Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

BW v2 Logo

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 232

Date de la décision : 2015-12-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Fresh Express Incorporated

Opposante

et

 

Tefal

Requérante



 

 

1,595,874 pour la marque de commerce FRESH EXPRESS

 

Demande

[1]               Fresh Express Incorporated (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce FRESH EXPRESS (la Marque) qui fait l'objet de la demande d'enregistrement no 1,595,874.

[2]               La demande a été initialement produite par SEB (Seb), une société française, le 26 septembre 2012. Seb a subséquemment cédé la demande à la requérante actuelle, Tefal (la Requérante), et la cession a été inscrite auprès du Bureau des marques de commerce le 11 décembre 2013.

[3]               La demande est fondée sur l'emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits suivants :

[traduction]
Appareils et machines de cuisine électriques pour hacher, râper, concasser, broyer, presser, couper, mélanger, pétrir, émulsionner, liquéfier, fouetter ou peler les produits alimentaires, nommément batteurs à main électriques, hachoirs électriques, batteurs électriques, presse-agrumes électriques, centrifugeuses électriques, mini-hachoirs électriques, hachoirs à viande électriques, robots culinaires électriques, trancheuses électriques. (les Produits)

[4]               L'Opposante a produit une déclaration d'opposition en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) dans laquelle elle soulève des motifs d'opposition fondés sur les articles 2 (absence de caractère distinctif); 12(1)d) (non-enregistrabilité); 16(3)a), b), et c) (absence de droit à l'enregistrement); et 30i) (non-conformité) de la Loi. La question centrale en l'espèce est celle de savoir s'il existe une probabilité de confusion entre la Marque et une ou plusieurs des marques de commerce de l'Opposante formées de l'expression FRESH EXPRESS (accompagnée ou non de divers éléments graphiques) pour emploi en liaison avec, entre autres, des salades prêtes à manger et des fruits et légumes frais emballés. Une liste détaillée des marques de commerce de l'Opposante, conforme aux détails annexés à la déclaration d'opposition, est jointe à ma décision à titre d'annexe A.

[5]               Pour les raisons exposées ci-après, l'opposition est rejetée.

Le dossier

[6]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 24 avril 2013.

[7]               L'Opposante s'est opposée à la demande par la voie d'une déclaration d'opposition produite auprès du registraire le 24 septembre 2013. Le 2 décembre 2013, la Requérante (par l'entremise de sa prédécesseure en titre Seb), a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d'opposition soulevés dans la déclaration d'opposition.

[8]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de son directeur, Salades et goûters santé, Robert Stallman, souscrit le 31 mars 2014, et des copies certifiées des enregistrements nos LMC644,791; LMC680,081; LMC739,233; LMC739,236; et LMC861,545 énumérés à l'annexe A susmentionnée.

[9]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit les déclarations de Jasmin Dugal, vice-président, Marketing pour le Groupe Seb Canada Inc. (Seb Canada), signée le 31 juillet 2014; Marylène Gendron, adjointe administrative à l'emploi du cabinet qui représente la Requérante, signée 30 juillet 2014; et Philippe Brun, chef de la direction financière de Seb, signée le 22 juillet 2014.

[10]           Aucun contre-interrogatoire n'a été mené.

[11]           Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

Analyse

Remarque préliminaire

[12]           De façon assez étonnante, dans son plaidoyer écrit, l'Opposante fait comme si la déclaration d'opposition au dossier comprenait un motif d'opposition fondé sur la non-conformité de la demande à l'article 30e) de la Loi. Or, il n'en est rien. Comme l'a fait valoir la Requérante et comme l'a reconnu l'Opposante à l'audience, si l'Opposante souhaitait invoquer un tel motif d'opposition, il fallait qu'elle demande l'autorisation de produire une déclaration d'opposition modifiée. Elle ne l'a pas fait. Par conséquent, je ne m'attarderai pas davantage à ce motif d'opposition.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[13]           L’Opposante doit s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition. Dès que l'Opposante a satisfait à ce fardeau, la Requérante doit s'acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est enregistrable [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Le motif d'opposition fondé sur la non-conformité

[14]           L'Opposante allègue que la demande contrevient aux dispositions de l'article 30i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait pas se déclarer convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits, compte tenu de l'emploi antérieur par l'Opposante des marques de commerce « FRESH EXPRESS » qui sont énumérées à l'annexe A susmentionnée, des demandes ou enregistrements (selon le cas) dont ces marques de commerce font l'objet et du fait que ces marques appartiennent à l'Opposante.

[15]           Lorsqu'un requérant a fourni la déclaration exigée par l'article 30i), un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Il n'y a pas la moindre preuve de cette nature en l'espèce.

