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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 155

Date de la décision : 2014-07-30

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45, engagée à la demande de Fetherstonhaugh & Co., visant l'enregistrement no LMC597,571 de la marque de commerce SUPERSHUTTLE au nom de Supershuttle International, Inc.

[1]               Le 14 février 2012, à la demande de Fetherstonhaugh & Co., le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) à Supershuttle International, Inc. (l'Inscrivante), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC597,571 de la marque de commerce SUPERSHUTTLE (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les services suivants : [traduction] « services de transport terrestre de passagers d’aéroport ».

[3]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacun des services décrits dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l'espèce, la période pertinente pour établir l'emploi s'étend du 14 février 2009 au 14 février 2012.

[4]               La définition pertinente d'« emploi » est énoncée au paragraphe 4(2) de la Loi :

 (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c. Lang Michener et al. (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co c. le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des services décrits dans l'enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]               En réponse à l'avis du registraire, l'Inscrivante a produit l'affidavit de Judy Robertson, vice-présidente aux Affaires réglementaires chez l'Inscrivante. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites et étaient toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue.

[7]               Dans son affidavit, Mme Robertson affirme que l'Inscrivante exploite en liaison avec la Marque un des plus importants services de transport terrestre aux États-Unis, en fournissant aux passagers d'avions un service de transport terrestre en direction et en provenance d'aéroports. Elle atteste que l'Inscrivante fournit ses services de transport terrestre dans de nombreuses régions métropolitaines des États-Unis et de la France, et qu'elle possède environ 1 200 fourgonnettes SUPERSHUTTLE aux États-Unis. Comme pièce A, elle a joint à son affidavit des photographies de ces fourgonnettes SUPERSHUTTLE arborant la Marque. Elle atteste que l'Inscrivante fournit ses services de transport à près de 8 millions de clients chaque année, ce qui représente environ 2 200 clients en moyenne par jour.

[8]               L'Inscrivante a concédé qu'elle n'exploite pas ses fourgonnettes au Canada et qu'elle ne l'a pas fait pendant la période pertinente. L'Inscrivante affirme, toutefois, avoir employé la Marque en liaison avec les services décrits dans l'enregistrement au cours de la période pertinente dans le cadre d'activités promotionnelles et de ventes réalisées par l'intermédiaire de son site Web et des sites Web d'agences de voyage et de voyagistes au Canada. À cet égard, Mme Robertson a également joint à son affidavit les pièces décrites dans les paragraphes qui suivent.

[9]               La pièce E est constituée de pages extraites du site Web de l'Inscrivante, www.supershuttle.com (le site Web), qui, affirme Mme Robertson, a été exploité de façon continue pendant la période pertinente et était accessible aux Canadiens. Le Site Web fournit de l'information sur les services de navettes de l'Inscrivante et comprend une page qui permet d'effectuer des réservations. Elle affirme que le site Web a été consulté par plus de 19 millions de visiteurs canadiens pendant la période pertinente. Des données concernant ces visites, réparties par province, sont jointes à son affidavit comme pièce F.

[10]           Mme Robertson atteste qu'au moins 61 000 particuliers canadiens ont effectué des réservations pour les services de navettes de l'Inscrivante par l'intermédiaire du site Web pendant la période pertinente. Les détails de certaines de ces réservations sont joints comme pièce G à son affidavit.

[11]           Mme Robertson atteste également que certains voyagistes canadiens qui organisent des voyages pour des citoyens canadiens incluaient les services de navettes de l'Inscrivante dans leurs forfaits voyages. Dans de tels cas, les voyagistes remettaient à leurs clients un coupon prépayé. Mme Robertson atteste qu'une fois que le client avait échangé son coupon, l'Inscrivante fournissait le service de transport et envoyait une facture au voyagiste. Comme pièce H, elle a joint à son affidavit des rapports de facturation concernant les factures que l'Inscrivante a envoyées à des voyagistes canadiens. Mme Robertson atteste que, pendant la période pertinente, l'Inscrivante a envoyé au total plus de 2 000 factures à des voyagistes canadiens, ce qui représente plus de 10 000 réservations individuelles pour les services SUPERSHUTTLE de l'Inscrivante.

