Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

    Référence: 2014 COMC 230   

Date de la décision: 2014-10-28

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Les Marques Metro / Metro Brands s.e.n.c. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,448,753 pour la marque de commerce IRRESISTIBLES au nom de Julia Wine Inc.

Introduction

[1]               Les Marques Metro / Metro Brands s.e.n.c. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce IRRESISTIBLES (la Marque) faisant l’objet de la demande no 1,448,753 au nom de Julia Wine Inc. (la Requérante).

[2]               Cette demande, produite le 19 août 2009, est basée sur l’emploi projeté de la Marque en liaison avec les marchandises suivantes : « vins » (ci-après parfois référées les Marchandises).

[3]               L’Opposante fonde son opposition sur divers motifs tournant autour soit de la question de la conformité de la demande au sens de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), soit de la question de la probabilité de confusion entre la Marque et l’une ou plusieurs des marques de commerce « IRRESISTIBLES » faisant l’objet des enregistrements ou demandes d’enregistrement décrits en annexe, appartenant à l’Opposante et ayant été employées, selon le cas, au Canada par celle-ci et son prédécesseur en titre Métro Richelieu Inc. (Métro-Richelieu).

[4]               Tel qu’il ressortira de mon analyse, j’estime qu’il y a lieu d’accueillir la présente opposition.

Le dossier

[5]               La déclaration d’opposition fut produite le 7 mars 2011. La Requérante a produit une contre-déclaration déniant chacun des motifs d’opposition plaidés. Elle a également demandé une décision interlocutoire relativement au bien-fondé du paragraphe 3(b) de la déclaration d’opposition à l’effet que la Requérante ne pouvait pas être, et ne peut toujours pas être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque en liaison avec les Marchandises puisque la présente demande a été produite dans le but de frustrer les droits de l’Opposante sur ses marques de commerce, et puisque la Requérante a adopté un modus operandi consistant à produire des demandes d’enregistrement relatives à des marques bien connues dans des domaines identiques ou connexes au Canada. Par lettre du registraire datée du 29 août 2011, la requête de la Requérante afin que soit radié ledit paragraphe 3(b) a été refusée.

[6]               L’Opposante a par la suite demandé la permission de produire une déclaration d’opposition amendée afin de refléter le fait qu’une des demandes d’enregistrement alléguées dans la déclaration d’opposition originale était maintenant enregistrée. Cette permission lui fut accordée par le registraire en date du 12 décembre 2011.

[7]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit les documents suivants :

       un affidavit de Francis Cournoyer, directeur Design et Emballage de l’Opposante, assermenté le 24 novembre 2011;

       un affidavit de Pierre Charron, vice-président Achats Nationaux, Épiceries et Marques privées de Métro-Richelieu, assermenté le 24 novembre 2011;

       un affidavit de France Patenaude, directrice Achats Nationaux de Métro-Richelieu, assermentée le 24 novembre 2011.

       un affidavit de Patrick Garon-Sayegh, stagiaire au sein du cabinet représentant l’Opposante dans la présente procédure, assermenté le 16 novembre 2011;

       des copies certifiées des 10 enregistrements de marques de commerce suivants : COMPLIMENTS (TMA675,493); NOS COMPLIMENTS (TMA458,788); NOS COMPLIMENTS (TMA487,713); OUR COMPLIMENTS (TMA447,577); OUR COMPLIMENTS (TMA487,714); COMPLIMENTS (TMA675,272); LE CHOIX DU PRÉSIDENT (TMA469,003); LE CHOIX DU PRÉSIDENT & dessin (TMA671,834); IRRESISTIBLES À CAUSE DES INGRÉDIENTS (TMA796,552); et IRRESISTIBLES À CAUSE DES INGRÉDIENTS BECAUSE OF THE INGREDIENTS (TMA774,055);

       des copies certifiées des trois demandes d’enregistrement suivantes : marque IRRESISTIBLES (no 1,344,171); IRRESISTIBLE (no 1,329,344); et IRRESISITBLES & dessin (no 1,452,360); et

       des copies certifiées des six dossiers de demandes d’enregistrement suivantes produites par la Requérante : marque CHOIX DU PRÉSIDENT (no 1,448,752); marque COMPLIMENTS (no  ,448,754); marque ZORK (no 1,458,868); marque IRRESISTIBLES (no 1,448,753); marque AOP APPELATION D’ORIGINE PROTÉGÉE & dessin (no 1,458,769); et AOP (no 1,454,671).

[8]               M. Charron a été contre-interrogé sur son affidavit et la transcription de son contre-interrogatoire a été versée au dossier. Il convient de noter à ce stade-ci de ma décision que la Requérante a fait valoir dans son plaidoyer écrit que les affidavits de M. Charron et de Mme Patenaude devaient être déclarés inadmissibles en preuve au motif qu’ils font état de discussions et/ou de négociations visant le sort de la présente demande et le règlement de la présente procédure. Je reviendrai ci-après sur cette question.

[9]               Au soutien de sa demande, la Requérante a pour sa part produit les documents suivants :

       des copies certifiées des neuf enregistrements de marques de commerce suivants : UNE SAVEUR IRRESISTIBLE (TMA555,115); SIMPLY IRRESISTIBLE (TMA662,062); SIMPLY IRRESISTIBLE (TMA390,806); MR. KERNEL IRRESISTIBLE TASTE & dessin (TMA671,505); IRRÉSISTIBLEMENT CANADIENNE (TMA663,827); IRRESISTIBLE INNOVATION (TMA820,353); Irresistible Elegance (TMA678,616); IRRESISTIBLE (TMA497,253); et FRAÎCHEMENT IRRÉSISTIBLE (TMA572,050);

       des copies certifiées des deux demandes d’enregistrement de marques de commerce suivantes : Simply Irresistible & dessin (demande no 1,532,903); et IRRESISTIBLES (demande no 1,333,541); et

       une copie certifiée de l’avis d’admission de la demande d’enregistrement Simply Irresistible & dessin (demande no 1,532,903).