[16]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 30i) est rejeté.

Le motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité

[17]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable compte tenu des dispositions de l'article 12(1)d) de la Loi en ce qu'elle crée de la confusion avec 16 des marques déposées de l'Opposante formées de l'expression FRESH EXPRESS (accompagnée ou non de divers éléments graphiques) qui sont énumérées à l'annexe A susmentionnée.

[18]           J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que ces enregistrements sont en règle à la date d'aujourd'hui, laquelle est la date pertinente pour l'appréciation d'un motif fondé sur l'article 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[19]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et ces marques de commerce déposées de l'Opposante.

[20]           Sauf indication contraire, j'axerai mon analyse sur l'enregistrement no LMC680,081 de la marque nominale FRESH EXPRESS de l'Opposante. Cet enregistrement constitue l'argument le plus solide de l'Opposante. Il va sans dire que si cette marque ne permet pas à l’Opposante d’obtenir gain de cause, les autres marques qu'elle a invoquées ne le lui permettraient pas davantage. À cet égard, j'ajouterai que je considère que l'emploi de la marque figurative qui fait l'objet de l'enregistrement no LMC644,791 constitue un emploi de la marque nominale FRESH EXPRESS, car cette dernière en est l'élément dominant [voir Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd, (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

Le test en matière de confusion

[21]           L'article 6(2) de la Loi prévoit que :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[22]           Ainsi, cet article ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur une confusion qui porterait à croire que les produits ou les services d'une source proviennent d'une autre source.

[23]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait [voir Pernod Ricard c Molson Breweries (1992), 44 CPR (3d) 359 (CF 1re inst.)].

[24]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse plus approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[25]           Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a souligné l'importance que revêt le facteur énoncé à l'article 6(5)e) lorsqu'il s'agit d'analyser la probabilité de confusion entre les marques des parties aux termes de l'article 6 de la Loi (voir le para .49) :

[traduction]
[49] [...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d'avoir le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion, et ce, même s'il est mentionné en dernier lieu à l'article 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l'analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. Les autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires. En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion

[26]           Dans les circonstances de l'espèce, j'estime qu'il convient d'analyser d'abord le degré de ressemblance entre les marques des parties.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[27]           Les marques de commerce en cause sont identiques. Par conséquent, et conformément au raisonnement suivi dans Masterpiece, les autres facteurs doivent être examinés avec attention, car ils deviennent importants.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[28]           Les marques de commerce en cause possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent relativement faible, en particulier la marque de l'Opposante.

[29]           En effet, dans le contexte des produits visés par l'enregistrement de l'Opposante, la marque de commerce FRESH EXPRESS suggère des fruits et légumes frais prêts à manger.

[30]           Dans le contexte des produits de la Requérante, l'idée suggérée par la Marque est moins évidente et le lien moins direct. La Marque suggère tout de même l'idée que les petits appareils de cuisine de la Requérante permettent de râper, de broyer ou de trancher rapidement une variété d'aliments frais.

[31]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l'emploi. En l'espèce, la preuve démontre que les marques de commerce des parties ont toutes deux été employées et sont toutes deux devenues connues au Canada, quoique dans une mesure nettement moindre dans le cas de la Marque, ainsi qu'il appert de mon examen, ci-dessous, des points saillants de l'affidavit Stallman et des déclarations Dugal et Brun.

[32]           Je dois préciser, à ce stade de mon analyse, que je n'ai accordé aucun poids aux affirmations des déposants qui constituent des opinions personnelles quant à la probabilité de confusion entre les marques des parties. La probabilité de confusion est une question de fait et de droit qui doit être tranchée par le registraire en fonction de la preuve qui est au dossier dans la présente procédure.

L'affidavit Stallman

[33]           M. Stallman témoigne essentiellement de ce qui suit :

-          l'Opposante a été constituée en société aux États-Unis d'Amérique en 1979 et ses activités commerciales consistent à produire des salades prêtes à manger et des fruits et légumes frais emballés. Elle est une pionnière et une chef de file du secteur des salades prêtes à manger et des fruits et légumes frais emballés au Canada [para 2];

-          l'Opposante a investi des ressources substantielles pour créer, promouvoir et protéger la valeur des marques de commerce et de l'achalandage liés aux produits qu'elle vend au Canada. Depuis plus de 29 ans et encore aujourd'hui, l'Opposante vend chaque mois ses salades, ses épinards et ses légumes-feuilles en liaison avec la marque de commerce FRESH EXPRESS à des millions de consommateurs canadiens partout au Canada [para 5];

