au 30 avril 2008, l'Opposante a engagé des dépenses publicitaires d'environ 6 192 $ [affidavit English, para. 24].

[32]           Il est toutefois apparu en contre-interrogatoire qu'une part significative de ces sommes avait été dépensée pour des repas et des activités de divertissement, par opposition à de la publicité directe pour la marque MASTER CLEAN. À titre d'exemple, au cours de l'année comprise entre le 1er mai 2005 et le 30 avril 2006, sur un total approximatif de 129 000 $, seuls 27 329,09 $ ont été dépensés pour de la publicité imprimée, alors qu'une somme de 58 000 $ a été affectée à la propriété partiaire d'une loge au Air Canada Centre [transcription English (premier contre-interrogatoire English), Q. 248 à 257 et réponses aux questions prises en délibéré, nos 4 et 6]. 4 et 6].

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage

[33]           Étant donné que la demande pour la Marque est fondée sur un emploi projeté et que la Requérante n'a produit aucun élément de preuve donnant à penser que l'emploi de la Marque a débuté, ce facteur favorise l'Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises, et la nature du commerce

[34]           S'agissant des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) de la Loi, l'appréciation de la probabilité de confusion aux termes de l'article 12(1)d) de la Loi repose sur la comparaison de l'état déclaratif des services qui figure dans la demande pour la Marque avec l'état déclaratif des marchandises et services qui figure dans l'enregistrement no LMC226,306 de la marque MASTER CLEAN de l'Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF) et Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[35]           Cet examen des états déclaratifs doit cependant être effectué dans l'optique de déterminer le genre probable d'entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l'ensemble des commerces que le libellé est susceptible d'englober. La preuve relative aux commerces réels des parties est utile à cet égard, en particulier lorsqu'il existe une ambiguïté à savoir quelles marchandises ou quels services sont visés par la demande ou par l'enregistrement en cause [McDonald's Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 1996 CanLII 3963 (CAF), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter& Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd, (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd, (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[36]           L'état déclaratif des marchandises et services qui figure dans l'enregistrement de l'Opposante comprend des [traduction] « machines pour le nettoyage des tapis » (en aparté, je souligne qu'en contre-interrogatoire, M. English a admis que l'Opposante n'avait jamais fabriqué ou vendu ces marchandises) et des [traduction] « services de restauration, de rénovation et de nettoyage ». La demande pour la Marque vise des [traduction] « services de nettoyage d'immeubles commerciaux et résidentiels; services de conciergerie; services de nettoyage de fenêtres, de tapis et de mobilier; services d'entretien et de réparation d'immeubles, services d'entretien ménager ».

[37]           L'Opposante est une entreprise qui se spécialise dans l'atténuation des dommages matériels et la construction à des fins de restauration; elle emploie MASTER CLEAN en liaison avec des services de restauration, de rénovation et de nettoyage qui sont destinés principalement aux compagnies d'assurances, mais qui sont également offerts directement aux propriétaires fonciers [affidavit English, para. 14 à 17; transcription English (second contre-interrogatoire English), Q. 223 à 239].

[38]           À l'audience, la Requérante a fait valoir que la preuve donne à penser que les services de « restauration » et de « rénovation » de l'Opposante sont liés principalement à la restauration après sinistre et que ses services de « nettoyage » sont également exécutés dans ce contexte. La Requérante soutient que ces services de « restauration » et de « rénovation » ne sont pas du même genre que les « services d'entretien et de réparation d'immeubles » qui sont visés par la demande pour la Marque, et que les services de « nettoyage » qui sont fournis par l'Opposante ne sont pas du même genre que les « services de nettoyage d'immeubles commerciaux et résidentiels », les « services de conciergerie », les « services de nettoyage de fenêtres, de tapis et de mobilier » et les « services d'entretien ménager » qui sont visés par la demande pour la Marque.

[39]           À l'appui de ses prétentions, la Requérante invoque principalement le fait qu'il n'est nulle part spécifié dans l'état déclaratif des services qui figure dans la demande pour la Marque que les services qui sont liés à la Marque sont exécutés dans un contexte de restauration après sinistre. À l'audience, la Requérante a également fait valoir que les voies de commercialisation des parties ne se recouperaient pas nécessairement, car l'état déclaratif des services qui figure dans la demande pour la Marque ne comporte aucune indication selon laquelle les services de la Requérante sont destinés aux compagnies d'assurances.

[40]           Il est vrai que l'état déclaratif des services qui figure dans la demande pour la Marque n'indique pas que les services de la Requérante sont liés à la restauration après sinistre ou qu'ils s'adressent aux compagnies d'assurances, mais il ne comporte pas d'indication à l'effet contraire non plus. Le fait qu'il n'y ait aucune restriction de cet ordre signifie que les services de la Requérante pourraient très bien être du même genre que ceux de l'Opposante et que rien n'empêche la Requérante de cibler les mêmes types de consommateurs. Qui plus est, la Requérante n'a pas produit le moindre élément de preuve pour établir que les services en liaison avec lesquels elle projette d'employer la Marque sont bel et bien différents de ceux de l'Opposante ou qu'ils seraient destinés à une clientèle différente.