[10]           Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience tenue dans ce dossier.

Question préliminaire – La recevabilité des affidavits Charron et Patenaude

[11]           Tel qu’indiqué plus haut, la Requérante a fait valoir dans son plaidoyer écrit que les affidavits de Mme Patenaude et de M. Charron devaient être déclarés inadmissibles en preuve au motif qu’ils font état de discussions et/ou de négociations visant le sort de la présente demande et le règlement de la présente procédure. La Requérante s’appuie pour cela sur la décision Mothercare Ltd c Precious Secret Maternity Inc (1976), 27 CPR (2d) 171 (COMC), dans laquelle des discussions de règlement ont été déclarées inadmissibles en preuve.

[12]           L’Opposante a pour sa part fait valoir lors de l’audience que les affidavits de Mme Patenaude et de M. Charron étaient au contraire admissibles en preuve. L’Opposante s’est notamment référée à l’ouvrage du professeur Léo Ducharme, L’administration de la preuve, afin de rappeler les quatre conditions de l’immunité, soit :

       l’existence d’un litige;

       une communication ayant pour objet le règlement de ce litige;

       faite sous la condition expresse ou implicite qu’elle demeurera confidentielle; et

       n’ayant pas donné lieu à une transaction.

[voir Léo Ducharme, L’administration de la preuve, 4e édition, Wislon & Lafleur, 2010, aux pp 192 à 196]

[13]           Ceci m’amène à revoir le contenu de chacun de ces affidavits à la lumière des représentations des parties.

L’affidavit Patenaude

[14]           Mme Patenaude explique dans son affidavit avoir rencontré, vers le milieu de l’année 2010, Alain Lord Mounir, président de la Requérante, à sa demande, qui désirait la rencontrer [paragraphe 2 de son affidavit].

[15]           Cette rencontre a duré approximativement entre une demi-heure et une heure. Lors de cette rencontre, M. Mounir a indiqué à Mme Patenaude que la Requérante avait fait une demande d’enregistrement pour la Marque en liaison avec du vin [paragraphes 3 et 4].

[16]           M. Mounir a ajouté que le fait que la Requérante soit propriétaire de la Marque en liaison avec du vin permettrait à l’Opposante de développer des vins qui pourraient ensuite être commercialisés par cette dernière sous cette marque, mais que la Marque appartiendrait à la Requérante [paragraphe 5].

[17]           Toujours selon les dires de Mme Patenaude, M. Mounir a indiqué lors de cette rencontre, qu’il aurait rencontré des représentants de Loblaws concernant une demande d’enregistrement faite par la Requérante pour la marque CHOIX DU PRÉSIDENT en liaison avec du vin et qu’il avait rencontré ou était sur le point de rencontrer des représentants de IGA concernant une demande d’enregistrement faite par la Requérante pour la marque COMPLIMENTS [paragraphe 6].

[18]           Mme Patenaude a indiqué à M. Mounir qu’elle prenait bonne note de ses propositions, mais qu’elle devait consulter des gens à l’interne. Cette rencontre a par la suite été portée à l’attention de M. Charron.

[19]           Tel qu’argumenté par l’Opposante lors de l’audience, les discussions survenues entre Mme Patenaude et M. Mounir ne peuvent aucunement être qualifiées de discussions ayant pour objet le règlement d’un litige. C’est le président même de la Requérante qui a approché l’Opposante afin de l’informer du fait que la Requérante avait produit la présente demande d’enregistrement et lui faire part d’une proposition d’affaires. Aucun litige n’était alors appréhendé. Au contraire, la Requérante cherchait plutôt à développer un partenariat d’affaires avec l’Opposante. Partant, je conviens avec l’Opposante que l’affidavit de Mme Patenaude est admissible en preuve.

L’affidavit Charron

[20]           M. Charron affirme avoir envoyé une lettre à M. Mounir en sa qualité de président de la Requérante, concernant la présente demande d’enregistrement et produit sous la pièce PC-1, une copie de cette lettre datée du 9 septembre 2010. À la revue de celle-ci, je note qu’elle ne porte aucune mention telle « sous toutes réserves » ou autre [paragraphe 2 de son affidavit].

[21]           M. Charron explique que cette lettre faisait suite à des discussions qui avaient eu lieu préalablement entre Mme Patenaude et M. Mounir [paragraphe 3 de son affidavit].

[22]           Postérieurement à l’envoi de cette lettre, M. Charron a envoyé un courriel, en date du 25 janvier 2011, à M. Mounir, toujours à ce sujet. Copie du courriel en question est produit sous la pièce PC-2. Encore ici, ce document ne porte aucune réserve [paragraphe 4].

[23]           M. Charron affirme avoir eu une conversation téléphonique avec M. Mounir et l’avoir par la suite rencontré aux bureaux de l’Opposante le 3 février 2011 afin de discuter de cette situation. Cette rencontre a duré environ une heure et quart [paragraphe 5].

[24]           Toujours selon les dires de M. Charron, M. Mounir lui aurait indiqué lors de cette rencontre qu’il se serait entendu avec Loblaws concernant la marque LE CHOIX DU PRESIDENT et qu’il aurait convaincu Sobeys de retirer sa demande d’enregistrement de la marque de commerce COMPLIMENTS en liaison avec du vin [paragraphe 6].

[25]           Lors de cette rencontre, M. Mounir a également indiqué à M. Charron que la Requérante « avait enregistré la marque IRRESISTIBLES en liaison avec du vin ». Il a ajouté qu’il avait trouvé une faille dans la réglementation québécoise concernant la vente de vins en liaison avec des marques privées, ce qui est actuellement interdit, et il lui a proposé que la Requérante vende à l’Opposante du vin sous la Marque, ce que ne pouvait pas faire directement l’Opposante. En échange d’un tel contrat, M. Mounir a indiqué à M. Charron qu’il pourrait en retour céder la Marque en liaison avec du vin à l’Opposante, ce qui permettrait alors à l’Opposante d’accélérer éventuellement l’enregistrement de sa propre marque IRRESISTIBLES pour des marchandises « dans les catégories épicerie ». Une copie des documents remis par M. Mounir lors de cette rencontre est produite sous la pièce PC-3. M. Charron a indiqué à M. Mounir qu’il n’était pas intéressé.