-          l'Opposante est propriétaire des demandes et enregistrements relatifs à la marque nominale FRESH EXPRESS et aux diverses marques figuratives FRESH EXPRESS qui sont énumérées à l'annexe A de la présente décision [para 6];

-          les produits de l'Opposante sont offerts en vente au Canada dans de nombreux magasins de vente au détail, y compris les suivants : Wal-Mart Canada; Sobeys Canada; Tigre Géant; Safeway Canada; Save on Foods (Overwaitea) [para 7; pièce « A » et « F », qui sont constituées de spécimens représentatifs d'emballages de produits arborant la marque de commerce et le nom commercial FRESH EXPRESS qui sont présentement employés au Canada et l'ont été ces dernières années];

-          les activités promotionnelles et publicitaires de l'Opposante au Canada en lien avec ses produits FRESH EXPRESS comprennent la distribution de dépliants publicitaires aux consommateurs canadiens par les détaillants; l'exposition à la vue des consommateurs de 2 000 à 4 000 blocs à feuillets détachables sur ou à proximité des étalages des produits FRESH EXPRESS dans des magasins de détail; l'affichage des marques de commerce FRESH EXPRESS lors de l'expo-congrès annuel de l'Association canadienne de la distribution de fruits et légumes (ACDFL) qui réunit annuellement plus de 3 000 participants; le site Web se trouvant à l'adresse www.freshexpress.com, lequel arbore les marques de commerce FRESH EXPRESS depuis 1996; et la distribution de bulletins d'information périodiques concernant les produits FRESH EXPRESS, des recettes et des coupons [para 10 à 13, 15, 20 et 21; pièce « C », qui est constituée d'un spécimen représentatif d'une publicité montrant la marque de commerce FRESH EXPRESS qui a été employée à l'occasion d'un événement de l'ACDFL; pièce « D », qui est constituée d'une copie certifiée conforme d'une capture d'écran de la page d'accueil du site Web freshexpress.com montrant la marque de commerce FRESH EXPRESS; pièces « I », « J » et « K », qui sont constituées de spécimens représentatifs de dépliants publicitaires canadiens arborant la marque de commerce FRESH EXPRESS et se rapportant à des produits FRESH EXPRESS vendus par l'intermédiaire de Wal-Mart Canada, Coop Atlantic et Sobeys en 2013 et 2014];

-          du 25 mars 2013 au 25 mars 2014, le site Web freshexpress.com a été consulté plus de 15 000 fois par des Canadiens [para 13];

-          ces dernières années, l'Opposante a accru sa présence en ligne, utilisant les médiaux sociaux, y compris Facebook, Twitter et Pinterest, pour faire connaître ses produits et annoncer des événements promotionnels. Plus de 2 000 personnes sont abonnés au compte Twitter @FreshUpdates de l'Opposante et la page Facebook de l'Opposante comptait 290 000 « J'aime » en mars 2014 [para 14; pièce « E », qui est constituée d'imprimés qui montrent que l'Opposante est présente sur divers sites de médias sociaux et sont représentatifs de l'emploi de la marque nominale et des marques figuratives FRESH EXPRESS dans les médias sociaux]; et

-          ces sept dernières années, les ventes annuelles des produits FRESH EXPRESS de l'Opposante au Canada ont, chaque année, dépassé les 50 M$ US [para 18 et 19; pièces « G » et « H », qui sont constituées de factures concernant l'achat de produits FRESH EXPRESS par deux des détaillants canadiens de l'Opposante émises respectivement au cours des périodes allant du 11 janvier 2011 au 27 janvier 2014 et du 24 janvier 2011 au 27 janvier 2014, et totalisant respectivement 749 668,34 $ US et 226 247,69 $ US].

[34]           Comme l'a souligné la Requérante, aucune ventilation des ventes totales de l'Opposante n'a été fournie. Néanmoins, lorsqu'on considère l'affidavit Stallman dans son ensemble, on peut raisonnablement conclure que la majorité, voire la totalité, de ces ventes concerne des salades prêtes à manger et des fruits et légumes frais emballés arborant la marque de commerce FRESH EXPRESS.

