Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS
Référence : 2010 COMC 147
Date de la décision : 2010-09-09
DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Aird & Berlis LLP, visant l’enregistrement no LMC553902 de la marque de commerce VIRGIN, no LMC553903 de la marque de commerce VIRGIN dessin et no LMC573241 de la marque de commerce VIRGIN & Dessin (bouteille) au nom de Virgin Enterprises Limited
[1] Le 31 octobre 2007, à la demande de Aird & Berlis LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné les avis prévus à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi) à Virgin Enterprises Limited (l’Inscrivante) au sujet des enregistrements énumérés ci‑dessous :
• no LMC553902, relatif à la marque de commerce VIRGIN en liaison avec des « jus de fruits; boissons non alcoolisées, nommément boissons gazeuses, excluant les eaux minérales, les eaux gazeuses et les eaux de source; sirop et poudres pour la préparation de boissons gazeuses et de boissons non alcoolisées à base de fruits »;
• no LMC553903, relatif à la marque de commerce VIRGIN Dessin en liaison avec des « jus de fruits; boissons non alcoolisées, nommément boissons gazeuses, excluant les eaux minérales, les eaux gazeuses et les eaux de source; sirop et poudres pour la préparation de boissons gazeuses et de boissons non alcoolisées à base de fruits »;
• no LMC553903, relatif à la marque de commerce VIRGIN et Dessin (bouteille) en liaison avec des « boissons non alcoolisées, nommément boissons gazeuses, excluant eaux minérales, eaux gazeuses et eaux de source ».
La marque de commerce est bidimensionnelle et se compose du mot VIRGIN tel qu’il figure sur la bouteille. L’objet tridimensionnel dessiné en pointillés ne fait pas partie de la marque, il ne sert qu’à indiquer où est apposé le mot VIRGIN sur la bouteille.
[2] Suivant l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, le propriétaire inscrit doit démontrer, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente en ce qui a trait à l’emploi est la période allant du 31 octobre 2004 au 31 octobre 2007 (la Période pertinente). L’article 4 de la Loi définit ce qu’est l’emploi d’une marque de commerce. Le paragraphe 4(1) de la Loi s’applique à la présente instance.
[3] Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et pour effet d’offrir un moyen simple, sommaire et rapide de débarrasser le registre du « bois mort ». De simples affirmations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi [voir Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Ltd. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194 (C.F. 1re inst.); conf. par 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)]. Le destinataire d’un avis donné en vertu de l’article 45 doit produire des éléments de preuve indiquant comment il a employé la marque de commerce afin que le registraire puisse déterminer si les faits confirment qu’il y a eu emploi de la marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi. Toutefois, il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve s’il est possible de démontrer l’emploi d’une manière simple et directe [voir Union Electric Supply Co. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)]. Les ambiguïtés relevées dans la preuve s’interprètent à l’encontre des intérêts du propriétaire inscrit [voir Aerosol Fillers Inc., précitée].
[4] En réponse à chaque avis donné en vertu de l’article 45, l’Inscrivante a fourni un affidavit souscrit par M. Neil Hobbs le 25 avril 2008, accompagné de pièces numérotées de 1 à 33. Les affidavits étant pratiquement identiques, l’Inscrivante a fourni la même preuve pour les marques de commerce VIRGIN, VIRGIN Dessin et VIRGIN & Dessin (bouteille).
[5] Seule l’Inscrivante a présenté des observations écrites. Les deux parties étaient représentées à l’audience.