[41]           À la lumière de ce qui précède, je dois conclure qu'il existe un recoupement entre les services qui sont liés aux marques de commerce des parties. Compte tenu de ce recoupement, il est raisonnable de conclure que les voies de commercialisation des parties pourraient, elles aussi, se recouper [Effigi Inc c ZAM Urban Dynamics Inc (2011), 89 CPR (4th) 461 (COMC)].

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[42]                 Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énoncés à l'article 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

[43]                 Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faut considérer les marques dans leur ensemble. Le test qu'il convient d'appliquer est celui du souvenir imparfait qu'un consommateur peut avoir de la marque d'un opposant; il ne consiste pas à placer les marques côte à côte dans le but de les comparer.

[44]           En outre, bien que la première partie d'une marque soit généralement la plus importante au chapitre de la distinction [voir Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d), 183 (CF 1re inst.), p. 188], dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a fait observer qu’il est préférable, lorsqu'il s'agit de comparer des marques de commerce, de commencer par déterminer si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique.

[45]           Comme on pouvait s'y attendre, les parties à la présente procédure ont des opinions très différentes en ce qui concerne le degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause. La Requérante soutient que les marques de commerce des parties diffèrent considérablement l'une de l'autre. Elle prétend que les mots Soyez Vert et le dessin de triangle qui forment la première partie de la Marque sont les éléments les plus distinctifs et les plus dominants de la Marque. La Requérante prétend, en outre, que l'élément graphique triangulaire de la Marque a pour effet de faire ressortir le mot Soyez et non les parties de la Marque qui sont identiques à la marque de commerce de l'Opposante. La Requérante soutient que les différences entre les marques de commerce en l'espèce sont bien plus importantes que celles qui ont été observées entre les marques de commerce des parties dans les affaires connexes et estime que, pour cette raison, la Marque devrait être considérée comme enregistrable. La Requérante est de cet avis en partie parce qu'elle considère que la marque de commerce de l'Opposante est une marque faible et, qu'à ce titre, de petites différences devraient suffire à rendre les marques d'autres commerçants distinctes de la marque de l'Opposante.

[46]           Il est vrai qu'à certains égards, les marques de commerce en cause dans la présente affaire diffèrent des marques de commerce qui étaient visées par les oppositions engagées à l'encontre des demandes nos 1,070,731 (pour SERVICEMASTER CLEAN) et 1,278,252 (pour SERVICEMASTER CLEAN & Dessin). Or, j'estime qu'il existe tout de même une certaine ressemblance entre les marques de commerce en cause dans la présente affaire.

[47]           En l'espèce, la Marque (SOYEZ VERT WITH SERVICEMASTER CLEAN & DESSIN) fait, dans une certaine mesure, office de slogan, et l'Opposante soutient que la première partie de la Marque (c.-à-d. les mots Soyez Vert et le dessin de triangle) n'est pas la partie la plus dominante ou la plus frappante de la Marque. Je ne suis pas entièrement d'accord avec l'évaluation de l'Opposante à cet égard. Je suis plutôt d'avis que les mots Soyez Vert sont mis en évidence dans la Marque et qu'ils forment, avec l'élément graphique, la partie initiale dominante de la Marque. Cela dit, les mots Soyez Vert ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent particulièrement fort. L'idée qui est suggérée par la Marque dans son ensemble est que les consommateurs « soient verts » [Soyez Vert] et qu'ils le soient grâce à « ServiceMaster Clean ». La présence du mot « with » [avec] signale au consommateur que la source des services est nommée et que cette source est « ServiceMaster Clean ».

[48]           Ainsi, bien que la Marque commence par des mots et un élément graphique qui sont absents de la marque de l'Opposante, et bien que ces caractéristiques occupent une place importante dans la Marque, il n'en demeure pas moins que la Requérante a incorporé la totalité de la marque de commerce de l'Opposante dans la Marque et qu'elle l'a fait d'une façon qui n'est pas sans faire ressortir cette partie de la Marque ou lui conférer une certaine importance. Il s'ensuit qu'une certaine ressemblance subsiste entre les marques de commerce des parties.

Autres circonstances de l'espèce

Preuve de l'état du registre/du marché

[49]           La Requérante a produit une preuve de l'état du registre (affidavit Noonan) et une preuve de l'état du marché (affidavit Noonan et affidavit Griffith relativement aux mots MASTER et CLEAN.

[50]           Il appert de l'affidavit de Mme Noonan que les seules marques figurant au registre qui comprennent le mot MASTER suivi du mot CLEAN et qui sont employées dans les domaines d'activité des parties appartiennent aux parties. Elle a repéré un petit nombre de marques de commerce de tiers qui incorporent des formes dérivées des mots MASTER et CLEAN, mais ces marques sont considérablement différentes des marques de commerce en cause.