[35]           En effet, bien qu'une partie de ces ventes puisse concerner des produits arborant la marque de commerce FRESH EXPRESS accompagnée des autres mots et éléments graphiques qui sont reproduits à l'annexe A (p. ex. FRESH EXPRESS KIT CEASAR & Dessin (enregistrement no LMC790,833); FRESH EXPRESS KIT ASIAN & Dessin (enregistrement no LMC811,585); etc.), les spécimens représentatifs d'emballages joints comme pièce A à l'affidavit Stallman, entre autres, démontrent que la marque de commerce FRESH EXPRESS figure séparément et qu'elle est suivie du symbole ®, ainsi qu'il appert du spécimen d'emballage (étiquettes avant et arrière) reproduit ci-dessous :

 

[36]           Pour conclure sur ce point, j'ajouterai que, contrairement à la thèse défendue par la Requérante à l'audience, je ne suis pas disposée à remettre en question mon appréciation globale des ventes de l'Opposante au Canada du seul fait que l'entité qui est désignée comme le vendeur des produits sur les factures produites comme pièces « G » et « H » est « Fresh Express Inc », dont l'adresse comprend une boîte postale située à Dallas, au Texas, par opposition à l'Opposante « Fresh Express Incorporated » qui est située à Charlotte, en Caroline du Nord. J'estime raisonnable de conclure que « Fresh Express Inc » et « Fresh Express Incorporated » sont la même entité. La Requérante avait la possibilité de contre-interroger M. Stallman au sujet de ses déclarations sous serment selon lesquelles les factures concernent l'achat de produits FRESH EXPRESS par deux de ses détaillants canadiens, mais elle n'en a rien fait. Qui plus est, les factures n'ont pas été produites dans le but d'établir l'emploi de la marque de commerce de l'Opposante. Elles ont été produites pour corroborer les déclarations de M.Stallman concernant les ventes des produits de l'Opposante au Canada. Enfin, et de façon tout aussi importante, les spécimens d'emballages de produits joints comme pièces A et F désignent sans équivoque l'Opposante comme la source des produits.

[37]           En somme, je suis convaincue, après examen de l'affidavit Stallman et des pièces qui l'accompagnent, que la marque de commerce FRESH EXPRESS de l'Opposante est devenue connue dans une mesure significative au Canada en liaison avec les produits de l'Opposante.

La déclaration Dugal

[38]           Mme Dugal témoigne essentiellement de ce qui suit :

-          Seb Canada est la distributrice canadienne de divers produits fabriqués et commercialisés par des entités du Groupe Seb. Le Groupe Seb n'est pas une entité juridique en soi, mais le nom employé pour désigner le groupe de sociétés réparties dans le monde entier dont font partie Seb, la Requérante et Seb Canada à titre d'entités juridiques. Le Groupe Seb exerce des activités dans plus de 65 pays dans le domaine des petits appareils ménagers et électroménagers, y compris les batteries de cuisine, les appareils culinaires électriques, les appareils de cuisson électriques, les appareils de préparation des aliments et les appareils d'entretien ménager et d'hygiène personnelle [para 4];

-          les produits FRESH EXPRESS ont été lancés initialement en France, en 2009, et ont depuis été offerts en vente et vendus sous la Marque dans de nombreux pays [para 6];

-          Seb Canada est responsable de la vente et de la promotion des Produits au Canada. À l'heure actuelle, Seb Canada vend au Canada certains des Produits arborant la Marque, notamment des appareils servant à trancher/râper des produits alimentaires tels des fruits, des légumes et du fromage, mais elle ne les vend pas tous [para 7]. Je souligne que, bien que Mme Dugal désigne les produits susmentionnés comme les Produits FRESH EXPRESS, le seul produit relativement auquel elle a fourni une preuve d'emploi est la trancheuse pour aliments FRESH EXPRESS. Par conséquent, j'emploierai le terme « trancheuse FRESH EXPRESS » pour parler des Produits FRESH EXPRESS;

-          la trancheuse FRESH EXPRESS est fabriquée en France par une licenciée de la Requérante, à savoir Seb, conformément aux spécifications et aux normes de la Requérante, et la Requérante contrôle la qualité de la trancheuse FRESH EXPRESS qui est vendue au Canada par Seb Canada [para 8]. Il convient de souligner, à ce stade de mon analyse, que, contrairement à ce que prétend l'Opposante, la Requérante n'est pas tenue de produire en preuve une copie du contrat de licence conclu avec Seb; elle doit seulement attester qu'une certaine forme de contrôle est exercée sur les caractéristiques ou la qualité des produits. Je suis convaincue qu'en l'espèce, l'emploi de la Marque sous licence peut être attribué à la Requérante en vertu des dispositions de l'article 50 de la Loi. Qui plus est, l'emploi de la Marque par Seb Canada en tant que distributrice des produits n'a pas à être effectué sous licence;

