Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION
de Vitality Foodservice, Inc. à la demande no 739,481
produite par Oakrun Farm Bakery Ltd.
en vue de l’enregistrement de la marque
de commerce THE VITALITY BAR
Le 21 octobre 1993, la requérante, Oakrun Farm Bakery Ltd., a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce THE VITALITY BAR en liaison avec des « produits alimentaires, nommément des barres énergétiques » basée sur l’emploi projeté au Canada. La demande a été modifiée pour inclure une renonciation au mot BAR. Par la suite, la demande a été annoncée le 10 mai 2000 aux fins de toute opposition éventuelle.
Le 10 juillet 2000, Lykes Pasco, Inc. a produit une déclaration d’opposition, dont une copie a été transmise à la requérante le 25 juillet 2000. Les marques sur lesquelles repose la présente opposition ont été cédées à Vitality Foodservice, Inc. le 9 avril 2001. Le 30 mai 2001, la demande d’autorisation en vue de modifier la déclaration d’opposition pour y indiquer Vitality Foodservice Inc. à titre d’opposante et pour y ajouter une marque déposée additionnelle a été accordée.
Selon le premier motif d’opposition, la demande de la requérante n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce. L’opposante fait valoir que la requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle était la personne ayant droit d’employer au Canada la marque visée par la demande d’enregistrement, car la requérante était au courant de l’existence des marques de commerce déposées de l’opposante, y compris le mot VITALITY.
Selon le deuxième motif d’opposition, la marque de commerce visée par la demande d’enregistrement n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, car elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes de l’opposante :
Marque de commerce |
No d’enregistrement |
Marchandises |
|
200834 |
(1) Boissons plates, nommément jus d’orange concentré congelé, jus de pamplemousse, limonade, jus de raisin, jus de pomme et thé glacé. (2) Boissons plates, nommément jus de tomate concentré congelé. |
VITALITY |
197389 |
Distributrice de boissons plates. |
VITALITY |
200836 |
(1) Boissons plates, nommément jus d’orange concentré congelé, jus de pamplemousse, limonade, jus de raisin, jus de pomme et thé glacé. (2) Boissons plates, nommément jus de tomate concentré congelé. |
Selon le troisième motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne ayant droit d’obtenir l’enregistrement en vertu du paragraphe 16(3) de la Loi, parce qu’à la date du dépôt de la demande par la requérante, la marque de commerce visée par la demande d’enregistrement créait de la confusion avec les trois marques de commerce déposées indiquées ci-dessus employées antérieurement au Canada par l’opposante. Selon le quatrième motif d’opposition, la marque de commerce de la requérante n’est pas en mesure de distinguer les marchandises de la requérante étant donné l’emploi des marques de commerce de l’opposante au Canada.
La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. À titre de preuve, l’opposante a produit l’affidavit de Brian Fuller. M. Fuller a été contre-interrogé à l’égard de son affidavit, et la transcription du contre-interrogatoire et les réponses aux engagements pris durant le contre-interrogatoire font partie du dossier de la présente procédure. À titre de preuve, la requérante a produit l’affidavit de Stacey A. Smallwood. Seule la requérante a produit un exposé écrit et seule la requérante était représentée à l’audience qui a été tenue.
Preuve de l’opposante
Dans son affidavit, M. Fuller indique qu’il est vice-président de la commercialisation et des ventes internationales de la présente opposante, Vitality Foodservice, Inc. L’opposante initiale, Lykes Pasco, Inc., a été constituée en personne morale en septembre 1986 et a été fusionnée subséquemment avec Lykes Pasco Packing Co. en octobre de la même année, et Lykes Pasco, Inc. en est la société résultante. Les services alimentaires de Lykes Pasco, Inc. vendaient des jus congelés et des concentrés de café liquide en liaison avec la marque de commerce VITALITY. Ils vendaient également des distributrices sous cette dernière marque à l’industrie des services alimentaires par l’entremise de distributeurs indépendants et de distributeurs appartenant à la société. Lykes Pasco, Inc. était propriétaire des trois enregistrements canadiens de marque de commerce invoqués aux fins de cette opposition.
