Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION

de Novopharm Limited et Apotex Inc.

à la demande no 1006334 produite par

Hoffman-La Roche Limited/Hoffman-La Roche Limitée

en vue de lenregistrement de la marque de commerce

XENICAL Capsule Design

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Le 24 février 1999, Hoffman-La Roche Limited/Hoffman-La Roche Limitée a demandé l’enregistrement de la marque de commerce XENICAL Capsule Design, illustrée ci‑dessous. La demande était fondée sur l’emploi projeté de la marque en liaison avec les marchandises et services suivants :

 

 

La partie hachurée du dessin est en bleu. La marque de commerce est composée de bleu appliqué sur l’ensemble de la surface visible de la capsule comme montré dans l’échantillon ci‑joint et faisant partie de cette demande. La capsule montrée en contour pointillé ne fait pas partie de la marque.

 

      Marchandises

      Composés pharmaceutiques, nommément agent anti-obésité et                      hypolipidémiant contenant 120 mg d’Orlistat.

 

      Services

      Fourniture d’information, de bulletins, de prospectus et de dépliants             aux professionnels en soins de santé, ayant trait aux agents anti‑obésité        et hypolipidémiants.

 

 


La demande a été annoncée pour fin d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 22 mars 2000 (erratum publié le 3 mai 2000). L’opposition conjointe de Novopharm et d’Apotex Inc. a été déposée le 22 août 2000. Le registraire a transmis copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 29 août 2000.

 

Le 13 octobre, la requérante a soumis une demande modifiée comportant [traduction] « des changements apportés à la description de la marque en raison de la jurisprudence récente ». La modification est indiquée ci‑dessous en italique :

 

[traduction] La marque de commerce revendiquée se compose de la couleur bleue appliquée sur lensemble de la surface visible de la capsule figurant dans le dessin. Le contour de la capsule est tracé en pointillé pour indiquer que la demande denregistrement ne vise pas la capsule elle‑même. La partie hachurée du dessin est en bleu.

 

Dans une décision en date du 24 octobre 2000, la Commission a refusé la modification parce qu’elle contrevenait à l’alinéa 32a) du Règlement sur les marques de commerce, lequel interdit de modifier la marque de commerce « à quelque égard que ce soit » après la publication de la demande dans le Journal des marques de commerce. Le 27 décembre 2000, la requérante a déposé et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie en bloc les allégations de la déclaration d’opposition. Les opposantes ont demandé et obtenu l’autorisation de modifier leur déclaration, et ont déposé leur déclaration modifiée le 2 août 2001 : voir la décision de la Commission en date du 20 septembre 2001.

 

Les allégations de la déclaration d’opposition modifiée peuvent se résumer ainsi :


 

1. Alinéa 38(2)a) -  non-conformité aux exigences de larticle 30

 

(a)        La « marque de commerce » visée par la demande d’enregistrement n’est pas une marque de commerce au sens de la Loi sur les marques de commerce. Une couleur courante ne peut distinguer les marchandises ou services en liaison avec lesquels une marque projetée sera employée. En outre, la marque en cause n’est que décorative ou fonctionnelle en tant qu’indication de l’ingrédient actif.

 

(b)        La requérante n’emploiera pas la marque comme marque de commerce au sens de la Loi sur les marques de commerce, parce que :

 

(i) lors du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises, la marque visée par la demande n’est pas sur la marchandise, elle est la marchandise . La couleur de la capsule ne serait même pas visible lors du transfert de la propriété ou de la possession puisque les capsules sont vendues dans des bandes alvéolées elles-mêmes placées dans un autre emballage;

 

(ii) même si les capsules étaient visibles, le consommateur a déjà vu des capsules bleues et il ne saura pas que les marchandises portent une marque;

 

(iii) relativement aux services, la requérante se servira nécessairement de représentations en deux dimensions de la marque et non de la marque en trois dimensions.