[6] L’agent de la Partie requérante a rappelé en plaidoirie que, dans la décision Aird & Berlis LLP c. Virgin Enterprises Ltd. (2009), 78 C.P.R. (4th) 306 (C.O.M.C.) [Virgin], l’agente d’audience Barnett a conclu qu’il y avait lieu de modifier l’état déclaratif des marchandises afférent à l’enregistrement LMC509209 en supprimant notamment les mots « boissons non alcoolisées, nommément, eau minérale, eau gazeuse, eau aromatisée, boissons gazeuses et boissons aromatisées aux fruits ». Il a fait valoir que la preuve soumise en l’espèce par l’Inscrivante étant, pour l’essentiel, identique à celle qui a été présentée dans l’affaire susmentionnée, sauf en ce qui concerne le vin, je devrais formuler la même conclusion. L’agent de l’Inscrivante lui oppose que cette dernière affaire se distingue de la présente espèce en raison de la preuve relative au vin, de la Période pertinente et du fait que l’enregistrement LMC509209 ne visait pas les « jus de fruits ». Je relève que, dans ses observations écrites, l’Inscrivante expose que la preuve doit s’apprécier dans son intégralité, non seulement dans le contexte de la présente instance mais aussi dans celui de la procédure prévue à l’article 45 introduite à l’égard de la marque VIRGIN portant le no d’enregistrement LMC509209. Cela dit, je reconnais que la décision Virgin n’avait pas été rendue à la date des observations écrites.
[7] Malgré les différences évoquées par l’Inscrivante, je conviens avec la Partie requérante que les questions soulevées en l’espèce ne diffèrent pas significativement de celles qui se posaient dans Virgin. Je me reporterai donc à cette décision lorsque cela me paraîtra indiqué. En outre, j’examinerai la preuve en fonction de sa pertinence à l’égard de l’état des marchandises afférent à chaque enregistrement et à l’égard des observations des parties en l’espèce. Sauf indication contraire, les mots « Marchandises visées par l’enregistrement », dans ma décision, constituent une mention générique applicable à chacun des états de marchandises afférents aux enregistrements. Je signale en outre que, dans chacun de ses affidavits, M. Hobbs parle des marques de commerce de l’Inscrivante composées du mot VIRGIN en employant l’expression générique « Marque Virgin », et mentionne expressément qu’elle désigne la marque faisant l’objet de la procédure prévue à l’article 45 à l’égard de laquelle l’affidavit est déposé. En conséquence, toute mention de la « Marque Virgin » dans les présents motifs vise, selon le cas, comme dans l’affidavit de M. Hobbs, chacune des marques de commerce VIRGIN, VIRGIN Dessin et VIRGIN & Dessin (bouteille).
[8] Les paragraphes 6 à 20 de l’affidavit de M. Hobbs portent de façon générale sur les opérations de l’Inscrivante et sur ses titulaires de licences. Ce dernier y déclare, en gros, que l’Inscrivante fait partie d’un groupe de sociétés collectivement appelées le « Virgin Group », au sein duquel elle détient, gère et protège la Marque Virgin pour le compte de ces titulaires, collectivement appelés « Licenciés Virgin », lesquels peuvent ou non être membres du Virgin Group et sont autorisés à employer la Marque Virgin au Canada et dans le monde entier. Dans tous les cas, l’Inscrivante contrôle la nature ou la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels la Marque Virgin est employée. Au cours des trente dernières années, l’Inscrivante a, par l’intermédiaire des Licenciés Virgin, employé la Marque Virgin [traduction] « en liaison avec un très large éventail d’entreprises » et « un éventail pareillement diversifié de marchandises et services ». L’affidavit comporte une estimation des dépenses engagées entre 1995 et 2001 pour la publicité et la promotion de la Marque Virgin dans le monde entier, dont une partie a été consacrée aux marchés canadien et américain. La Partie requérante fait toutefois valoir que cette preuve n’établit pas que la Marque Virgin a été employée au Canada pendant la Période pertinente, en liaison avec les Marchandises visées par l’enregistrement. Je lui donne raison à cet égard.