-          la trancheuse FRESH EXPRESS a été lancée au Canada en décembre 2012. La trancheuse FRESH EXPRESS est vendue à des distributeurs, des magasins de détail et des magasins à rayons, ainsi que par téléachat et par Internet. La trancheuse FRESH EXPRESS a été offerte en téléachat au Canada pour la première fois en mars 2013 [para 9 et 10; pièces JD-1 à JD-11, qui sont constituées d'extraits de sites Internet sur lesquels la trancheuse FRESH EXPRESS est offerte en vente];

-          la Marque figure, entre autres, sur l'emballage, sur la trancheuse elle-même et sur le mode d'emploi qui accompagne le produit FRESH EXPRESS au moment de la vente [para 12 et 13; pièce JD-12, qui est constituée d'une copie de la documentation présentant la trancheuse FRESH EXPRESS; pièce JD-13, qui est constituée d'une photographie d'un étalage de trancheuses FRESH EXPRESS offertes en vente dans un magasin Wal-Mart au Canada]. Je dois souligner que je ne souscris pas à la thèse de l'Opposante selon laquelle la marque de commerce que la Requérante emploie sur sa trancheuse est T-FAL FRESH EXPRESS, plutôt que la Marque. En raison de son positionnement, ainsi que de sa taille, de sa police et de sa couleur différentes, l'expression FRESH EXPRESS peut être perçue comme une marque de commerce en soi, distincte de la marque de commerce T-FAL. Rien n'empêche la Requérante d'employer deux marques de commerce à la fois [voir A W Allen Ltd c Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst.); et London Drugs Limited c Coty Deutschland GmbH, 2012 COMC 193]. En outre, comme l'Opposante l'a elle-même reconnu à l'audience, la Marque figure séparément aux pièces JD-1, JD-2 et JD-14;

-          74 708 trancheuses FRESH EXPRESS ont été vendues au Canada depuis leur lancement en 2012 [para 15 et 16];

-          les dépenses publicitaires engagées pour faire connaître la trancheuse FRESH EXPRESS au Canada en 2013 et en 2014 ont été supérieures à 560 603 $ et 32 589 $, respectivement [para 17 et 18; pièce JD-14, qui est constituée d'une copie d'une publicité sur le lieu de vente et de matériel publicitaire présentant la trancheuse FRESH EXPRESS qui ont été diffusés au Canada; pièce JD-15, qui est constituée d'extraits du site Web se trouvant à l'adresse www.fr.t-fal.ca portant sur la trancheuse FRESH EXPRESS; pièce JD-16, qui est constituée d'une copie d'arrêts sur image d'une publicité télévisée datant de l'automne 2013 représentative des publicités télévisées qui ont été diffusées au Canada ces dernières années].

La déclaration Brun

[39]           M. Brun atteste essentiellement que l'ensemble ou une partie des Produits arborant la Marque ont été initialement lancés en France en 2009, et que plus de 5 millions d'unités de l'ensemble ou d'une partie des Produits ont été vendus dans le monde depuis leur lancement [para 4 et 5].

[40]           Comme pièce PB-1, M. Brun a joint à sa déclaration des chiffres de ventes par pays. D'après cette liste, des ventes d'une valeur de 4000 € pour 616 unités auraient eu lieu au Canada en 2011. À l'audience, l'Opposante a fait observer que cette information était en contradiction avec celle contenue dans la déclaration Dugal et dans la demande de la Requérante, qui a été produite le 26 septembre 2012 sur la base de l'emploi projeté. Elle soutient que, de ce fait, un poids moindre devrait être accordé aux déclarations Brun et Dugal. La Requérante a répondu qu'il y avait vraisemblablement un problème avec l'information contenue dans la déclaration Brun. Selon les chiffres fournis pour le Canada, le prix de vente des produits FRESH EXPRESS de la Requérante serait de 6,49 € l'unité, ce qui est peu réaliste. Elle a également fait valoir que la déclaration Brun n'était pas nécessairement en contradiction avec la déclaration Dugal, car il se peut, par exemple, que les ventes mentionnées dans l'affidavit Brun n'aient pas été faites dans la pratique normale du commerce de l'Opposante.

[41]           Je conviens avec la Requérante que la déclaration Brun n'a pas d'incidence sur le poids qu'il convient d'accorder à la déclaration Dugal. À elle seule, la déclaration Brun n'établit en rien que des ventes de produits arborant la Marque ont eu lieu au Canada au sens de l'article 4 de la Loi.

[42]           En somme, je suis convaincue, après examen de la preuve de la Requérante qui a été produite par le truchement de la déclaration Dugal et des pièces qui l'accompagnent que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada en liaison avec sa trancheuse pour aliments.