 

(c)        La demande d’enregistrement n’est pas accompagnée d’un dessin ou d’une représentation exacte de la marque parce que :

 

(i) la marque est définie par la totalité de la capsule, notamment une nuance particulière de bleue, des inscriptions, la forme et la taille, et ces éléments ne figurent pas tous dans les dessins;

 

(ii) la demande d’enregistrement indique que le contour en pointillé ne fait pas partie de la marque; l’objet de la demande d’enregistrement est donc tout à fait obscur. La requérante ne peut vouloir enregistrer une forme tridimensionnelle sans demander un signe distinctif dont la forme serait représentée par un trait continu. De plus, on ne voit pas clairement comment une marque tridimensionnelle pourrait être employée en liaison avec des services, pour lesquels il faut généralement disposer d’une marque bidimensionnelle pour la publicité imprimée ou la publicité dans les médias;

 

(iii) la couleur bleue n’est pas appliquée sur la surface de la capsule. Les capsules sont plutôt des enveloppes de gélatine bleue contenant une poudre;

 

(iv) les hachures, sur le dessin, indiquent la couleur bleue, la couleur des parties non hachurées n’est pas indiquée.

 


(d)       La requérante ne peut avoir eu la conviction qu’elle avait le droit d’employer la marque dont elle demande l’enregistrement, parce que :

 

(i) beaucoup de médicaments de couleur, de forme et de taille similaires sont offerts sur le marché. L’annexe A de la déclaration d’opposition énumère 179 comprimés et 97 capsules, tous tirés du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (35e éd., 2000) (CPS);

 

(ii) la requérante n’utilise pas la couleur bleue pour distinguer ses marchandises, elle utilise plutôt ses emballages de même que le nom XENICAL ROCHE 120. Elle est titulaire de l’enregistrement de la marque XENICAL (no 742009) visant les mêmes marchandises et d’un second enregistrement, pour XENICAL & Dessin (no 878096) pour les mêmes marchandises et services;

 

(iii) il n’est pas possible d’utiliser ou de montrer la couleur d’une capsule tridimensionnelle dans la publicité des services visés par l’enregistrement ainsi qu’il est allégué en 1.b(iii) ci‑dessus.

 

 

2. Alinéa 38(2)b) - la marque nest pas enregistrable

 

La marque en cause n’est pas enregistrable, parce que :

 

(a)        il s’agit d’un signe distinctif. Si la marchandise est l’orlistat [un médicament qui empêche la digestion des gras], alors la capsule bleue est l’emballage du produit. Si la marchandise est une capsule, alors la marque est la marchandise; la marchandise est une chose tridimensionnelle donnant une forme particulière à l’orlistat, ce qui est un signe distinctif. Il est illogique de décrire la marque comme une couleur appliquée à une forme tridimensionnelle, puis de déclarer qu’elle est distincte de la forme;

 

(b)        la marque est une marque interdite au sens de l’article 10 de la Loi sur les marques de commerce. Compte tenu de l’annexe A, la marque en cause désigne, au mieux, un type de médicament, y compris ses effets thérapeutiques, mais n’indique pas la source des marchandises ou des services.

 

 

3. Alinéa 38(2)d)  - la marque nest pas distinctive

 

La marque demandée n’est pas propre à distinguer les marchandises de la requérante, parce que :

 

 

(a)        les comprimés, capsules et caplets bleus étaient communs dans le marché pharmaceutique et pris par des patients au Canada pendant la période en cause. La marque visée par la demande est conçue pour s’approprier des signes connus dans le marché, si l’on se reporte aux pilules bleues énumérées à l’annexe A;

 


(b)        si la marchandise est le médicament breveté orlistat de la requérante (brevet canadien no1247547, date d’expiration : 28 décembre 2005), alors la requérante dispose à son égard de droits exclusifs. Comme personne d’autre ne peut fabriquer ou vendre la marchandise, la marque visée par la demande ne peut distinguer la marchandise de la requérante de marchandises de tiers;

 

(c)        subsidiairement, la requérante ne peut s’appuyer sur le monopole que lui confère son brevet pour démontrer le caractère distinctif de la marque en cause pas plus qu’elle ne peut prolonger son monopole en inférant de la couleur des capsules un caractère distinctif reposant sur ledit monopole;

 

(d)       chaque capsule porte l’inscription XENICAL ROCHE 120. Par conséquent, la couleur, la forme et la taille ne distinguent pas les marchandises de la requérante.