[9] En dépit de la longueur (150 paragraphes) de l’affidavit Hobbs, la preuve se rapportant aux Marchandises visées par l’enregistrement n’est présentée qu’aux paragraphes 115 à 131, relatifs à la présence de l’Inscrivante dans l’industrie des boissons en général et au Canada. Les paragraphes 132 à 139 se rapportent aux ventes de [traduction] « vins de marque Virgin ». Bien qu’elle reconnaisse que le « vin » ne figure pas parmi les « Marchandises visées par l’enregistrement », l’Inscrivante soutient que la vente de vin au Canada est pertinente pour la présente instance. J’examinerai cet argument plus loin.
[10] M. Hobbs déclare que l’Inscrivante a accordé à Virgin Drinks Group Limited (Virgin Drinks) – société du Royaume‑Uni, filiale en propriété exclusive du Vrigin Group – une licence autorisant la [traduction] « vente de certaines boissons gazeuses et de boissons alcoolisées » sous la Marque Virgin dans le monde entier. Les modalités de la licence s’appliquent aux [traduction] « filiales, licenciés, prédécesseurs en titre et autres membres du Virgin Drinks Group Limited », lesquels sont assujettis au contrôle direct ou indirect de l’Inscrivante en ce qui concerne la nature et la qualité des marchandises. M. Hobbs affirme que Virgin Drinks produit et distribue des boissons sous la Marque Virgin depuis 1994. Elle a d’abord concentré son activité sur les colas de première qualité, puis leur a ajouté les boissons énergétiques, les colas aromatisés, l’eau, le thé glacé et d’autres boissons gazeuses et boissons alcoolisées. Bien que la licence porte sur les boissons gazeuses, Virgin Drinks peut, au cas par cas et avec l’approbation de l’Inscrivante, autoriser des tiers à produire des boissons alcoolisées sous licence. Les produits sont vendus dans divers marchés, dont le Canada. La pièce 26 jointe à l’affidavit Hobbs réunit des copies de diverses pages du site Web www.virgindrinks.com où les produits sont annoncés.
[11] Pour ce qui est de l’activité de l’Inscrivante au Canada, M. Hobbs déclare qu’en 1999, Virgin Drinks a conclu une entente de franchise avec la société canadienne Leading Brands Inc., [traduction] « pour lancer, commercialiser et vendre des boissons Virgin Drinks dans le marché canadien ». La ligne de boissons Virgin Drinks a été lancée au Canada au mois de mai 2000. Elle comprenait [traduction] « cinq boissons gazeuses aromatisées et deux colas ainsi que des concentrés servent à la composition de boissons gazeuses et de boissons non alcoolisées à base de fruits ». Ces produits ont été distribués dans des établissements 7-Eleven à Vancouver et à Calgary, en Ontario et au Québec. D’avril à novembre 2000, [traduction] « il s’est vendu au Canada environ 474 410 litres de boissons gazeuses VIRGIN prêtes à boire » et [traduction] « l’entente de franchise conclue avec Leading Brands Inc. concernant la vente de boissons Virgin Drinks a généré des profits de plus de 90 000 $ pour Virgin Drinks ». Au paragraphe 124 de son affidavit, M. Hobbs indique que des [traduction] « [i]mprimés montrant des boissons Virgin Drinks représentatives des boissons vendues au Canada jusqu’en 2002 ont été inclus dans la pièce 26 ».
[12] Suivant la Partie requérante, l’Inscrivante reconnaît, par sa preuve, que la vente de ses boissons au Canada en application de l’accord de licence a pris fin en 2002. Je partage ce point de vue, et j’ajouterais que l’Inscrivante ne conteste pas ce fait, ainsi qu’il appert de l’extrait suivant de l’affidavit de M. Hobbs :
[traduction] 126) La relation entre Virgin Drinks et Leading Brands, Inc. s’est terminée en 2002. Malheureusement, le contexte commercial n’a pas été favorable ces derniers temps et Virgin a été incapable de trouver le partenaire qui lui aurait permis de commercialiser ses boissons au Canada. Les boissons Virgin sont commercialisées suivant un modèle de franchise, ce qui explique pourquoi il est primordial de trouver, avant le lancement, le bon partenaire et la bonne façon de vendre le produit. Virgin Drinks offre aux entreprises de « faire équipe » avec elle suivant le modèle de la franchise, et elle l’a fait au cours de la période triennale ayant précédé l’avis prévu à l’article 45, au moyen du site Web www.virgindrinks.com.