[51]           Mme Noonan a également recherché les noms commerciaux comprenant à la fois MASTER et CLEAN, ou des formes dérivées de ces mots. Elle a trouvé approximativement 15 noms d'entreprise commençant par MASTER CLEAN, 23 commençant par MASTER CLEANER(S) et 11 commençant par MASTER CLEANING, de même qu'un certain nombre d'autres noms commençant par les mots CLEAN MASTER ou CLEANMASTER. Mme Noonan n'a présenté aucun élément de preuve pour établir la nature précise de ces entreprises. Dans certains cas, cependant, on peut présumer de la nature de l'entreprise d'après les noms commerciaux eux-mêmes.

[52]           Mme Griffith est une recherchiste professionnelle. En septembre 2011, Mme Griffith a communiqué par téléphone avec 11 entreprises afin de confirmer qu'elles offraient bien des services de nettoyage et a souscrit un affidavit à cet effet. Dans son plaidoyer écrit, la Requérante, se fondant sur la preuve de Mme Griffith, cite les cinq entreprises tierces en activité suivantes :

1.                                          Master Cleaning Services, qui offre des services de nettoyage commercial [affidavit Griffith, para. 4];

2.                                          Master Cleaning Supplies, qui offre des accessoires de nettoyage [affidavit Griffith, para 5];

3.                                          Master Interiors Cleaning, qui offre des services de nettoyage de tapis et de revêtements [affidavit Griffith, para. 6; pièce A, para. 6; et pièces D à A];

4.                                          Clean Master, qui offre des services de nettoyage et d'entretien d'immeubles [affidavit Griffith, para. 8, pièce A et para. 8 et pièces F à A];

5.                                          Clean Master, qui offre des services de restauration après incendie et des services d'entrepreneur général [affidavit Griffith, para. 9, pièce A et pièces G à A].

[53]           L'Opposante prétend que la preuve de Mme Griffith tient du ouï-dire et qu'il y a lieu de ne lui accorder que peu de poids. Une preuve similaire a été produite dans les procédures d'oppositions connexes qui ont opposé les parties et la Membre Bradbury y a accordé un certain poids. Elle l'a fait, parce que cette preuve lui semblait clairement démontrer que des tiers exerçaient des activités sous des noms commerciaux incorporant les mots MASTER et CLEAN dans le même domaine d'activité général que celui des parties. Je suis disposée à adopter la même approche à l'égard de la preuve par ouï-dire produite en l'espèce; toutefois, je fais mienne également la conclusion de la Membre Bradbury selon laquelle cette preuve n'établit pas que les entreprises contactées avaient acquis une notoriété significative sur le marché.

Conclusion

[54]           Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, j'estime que la prépondérance des probabilités est également partagée entre la conclusion qu'il existe une probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties, et la conclusion qu'il n'existe pas de probabilité de confusion.

[55]           Je reconnais qu'il est difficile pour un commerçant de monopoliser des mots faibles tels que MASTER CLEAN, et que la marque de commerce de l'Opposante n'est pas le genre de marque qui se voit généralement accorder une protection étendue; de petites différences suffisant généralement à distinguer une marque similaire. Toutefois, comme l'a fait observer l'Opposante, une protection limitée n'est pas la même chose qu'aucune protection.

[56]           En l'espèce, l'Opposante emploie sa marque de commerce depuis longtemps déjà et cette dernière a acquis une certaine notoriété. Les services qui sont liés aux marques de commerce des parties se recoupent de façon directe et rien n'empêcherait la Requérante de cibler les mêmes consommateurs que ceux qui sont ciblés par l'Opposante. Il existe également une certaine ressemblance entre les marques de commerce des parties du fait que la Marque de la Requérante incorpore la totalité de la marque de commerce de l'Opposante. Dans ces circonstances, il est raisonnable de conclure qu'un consommateur, à la vue de la Marque employée en liaison avec les services de la Requérante, serait porté à croire que ces services sont exécutés par l'Opposante.

[57]           Étant donné que c'est à la Requérante qu'incombait le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce de l'Opposante et qu'elle ne s'est pas acquittée de ce fardeau, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli.

Article 2

[58]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses services de ceux de tiers partout au Canada, l'Opposante n'en doit pas moins s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits invoqués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)]. Pour s'acquitter de son fardeau de preuve, l'Opposante doit démontrer que, à la date de production de la déclaration d'opposition, sa marque de commerce était devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmée par (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[59]           Comme je l'ai expliqué plus en détail dans mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), l'Opposante a clairement démontré que sa marque de commerce MASTER CLEAN était devenue passablement bien connue à la date de production de la déclaration d'opposition et, en cela, l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve. La différence entre les dates pertinentes n'a aucune incidence et, pour les raisons exposées ci-dessus dans mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), je ne suis pas convaincue que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties.

[60]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est également accueilli.

Absence de droit à l'enregistrement – Articles 16(3)a) et 16(3)c)

[61]           Comme j'ai déjà accueilli deux des motifs d'opposition, je n'examinerai pas ces autres motifs d'opposition.

Décision

[62]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

 

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Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire, trad.

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