[26]           Tel qu’argumenté par l’Opposante lors de l’audience, les discussions survenues entre M. Charron et M. Mounir ne peuvent aucunement être qualifiées de discussions de règlement. Bien que le contexte des discussions survenues laissait entrevoir un litige potentiel ou réel, les faits relatés par M. Charron font état de discussions au cours desquelles la Requérante, par l’intermédiaire de M. Mounir, cherchait à conclure une proposition d’affaires avec l’Opposante. Ces discussions se voulaient exploratoires. Il ne s’agissait pas à proprement parler de discussions entreprises dans le cadre d’un litige afin d’y mettre fin.

[27]           Il convient d’ailleurs de rappeler sur ce point que la Requérante a procédé au contre-interrogatoire de M. Charron. Or, aucune objection ni aucune réserve quant à la recevabilité du témoignage de M. Charron n’a été soulevée lors de ce contre-interrogatoire. Au contraire, plusieurs des questions posées portaient précisément sur le contexte des discussions survenues entre MM. Charron et Mounir. Il ressort clairement des réponses fournies par M. Charron qu’il s’agissait de « discussions exploratoires d’affaires » [voir les pp 10 à 13 de la transcription du contre-interrogatoire].

[28]           Pour conclure sur ce point, je conviens avec l’Opposante que l’affidavit de M. Charron est admissible en preuve.

Analyse

Le fardeau qui repose sur les parties

[29]           C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motifs d’opposition

[30]           Je débuterai mon analyse par le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.

Absence de caractère distinctif de la Marque

[31]           L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, puisqu’elle ne peut véritablement distinguer, et n’est pas adaptée à distinguer les Marchandises des marchandises et services en liaison avec lesquels l’Opposante et son prédécesseur en titre, Métro Richelieu, ont employé et emploie encore les marques listées en annexe de ma décision.

[32]           L’Opposante ajoute à cet égard que les marques IRRESISTIBLES et IRRESISTIBLES & dessin précitées ont été employées au Canada par elle et Métro Richelieu antérieurement au 19 août 2009, et le sont encore par l’Opposante, en liaison avec les marchandises suivantes (ci-après référées les Produits) :

- (1) Céréales; pains et pains plats; tartes; beurre d’arachide; biscuits; café; jus de fruits; poisson et fruits de mers [sic]; serviettes de table; boissons non alcoolisées; fines herbes et épices; fromage; œufs; pâtes alimentaires; sirop d’érable; croustilles et amuses gueules; huiles comestibles; tartinades

- (2) Craquelins; croûtons; gâteaux; mouchoirs; plats cuisinés (lasagne); confitures et marmelade; tisanes; beurre; crème glacée et friandise glacée; lait; légumes; margarine; chocolat et confiserie; vinaigrettes; sauces asiatiques; sorbets; viande; vinaigre; canapés; yogourt; fruits; moutarde; pizza; sauces pour viande et poisson; viennoiserie; légumineuses; sauces pour pâtes; tourtières et pâtés à la viande; marinades pour viande et poisson; miel

- (3) Ketchup; nourriture pour chiens et chats; bouillon; sauces pour dessert.

[33]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer que l’une ou plusieurs de ses marques IRRESISTIBLES était (étaient) devenue(s) suffisamment connue(s) au Canada à la date de la déclaration d’opposition, soit le 7 mars 2011, de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF 1re inst)].

[34]           Tel qu’il ressortira de ma revue de la preuve de l’Opposante discutée ci-après, ce fardeau a été rencontré par l’Opposante, à tout le moins en ce qui a trait à sa marque nominale IRRESISTIBLES.

[35]           Puisque l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant, la Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, il n’y avait pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[36]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[37]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

[38]           Dans l’arrêt Masterpiece précité, la Cour suprême aborde l’importance du degré de ressemblance en ces termes :

[49] [...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au paragr. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. Ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires. En conséquence, certains prétendent que l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion [...].

[39]           Dans les circonstances de l’espèce, j’estime qu’il convient de commencer par l’analyse du degré de ressemblance entre les marques des parties.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[40]           Les marques de commerce des parties sont identiques. En conséquence, comme le raisonnement de Masterpiece l’indique, les facteurs restants doivent être évalués attentivement, puisqu’ils ont une importance accrue dans le présent cas.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[41]           Les marques des parties possèdent un caractère distinctif inhérent équivalent dans le contexte des marchandises et/ou services leur étant associés. Elles ont toutes deux un caractère élogieux. En cela, je suis d’avis que leur caractère distinctif inhérent est relativement faible.

[42]           Je conviens toutefois avec l’Opposante que la mesure dans laquelle ces marques de commerce sont devenues connues la favorise nettement.

[43]           Tel qu’indiqué plus haut, la présente demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada et la Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi de celle-ci.