127) La pièce 26 montre que l’intérêt de Virgin Drinks à trouver le bon partenaire pour distribuer et vendre les boissons Virgin Drinks ne s’est jamais démenti. Les renseignements se trouvant dans le site Web www.virgindrinks.com sont représentatifs de l’information qui était accessible aux Canadiens pendant la période triennale ayant précédé l’avis prévu à l’article 45.
[13] Cela m’amène à l’examen de la preuve soumise par M. Hobbs au sujet de la vente de boissons Virgin Drinks au Canada par d’autres voies que le modèle de la franchise, en particulier par l’intermédiaire des établissements Virgin Megastore, à Vancouver, et Virgin Atlantic.
[14] M. Hobbs déclare que le Virgin Megastore de Vancouver, qui a été exploité de 1999 à septembre 2005, [traduction] « avait un Virgin Café qui servait à boire et à manger aux consommateurs »; une photographie du café a été déposée [pièce 29]. Je signale que le sujet de l’exploitation des Virgin Megastores en général est abordé aux paragraphes 21 à 26 de l’affidavit de M. Hobbs. Je partage toutefois l’opinion de la Partie requérante selon laquelle ces paragraphes ne renferment aucun élément de preuve permettant de conclure que des boissons portant la Marque Virgin ont été vendues au Canada. Qui plus est, même si je considérais que l’affidavit Hobbs établit qu’un Virgin Café a été exploité dans le Megastore de Vancouver, cet affidavit n’affirme manifestement pas que les boissons vendues dans ce café portaient la Marque Virgin ou qu’il s’agissait de Marchandises visées par l’enregistrement. Compte tenu du volume de renseignements contenus dans l’affidavit Hobbs, je pense que si des boissons visées par l’enregistrement avaient été vendues sous la Marque Virgin dans le Virgin Café jusqu’au mois de septembre 2005, il n’aurait pas été très ardu de le déclarer clairement et de fournir des exemples d’emploi. Globalement, je considère que la preuve relative à la vente de boissons au Virgin Café est ambiguë, et l’ambiguïté s’interprète contre l’Inscrivante.
[15] M. Hobbs affirme également que [traduction] « les gammes de produits Virgin Cola, Diet Cola et V-Mix ont été offertes aux passagers des vols de Virgin Atlantic et continuent de l’être ». Il est question de l’exploitation de Virgin Atlantic aux paragraphes 36 à 43 de l’affidavit Hobbs et, au paragraphe 130, le déposant répète que Virgin Atlantic a ajouté un itinéraire canadien à l’été 2001, et que des vols réguliers reliant Londres et Toronto ont été effectués pendant quelques mois. Ces vols ont été abandonnés, toutefois, [traduction] « en raison des conséquences financières et opérationnelles graves qu’a eues la tragédie du 11 septembre sur l’industrie du transport aérien à l’échelle mondiale ». La preuve établit donc clairement que les vols de Virgin Atlantic vers le Canada ont été supprimés en 2001, bien avant la Période pertinente.
[16] J’en arrive aux arguments de l’Inscrivante concernant la pertinence de la preuve que [traduction] « l’activité [de Virgin Group] dans l’industrie des boissons s’est étendue à la vente de [traduction] « vins de marque VIRGIN ». Je précise que ces arguments ont comme prémisse que l’édition canadienne du Webster’s Encyclopedic Dictionary définit « wine » comme une [traduction] « boisson à base jus de raisin fermenté » ou « boisson préparée à partir de plantes ou de jus de fruits fermentés ». Avant d’entreprendre l’examen de ces arguments, je résumerai la preuve relative à la vente au Canada de vins de marque Virgin Vines, par l’intermédiaire de Virgin Wine Online Limited, licenciée autorisée à employer la Marque Virgin.