[12]           Mme Robertson a également joint à son affidavit des publicités annonçant les services SUPERSHUTTLE parues dans le US Airways Magazine (pièce D), et des pages extraites de sites Web de tiers exerçant des activités dans le domaine du voyage, Expedia et Orbitz, qui font la promotion des services SUPERSHUTTLE de l'Inscrivante (pièces B et C, respectivement). J'admets que ces publicités et annonces ont pu être vues par des Canadiens pendant la période pertinente et fournir à ces derniers de l'information sur les services SUPERSHUTTLE de l'Inscrivante.

[13]           En d'autres termes, même si l'Inscrivante n'avait pas de [traduction] « véhicules sur la route au Canada » pendant la période pertinente, son service SUPERSHUTTLE était annoncé au Canada et de nombreux Canadiens se sont prévalus, soit directement soit par l'intermédiaire de voyagistes canadiens, de la possibilité d'acheter et de réserver les services de l'Inscrivante. La question est donc de savoir si cela est suffisant pour constituer un emploi de la Marque en liaison avec les services tels qu'ils sont décrits dans l'enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Analyse

[14]           En règle générale, lorsqu'il s'agit de services, la publicité au Canada n'est pas suffisante à elle seule pour établir l'emploi; il est indispensable que les services soient disponibles au Canada et puissent y être exécutés [Wenward (Canada) Ltd c. Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. Dans Marineland Inc c. Marine Wonderland and Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst.), la Cour fédérale a indiqué que dans un cas où des services offerts au Canada par le propriétaire d'une marque de commerce ne peuvent être reçus par le client que si ce dernier se déplace à l'étranger, la vente au Canada de coupons d'admission donnant accès à ces services ne peut pas être considérée comme l'exécution des services au Canada. De même, il a été statué dans Motel 6 Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.) et dans Porter c. Don the Beachcomber (1966), 48 CPR 280 (C. de l'É.) que, lorsqu'une marque de commerce est employée dans l'annonce au Canada de services qui ne peuvent être reçus qu'à l'extérieur du Canada, il faut considérer que l'emploi de la marque de commerce n'a pas été établi.

[15]           En l'espèce, il est clair que l'Inscrivante n'exploite pas ses navettes de transport de passagers d'aéroport au Canada. À cet égard, l'Inscrivante soutient que ses « services de transport terrestre de passagers d’aéroport » devraient être interprétés de façon large et considérés comme englobant les [traduction] « services de réservation et de vente de billets de transport terrestre pour passagers d'aéroport » décrits dans l'affidavit de Mme Robertson.

[16]           À l'appui de sa position, l'Inscrivante cite TSA Stores, Inc c. Canada (registraire des marques de commerce) (2011), 91 CPR (4th) 324 (CF 1re inst.). Dans TSA Stores, la Cour fédérale a infirmé en partie la décision du registraire de radier diverses marques de commerce SPORTS AUTHORITY enregistrées en liaison avec des services de magasins de détail. Dans cette affaire, le propriétaire exploitait un site Web de vente au détail; il n'y avait cependant aucune preuve que ce dernier avait expédié ses produits au Canada, et aucune preuve que des ventes à des Canadiens avaient eu lieu, soit au Canada soit autrement. Aux paragraphes 16 et 17, la Cour a cependant formulé les observations suivantes :

[traduction]
16 La Loi ne définit pas le mot « services ». Il a, par conséquent, été jugé que l’on doit donner une interprétation large au mot « services », et que chaque cas est un cas d’espèce (Kraft Ltd c. Registraire des marques de commerce, reflex, [1984] 2 CF 874, 1 CPR (3d) 457, paragraphes 8 et 9).

17 Il a également été reconnu que la Loi ne fait aucune distinction entre les services principaux, accessoires ou secondaires. Dès lors que certains membres du public — consommateurs ou acheteurs — en tirent un avantage, l’activité constitue un service (Société Nationale des Chemins de fer Français SNCF c. Venice Simplon-Orient-Express Inc, 9 CPR (4th) 443, 102 ACWS (3d) 189).