[44]           Par comparaison, la preuve de l’Opposante, introduite par le biais de l’affidavit de M. Cournoyer, établit ce qui suit :

         Metro Inc. est une entreprise du secteur alimentaire et pharmaceutique présente au Québec et en Ontario. Metro Inc., Metro Richelieu et l’Opposante font partie du même groupe de sociétés. Metro Inc. et Metro Richelieu sont les seules associées de l’Opposante. Metro Inc. compte plus de 60 ans d’expérience dans l’industrie de l’alimentation et exploite, à titre de détaillant ou de distributeur, différentes bannières dans les segments de supermarchés et de magasins d’escompte [paragraphes 5-7];

         l’Opposante a acquis tous les droits, titres et intérêts, notamment dans les marques de commerce IRRESISTIBLE et IRRESISTIBLES, ainsi que dans les marques liées à celles-ci, de Métro Richelieu le 31 août 2007 [paragraphe 8 et copie de la cession produite comme pièce FC-1];

         Metro Richelieu a commencé à employer la marque THE-LES IRRESISTIBLES au Canada en 2002 en liaison avec divers produits alimentaires. En 2003, Metro Richelieu a commencé à employer la marque de commerce IRRESISTIBLE au Canada en remplacement de la marque de commerce THE-LES IRRESISTIBLES, toujours en liaison avec des produits alimentaires [paragraphe 9];

         en septembre 2007, l’Opposante a commencé à employer la marque de commerce IRRESISTIBLES au Canada en remplacement de la marque de commerce IRRESISTIBLE, toujours en liaison avec des produits alimentaires. Elle a continué à employer la marque IRRESISTIBLE de façon parallèle à la marque IRRESISTIBLES pendant une période d’environ deux ans et demie, soit la période de temps requise pour introduire les nouveaux produits et faire une transition des anciens produits [paragraphes 11 et12];

         l’Opposante a employé la marque de commerce IRRESISTIBLES de façon continue au Canada en liaison avec des produits alimentaires, notamment en liaison avec les Produits décrits au paragraphe 32 de ma décision [paragraphe 13];

         à la date de signature de l’affidavit, il existait 1100 unités de gestion des stocks (en anglais « skus ») de tels Produits [paragraphe 14];

         la marque de commerce IRRESISTIBLES est employée depuis au moins aussi tôt que 2007 avec les Produits (1), 2008 avec les Produits (2), et l’été 2009 avec les Produits (3) [paragraphe 13];

         la marque de commerce IRRESISTIBLES consiste en une marque privée. Il en était de même des marques LES-THE IRRESISTIBLES et IRRESISTIBLE [paragraphes 3 et 15];

         les Produits sont vendus par Metro Richelieu dans le cours de ses activités, principalement à des marchés d’alimentation arborant les bannières METRO et METRO PLUS (ci-après les Marchés d’alimentation), qui les revendent ensuite aux consommateurs [paragraphe 17];

         le réseau des Marchés d’alimentation comptait au moins 240 magasins en 2003 et au moins 370 en 2011. Les Produits ont été vendus dans tous ces magasins [paragraphe 18];

         depuis au moins aussi tôt qu’octobre 2003, les ventes des Produits par Metro Richelieu, ainsi que des marchandises visées par les marques de commerce LES-THE IRRESISTIBLES et IRRESISTIBLES, aux Marchés d’alimentation ont excédé 940 000 000 dollars. Un tableau détaillant ces ventes par année, est inclus [paragraphe 19]; et

         de 2003 à septembre 2006 inclusivement, Metro Richelieu a vendu à des Marchés d’alimentation, une bière sous la marque IRRESISTIBLE qui était vendue aux consommateurs dans ces marchés [paragraphe 26].

[45]           Au soutien de ses affirmations d’emploi, M. Cournoyer joint les documents suivants :

       Pièce FC-2  en liasse : des spécimens d’emballage de Produits arborant la marque IRRESISTIBLES, représentatifs de ceux utilisés depuis 2007, tels que vendus dans les Marchés d’alimentation;

       Pièce FC-3 en liasse : des photographies d’emballage de Produits et des marchandises visées par les marques de commerce LES-THE IRRESISTIBLES et IRRESISTIBLES, représentatifs de ceux utilisés depuis 2002;

       Pièce FC-4 en liasse : des extraits de copies de factures de ventes de Produits et de marchandises visés par les marques de commerce LES-THE IRRESISTIBLES et IRRESISTIBLES, s’échelonnant de 2003 à 2011, représentatives des factures datant de cette période pour l’ensemble des Produits et marchandises;

       Pièce FC-5 en liasse : des spécimens de circulaires destinées aux Marchés d’alimentation s’échelonnant de 2003 à 2011, représentatives des autres circulaires datant de cette période. M. Cournoyer précise entre autres que depuis 2003, à chaque semaine, des millions de telles circulaires sont distribuées ou mises à la disposition des clients des Marchés d’alimentation. En 2005, au moins 2,5 millions de circulaires étaient ainsi distribuées ou mises à la disposition des clients à chaque semaine alors qu’en 2011, le nombre de circulaires a augmenté à environ 6,5 millions à chaque semaine, dont 3,5 millions en Ontario et 3 millions au Québec;

       Pièce FC-6 : une copie d’une critique parue dans le Journal 24H pour la région de Montréal, édition du 16-17 avril 2011, commentant entre autres pizzas, celle de l’Opposante commercialisée sous la marque IRRESISTIBLES.

[46]           Il convient à ce stade-ci de mon analyse de préciser que je conviens avec l’Opposante que l’emploi fait des marques LES-THE IRRESISTIBLES et IRRESISTIBLE, selon le cas, vaut pour l’emploi de la marque IRRESISTIBLES [voir Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc c Prodesign (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

[47]           Compte tenu des chiffres de vente et de la publicité réalisée au moyen des millions de circulaires distribuées à chaque semaine au Québec et en Ontario, mis en preuve par M. Cournoyer, j’estime raisonnable de conclure que la marque IRRESISTIBLES de l’Opposante est très bien établie au Canada et y est devenue connue substantiellement, à tout le moins dans les provinces du Québec et de l’Ontario. Cette reconnaissance renforce du coup le caractère distinctif de la marque IRRESISTIBLES de l’Opposante.

[48]           Par conséquent, mon appréciation globale de ce premier facteur qui est une combinaison des caractères distinctif inhérent et acquis des marques en cause favorise nettement l’Opposante.


La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[49]           Compte tenu des mes commentaires précédents, ce facteur favorise également nettement l’Opposante.

