Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 16

  Date de la décision : 2011-01-27

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Highland Feather Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,313,238 pour la marque de commerce ALLER-CHECK au nom d’American Textile Company

 

[1]               Le 16 août 2006, American Textile Company (la Requérante) a demandé l’enregistrement de la marque de commerce ALLER-CHECK (la Marque) pour emploi en liaison avec des housses d’oreiller et revêtements de matelas; la demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 4 avril 2007.

[3]               Le 6 juin 2007, Highland Feather Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition, dans laquelle elle invoque les motifs d’opposition suivants fondés sur les dispositions de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi) ci‑après mentionnées :

1.   alinéas 38(1)b)[sic]/12(1)d) : la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce ALLER-SAFE de l’Opposante enregistrée sous le no LMC659,893;

 

2.  alinéas 38(2)c)/16(3)a) : la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’à la date de production de la demande la Marque créait de la confusion avec la marque ALLER-SAFE de l’Opposante antérieurement employée au Canada par cette dernière;

 

3. alinéa 38(2)d) : la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas les marchandises de la Requérante de celles de l’Opposante compte tenu de l’emploi et de la promotion de la marque ALLER-SAFE de l’Opposante au Canada.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante. Elle y indique également qu’elle présume que la mention de l’alinéa 38(1)b) résulte d’une erreur typographique et qu’elle la traite comme si elle faisait état de l’alinéa 38(2)b).

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Cheney Q. Chen (son vice‑président exécutif). La Requérante a, pour sa part, soumis les affidavits de John Angelini (son vice‑président, conformité et gestion durable) et de Jane Buckingham (recherchiste en marques de commerce) à l’appui de sa demande d’enregistrement. Il n’y a pas eu de contre‑interrogatoire.

[6]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Il n’y a pas eu d’audience.

Le fardeau de la preuve et les dates pertinentes

[7]               C’est à la Requérante qu’il incombe de démontrer suivant la prépondérance des probabilités que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi, mais l’Opposante a le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

[8]               Voici les dates pertinentes applicables aux différents motifs d’opposition :

- alinéas 38(2)b)/12(1)d) – la date de la décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

 

- alinéas 38(2)c)/16(3)a) – la date de production de la demande;

 

-    alinéa 38(2)d) – la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[9]               M. Chen a fourni une copie papier de l’enregistrement no LMC659,893 visant ALLER‑SAFE. J’ai vérifié le registre afin de m’assurer que l’enregistrement n’avait pas été subséquemment radié [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. Les marchandises visées par l’enregistrement d’ALLER‑SAFE sont des  : « matelas, oreillers et couettes; matelas, housses d’oreiller et de housses de couette (sic) ». L’Opposante a donc satisfait au fardeau de preuve initial.

[10]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[11]           En appliquant le test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles que mentionne expressément le paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids égal à chacun de ces facteurs. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).] 

[12]           Aucune des marques des parties n’est intrinsèquement forte puisque chacune d’elles suggère l’innocuité des produits qui y sont liés pour les personnes souffrant d’allergies.

[13]           Selon M. Chen, les ventes de produits ALLER-SAFE au Canada se sont chiffrées à 35 600 $ en 2006 et 49 000 $ en 2007. Le déposant atteste que l’Opposante fait la promotion de sa marque ALLER-SAFE au moyen de son site Web et en rencontrant des détaillants pour leur faire connaître les produits et leur fournir des échantillons. Je ne dispose toutefois d’aucun renseignement me permettant de déterminer dans quelle mesure ces activités ont pu faire connaître la marque de l’Opposante au Canada. (Je n’adhère pas à l’argument de la Requérante selon lequel la marque figurant sur l’emballage fourni par M. Chen n’est pas la marque verbale ALLER-SAFE; le fait qu’un élément graphique figure au‑dessus des mots ALLER-SAFE écrits en minuscules ne signifie pas que ce n’est pas la marque ALLER-SAFE en soi qui est employée.)