[17]           La Cour a poursuivi en soulignant que des Canadiens avaient utilisé le site Web et, en particulier, a indiqué que le site Web comportait certaines fonctionnalités, notamment le service « Shoe Finder », qui profitaient aux Canadiens. Par conséquent, étant donné que les marques de commerce en question étaient affichées en lien avec ces « services de magasin de détail secondaires » sur le site Web de TSA, la Cour a conclu qu'il existait une preuve de l'emploi de la marque de commerce au Canada pendant la période pertinente. Plus particulièrement, la Cour s'est exprimée ainsi : [traduction] « [à] mon avis, visiter ce service sur le site Web s’apparente à une visite sur place d’un magasin et revient à discuter avec un vendeur bien informé » [au paragraphe 19].

[18]           L'inscrivante se compare avantageusement au propriétaire inscrit dans TSA Stores, affirmant que les services qui sont fournis sur le site Web en l'espèce [traduction] « vont bien au-delà » des services qui étaient fournis aux Canadiens dans cette affaire.

[19]           De la même manière, l'Inscrivante se compare avantageusement au propriétaire inscrit dans Venice Simplon-Orient-Express Inc c. Société Nationale des Chemins de Fer Français SNCF (2000), 9 CPR (4th) 443 (CF) [Orient Express], une décision de la Cour fédérale qui est citée dans TSA Stores. Dans Orient Express, la Cour a rejeté un appel d'une décision du registraire [(1995), 64 CPR (3d) 87 (COMC)] dans laquelle le registraire avait jugé que les services en question, des [traduction] « services de voyage, nommément services de transport de passagers par train » englobaient des services tels que [traduction] « la vente de billets de train et la réservation de sièges dans un train ».

[20]           Dans cette décision, le registraire s'était appuyé sur les termes « services accessoires » et « services secondaires » utilisés dans Kraft Ltd c. le Registraire des marques de commerce (1984), 1 CPR (3d) 457 (CF 1re inst.) pour donner une interprétation large aux services décrits dans l'enregistrement, précisant que [traduction] « à mes yeux, l'expression suggère un certain nombre d'idées et je ne vois pas pourquoi il faudrait interpréter cette expression de façon restrictive » [à la page 90].

[21]           Néanmoins, bien que la Cour fédérale, dans Orient Express, ait rejeté l'appel de la décision du registraire, elle n'a pas déclaré invalides les principes énoncés dans Marineland et dans Motel 6, précitées, relativement à ce qui constitue l'exécution de services au Canada. En effet, plus récemment, la Cour fédérale a cité Marineland favorablement tout en donnant à Orient Express une interprétation étroite [voir Express File Inc c. HRB Royalty Inc (2005), 39 CPR (4th) 59 (CF)].

[22]           En outre, je ne considère pas que Orient Express appuie le principe voulant que la possibilité de réserver certains services ou de payer pour certains services à partir du Canada équivaille à l'exécution de tels services au Canada. La décision de la Cour fédérale dans cette affaire confirme seulement le caractère raisonnable de la décision du registraire dans le contexte de la preuve d'emploi qui avait été produite par rapport à la combinaison de services qui était en cause. À cet égard, je souligne que la Cour fédérale, dans cette affaire, n'a pas adopté le raisonnement du registraire en soi. Elle a plutôt formulé les observations suivantes, au paragraphe 10 :

[traduction]
Le terme « services » a reçu une interprétation large dans Saks & Co. c. Registraire des marques de commerce et al. reflex, (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire, Saks n'avait pas de magasin au Canada, mais recevait du Canada des commandes postales et téléphoniques de marchandises. Dans ce cas, les services étaient fournis sans que les clients canadiens aient à quitter le Canada. À mon avis, les mots « services de voyage, nommément des services de transport de passagers par train » ne devraient pas recevoir une portée plus étroite. Il était donc raisonnable de conclure que la prestation au Canada par une agence de voyages de services de réservations et de vente de billets constituait la prestation au Canada de tels services par le propriétaire inscrit.

[23]           À mon sens, la Cour n'a pas explicitement adhéré au raisonnement du registraire dans cette affaire, elle a seulement admis que des « services de voyage, nommément des services de transport de passagers par train » pouvaient être interprétés largement de manière à englober les services du type de ceux offerts par les agences de voyages qui étaient décrits dans la preuve.

[24]           L'Inscrivante soutient, malgré tout, que ses « services de transport terrestre de passagers d’aéroport » devraient être interprétés de façon large et considérés comme englobant les [traduction] « services de réservation et de vente de billets de transport terrestre pour passagers d'aéroport » décrits dans l'affidavit de Mme Robertson. Elle fait valoir que la possibilité d'effectuer une réservation pour ce service à partir du Canada devrait être considérée comme faisant partie des services décrits dans l'enregistrement, car la possibilité d'effectuer des réservations par l'entremise d'un site Web ou par téléphone est un service qui profite au public.