 

Les autres motifs d’opposition sont reproduits intégralement ci‑dessous :

 

(e)        la requérante a emballé ses marchandises dans des bandes alvéolées elles-mêmes placées dans une boîte, de sorte que les marchandises ne sont pas visibles au moment de l’achat. Ainsi, lors du transfert de possession ou de propriété des marchandises, la couleur est invisible et ne peut permettre l’identification d’une source quelconque. La couleur ne peut donc distinguer les marchandises et services de la requérante de ceux d’autres personnes.

 

(f)        la requérante a emballé ses marchandises dans des bandes alvéolées elles-mêmes placées dans une boîte dont l’étiquette porte la marque de commerce XENICAL de la requérante, de sorte que, non seulement la marque n’est‑elle pas visible au moment du transfert de possession ou de propriété des marchandises, mais encore une autre marque de la requérante est visible. Par conséquent, la marque ne peut distinguer les marchandises et services de la requérante de ceux d’autres personnes.

 

(g)        la marque ne peut être distinctive car elle n’est définie ni par sa teinte ni par sa taille : elle semble inclure (i) toutes les nuances possibles de bleu, (ii) toutes les tailles possibles de capsules ainsi que (iii) des capsules opaques ou transparentes. Toutefois, la requérante n’a vendu que des capsules d’une seule teinte et d’une seule taille. Des capsules entièrement bleues, indépendamment de la teinte et de la taille, ne sont pas distinctives.

 


La preuve des opposantes se compose des affidavits des médecins Peter G. Bolland et George Photopolous, des pharmaciens Barbara Cole, Andrew Yee Hon Hui et Yin Han Siow, de  Lisa Pol Bodetto, analyste des données du marché, de Bernard Sherman, PDG de l’opposante Apotex et d’Anna Hucman, stagiaire en droit. La requérante a déposé en preuve l’affidavit de James Draves, gestionnaire de produit affecté à l’orlistat. La contre‑preuve des opposantes est formée de l’affidavit d’Anna Hucman, susnommée, et de celui de Paula Rembach, analyste de recherche. Toutes ces personnes ont été contre‑interrogées sur leur affidavit. La transcription de leur contre‑interrogatoire, les pièces y afférentes et les réponses données en exécution d’engagements pris à cette occasion ont été versées au dossier. La requérante et les opposantes ont soumis un plaidoyer écrit, et les deux parties étaient représentées à l’audience.

 

J’examinerai d’abord certains des motifs d’opposition « de forme » invoqués par les opposantes, lesquelles font valoir que la marque visée par la demande est un signe distinctif au sens de la définition énoncée à l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce, reproduite ci‑dessous :

 

« signe distinctif » Selon le cas :

 

a) façonnement de marchandises ou de leurs contenants;

 

b) mode d'envelopper ou empaqueter des marchandises,

 

dont la présentation est employée par une personne afin de distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres.

 

Les mots « paquet » ou « colis », qui ont un lien avec l’alinéa b) de la définition précitée, sont définis ainsi à l’article 2 :


« paquet » ou « colis » Est assimilé à un paquet ou colis tout contenant ou récipient ordinairement lié à des produits lors du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises dans la pratique du commerce.

 

La notion de signe distinctif figure également au nombre des quatre types de marque de commerce énumérés à l’article 2 :

                  « marque de commerce » Selon le cas :

 

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres;

 

b) marque de certification;

 

c) signe distinctif;

 

d) marque de commerce projetée.

 

Dans son témoignage écrit, M. Sherman explique le processus de fabrication des capsules et comprimés pharmaceutiques. Pour les capsules, l’ingrédient actif est placé dans une enveloppe. Il s’agit généralement d’une structure arrondie faite de gélatine souple, dont les deux parties, le corps et la coiffe, peuvent se disjoindre pour le remplissage et se refermer par la suite. La capsule se dissout rapidement après l’ingestion. Pour confectionner des capsules colorées, on prépare d’abord la gélatine teinte, et on forme ensuite les deux parties de la capsule. La teinte colore toute l’enveloppe de gélatine, c’est‑à‑dire le corps et la coiffe. Il arrive que, pour diverses raisons, des patients soient incapables d’avaler des capsules ou refusent de le faire. Ils l’ouvrent alors et versent l’ingrédient actif sur un aliment, comme de la compote de pomme, pour l’absorber : voir également les p. 3-5 de la transcription du contre‑interrogatoire de M. Sherman.