[14]           À la date de signature de l’affidavit de M. Angelini (le 19 septembre 2008), la Requérante n’avait employé sa Marque au Canada qu’en liaison avec des [traduction] « housses d’oreiller en coton ». L’emploi a commencé vers le mois d’août 2007, et le chiffre d’affaires réalisé au Canada était égal ou supérieur à 44 819 $ pour l’exercice financier 2007 et à 20 952 $ pour les mois de janvier à juillet 2008 (en dollars américains). Ces chiffres correspondent approximativement à 13 000 articles unitaires. M. Angelini n’a pas fourni de renseignement concernant la promotion de la Marque de la Requérante.

[15]           Les parties fabriquant et distribuant toutes deux des produits de literie, leurs marchandises se recoupent. L’une et l’autre vendent leurs marchandises par l’intermédiaire de détaillants et, même si leurs détaillants ne sont pas à présent les mêmes, on peut raisonnablement conclure que les voies de commercialisation des produits pourraient être identiques ou se recouper.

[16]           Il est bien établi que c’est la première partie d’une marque de commerce qui importe le plus pour ce qui est de son caractère distinctif. Toutefois, lorsque la première partie d’une marque est un mot courant, descriptif ou suggestif, son importance diminue : [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union Des Éditions Modernes (1979), 26 C.P.R. (2d) 183 188 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.)].

[17]           Il me paraît raisonnable de conclure que l’acheteur anglophone type des marchandises des parties considérerait que les lettres « aller » sont une abréviation d’« allergy » ou d’un mot de même famille. (Je signale que même si « aller » est l’équivalent français de « to go », le consommateur bilingue pourrait lui aussi penser qu’« aller » renvoie à une abréviation d’« allergie ».) La première partie des marques a donc moins d’importance, en sorte que le degré de ressemblance global entre les marques dans la présentation et le son n’est pas énorme.

[18]           Pour ce qui est des idées suggérées par les marques, la marque de l’Opposante suggère que les marchandises sont sans danger pour les utilisateurs souffrant d’allergies, tandis que celle de la Requérante constitue une allusion peut‑être un peu moins directe, à savoir qu’il faudrait se poser la question des allergies ou que le fabricant a pris cette question en considération. Puisque l’idée suggérée par chacune des marques se rapporte à une caractéristique des marchandises, je ne considère pas que la ressemblance soit particulièrement importante.

[19]           La preuve de la Requérante porte également sur deux autres circonstances.

[20]           Premièrement, M. Angelini présente la preuve que la Requérante a déjà fait enregistrer la marque ALLER-EASE pour emploi en liaison avec des couvre-matelas et taies d’oreillers. Cependant, l’article 19 de la Loi ne confère pas au propriétaire d’un enregistrement le droit automatique d’obtenir l’enregistrement d’autres marques, même si celles-ci sont étroitement liées à la marque visée par l’enregistrement initial [voir Groupe Lavo Inc. c. Proctor & Gamble Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 533 (C.O.M.C.) à la page 538].

[21]           Deuxièmement, Mme Buckingham a produit les résultats de recherches effectuées dans le registre canadien des marques de commerce et dans Internet au sujet d’autres marques de commerce ou noms commerciaux comportant « aller ». Voici les marques comportant le préfixe ALLER qu’elle a repérées dans le registre, enregistrées au nom de huit tierces parties différentes, ainsi que les marchandises visées :

1.      ALLERGUARD : literie, courtepointes et couvre‑oreillers;

2.      ALLERFRESH : oreillers et couvre‑matelas;

3.      ALLERGY CONTROL & Dessin : housses pour matelas, sommiers à ressorts et oreillers, édredons et couettes;

4.      ALLERCARE : oreillers, revêtements de matelas, couettes;

5.      ALLERREST : oreillers et édredons

6.      ALLERBAN : fibre synthétique contenant un agent antibactérien comme partie intégrante de draps, d’oreillers, de couvre‑matelas, d’édredons, de couettes;

7.      ALLERGON : tissus pour utilisation comme barrières d’allergènes;

8.      ALLERX : oreillers;

9.      ALLERZIP : housses d’oreillers, housses de couettes, protège‑matelas.

[22]           Sur Internet, elle a repéré des sites Web faisant mention de produits ALLERCARE, ALLERREST, ALLERZIP et ALLERGUARD. Elle a aussi trouvé des mentions de la marque ALLER-EASE de la Requérante.