Le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[50]           Les Marchandises de la Requérante consistent en des vins alors que la marque IRRESISTIBLES de l’Opposante est employée de façon continue au Canada depuis 2007 en liaison avec plus de mille produits alimentaires de toutes sortes et dans des catégories très variées couvrant un très large spectre, incluant notamment des jus de fruits et des boissons non alcoolisées, des sauces et des marinades.

[51]           La Requérante soutient que les produits offerts en liaison avec la marque IRRESISTIBLES de l’Opposante se distinguent totalement des vins de la Requérante. Elle soutient notamment qu’il existe des différences notoires entre un vin et un produit alimentaire dont un ingrédient est le vin, comme des sauces, veloutés et marinades. Se référant à l’affaire Mattel précitée à l’effet qu’« il faut accorder une certaine confiance au consommateur moyen », la Requérante soutient qu’il est improbable, voire impossible, que les clients qui achèteront les vins de la Requérante se tromperont en faisant leur achat puisqu’il y a une différence majeure entre l’achat d’un vin d’une part, et l’achat d’une sauce, d’un velouté ou d’une marinade comprenant du vin, d’autre part.

[52]           L’Opposante soutient au contraire qu’en ce qui a trait d’abord aux canaux de distribution, il y a lieu de garder à l’esprit que les marchandises de l’Opposante commercialisées sous la marque IRRESISTIBLES sont vendues dans plus de 370 marchés d’alimentation opérant sous les bannières METRO et METRO PLUS et qu’il appert des circulaires produites sous la pièce FC-5 à l’affidavit de M. Cournoyer, que des vins sont vendus dans les mêmes établissements où sont vendus les produits alimentaires de marque IRRESISTIBLES de l’Opposante. L’Opposante réfère notamment aux circulaires suivantes :

       Édition du 10 au 16 novembre 2003 faisant notamment la promotion de la bière IRRESISTIBLE; et

       Éditions du 22 au 28 décembre 2003 (à la 4e page); du 8 au 14 mars 2004 (à la 3e page); du 26 avril au 2 mai 2004 (à la 2e page); du 17 au 23 mai 2004 (à la 5e page); du 12 au 18 juillet 2004 (à la 4e page); du 2 au 8 août 2004 (à la 6e page); du 9 au 15 août (à la 4e page); du 27 septembre au 3 octobre 2004 (à la 2e page); du 25 au 31 octobre 2004 (à la 3e page); du 1er au 7 novembre 2004 (à la 2e page); du 6 au 12 décembre 2004 (à la 6e page); du 17 au 23 janvier 2005 (à la 3e page); du 7 au 13 février 2005 (à la 3e page); du 21 au 27 février 2005 (à la 4e page); du 4 au 10 avril 2005 (à la 4e page); du 20 au 26 juin 2005 (à la 5e page); du 5 au 11 février 2009 (à la 3e page); du 5 au 11 mars 2009 (à la 4e page); et du 23 au 29 avril 2009 (à la 2e page) faisant la promotion de vins et de produits de marque IRRESISTIBLES sur la même page.

[53]           Je conviens avec l’Opposante que ceci démontre sans aucun doute que du vin est vendu dans les supermarchés opérant sous les bannières METRO et METRO PLUS, et que le vin est susceptible d’emprunter les mêmes canaux de distribution que les produits de marque IRRESISTIBLES de l’Opposante. Tel que souligné à juste titre par l’Opposante, il est d’ailleurs révélateur que le président de la Requérante ait abordé Mme Patenaude et M. Charron pour que du vin de marque IRRESISTIBLES soit commercialisé dans les marchés d’alimentation opérant sous les bannières METRO et METRO PLUS.

[54]           En ce qui a trait au genre de marchandises des parties, l’Opposante fait valoir notamment que les vins de la Requérante et les boissons non alcoolisées de l’Opposante consistent en des boissons pour consommation humaine. L’Opposante souligne également que ses bouteilles de jus pétillant de marque IRRESISTIBLES sont en vitre et empruntent une forme semblable à celle généralement utilisée pour la commercialisation de vin pétillant [voir les pièces FC-3 et FC-5 jointes à l’affidavit de M. Cournoyer]. L’Opposante rappelle de plus le fait que de 2003 à septembre 2006 inclusivement, Metro Richelieu a vendu à des Marchés d’alimentation, une bière sous la marque IRRESISTIBLE qui était vendue aux consommateurs. S’appuyant notamment sur l’affaire T. Eaton c Viking GmbH & Co (1998) 86 CPR (3d) 382 (COMC), l’Opposante fait valoir que pareil emploi passé en liaison avec de la bière milite en faveur d’une « connexité » très forte en ce qu’il démontre que le concept d’« extension naturelle » au domaine des boissons alcoolisées consiste ici en un fait avéré, plutôt qu’en une simple hypothèse. L’Opposante ajoute que ceci s’avère d’autant plus vrai dans le présent cas comme la marque IRRESISTIBLES de l’Opposante consiste en une marque privée, commercialisée avec liaison avec une vaste gamme de marchandises, et dont l’expansion a connu une progression constante au fil des ans.

[55]           L’Opposante trace enfin un parallèle entre le présent dossier et les affaires Heineken Brouwerijen BV c Marcon (2012), 105 CPR (4th) 468 (COMC); Société Anonyme des Eaux Minérales d’Evian c Marcon, 2010 COMC 83 (CanLII); MHCS c Marcon, 2012 COMC 195 (CanLII); et Sobeys Capital Incorporated c Julia Wine Inc, 2014 COMC 34 (CanLII), dans lesquelles le concept de « connexité » et/ou d’« extension naturelle » a été retenu par le registraire malgré le fait que les marchandises en cause différaient de par leur nature intrinsèque.

[56]           Je suis généralement d’accord avec l’Opposante.

[57]           Il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que les parties œuvrent dans le même domaine général ou la même industrie, ou que leurs marchandises et services respectifs soient du même type ou de la même qualité, pour qu’il existe une probabilité de confusion. Comme l’indique l’article 6(2) de la Loi, la confusion peut être créée « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ».