Les tribunaux ont examiné à quelques reprises la question de savoir si un comprimé ou une capsule pharmaceutique peuvent être considérés comme un signe distinctif. L’affaire Smith Kline & French Canada Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce), [1987] 2 C.F. 628 (C.F. 1re inst.), portait sur une demande d’enregistrement de marque de commerce visant un comprimé (substance compressée) et non une capsule (enveloppe contenant la substance). Le comprimé était ainsi décrit dans la demande d’enregistrement :

Le signe distinctif consiste en un film vert pâle recouvrant un comprimé bi‑convexe comme le montre le dessin ligné quant à la couleur verte, joint à la demande [...] [la requérante] revendique le droit à l’emploi exclusif dudit signe distinctif sous sa forme, sa couleur et son enrobage particuliers, en ce qui a trait seulement aux marchandises décrites plus haut dans le présent paragraphe. (Non souligné dans l’original.)

 

À la page 631, la Cour a conclu que l’alinéa b) de la définition précitée ne s’appliquait pas à la marque en cause parce que la pellicule verte adhérait au comprimé et en était indissociable. Ce film ne pouvait donc pas être considéré comme un « mode d’envelopper ou d’empaqueter » :

 

Il semble exister peu de précédents sur ce point, mais il ressort de l’examen de nombreuses définitions des mots « envelopper » et « empaqueter » tirées de dictionnaires qu’il faut leur donner leur sens usuel ordinaire, c’est‑à‑dire qu’ils visent l’emploi d’une enveloppe ou d’un contenant distincts qui ne font pas partie des « marchandises » elles‑ mêmes. La définition des mots « paquet » ou « colis » à l’article 2, même si elle n’est pas directement applicable ni exhaustive, est du moins compatible avec cette interprétation du mot « empaqueter ».

 


La Cour a ajouté, à la page 632 : « il est fort possible qu’une capsule, qui constitue une enveloppe distincte de son contenu, soit considérée comme un “ mode d’envelopper ou empaqueter des marchandises ” dans le domaine pharmaceutique ». En l’espèce, la preuve démontre que le médicament sur ordonnance de la requérante est généralement emballé dans des bandes alvéolées elle‑mêmes placées dans des boîtes en carton, et les pharmaciens mettent le produit dans un sac avant d’en donner possession au consommateur. En conséquence, je suis d’avis que la capsule renfermant l’ingrédient actif - l’orlistat - n’est pas un « mode d’envelopper ou empaqueter des marchandises » au sens de l’al. b) de la définition de signe distinctif.

 

Compte tenu du témoignage de M. Sherman, j’estime toutefois que la marque en cause est visée par l’alinéa a) de cette définition, c’est‑à ‑dire qu’il s’agit du contenant de la marchandise de la requérante (l’orlistat), même s’il est comestible. Je ne vois aucune raison de principe s’opposant à ce que l’on ne considère pas une petite capsule à ingérer comme un « contenant » au sens de l’alinéa a) de la définition de signe distinctif. Ces capsules (et comprimés) sont la norme dans l’industrie pharmaceutique. « Le milieu des produits pharmaceutiques délivrés sur ordonnance n'est pas si fondamentalement différent des autres sphères d'activités commerciales qu'il faille le soumettre à des règles spéciales »: voir Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 289, p. 312; [1992] 3 R.C.S. 120 (C.S.C.). De la même façon que le façonnement en confiserie peut, en principe, constituer un signe distinctif, rien ne s’oppose, selon moi, à ce qu’une capsule pharmaceutique ne puisse en être un.

 


On peut présumer que, dans des circonstances qui s’y prêtent, la couleur et la taille d’un comprimé sans enrobage dont on demande l’enregistrement comme marque de commerce en tant que signe distinctif peuvent également relever de l’alinéa a) de la définition précitée, comme façonnement des marchandises. À cet égard, on peut se reporter à la décision Glaxo Wellcome Inc. c. Novopharm Ltd., 8 C.P.R. (4th) 448 (C.F. 1re inst.), disposant qu’un comprimé en forme de bouclier hexagonal constitue un signe distinctif, bien que la Cour ait conclu, en bout de ligne, que le signe distinctif n’avait pas acquis le caractère distinctif exigé à l’alinéa 13(1)a) de la Loi sur les marques de commerce et qu’il n’était donc pas enregistrable.