[25]           Bien que Orient Express soit souvent citée à titre de décision confirmant le principe selon lequel les services devraient être interprétés de façon large, le principe énoncé dans Kraft selon lequel les services devraient être interprétés de façon libérale se rapporte aux activités qui peuvent constituer un service; il ne sous-entend pas que toute activité peut équivaloir à l'exécution d'un service donné. En effet, la Cour d'appel fédérale a reconnu que l'interprétation large des services a ses limites [voir, à titre d'exemple : Boutique Limité Inc c. Limco Investments, Inc (1998) 84 CPR (3d) 164 (CAF), dans laquelle le fait qu'un magasin des États-Unis fournissait des remboursements à des Canadiens a été jugé insuffisant pour justifier le maintien au Canada d'un enregistrement visant des [traduction] « services de magasin de détail de vêtements pour femmes »].

[26]           S'agissant de certains types de services, la Cour fédérale dans Motel 6 a clairement indiqué que [traduction] « … le fait de recevoir et de confirmer des réservations de chambres de motel aux États-Unis ne constitue pas un emploi de la Marque au Canada en liaison avec des services de motel » [à la page 57]. Cette conclusion rejoint l'idée que des services hôteliers ne peuvent être considérés comme étant fournis au Canada lorsque l'établissement hôtelier est situé aux États-Unis [voir Maillis c. Mirage Resorts Inc (2012), 107 CPR (4th) 298 (TMOB)].

[27]           Cette idée va également de pair avec l'importance fondamentale que revêt le concept d'« emploi » en droit des marques de commerce au Canada, c'est-à-dire le fait qu'une marque de commerce doit être employée au Canada pour que son propriétaire bénéficie de l'exclusivité. Bien qu'un propriétaire de marque de commerce étranger puisse faire enregistrer sa marque de commerce au Canada (p. ex. en vertu de l'article 16(2) de la Loi) et ainsi bénéficier des avantages que confère l'enregistrement, le maintien de son enregistrement est conditionnel à l'emploi de la marque au Canada.

[28]           À mon sens, l'état déclaratif des services en l'espèce ne peut pas être considéré comme un état déclaratif vague commençant par une formulation imprécise telle que « services de voyage... », comme c'était apparemment le cas dans Orient Express. Il est évident que l'Inscrivante n'exploite pas son [traduction] « service de transport terrestre de passagers d'avion » au Canada; elle ne fait qu'offrir aux Canadiens la possibilité de réserver ce service. On ne peut, par ailleurs, comparer des services de navettes pour passagers d'aéroport à des services de magasin de détail; en effet, le registraire et les tribunaux reconnaissent désormais qu'en raison des progrès de la technologie, les consommateurs peuvent aujourd'hui se prévaloir de services de vente au détail sans même avoir à quitter leur domicile. En clair, sans la présence de navettes d'aéroport au Canada, il est impossible de conclure que les « services de transport terrestre de passagers d'aéroport » de l'Inscrivante sont disponibles au Canada et peuvent y être exécutés. Un service de transport terrestre ne peut pas être exécuté par Internet ou par téléphone; il est contraire au sens commun d'affirmer que la possibilité d'effectuer une réservation est comparable au transport physique des clients en direction et en provenance d'aéroports.

[29]           Cela concorde avec le sens ordinaire des termes employés dans l'état déclaratif des services et avec la preuve qui a été produite. Les services décrits dans l'enregistrement ne sont pas des « services de réservation », et l'enregistrement ne peut être maintenu au seul motif que le service qui est disponible au Canada est connexe aux services décrits dans l'enregistrement.

[30]           Bien que les termes « principaux », « accessoires » et « secondaires » soient employés dans certaines décisions « périphériques », je souligne que ces termes ne sont pas employés dans la Loi et encore moins définis. L'idée dans Kraft est qu'il n'est pas nécessaire de faire une distinction entre « services principaux », « services accessoires » et « services secondaires » pour déterminer ce qui constitue un « service » au sens de la Loi. Partant, il est tout aussi injustifié d'employer ces termes dans le cadre d'une tentative pour déterminer si une activité donnée équivaut à un service décrit dans un enregistrement. Au regard de la Loi, un tel exercice est pratiquement dépourvu de fondement et mène inévitablement à des arguments et à des résultats absurdes.