[17] M. Hobbs déclare que les vins de marque Virgin Vines ont été présentés lors du Salon des vins d’Ottawa et du Toronto Gourmet Wine and Food Show tenus en novembre 2006. À la suite de ces foires, ils ont été vendus au Canada par l’intermédiaire de la Régie des alcools de l’Ontario. Plus de 1 000 caisses ont été vendues au Canada au mois de décembre 2006 et, en 2007, plus de 6 000 caisses ont été vendues. La copie d’une photographie [traduction] « montrant une bouteille de vin de marque Virgin Vines représentative des produits vendus au Canada en 2006 et 2007 » a été jointe à l’affidavit Hobbs (pièce 33).
[18] Dans ses observations écrites, l’Inscrivante soutient que la preuve de l’emploi de la Marque Virgin en liaison avec des vins démontre son intérêt à maintenir sa présence dans l’industrie des boissons. Tel que je le comprends, cet argument prétend que le vin étant une boisson, la vente de vins démontre la pérennité de l’intérêt de l’Inscrivante dans « l’industrie des boissons ». Dans sa plaidoirie, l’agent de l’Inscrivante a ajouté que, puisque le jus de fuit entre dans la confection du vin, l’interprétation large des Marques visées par l’enregistrement doit faire conclure au maintien des enregistrements. Il a invoqué à cet égard les décisions Sim & McBurney c. Rider Travel Group Inc. (2001), 15 C.P.R. (4th) 403 (C.O.M.C.), Molson Canada c. Kasierdon-Privatbrauverei Bamberg Wörner KG. (2005), 43 C.P.R. (4th) 313 (C.O.M.C.) et ConAgra Foods, Inc. c. Fetherstonaugh & Co. (2002), 23 C.P.R. (4th) 542 (C.F. 1re inst.) (ConAgra). Comme il fallait s’y attendre, l’agent de la Partie requérante ne partageait pas ce point de vue. Cette phrase lapidaire de l’agent résume son argumentation : [traduction] « [j]e donnerais du jus de fruit à mon enfant. Je ne lui donnerais pas de vin ».
[19] Bien que je convienne avec l’Inscrivante que l’état des marchandises dans les décisions précitées a été interprété de façon large ou généreuse, il reste que les faits de chaque affaire ont déterminé la décision rendue. D’abord, les décisions citées se distinguent de la présente affaire. Ensuite, j’estime particulièrement à propos le commentaire suivant du juge MacKay, dans ConAgra, affaire où l’enregistrement a été maintenu sur le fondement du sens purement botanique du mot « fruit » (p. 57) :
Je suis d’accord avec ConAgra pour dire qu’une interprétation raisonnable du membre de phrase « plats d’accompagnement à base de légumes et de fruits » utilisé dans la description des marchandises visées par la marque de commerce litigieuse comprendrait [traduction] des « plats d’accompagnement à base de légumes et de maïs, ou [des] plats d’accompagnement à base de légumes », si le maïs n’était pas un fruit. Une telle interprétation éviterait de radier une marque de commerce dont l’emploi est établi en conformité avec le paragraphe 45(1) en raison uniquement de l’ambiguïté de la description des marchandises qu’elle vise.
(Je souligne.)
[20] J’estime que l’état des marchandises afférent aux enregistrements en cause n’est pas ambigu et qu’il serait déraisonnable de conclure que les Marchandises visées par l’enregistrement comprennent le vin. L’Inscrivante me demande en bout de ligne d’accepter que l’emploi, pendant la Période pertinente, de la Marque Virgin au Canada en liaison avec du vin est suffisant pour en maintenir l’enregistrement en liaison avec des « jus de fruits ». Une telle interprétation serait excessive. Le « vin » et le « jus de fruits » sont deux choses différentes.