[23]           Bien qu’elle ne fasse pas état d’un grand nombre de personnes employant le préfixe ALLER dans le domaine d’activité des parties, la preuve soumise par Mme Buckingham étaye effectivement la conclusion que j’inclinais déjà à tirer, à savoir que le caractère suggestif d’ALLER en fait un préfixe faible, de sorte que les gens vont se tourner vers les mots accompagnateurs pour distinguer entre les marques ALLER.

[24]           J’estime que les suffixes de chacune des marques diffèrent suffisamment dans la présentation et dans le son pour qu’il y ait peu de chances de confusion entre les marques dans leur ensemble. Je signale que même s’il faut examiner les marques dans leur intégralité, il est néanmoins possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public [Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), au paragraphe 34] et que de petites différences suffisent pour distinguer des marques faibles [GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. et al. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154 (C.F. 1re inst.); Associated Brands Inc. c. Scott Paper Ltd. (2004), 43 C.P.R. (4th) 361 (C.O.M.C.)].

[25]           Les marchandises et le commerce des parties se ressemblent beaucoup, mais comme l’a indiqué la décision Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), à la page 149, confirmée par 60 C.P.R. (2d) 70 :

[à] toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

[26]           En conséquence, le premier motif d’opposition est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’article 16

[27]           Pour s’acquitter de son fardeau initial relativement aux cinquième et sixième motifs d’opposition, l’Opposante doit démontrer qu’elle a employé sa marque avant le 16 août 2006. M. Chen a attesté au paragraphe 5 de son affidavit que les marchandises ALLER‑SAFE [traduction] « sont vendues et/ou annoncées au Canada depuis le mois d’avril 2006 au moins ». Il a également fourni le chiffre d’affaires de l’année 2006. Pris dans l’ensemble, son témoignage n’établit pas qu’il y a eu emploi de la marque de l’Opposante avant le 16 août 2006. C’est l’ambiguïté du témoignage en ce qui a trait aux activités antérieures au 16 août 2006 qui me fait tirer cette conclusion. Je considère que les mots « et/ou », au paragraphe 5, indiquent qu’uniquement l’une des possibilités ou bien les deux possibilités ont pu se produire, c’est‑à‑dire que la déclaration peut simplement affirmer qu’il est possible que les marchandises ALLER‑SAFE aient été annoncées au Canada depuis avril 2006 au moins. Or la présence d’une marque de commerce dans une annonce n’équivaut généralement pas à un emploi de la marque au sens de l’article 4 de la Loi, de sorte que le paragraphe 5 n’établit pas clairement que l’Opposante a employé sa marque au Canada en conformité avec l’article 4 avant la date pertinente. La ventilation mensuelle des ventes aurait permis de dissiper cette ambiguïté, mais M. Chen n’a pas procédé ainsi.

[28]           L’Opposante ne s’étant pas acquittée de son fardeau initial à l’égard du motif fondé sur l’article 16, ce motif est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[29]           Pour satisfaire à son fardeau initial à l’égard du troisième motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer que le 6 juin 2007 sa marque était devenue suffisamment connue pour priver la Marque de la Requérante de caractère distinctif [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.); Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 at 58 (C.F. 1re inst.); E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 at 130 (C.A.F.); et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 at 424 (C.A.F.)]. L’Opposante s’est acquittée de ce fardeau au moyen de la preuve qu’elle avait réalisé plus de 35 600 $ de ventes à cette date.

[30]           Dans l’ensemble, la preuve se rapportant à la probabilité de confusion entre les marques en date du 6 juin 2007 et d’aujourd’hui ne diffère pas suffisamment pour entraîner une différence de résultat. Je relève que la preuve se rapportant à l’Internet fournie par Mme Buckingham n’est pas antérieure à la date pertinente pour l’examen du motif fondé sur le caractère distinctif, mais cette preuve n’a pas joué de rôle déterminant dans ma conclusion relative au motif fondé sur l’alinéa 12(1)d).

[31]           Le motif fondé sur le caractère distinctif est donc rejeté pour des raisons analogues à celles qui ont été exposées à l’égard du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d).

Décision

[32]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.