[31]           En effet, l'article 30 de la Loi porte que les services doivent être décrits dans les termes ordinaires du commerce et la question de savoir si une marque de commerce a été employée en liaison avec les services décrits dans l'enregistrement doit être tranchée en fonction des faits propres à chaque espèce [Express File, précitée, au paragraphe 23]. Il s'ensuit qu'il faut donner aux services décrits dans l'enregistrement leur signification habituelle et les interpréter conformément au sens commun.

[32]           En l'espèce, l'Inscrivante semble confondre la promotion de ses services de transport terrestre avec l'exécution de ces mêmes services. La preuve au dossier démontre que la Marque est bien connue au Canada. Cependant, le fait d'annoncer des services sur un site Web ou par l'intermédiaire d'agences de voyages n'équivaut pas à exécuter ces services. Bien que les services de transport SUPERSHUTTLE soient annoncés au Canada, il ne s'agit pas d'un emploi de la Marque au Canada en liaison avec les services décrits dans l'enregistrement, car ces services ne sont ni exécutés ni prêts à être exécutés au Canada par l'Inscrivante. En l'espèce, il est clair que les services de transport terrestre de l'Inscrivante sont exécutés aux États-Unis et en Europe, mais pas au Canada.

[33]           Aucun poids ne devrait être accordé à l'argument voulant que « techniquement parlant » l'exécution d'une certaine activité constitue un emploi. À cet égard, les tribunaux considèrent généralement d'un mauvais œil les activités commerciales symboliques exécutées dans le seul but de protéger des droits de propriété intellectuelle. Je reproduis ci-dessous l'observation formulée par la Cour fédérale dans Plough, précitée, au paragraphe 10 :

[traduction]
Il n'est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s'il ne l'emploie pas, c’est-à-dire s’il ne l’emploie pas du tout ou s’il ne l’emploie pas à l’égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée.

[34]           Maintenir l'enregistrement en l'espèce équivaudrait à accorder à l'Inscrivante une protection exagérément étendue à l'égard de services que, dans les faits, elle n'exécute pas au Canada. Lorsqu'un propriétaire de marque de commerce qui exécute des services dans un autre pays souhaite obtenir et conserver un enregistrement au Canada en liaison avec la même Marque et les mêmes services, il doit généralement exécuter les services en question de la même manière au Canada; le simple fait de proposer ces services n'est pas suffisant.

[35]           L'argument selon lequel l'Inscrivante a obtenu un enregistrement à l'égard de ces services et s'attendait raisonnablement à pouvoir conserver cet enregistrement canadien en offrant des services de réservation au Canada n'est pas convaincant. Premièrement, l'Inscrivante a obtenu un enregistrement à l'égard de ses services de transport terrestre aux États-Unis parce qu'elle exploite des navettes d'aéroport aux États-Unis, et non parce qu'elle offre des services de réservation. Aux États-Unis, l'Inscrivante ne fait pas qu'offrir des services de réservation; elle offre des services de transport terrestre de passagers au moyen de navettes d'aéroport.

[36]           Deuxièmement, la question à savoir si le fait d'offrir des « services de réservation » à l'égard de ses propres services, plutôt qu'à l'égard de services de tiers, constitue un véritable service au sens de la Loi n'a pas été tranchée de façon définitive [voir Ralston Purina Co c. Effem Foods Ltd (1997), 81 CPR (3d) 528, p. 534]; et, dans tous les cas, cette question sort du cadre de la présente procédure.

[37]           En résumé, les Canadiens peuvent réserver les services fournis par l'Inscrivante, mais ne peuvent pas se prévaloir de ses « services de transport terrestre » s'ils ne quittent pas le Canada.

[38]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que l'Inscrivante a exécuté ou était en mesure d'exécuter des « services de transport terrestre de passagers d'aéroport » au Canada pendant la période pertinente. Par conséquent, je ne peux conclure que l'Inscrivante a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les services décrits dans l'enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi. En outre, il n'y a aucune preuve de l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque.

Décision

[39]           En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié, conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

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