[21] Étant donné la preuve fournie par l’Inscrivante, je conclus que, pendant la Période pertinente, les marques de commerce VIRGIN, VIRGIN Dessin et VIRGIN & Dessin (bouteille) n’ont pas été employées au Canada en liaison avec les marchandises énumérées dans leur enregistrement.
[22] Il reste l’argument subsidiaire de l’Inscrivante voulant que des circonstances spéciales excusent le non‑emploi.
[23] Dans Virgin, précitée, l’agente d’audience Barnett a résumé ainsi les règles de droit applicables aux circonstances spéciales pouvant justifier le défaut d’emploi :
[42] Afin d’établir l’existence de circonstances spéciales, le propriétaire inscrit doit fournir la date où la marque de commerce a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date (par. 45(1) de la Loi); lorsque le défaut d’emploi ne se justifie pas par des circonstances spéciales, l’enregistrement est susceptible de radiation ou de modification (par. 45(3) de la Loi).
[43] Il est bien établi en droit que trois facteurs doivent être considérés pour déterminer s’il existe des circonstances pouvant justifier le défaut d’emploi; premièrement, la durée du défaut d’emploi de la marque de commerce; deuxièmement, l’existence de circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit qui expliqueraient le défaut d’emploi; et troisièmement, l’existence d’une intention sérieuse de reprendre dans un bref délai l’emploi de la marque (Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd., (1985) 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.)). Pour conclure à l’existence de circonstances spéciales, il faut qu’il soit satisfait au deuxième facteur (Scott Paper Limited c. Smart & Biggar et le Procureur général du Canada (2008), 65 C.P.R. (4th) 303 (C.A.F.)). Cela ne veut pas dire que les deux autres facteurs ne sont pas pertinents, mais pris isolément, ces deux facteurs ne constituent pas des circonstances spéciales.
[24] Comme il en a été fait mention, M. Hobbs a expliqué que le contexte commercial défavorable a empêché Virgin Drinks de trouver le bon partenaire pour recommencer à mettre les boissons Virgin Drinks en marché au Canada, mais que l’Inscrivante est toujours intéressée à investir le marché canadien et continue à chercher l’entreprise appropriée pour former un partenariat. Dans la décision Virgin, instance qui s’apparentait à la présente espèce, l’agente d’audience Barnett s’est exprimée ainsi au sujet de semblables explications :
[45] Les raisons pour lesquelles l’inscrivante n’a pas employé sa Marque en liaison avec les « boissons non alcoolisées […] » ne sont pas, à mon avis, adéquatement décrites comme des circonstances indépendantes de sa volonté. Tout comme dans l’affaire Ridout & Maybee c. A. Lassonde Inc. (2003), 28 C.P.R. (4th) 559 (C.O.M.C.), où l’on a fait valoir que le défaut d’emploi était attribuable aux difficultés que posait la recherche de fournisseurs, de distributeurs et de licenciés, les difficultés de l’inscrivante, en l’espèce, à trouver un partenaire franchisé compétent au Canada n’ont pas été décrites en détail. L’inscrivante a simplement indiqué que le [traduction] « contexte commercial » n’était pas [traduction] « favorable ». Les conditions du marché, en l’absence d’autres facteurs, ne sont généralement pas reconnues comme des circonstances spéciales [voir Lander Co. Canada c. Alex Macrae & Co., (1993) 46 C.P.R. (3d) 417 (C.F. 1re inst.)]. De plus, comme l’indique M. Hobbs dans son affidavit, à savoir que [traduction] « Virgin a axé ses activités sur d’autres territoires clés où les conditions sont plus favorables », la décision de ne pas employer la Marque au Canada pendant une période prolongée de cinq ans semble constituer une décision d’ordre opérationnel prise délibérément par l’inscrivante.
[25] Je conviens que l’affidavit Hobbs ne renferme aucune déclaration portant que l’Inscrivante met l’accent sur ses opérations dans d’autres territoires clés présentant des conditions plus propices, comme c’était le cas dans Virgin. En fait, M. Hobbs a indiqué, aux paragraphes 145 à 147 de son affidavit :
[traduction] 145) En attendant, Virgin Drinks continue d’examiner toutes les demandes de partenariat qu’elle reçoit au sujet de la distribution et de la vente de boissons Virgin Drinks au Canada.