En 1997, la présente opposante, Vitality Foodservice, Inc., a été constituée en personne morale et a pris en charge les services alimentaires de Lykes Pasco, Inc. À partir de 1997, Vitality Foodservice, Inc. a vendu les concentrés de jus et de café et les distributrices aux distributeurs. Après que cette société a été constituée, sa dénomination sociale figurait sur les étiquettes apposées sur les concentrés congelés vendus au Canada (voir les pages 19-20 de la transcription concernant Fuller). Toutefois, les trois marques de commerce déposées invoquées à l’appui de la présente opposition n’ont été cédées à Vitality Foodservice, Inc. que le 9 avril 2001. De plus, il n’y a aucun élément de preuve qui indique que Vitality Foodservice, Inc. a employé les marques de commerce VITALITY en vertu d’une licence concédée par Lykes Pasco, Inc. durant cette période intermédiaire.
Vitality Foodservice, Inc. exploite son entreprise au Canada par l’entremise de trois filiales lui appartenant à cent pour cent, y compris Vitality Foodservice Canada Ltd. (voir page 10 de la transcription concernant Fuller). L’opposante a produit des échantillons des étiquettes employées au Canada après 1997. Les échantillons des étiquettes employées depuis 2000 indiquent que Vitality Foodservice Canada Ltd. est la source des marchandises, et lesdites étiquettes n’indiquent pas que ladite société emploie l’une ou l’autre des marques de commerce en vertu d’une licence accordée par Lykes Pasco, Inc. (voir la réponse à l’engagement pris à l’égard de la question 85 dans la transcription de Fuller).
Dans son affidavit, M. Fuller indique que les ventes totales au titre des produits de la marque VITALITY vendus au Canada durant la période de 1991 à 2000 se chiffrent à plus de 280 millions de dollars. Pour la même période, les dépenses publicitaires s’élèvent à plus de 1,9 millions de dollars. Les produits vendus consistaient en des jus de fruit et des concentrés de café ainsi que des distributrices, lesquels produits étaient achetés par des restaurants et par des sociétés et des utilisateurs institutionnels. Ces clients achetaient une distributrice et continuaient ensuite à acheter des paquets de concentrés congelés aux fins d’emploi dans la distributrice. Une distributrice est une pièce d’équipement assez dispendieuse, dont le prix s’élève entre 500 $ et 3 500 $ (voir page 26 de la transcription concernant Fuller). Comme l’a reconnu M. Fuller, les produits de l’opposante n’étaient pas vendus habituellement aux consommateurs moyens canadiens (voir page 27 de la transcription concernant Fuller).
Preuve de la requérante
L’affidavit de Smallwood vise à produire en preuve les détails concernant l’enregistrement de huit marques de commerce au Canada. Parmi ces huit enregistrements, seuls quatre concernent des marques de commerce déposées en liaison avec des marchandises pertinentes, lesquelles marques comportent le mot VITALITY comme élément dominant de la marque.
Motifs d’opposition
En ce qui concerne le premier motif, il ne s’agit pas d’un motif d’opposition valable. Le simple fait que la requérante puisse avoir été consciente de l’existence des marques de commerce de l’opposante ne l’empêche pas de faire sincèrement, dans sa demande, la déclaration requise par l’alinéa 30i) de la Loi. L’opposante n’a pas allégué que la requérante a adopté sa marque de commerce en sachant qu’elle créait de la confusion avec les marques de l’opposante. Par conséquent, le premier motif d’opposition est rejeté.