[43]           Cela dit, mon appréciation globale de ce premier facteur, qui combine les caractères distinctif inhérent et acquis, favorise l'Oppossante en raison de l'emploi beaucoup plus important de la marque de commerce FRESH EXPRESS de l'Opposante par rapport à la Marque.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[44]           Comme je l'ai indiqué précédemment, la marque de commerce FRESH EXPRESS de l'Opposante est employée au Canada depuis environ trois décennies, tandis que l'emploi de la Marque au Canada a commencé en décembre 2012.

[45]           Par conséquent, ce facteur favorise également l'Opposante.

Le genre de produits, services ou entreprises, et la nature du commerce

[46]           Pour évaluer le genre des produits, services ou entreprises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits qui figure dans les enregistrements invoqués par l'Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. L'examen de ces états déclaratifs doit cependant être effectué dans l'optique de déterminer le genre probable d'entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l'ensemble des commerces que le libellé est susceptible d'englober. Une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 1996 CanLII 3963 (CAF), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[47]           L'Opposante soutient qu'il y a un recoupement entre ses produits et ceux de la Requérante puisque les Produits de la Requérante comprennent des appareils de cuisine servant à hacher des fruits et légumes. L'Opposante soutient également que les appareils de cuisine de la Requérante côtoieraient inévitablement les produits de l'Opposante dans les cuisines des consommateurs canadiens.

[48]           L'Opposante souligne en outre que les parties vendent, dans certains cas, leurs produits respectifs par les mêmes voies de commercialisation (par exemple, dans les magasins Wal-Mart) et que les gens qui achètent et consomment des fruits et des légumes constituent l'un des principaux marchés pour les produits de la Requérante.

[49]           L'Opposante me rappelle également que l'article 6(2) de la Loi prévoit expressément qu'il peut y avoir confusion, peu importe que les produits soient ou non de la même catégorie générale.

[50]           À l'inverse, la Requérante soutient que le fait que les produits des parties puissent se retrouver côte à côte dans les cuisines des consommateurs canadiens n'est pas pertinent. Tel qu'indiqué dans Masterpiece, précité, [traduction] « [i]l convient [...] d’évaluer la confusion en se fondant sur la première impression du consommateur s’apprêtant à faire un achat [...] lorsqu’il voit la marque de commerce ». Les endroits où les produits respectifs des parties peuvent se retrouver dans les résidences des consommateurs n'ont aucune incidence sur l'analyse de la confusion. La confusion doit être appréciée au moment de l'achat.

[51]           La Requérante souligne que les produits des parties diffèrent totalement, tant par leur nature que par leur destination. Les salades prêtes à manger et les fruits et légumes frais emballés de l'Opposante sont des produits alimentaires destinés à la consommation humaine, tandis que les Produits de la Requérante sont de petits appareils de cuisine servant à préparer les aliments et permettant de râper, broyer ou trancher une variété de fruits, de légumes, de fromages et de noix. S'appuyant sur la décision de la présente Commission dans Major League Lacrosse LLC c Effigi Inc (2012) COMC 133 (entre autres), la Requérante soutient que le fait que les Produits de la Requérante soient destinés à être employés avec des produits alimentaires n'est pas suffisant pour engendrer un recoupement entre les produits des parties.

[52]           La Requérante souligne également que les domaines d'activité respectifs des parties sont totalement différents et indépendants. La Requérante n'exerce aucune activité dans le domaine de l'Opposante et vice versa. Elles ne se font pas concurrence sur le marché. S'appuyant sur la décision de la présente Commission dans McGregor Industries Inc c Brooks Sports Inc (2015) COMC 110 (entre autres), la Requérante soutient que, depuis des décennies, l'Opposante concentre ses activités sur la gamme restreinte des salades prêtes à manger et des fruits et légumes frais emballés et qu'il n'y pas la moindre preuve que l'Opposante pourrait élargir sa gamme actuelle de produits pour inclure d'autres types de produits, tels que ceux de la Requérante. En outre, rien n'indique que le consommateur moyen s'attendrait à ce qu'un producteur de légumes-feuilles et de salades soit également un fabricant de petits appareils de cuisine.

[53]           Quant aux rares cas où les produits respectifs des parties pourraient être vendus par les mêmes voies de commercialisation (par exemple, dans des magasins Wal-Mart), la Requérante – s'appuyant sur la décision de la présente Commission dans Edelweiss Food Products Inc c World’s Finest Chocolate Canada Ltd, 2000 CanLII 28672, fait observer qu'ils ne seraient probablement pas offerts en vente dans les mêmes rayons de ces magasins.