 

Dans Smith Kline & French Canada Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) [1987] 2 C.F. 633 (C.F. 1re inst.) (Smith Kline & French (2)), la Cour était saisie de l’appel d’une décision du registraire refusant la demande d’enregistrement de marque de commerce visant un comprimé pharmaceutique ainsi décrit :

. . . la couleur verte recouvrant toute la surface visible du comprimé, comme le montre le spécimen joint à la formule de demande, la teinte précise de vert étant illustrée par la pièce de couleur verte annexée.

 

La Cour a inféré que le registraire avait refusé la demande parce qu’il croyait que la couleur ne pouvait à elle seule constituer une marque de commerce. Signalant que la demande en cause ne se limitait pas à la seule couleur, mais visait également la taille et la forme du comprimé, elle a conclu ce qui suit :

. . . la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé est une teinte particulière de vert recouvrant un comprimé d’une forme et d’une grosseur particulières. Je n’empêcherais pas l’enregistrement pour le simple motif que la couleur recouvre tout l’extérieur du comprimé et non pas une partie seulement de celui‑ci. (Non souligné dans l’original.)

 

 

 

Comme nous l’avons indiqué plus haut, un signe distinctif est un type de marque de commerce mentionné à l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce.

 


Smith Kline & French (2) a implicitement approuvé la présentation d’un échantillon de couleur dans une demande d’enregistrement pour préciser la nuance exacte de la couleur revendiquée. Toutefois, un tel échantillon ne fait pas partie de la marque de commerce : voir  Novopharm Ltd. c. Astra Aktiebolag (2000), 6 C.P.R. (4th) 16 (C.F. 1re inst.), p. 22, par. 8, confirmé par 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.), dans lequel la Cour a indiqué que « le spécimen produit pour clarifier une couleur ou une forme ne remplace pas une description écrite et ne peut corriger une faille de celle‑ci ». Par conséquent, la taille doit être précisée dans le mémoire descriptif. Il est à présumer que la mention, dans ledit mémoire, de normes chromatiques généralement acceptées peut servir les mêmes fins qu’un échantillon de couleur.

 

Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition selon lequel l’objet réel de la demande d’enregistrement est un signe distinctif est accueilli.

 

Les opposantes soulèvent un autre motif d’opposition « de forme », alléguant que la demande d’enregistrement ne comporte pas de dessin ou représentation précise de la marque. La marque est ainsi décrite : « [l]a marque de commerce est composée de bleu appliqué sur l’ensemble de la surface visible de la capsule », mais la demande exclut ensuite la forme de la capsule par la mention : « [l]a capsule montrée en contour pointillé ne fait pas partie de la marque ». (Non souligné dans l’original.)

 


Selon les opposantes, le libellé de la description de la marque ne permet pas de déterminer si la marque se compose de la forme et de la couleur bleue ou de la couleur seule. Un libellé semblable avait servi à décrire la capsule brune et rose en cause dans l’affaire Novopharm Ltd. c. Astra Aktiebolag (2000), 6 C.P.R. (4th) 16 (C.F. 1re inst.), décision confirmée par (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 C.A.F.); autorisation d’appel rejetée, [2001] C.S.C. no 646 (C.S.C.), comme on peut le voir de l’extrait suivant :

Le dessin se compose de la couleur rose appliquée sur l’ensemble de la surface visible de la capsule opaque, tel qu’illustré sur les dessins, et de la couleur roux appliquée sur la coiffe de la capsule, comme l’indiquent les dessins ainsi que les spécimens joints à la demande. Le dessin est hachuré de manière à indiquer les couleurs rose et brune et revendiqué comme caractéristique. La capsule figurant dans le dessin en pointillé ne fait pas partie de la marque de commerce. (Non souligné dans l’original.)