[58]           Bien que l’Opposante ne vende pas de vins sous sa marque privée IRRESISTIBLES en tant que telle, la preuve de l’Opposante établit clairement que des vins sont offerts en vente dans les supermarchés METRO et METRO PLUS.

[59]           En l’absence de toute preuve contraire, l’on ne peut exclure que les vins de la Requérante puissent être offerts en vente dans les mêmes types de supermarchés que ceux de l’Opposante. Les démarches entreprises par le président de la Requérante auprès de Mme Patenaude et de M. Charron vont dans le même sens.

[60]           Également, bien que l’Opposante ne vende pas de vins ou de boissons alcoolisées sous sa marque privée IRRESISTIBLES, l’on ne peut exclure que pareils produits puissent être considérés comme une extension naturelle de la vaste gamme de produits IRRESISTIBLES commercialisés par l’Opposante, étant donné l’essor continu des produits de marque privée de l’Opposante, d’autant plus que le prédécesseur en titre de celle-ci a, de fait, commercialisé par le passé une bière sous la marque IRRESISTIBLE.

[61]           Mon appréciation globale des troisième et quatrième facteurs milite en faveur de l’Opposante.

Circonstance additionnelle – l’état du registre

[62]           Tel qu’indiqué plus haut, la Requérante a produit en preuve des copies certifiées de quelque neuf enregistrements et deux demandes d’enregistrement de marques de commerce ayant comme composante le mot IRRESISTIBLE employé en combinaison avec d’autres mots ou composantes.

[63]           La Requérante fait valoir que ces enregistrements et demandes démontrent qu’il existe de nombreuses marques de commerce enregistrées au nom de tiers incorporant le mot IRRESISTIBLE (ou IRRESISTIBLES), en plus d’être associées à des produits d’alimentation, des collations, des produits de confiserie, des appareils ménagers et des accessoires de cuisine, des produits de soins personnels et de beauté, des cartes de souhaits et des jouets. La Requérante ajoute que ces produits se retrouvent généralement dans les épiceries et marchés d’alimentation tels ceux opérés par l’Opposante et ses entreprises liées.

[64]           La preuve de l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où on peut en tirer des conclusions concernant l’état du marché, et des conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont relevés [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[65]           En l’occurrence, je suis plutôt d’avis de conclure que la preuve de l’état du registre mise de l’avant par la Requérante s’avère insuffisante en soi pour permettre de tirer des inférences quant à l’état du marché et l’assister de manière significative dans le présent dossier.

[66]           En effet, tel que relevé par l’Opposante, seulement six de ces enregistrements de marques de commerce concernent des produits alimentaires. Le reste concerne des peluches, des électroménagers, des parfums, cosmétiques et/ou autres produits pour le corps. Quant aux demandes en instance, seulement une aurait atteint le stade de l’avis d’admission, et encore, concernerait uniquement des cartes de souhaits. Je partage l’avis de l’Opposante que l’on ne saurait dès lors parler d’un grand nombre d’enregistrements pertinents.

Conclusion – probabilité de confusion

[67]           Tel qu’indiqué plus haut, le test en matière de confusion consiste à se demander si une personne qui conserve un souvenir imparfait de la marque de l’Opposante pourrait conclure, sur la base de la première impression, que les Marchandises de la Requérante associées à la Marque proviennent de la même source ou sont autrement reliées ou associées aux marchandises de l’Opposante. J’estime que tel est le cas.

[68]           Tel qu’indiqué plus haut, la marque IRRESISTIBLES de l’Opposante jouit d’une reconnaissance substantielle au Québec et en Ontario. Cette reconnaissance, combinée au fait que la marque privée de l’Opposante est employée avec plus de 1 000 produits variés vendus en épicerie, pourrait conduire un consommateur à faire un rapprochement mental entre les vins de la Requérante et les produits de l’Opposante. Comme le prédécesseur en titre de l’Opposante a commercialisé, de fait, des bières alcoolisées par le passé, et que l’Opposante commercialise nombre de boissons non alcoolisées sous sa marque privée IRRESISTIBLES, pour ne nommer que ces produits, et qu’elle vend déjà par ailleurs des vins dans ses supermarchés, j’estime un tel rapprochement dans l’esprit du consommateur raisonnable et probable.

[69]           Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre la Marque et la même marque de l’Opposante à la date de production de la déclaration d’opposition.

[70]           J’accueille donc le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.


Motif fondé sur l’article 30(i) de la Loi

[71]           Tel qu’indiqué plus haut, l’Opposante a plaidé que la présente demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(i) de la Loi puisque la Requérante ne pouvait pas être, et ne peut toujours pas être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque en liaison avec les Marchandises puisque la présente demande a été produite dans le but de frustrer les droits de l’Opposante sur ses marques de commerce, et puisque la Requérante a adopté un modus operandi consistant à produire des demandes d’enregistrement relatives à des marques bien connues dans des domaines identiques ou connexes au Canada.

[72]           Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30(i) de la Loi, un motif d’opposition fondé sur pareil article ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsque la preuve démontre que le requérant était de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)].

[73]           La date pertinente pour l’appréciation des circonstances relatives à ce motif d’opposition est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)]. De plus, le fardeau de preuve de l’Opposante relatif à ce motif d’opposition est moins lourd puisque la Requérante connaît mieux les faits permettant d’établir qu’elle est convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque [voir Cerveceria Modelo SA de CV c Marcon (2008), 70 CPR (4th) 355 (COMC) 645-365].

[74]           En l’occurrence, l’Opposante fait valoir que la preuve démontre, du moins à première vue, que la Requérante a adopté un modus operandi consistant à produire des demandes d’enregistrement de marques bien connues dans des domaines identiques ou connexes au Canada.