[54]           Ainsi qu'il est indiqué aux paragraphes 10 et 11 de la déclaration Dugal, les principaux distributeurs et détaillants de la trancheuse FRESH EXPRESS de la Requérante au Canada sont les sociétés suivantes : Arora Electric; Bed Bath & Beyond; Boutik Electric; Canadian Tire; Cayne’s Houseware; Centre du rasoir / Personal Edge; Costco; Future Shop; Home Hardware; Home Outfitters; LinenChest; London Drugs; Rona; Sears; la Compagnie de la Baie d'Hudson; et Wal-Mart. Dans ces magasins, la trancheuse FRESH EXPRESS est offerte en vente au rayon des petits appareils ménagers parmi d'autres produits du même type.

[55]           La Requérante soutient que les spécimens de publicités produits par le truchement des dépliants joints comme pièces « I », « J » et « K » à l'affidavit Stallman renforcent encore davantage sa thèse voulant que les publicités de l'Opposante se rapportent toutes uniquement à des produits alimentaires, alors que les spécimens de publicités de la Requérante qui sont joints à la déclaration Dugal montrent que la trancheuse est annoncée en liaison avec d'autres petits appareils de cuisine.

[56]           Je souscris à la thèse de la Requérante et j'estime que l'appréciation globale des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) favorise la Requérante.

Autres circonstances de l'espèce

Coexistence des marques des parties aux registres de pays étrangers

[57]           La Requérante a produit des éléments de preuve établissant que les marques des parties sont toutes deux inscrites au registre des marques de commerce de l'Australie, de la Chine, du Japon et de l'Union européenne [voir la déclaration Gendron]. Or, le registraire n'est pas lié par le fait que des marques puissent coexister aux registres des marques de commerce d'autres pays. Il convient à cet égard de citer l'observation formulée par la présente Commission dans Quantum Instruments Inc c Elinca SA (1995), 60 CPR (3d) 264 :

[traduction] À titre de circonstance additionnelle concernant la question de la confusion, le requérant a produit une preuve établissant que des enregistrements ont été obtenus par les deux parties en Grande-Bretagne et aux États-Unis d’Amérique à l'égard des marques de commerce QUANTA et QUANTUM. Toutefois, comme on l’a fait remarquer […] dans Re Haw Par […] on ne peut guère tirer de conclusions du fait que les marques de commerce dont il est question en l’espèce coexistent dans d’autres juridictions. […] le registraire doit fonder [la] décision sur les normes canadiennes, tenir compte de la situation qui existe au Canada. De plus, dans Sun-Maid […] [la Cour] a déclaré qu’« on ne peut attacher aucune importance à l’omission de s’opposer à des enregistrements dans d’autres juridictions puisque de telles actions sont, nécessairement, fondées entièrement sur le droit et la procédure qui prévalent à l'étranger ». En outre, bien que le requérant se soit fondé sur la preuve de la coexistence des marques de commerce en cause aux registres de la Grande-Bretagne et des États-Unis d’Amérique, aucune preuve n’a été présentée relativement à la coexistence des marques de commerce en cause sur le marché dans l’un ou l’autre de ces pays […] Par conséquent, cette preuve ne m’apparaît pas convaincante en l'espèce..[Je souligne.]

[58]           Comme dans l'affaire Quantum, aucune preuve que les marques de commerce en cause coexistent sur le marché dans ces autres pays n'a été produite en l'espèce.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[59]           J'estime que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur n'ayant qu'un souvenir imparfait de la marque de commerce FRESH EXPRESS de l’Opposante ne serait pas porté à conclure que les Produits de la Requérante proviennent de la même source que les produits de l'Opposante visés par l'enregistrement, ou qu'ils leur sont autrement apparentés ou associés.

[60]           Je reconnais que les marques des parties sont identiques et que, dans la plupart des cas, lorsqu'il s'agit de trancher la question de la confusion, le degré de ressemblance entre les marques de commerce est le facteur qui revêt le plus d'importance [voir Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF 1re inst.), p. 149, conf. par 60 CPR (2d) 70 et Masterpiece, précité]. Je reconnais également que la marque de commerce FRESH EXPRESS de l'Opposante est employée au Canada depuis trois décennies et qu'elle est devenue connue dans une mesure significative. Cependant, cette notoriété est liée uniquement à des salades prêtes à manger et à des fruits et légumes frais emballés. Il n'y a pas la moindre preuve que l'Opposante a l'intention d'étendre l'emploi de sa marque à des produits autres que ses produits actuels, tels que ceux de la Requérante, et il ne m'apparaît pas raisonnable de conclure que le consommateur canadien moyen s'attendrait à ce que l'Opposante repousse les limites de sa gamme de produits aussi loin.