 

Le juge Rouleau, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a formulé la conclusion suivante (p. 22, par. 8) :

Dans la présente affaire, je conviens avec Novopharm que la demande de marque de commerce de l’intimée prête à confusion et est ambiguë et qu’elle découle d’une contradiction entre la description et la dénégation. Il est difficile de savoir si la demande vise une forme et les couleurs ou seulement les couleurs. Bien qu’il soit mentionné dans la demande que la forme de la capsule n’est pas visée, l’appelante soutient que sa marque de commerce est foncièrement distinctive en raison de la [Traduction] « combinaison de couleur et de forme qu’elle présente ». La demande donnera donc lieu à une marque de commerce qui ne couvre pas uniquement la forme de la capsule et Astra a admis que sa marque de commerce est formée d’une combinaison de couleurs et de forme.

 

En appliquant le raisonnement du juge Rouleau à la description qui nous occupe, je conclus qu’il y a lieu d’accueillir le motif d’opposition alléguant que la requérante n’a pas satisfait aux exigences de l’alinéa 30h).

 


Les opposantes soutiennent également que la description de la marque est erronée, du fait qu’il est faux de dire que la couleur est « appliquée » à la surface de la capsule, alors qu’en fait le bleu provient du matériau constitutif de la capsule. De plus, la requérante a décrit ainsi son produit dans une monographie : [traduction] « une capsule de gélatine dure bleu foncé renfermant des granules ». Dans une autre affaire de marque de commerce visant une capsule pharmaceutique, Apotex Inc. c. Monsanto Canada, Inc. (2000), 6 C.P.R. (4th) 26 (C.F. 1re inst.), aux p. 31-32, le juge Rouleau a examiné les exigences de précision applicables à une demande d’enregistrement de marque de commerce :

D’abord, l’alinéa 30h) de la Loi sur les marques de commerce énonce qu’une demande de marque de commerce doit contenir un dessin de la marque de commerce et le nombre de représentations exactes de la marque qui est prescrit. Il incombe à la partie qui demande l’enregistrement d’une marque de prouver qu’elle respecte cette exigence. Le dessin présenté doit être une représentation significative de la marque de la partie requérante dans le contexte de la description écrite figurant dans la demande et doit permettre de déterminer les limites tridimensionnelles du comprimé sur lequel la couleur est appliquée. Ces exigences législatives sont fondées sur le principe selon lequel l’enregistrement d’une marque de commerce constitue un monopole et que la portée de cet enregistrement doit donc être précise.

 

L’application de ce raisonnement à la description de la marque en cause m’amène à conclure que la requérante ne s’est pas conformée à l’alinéa 30h), notamment parce qu’elle n’a pas joint à sa demande un échantillon de couleur indiquant la teinte exacte de bleu qu’elle revendiquait. Elle a bien joint un échantillon de la capsule, mais il ne fait pas partie de la demande : voir Novopharm Ltd. c. Astra Aktiebolag, précitée.

 


Puisque j’ai déjà donné raison aux opposantes, il n’est pas nécessaire que j’examine les motifs d’opposition restants. Toutefois, le motif d’opposition de fond alléguant que la marque visée par la demande d’enregistrement ne distingue pas les marchandises de la requérante (à la date pertinente du 22 août 2000) aurait probablement été accueilli, compte tenu du critère élaboré dans la décision Philip Morris c. Inperial Tobacco Ltd. (1985), 7 C.P.R. (3d) 254 (CF 1re inst.), p. 270, relativement à cette question. Les opposantes ont présenté une preuve exhaustive établissant (i) qu’il existe de nombreuses pilules de même couleur pour le traitement d’affections diverses; (ii) que les pharmaciens et les médecins n’associent pas la marque visée par la demande d’enregistrement à l’orlistat (sans indices supplémentaires) et (iii) que les patients associent la couleur d’un médicament à son effet thérapeutique plutôt qu’à son origine. La requérante, quant à elle, n’a pas fourni d’éléments de preuve directe démontrant que les patients associent la marque en cause à une source unique. Dans ces circonstances, l’absence d’une telle preuve est préjudiciable à sa demande : voir l’arrêt Novopharm ltd. c. Bayer Inc. (1999) 3 C.P.R. (4th) 305, p. 331, confirmé par (2000), 9 C.P.R. (4th) 304 (C.A.F.).

 

En conséquence, la demande est rejetée.

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC) LE 5 MAI 2006.

 

 

 

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

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