[75]           L’Opposante fait valoir en outre que l’on ne peut expliquer autrement que la Requérante ait produit le même jour les demandes d’enregistrement suivantes en plus de la présente demande :

       Demande no 1,448,752 pour la marque CHOIX DU PRÉSIDENT en liaison avec du vin; et

       Demande no 1,448,754 pour la marque COMPLIMENTS en liaison avec du vin.

[76]           Pour appuyer sa position, la Requérante réfère au paragraphe 27 de l’affidavit de M. Cournoyer dans lequel ce dernier explique que la marque LE CHOIX DU PRÉSIDENT est la marque privée plus haut de gamme de la société Loblaws qui peut se comparer à la marque IRRESISTIBLES de l’Opposante, et que la marque COMPLIMENTS est la marque privée de la société Sobeys. M. Cournoyer précise qu’il existe deux grands groupements de bannières de supermarchés au Québec et en Ontario en plus de celles exploitées par Metro Richelieu, qui sont les principaux concurrents de l’Opposante dans ce domaine, soit Sobeys (notamment les bannières IGA, IGA EXTRA et SOBEYS) et Loblaws (notamment les bannières LOBLAWS et PROVIGO).

[77]           Bien que M. Cournoyer ne soit pas un témoin indépendant dans le présent dossier, j’estime raisonnable d’avoir foi en ses explications. De par ses fonctions actuelles et passées au sein de l’Opposante depuis 1991 (il a occupé auparavant plusieurs postes, dont les postes de Directeur, Négociation et Développement des affaires, Directeur, Support, Opérations, Grossistes, Conseiller en processus de gestion et Coordonnateur des achats), M. Cournoyer est certainement bien placé pour témoigner des principaux concurrents de l’Opposante. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une opinion personnelle mais plutôt de faits à la connaissance de M. Cournoyer. Qui plus est, ses affirmations sont corroborées par les copies certifiées des enregistrements détenus respectivement par les sociétés Loblaws et Sobeys concernant les marques de commerce LE CHOIX DU PRÉSIDENT et COMPLIMENTS, ayant été produites en preuve par l’Opposante.

[78]           Je conviens avec l’Opposante qu’il est difficilement explicable que la Requérante ait produit la même journée des demandes d’enregistrement, en liaison avec du vin, de marques identiques à trois marques privées enregistrées en liaison avec une gamme étendue de produits alimentaires.

[79]           Je conviens également avec l’Opposante que la Requérante avait toute la latitude d’expliquer la situation dans un affidavit, ce qu’elle a décidé de ne pas faire malgré l’existence du présent motif d’opposition et la preuve produite par l’Opposante au soutien de celui-ci ayant expressément pour but de défier la Requérante sur ce point.

[80]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial.

[81]           Faute de preuve de la part de la Requérante, j’estime que celle-ci ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime de démontrer qu’elle pouvait se déclarer convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au moment de la production de la présente demande. Conséquemment, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi.

Autres motifs d’opposition

[82]           Comme j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposante sous deux motifs d’opposition, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les motifs d’opposition restants.

Décision

[83]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande en application de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 


Annexe

 

Marque

Nenr. ou de demande

Date d’enr. ou de production de la demande

Marchandises et/ou services

IRRESITIBLE À CAUSE DES INGRÉDIENTS BECAUSE OF THE INGREDIENTS

 

TMA774,055

 

2010-08-10

 

Marchandises :

(1)Pain, crème glacée, jus de légumes, tartes.

Services :

(1)Opération de magasins d'alimentation

 

Déclaration d’emploi déposée le 14 juillet 2010

 

IRRESISTIBLE À CAUSE DES INGRÉDIENTS

TMA796,552

 

2011-05-03

Marchandises :

(1) Pains biologiques, quiches, pâtes au poulet et fenouil, tartes, jus de fruits et légumes; crème glacée.

Services :

(1) Opération de magasins d'alimentation.

Employée au CANADA depuis aussi tôt que février 2006 en liaison avec les marchandises.
Employée au CANADA depuis aussi tôt que mars 2006 en liaison avec les services.

 

IRRESISTIBLES

1,344,171

2007-04-19

Marchandises :

(1) Produits et articles alimentaires et non alimentaires qui peuvent être vendus dans un commerce d'alimentation au détail, nommément, croutons, gâteaux, jus de fruits, jus d'orange, jus de pamplemousse, jus de pomme, câpres, nectars, charcuterie, légumes en conserve, saumon, saumon fumé, miel, huile d'olive, canapés assortis, coquilles St-Jacques, vinaigrettes, filets de sole, feuilletés suisses, poissons fumés, bûches de Noël, mini-profiteroles au chocolat, fromages, fudge et sucre à la crème, gaufrettes, pétoncles, carottes, beurre à saveur, couronnes de crevettes avec sauce, canapés de fruits de mer, délices asiatiques, sauce cocktail de fruits de mer, crevettes, mélanges de crevettes et pétoncles, mélanges de fruits de mer, calmars, fruits de mer, langoustines, cuisses de grenouilles, biscuits, barres glacées, tartinade pralinée, vinaigre aromatisé, salade de fruits frais, craquelins, pâtes, tisanes, huiles biologiques, épices, moutarde, moutarde de Dijon, quiches, tartes, feuilletés suisse aux céréales, coeur de palmiers et d'artichauds, chaudrée de palourdes, huile de noix, desserts surgelés, éclairs, sauces fraîches, pommes de terre, crème glacée, tartinades de fruits, café, sorbets, pattes de crabe des neiges, vinaigre de riz, tilapia, tomates, trempettes de légumes, mousse de fruits de mer, pâtés trois-viandes et saumon, truites, palourdes, stir-fry, foccacia, oeufs, sauces pour pâtes alimentaires, nommément […], tapenade artichauts et citron, tapenade olives noires et herbes, tapenade aux olives vertes, tapenade aux champignons portobello, tapenade aux tomates et poivrons rouges rôtis; sauces en enveloppe, nommément […]; marinades, nommément marinade pour viande vin rouge et échalote, marinade pour poulet vin blanc et estragon et marinade pour poisson citron et poivre; sauce au vin, sauce forestière, sauce barbecue, sauce au poulet, sauce hot-chicken, sauce pour poutine, sauces prêtes à servir nommément aux trois poivres, bordelaise, dijonnaise, velouté de volaille, vin blanc, mornay et citron et poivre; sauces asiatiques, nommément […]; sauces à trempettes, nommément […]; sauces vinaigrettes, nommément […], vinaigre balsamique […]; sauces desserts, nommément […]; tourtières, pains biologiques, pâtes au poulet et fenouil, croustilles, lait, sirops, nommément […]; breuvages au chocolat, nommément […]; fruits secs, thé, mélasse, huile de soya, légumes en conserve, ketchup, jus de tomates, fruits en conserve, fèves au lard, pâtes de tomates, riz, confitures et marmelades, breuvages à saveur de fruits, nommément […]; gelées en poudre, tartinade au caramel, sauce aux pommes, eau minérale, eau de source, pois à soupe, liqueurs douces, mélanges à gâteaux, soupes en conserve, farine, relish, marinades, cristaux en enveloppe, nommément cristaux pour préparer des jus à saveurs variées non alcoolisés; arachides, jus de légumes, beurre d'arachide, thon, céréales, nommément […]; cerises, menthes, oignons, shortening, boeuf, porc, veau, agneau, poulet, jambon, mets surgelés, nommément […]; poisson, boulangerie nommément […], boissons gazeuses, condiments, friandise glacée, desserts, amuse-gueule, fines herbes et épices, fruits, légumes, glaçage à gâteau, huiles comestibles, légumineuses, mayonnaise et sauce à salade, noix, pains plats, pâtes alimentaires, poisson, viande, sauces pour fruits et légumes, sauces pour viande et poisson, sauces aux fruits, pâtés à la viande, viennoiseries, trempettes, vinaigre, yogourts, apprêts à salade, margarine, beurre et produits non-alimentaires, nommément adoucisseurs de tissu, eau de javel, nettoyeurs à vitres, nettoyeurs tout usage, savons en pain, papier de toilette, papier d'aluminium, sacs à ordures, papiers mouchoirs, cure-oreilles, ampoules, papier ciré, essuie-tout, shampooings, diachylons, ouate, serviettes sanitaires, serviettes de table, couches pour bébé, poudre et huile pour bébé, revitalisants et bain de mousse, assiettes et gobelets, détersifs pour la lessive et pour la vaisselle, nourriture pour chiens et chats, litière.

Services

(1) Services d'exploitation de magasins d'alimentation.

Emploi projeté au CANADA.

 

IRRESISTIBLES & dessin

1,452,360

2009-09-18

Marchandises

(1) Céréales; pains et pains plats.
(2) Tartes.
(3) Beurre d'arachide; biscuits; café; jus de fruits; poisson et fruits de mers; serviettes de table.
(4) Boissons non alcoolisées, nommément boissons aux fruits de type champagne non alcoolisées; fines herbes et épices; fromage; oeufs; pâtes alimentaires; sirop d'érable.
(5) Croustilles et amuse-gueule; huiles comestibles; tartinades.
(6) Craquelins; croûtons; gâteaux; mouchoirs; plats cuisinés (lasagne).
(7) Confitures et marmelade; tisanes.
(8) Beurre; crème glacée et friandise glacée; lait; légumes; margarine.
(9) Vinaigrettes.
(10) Sauces asiatiques.
(11) Sorbets; viande; vinaigre.
(12) Canapés assortis; yogourt.
(13) Fruits; moutarde; pizza; sauces pour viande et poisson; viennoiserie.
(14) Légumineuses; sauces pour pâtes; tourtières et pâtés à la viande.
(15) Marinades pour viande et poisson; miel.
(16) Ketchup; nourriture pour chiens et chats.
(17) Bouillon; sauces pour dessert.
(18) Produits alimentaires nommément, bagels; boissons gazeuses; breuvages non alcoolisés nommément, eau vitaminée; condiments, nommément chutney, raifort, gelée de menthe, câpres; crème anglaise et pâtissière; cristaux en enveloppe pour préparer des jus à saveurs variées non alcoolisés; eau de source ou minérale; farine; feuilletés; fèves au lard; gelées en poudre; glaçage à gâteau; jus de légumes; marinades; mayonnaise et sauce à salade; mélanges à gâteaux; mélasse; muffins; nectars; noix et arachides; pâtes de tomate; quiches; relish; riz; sauces pour fruits et légumes; sauces aux fruits; shortening; sirop au chocolat; sirop de maïs; sirop de table; soupes; thé; trempettes.

Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que août 2007 en liaison avec les marchandises (1).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que septembre 2007 en liaison avec les marchandises (2).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que octobre 2007 en liaison avec les marchandises (3).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que novembre 2007 en liaison avec les marchandises (4).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que décembre 2007 en liaison avec les marchandises (5).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que janvier 2008 en liaison avec les marchandises (6).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que février 2008 enliaison avec les marchandises (7).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que mars 2008 en liaison avec les marchandises (8).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que avril 2008 en liaison avec les marchandises (9).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que juin 2008 en liaison avec les marchandises (10).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que juillet 2008 en liaison avec les marchandises (11).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que août 2008 en liaison avec les marchandises (12).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que septembre 2008 en liaison avec les marchandises (13).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que octobre 2008 en liaison avec les marchandises (14).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que novembre 2008 en liaison avec les marchandises (15).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que février 2009 en liaison avec les marchandises (16).
Employée au CANADA depuis au moins aussi tôt que juillet 2009 en liaison avec les marchandises (17).
Emploi projeté au CANADA en liaison avec les marchandises (18).

IRRESISTIBLE

1,329,344

2006-12-21

 

Sensiblement les mêmes marchandises que celles décrites sous la demande no 1,452,360

 

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