[61]           Bien que la Cour suprême, dans Mattel, se soit dite en accord avec une remarque antérieure du professeur McCarthy selon laquelle [traduction] « une marque relativement forte peut franchir d'un seul bond un écart considérable entre deux gammes de produits », elle a souligné que cette affirmation implique que la « gamme de produits » représente généralement un obstacle important, même pour une marque célèbre [Mattel, précité, para 78]. La Cour a indiqué que [traduction] « compte tenu du rôle et de la fonction des marques de commerce, [une différence sur le plan des produits et services constituera] en général [...] une considération importante » et que lorsque toutes les circonstances de l'espèce sont prises en considération, [traduction] « dans certains cas, certaines circonstances (comme la différence entre les [produits]) auront plus de poids que d’autres ». [Mattel, précité, para 71 et 73]

[62]           À mon sens, la disparité entre les produits des parties et entre leurs voies de commercialisation respectives est suffisante pour permettre à la Requérante de s'acquitter de son fardeau ultime.

[63]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est rejeté.

Les motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement

[64]           L'Opposante allègue que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque compte tenu des dispositions des articles 16(3)a), b) et c) de la Loi parce que, à la date de production de la demande de la Requérante, la Marque créait de la confusion avec a) les marques de commerce de l'Opposante qui sont énumérées à l'annexe A susmentionnée, lesquelles, à l'exception de la marque de commerce FRESH EXPRESS KIT & Dessin (demande no 1,571,644), avaient été antérieurement employées au Canada par l'Oppsante; b) les marques de commerce de l'Opposante énumérées à ladite annexe A à l'égard desquelles des demandes d'enregistrement avaient été antérieurement produites au Canada par l'Opposante; et c) le nom commercial « Fresh Express » de l'Opposante, lequel avait été antérieurement employé au Canada par l'Opposante.

[65]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard d'un motif fondé sur l'article 16(3)a) ou c), un opposant doit démontrer que sa marque de commerce ou son nom commercial avait déjà été employé(e) au Canada à la date de production de la demande du requérant, et n'avait pas été abandonné(e) à la date d'annonce de la demande du requérant [article 16(5) de la Loi]. Ainsi qu'il appert de mon examen de l'affidavit Stallman ci-dessus, l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui incombait au moins à l'égard de sa marque de commerce et de son nom commercial FRESH EXPRESS.

[66]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'article 16(3)b), un opposant doit démontrer que sa demande d'enregistrement a été produite avant la date de production de la demande du requérant, et qu'elle était pendante à la date d'annonce de la demande du requérant [article 16(4) de la Loi]. L'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve uniquement à l'égard des demandes d'enregistrement nos 1,600,275 (FRESH EXPRESS); 1,600,274 (FRESH EXPRESS & Shield Dessin); et 1,571,644 (FRESH EXPRESS KIT & Dessin).

[67]           Le fait que les dates pertinentes diffèrent n'a pas d'incidence substantielle sur mon analyse, ci-dessus, du motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité. Par conséquent, ma conclusion, exposée ci-dessus, quant à la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce FRESH EXPRESS de l'Opposante s'applique également aux motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement.

[68]           En conséquence, les motifs d'opposition fondés sur les articles 16(3)a), b) et c) sont rejetés.

Le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

[69]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi en ce qu'elle ne distingue pas véritablement les Produits de la Requérante des produits de l'Opposante, ou des produits et services de tiers, et n'est pas adaptée à les distinguer ainsi.

[70]           Pour s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer que, à la date de production de sa déclaration d'opposition (en l'espèce, le 24 septembre 2013), sa marque de commerce était devenue connue dans une mesure suffisante pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.)]. Ainsi qu'il appert de mon examen de l'affidavit Stallman ci-dessus, l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui incombait au moins à l'égard de sa propre marque de commerce FRESH EXPRESS. Elle ne l'a pas fait cependant à l'égard d'autres marques de tiers.

[71]           Le fait que les dates pertinentes diffèrent n'a pas d'incidence substantielle sur mon analyse, ci-dessus, du motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité. Par conséquent, ma conclusion quant à la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce FRESH EXPRESS de l'Opposante, exposée ci-dessus, demeure applicable.

[72]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est rejeté.


 

Décision

[73]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire, trad.

 

 



 

 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2015-11-23

 

COMPARUTIONS

 

Catherine M. Dennis Brook                                                     POUR L'OPPOSANTE

 

Chantal Desjardins                                                                  POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Miller Thomson LLP                                                               POUR L'OPPOSANTE


Goudreau Gage Dubuc                                                            POUR LA REQUÉRANTE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.