En ce qui concerne le deuxième motif d’opposition, l’époque pertinente pour examiner les circonstances concernant la question de la confusion avec une marque de commerce déposée en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce est la date de ma décision : voir Conde Nast Publications Inc. v. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538 aux pages 541-542 (C.O.M.C.). De plus, il incombe à la requérante d’établir qu’il n’y pas de risque raisonnable de confusion entre les marques en litige. Finalement, en appliquant le critère pour déterminer s’il y a confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a) de la Loi, les marques de l’opposante ont un caractère distinctif inhérent. Toutefois, lorsqu’elles sont employées en liaison avec des concentrés de jus congelés et les autres produits du même genre, le mot VITALITY renvoie aux caractéristiques ou à la qualité des marchandises, notamment au fait que les marchandises sont des produits sains. Par conséquent, les marques de l’opposante ne sont pas intrinsèquement fortes. Même s’il semble y avoir eu un emploi étendu des marques de l’opposante au Canada, l’identité de l’utilisateur des marques ne ressort pas clairement. Avant 1997, il semble que l’emploi de la marque était fait par Lykes Pasco, Inc. Toutefois, après cette date, il semble que Vitality Foodservice, Inc. et Vitality Foodservice Canada Ltd. aient toutes les deux employé la marque. Par conséquent, il est difficile de déterminer la mesure dans laquelle la marque a été révélée au Canada par la présente opposante, Vitality Foodservice, Inc.
La marque THE VITALITY BAR de la requérante a également un caractère distinctif inhérent. Toutefois, elle renvoie, elle aussi, à la qualité ou aux caractéristiques relatives à la santé attachées aux marchandises connexes. Par conséquent, la marque de la requérante n’est pas intrinsèquement forte. Étant donné qu’il n’y a aucune preuve de l’emploi de la marque de la requérante, je dois conclure que ladite marque n’a pas été révélée au Canada.
Ce sont l’état des marchandises de la requérante et les états des marchandises de l’opposante liés aux trois enregistrements de cette dernière qui régissent les marchandises et les commerces des parties : voir Mr. Submarine Ltd. v. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 aux pages 10-11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft v. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 à la p. 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. v. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 aux pages 390-392 (C.A.F.). Toutefois, ces états doivent être interprétés en tenant compte du type probable de commerce ou d’entreprise voulu par les parties plutôt que tous les types de commerce possibles qui pourraient être compris dans le libellé. À cet égard, la preuve relative aux commerces réels des parties est utile, surtout lorsqu’il y a ambiguïté quant aux marchandises ou services visés par la demande ou par les enregistrements en litige : voir McDonald’s Corporation v. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 à la p. 169 (C.A.F.).
Dans la présente affaire, la preuve établit que les marchandises et les commerces des parties sont différents. Les marchandises de la requérante consistent en des barres énergétiques qui vraisemblablement seraient vendues à des consommateurs par l’entremise de points de vente au détail, notamment des épiceries, des magasins de produits diététiques et des dépanneurs. Les marchandises de l’opposante, par ailleurs, sont vendues à des restaurants, à des institutions et à des sociétés qui utilisent des distributrices aux fins de distribution de boissons. Les marchandises de l’opposante ne sont pas destinées à être vendues aux consommateurs.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)e) de la Loi, il y a un degré assez élevé de ressemblance entre les marques en litige étant donné l’emploi commun du mot VITALITY. Toutefois, comme il a été souligné, ce mot n’est pas intrinsèquement fort lorsqu’il est employé avec des produits alimentaires. De plus, la marque de la requérante comprend trois mots plutôt qu’un seul, et le mot VITALITY est utilisé comme adjectif plutôt que comme nom.
Comme circonstance additionnelle, j’ai tenu compte du fait que la preuve établit un emploi non distinctif des marques déposées. Durant la période de 1997 à 2001, il semble y avoir eu un emploi étendu des marques déposées par Vitality Foodservice, Inc. sans que cette dernière ne détienne de licence et ce, même si le propriétaire inscrit était Lykes Pasco, Inc. De plus, il semble y avoir eu un emploi étendu, sans licence, de ces marques par Vitality Foodservice Canada Ltd. à partir de l’an 2000. Par conséquent, le caractère distinctif des marques déposées entre les mains de la présente opposante a été sérieusement diminué.