146) Le Canada figure toujours en bonne place dans les plans de commercialisation et de vente des Licenciés Virgin. En fait, Virgin Drinks a démontré sont intention de demeurer dans l’industrie des boissons non seulement au moyen de la vente des boissons Virgin Drinks dans d’autres pays et de son intention d’en reprendre sous peu la vente au Canada, mais encore au moyen de la vente et de la promotion des vins de marque Virgin Vines au Canada.
147) La vente des vins de marque Virgin Vines au Canada témoigne de la détermination à employer le nom VIRGIN en liaison avec des produits de la même catégorie générale que ceux qui sont couverts par la marque de commerce VIRGIN.
[26] S’agissant des Marchandises visées par l’enregistrement, je le répète, j’estime que la vente de vins de marque Virgin Vines n’est pas pertinente. Le non‑emploi de la Marque Virgin au Canada en liaison avec ces marchandises pendant une période de six ans semble avoir relevé d’une décision d’ordre opérationnel prise de façon délibérée par l’Inscrivante.
[27] M. Hobbs invoque en outre un ensemble de considérations en tant que circonstances particulières excusant le défaut d’emploi de la Marque Virgin en liaison avec les Marchandises visées par l’enregistrement pendant la Période pertinente. On peut résumer ainsi ces considérations, énumérées au paragraphe 150 de l’affidavit : (a) le large éventail d’entreprises et l’éventail pareillement diversifié de produits et services associés à la Marque Virgin, (b) la difficulté que la complexité de la structure du Virgin Group, la gamme extrêmement large de produits et services et la diversité des marchés posent au maintien de l’emploi de la Marque Virgin, (c) la célébrité de la Marque Virgin, (d) sa portée mondiale, (e) l’effet de facteurs économiques et commerciaux de portée mondiale, et (f) l’importante publicité directe et indirecte continue de la Marque au Canada.
[28] Pour ce qui est de ces considérations collectives, j’adopte sans réserve les conclusions formulées par l’agente d’audience Barnett dans Virgin :
[46] Si j’examine maintenant les considérations collectives justifiant le défaut d’emploi de la Marque à l’égard de l’ensemble des marchandises et des services pour lesquels l’emploi n’a pas été démontré, soit que les motifs avancés ne sont pas des éléments pertinents dans le cadre de la présente instance, soit qu’ils ne permettent pas de conclure à l’existence de circonstances spéciales. Le fait qu’une marque de commerce soit « une marque célèbre » et qu’elle ait une « portée mondiale » ne dispense pas son propriétaire de satisfaire aux exigences de l’article 45 de la Loi. La mesure dans laquelle une marque de commerce a été « révélée » est plutôt liée à son caractère distinctif – lequel n’est pas pertinent en l’espèce. En outre, je ne suis pas convaincue qu’une grande entreprise mondiale puisse, de par sa nature même, être indûment empêchée d’utiliser sa Marque au Canada ou défavorisée à cet égard. L’inscrivante n’a soumis aucune jurisprudence, et je n’en connais aucune, qui puisse étayer cette conclusion.
[29] En conséquence, je suis d’avis que l’Inscrivante n’a pas démontré l’existence de circonstances spéciales pouvant excuser le défaut d’emploi des marques de commerce VIRGIN, VIRGIN Dessin et VIRGIN & Dessin (bouteille) au Canada pendant la Période pertinente, en liaison avec les marchandises déclarées dans leur enregistrement.
Décision
[30] En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le paragraphe 63(3) de la Loi et pour les motifs exposés ci‑dessus, les enregistrements LMC553902, LMC553903 et LMC573241 seront radiés en application de l’article 45 de la Loi.
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Céline Tremblay
Membre, Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.