Comme autre circonstance additionnelle, la requérante s’est fondée sur les éléments de preuve relatifs à l’état du registre présentés par l’affidavit de Smallwood pour réduire l’effet de toute ressemblance entre les marques en litige. Les éléments de preuve relatifs à l’état du registre ne sont pertinents que dans la mesure où ils permettent de tirer des conclusions sur l’état du marché : voir la décision en matière d’opposition dans Ports International Ltd. v. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 et la décision dans Del Monte Corporation v. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il faut souligner également la décision dans Kellogg Salada Canada Inc. v. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), laquelle appuie la proposition voulant que des conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées des éléments de preuve relatifs à l’état du registre que si un grand nombre d’enregistrements sont inscrits.
Comme il a été signalé, l’affidavit de Smallwood n’établit l’existence que de quatre enregistrements pertinents. La simple existence de quatre enregistrements ne me permet pas de conclure que l’une ou l’autre de ces marques est employée activement. Par conséquent, dans la présente affaire, la preuve relative à l’état du registre n’est pas pertinente.
En appliquant le critère pour déterminer s’il y a confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imprécis. Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, et surtout du fait des différences entre les marchandises et les commerces des parties et de l’emploi sans licence des marques déposées par des entités autres que le propriétaire inscrit, j’estime que la requérante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait d’établir qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre sa marque THE VITALITY BAR en liaison avec des barres énergétiques et les trois marques déposées VITALITY. Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est également rejeté.
En ce qui concerne le troisième motif d’opposition, la date pertinente pour tenir compte des circonstances est la date du dépôt par la requérante, à savoir le 21 octobre 1993. L’opposante a établi l’emploi de sa marque de commerce VITALITY au Canada en liaison avec des concentrés de fruits congelés et des distributrices avant cette date par son prédécesseur en titre, Lykes Pasco, Inc. Ainsi le troisième motif d’opposition doit être décidé sur la question de la confusion entre la marque THE VITALITY BAR de la requérante en liaison avec des barres énergétiques et la marque VITALITY de l’opposante en liaison avec des concentrés de jus de fruit congelés et des distributrices à la date de dépôt de la requérante.
Certaines de mes conclusions concernant le deuxième motif d’opposition s’appliquent également au troisième motif d’opposition. En ce qui concerne la date pertinente, l’opposante a fait la preuve d’une certaine réputation de sa marque au Canada entre les mains de son prédécesseur en titre. Toutefois, encore une fois, les marchandises et les commerces des parties sont très différents. Indépendamment de la ressemblance entre les marques en litige, j’arrive à la conclusion qu’elles ne créaient pas de confusion à la date de dépôt de la requérante. Par conséquent, le troisième motif d’opposition est également rejeté.
En ce qui concerne le quatrième motif d’opposition, il incombe à la requérante d’établir que sa marque est apte à distinguer ou distingue véritablement ses marchandises de celles des autres partout au Canada : voir Muffin Houses Incorporated v. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, la date pertinente pour prendre en considération les circonstances du présent litige est la date du dépôt de l’opposition (c’est‑à‑dire le 10 juillet 2000) : voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 à la p. 424 (C.A.F.).
Le quatrième motif d’opposition porte essentiellement sur la question de la confusion à la date du dépôt de l’opposition. Pour les raisons examinées dans le cadre du deuxième motif d’opposition, j’arrive à la conclusion que la marque de la requérante ne créait pas de confusion avec la marque VITALITY de l’opposante à ladite date. Par conséquent, le quatrième motif d’opposition est également rejeté.
Compte tenu de ce qui précède et conformément au pouvoir qui m’a été délégué en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’opposante.
FAIT À GATINEAU, QUÉBEC, CE 22e JOUR D’AVRIL 2005.
David J. Martin
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce