Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION de Frito-Lay North America, Inc. à la demande nº 1191604 produite par Exito Food Manufacturing Inc. en vue de l'enregistrement de la marque CRUNCHIPS_______________________________                                               

 

Le 7 octobre 2003, Exito Food Manufacturing Inc. (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement visant la marque de commerce CRUNCHIPS (la « Marque ») basée sur l'emploi projeté de cette Marque au Canada en liaison avec des croustilles et des croustilles au maïs.

 

La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans l'édition du Journal des marques de commerce du 21 avril 2004. Frito-Lay North America, Inc. (l’« Opposante») a produit une déclaration d’opposition le 21 septembre 2004. L'Opposante a fondé ses motifs d'opposition sur les alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »). Chacun de ces motifs repose sur l'allégation de l’Opposante selon laquelle la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce SUNCHIPS que l’Opposante a enregistrée et utilisée en liaison avec des amuse-gueules.

 

La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante. Elle a aussi soulevé divers arguments sur des questions à trancher en la présente instance; de telles observations ne devraient pas être soumises dans une contre-déclaration. De plus, je ne prendrai pas en compte diverses pièces jointes à la contre-déclaration car elles n’ont pas été présentées de façon adéquate comme élément de preuve en l’instance.

 

À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Mme Diljinder Tina Mahal qui occupe la position de directeur du marketing (collations sensées) chez Frito Lay Canada, une division de Pepsi-Cola Canada Ltd., titulaire d’une licence d’utilisation de la marque de l’Opposante SUNCHIPS.

 

À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de son président et administrateur unique, M. Khashayar Baghai.

 

Il n’y a pas eu de contre-interrogatoire.

 

Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et a été représentée à l’audience.

 

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

C'est à la Requérante qu'il incombe de démontrer suivant la prépondérance des probabilités que la demande d'enregistrement est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l'Opposante a la charge initiale de présenter des éléments de preuve suffisants pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition sont véridiques [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.1re inst.),

p. 298]. 

 

Voici les dates pertinentes des motifs d’opposition :

         art. 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475];

         al. 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         par. 16(3) – la date de production de la demande [voir par. 16(3)];

         absence de caractère distinctif – la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

Lorsque le requérant a fourni la déclaration prescrite par l'alinéa 30i) de la Loi, on ne devrait faire droit au motif d'opposition fondé sur cette disposition que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque des éléments de preuve dénotent la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p.155]. Comme cela n’est pas le cas en l’espèce, je rejette ce motif d’opposition.

 

Autres motifs d’opposition

Chacun des autres motifs d’opposition porte sur la question du risque de confusion entre la Marque et la marque de l’Opposante SUNCHIPS. Comme la thèse de l’Opposante est plus forte à l’égard du motif portant que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’al. 12(1)d) étant donné le risque de confusion avec la marque de l’Opposante visée par l’enregistrement 

n430944, j’analyserai d’abord le risque de confusion sous cet angle.

 

Étant donné l’existence de l’enregistrement no 430944, je constate que l’Opposante s’est déchargée du fardeau initial en ce qui concerne ce motif. 

 

Test en matière de confusion

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi édicte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

En appliquant le test en matière de confusion, le registraire tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Ces facteurs énumérés doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids. [Voir, de façon générale, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

 

al. 6(5)a) - caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

SUNCHIPS est une marque au caractère distinctif inhérent, ainsi que CRUNCHIPS, qui l’est cependant moins que SUNCHIPS en raison de sa nature plus suggestive. 

 

La Requérante n’a pas encore fait l’usage de sa Marque parce qu’elle attend le dénouement de la présente opposition. [paragraphe 4, de l’affidavit de M. Baghai] Par contre, les chiffres de ventes canadiennes des marchandises SUNCHIPS de l’Opposante sont importants, se situant entre

10 M$ et 33 M$ pour chacune des années entre 1993 et 2005. De plus, l’Opposante fait la promotion de ses produits depuis 1992 et prévoyait de dépenser au-delà du demi million de dollars en 2005 pour de la publicité sous forme de réclames dans les magazines, de matériel pour les points de vente et d’achat, de feuilles d’information et de promotions sur Internet. [paragraphes 9 à 13, affidavit de Mme Mahal]

 

al. 6(5)b) – la période pendant laquelle chacune a été en usage

L’Opposante est nettement favorisée par ce facteur.

 

al. 6(5)c) et d) - le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

S'agissant de l'examen des marchandises, des services ou de l'entreprise des parties, c'est l'état déclaratif des marchandises ou services joint à la demande d'enregistrement ou à l'enregistrement qu'il faut prendre en considération pour déterminer s'il y a confusion au sens de l'alinéa12(1)d) [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.); également confirmé par McDonald's Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.)].

 

L’enregistrement de la marque de l’Opposante couvre les croustilles multi-grains, alors que celle de la Requérante couvre les croustilles et les croustilles de maïs. Les marchandises des parties sont donc très semblables.

 

L’Opposante vend des croustilles de différentes saveurs en empaquetage de différentes grosseurs par l’intermédiaire d’épiceries, d’établissements de grande surface, de pharmacies, de clubs-entrepôts et de postes d’essence-dépanneurs. [paragraphe 6, affidavit de Mme Mahal] On peut raisonnablement conclure que les marchandises de la Requérante empruntent des voies commerciales semblables et qu’elles visent les mêmes consommateurs.

 

L’Opposante a souligné que les marchandises des parties sont peu dispendieuses et elle a laissé entendre qu’elles s’achèteraient par impulsion.

 

al. 6(5)e) - le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

Le principe selon lequel la première partie d’une marque de commerce est celle qui sert le plus à établir son caractère distinctif est bien établi [Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), p. 188] et les premières parties des deux marques en cause en l’espèce sont fort différentes dans la présentation, le son, et les idées qu’elles suggèrent. Il est vrai que les deux marques se terminent par CHIPS, mais étant donné que les marchandises en liaison avec lesquelles elles sont employées se nomment ainsi, on ne peut s’attendre à ce que les consommateurs s’appuient sur cette partie de la marque pour identifier l’origine de chacune des marchandises. Il est également vrai que la première partie de chacune des marques comprend la syllabe « un », mais les marques globalement ne présentent pas un degré élevé de ressemblance. La marque de la Requérante est la version télescopée de

« crunch chips » et l’idée que les croustilles sont croustillantes est nettement celle qui est suggérée. Je rejette l’opinion de Mme Mahal (qui n’est pas un témoin expert) selon laquelle les marques [traduction] « ne peuvent être distinguées sur le plan sonore [...] parce que “CRUN” rime avec “SUN”, mais plus particulièrement, parce que le “N” dans CRUNCHIPS se situant dans la même position que dans SUNCHIPS®, il donne lieu à la même phonie ». [paragraphe 8, affidavit de Mme Mahal] Bien qu’il n’y ait pas d’opinion d’expert en preuve, compte tenu du sens lexicographique qui s’impose pour le mot « crunch », et de l’absence de signification de

« crun », il peut être raisonnable de supposer que les consommateurs prononceraient la Marque de façon familière plutôt qu’étrangère, en affaiblissant le « ch » de sorte que la prononciation soit la même pour la fin du premier mot et le début du second. De plus, le fait que le son « cr » se distingue nettement de celui du « s » occasionne des différences audibles notables entre les deux marques.

 

Je signale que la Requérante a formulé les observations suivantes au paragraphe 6 de son plaidoyer écrit :

[traduction] Contrairement à la marque de commerce de l’Opposante, la marque de commerce projetée CRUNCHIPS de la Requérante est un mot forgé, issu de la fusion des mots « Crunch » et « Chips », constituant un jeu de mots évident sur la nature croquante des marchandises de la Requérante qui sont des croustilles et des croustilles de maïs. De cette façon, le nouveau mot ainsi créé se prononce toujours en un (1) mot, soit –Crunchips–, et jamais Crun-Chips ou Crunch-Ips. La marque de commerce ne peut être séparée en deux en la prononçant, comme il est possible de le faire avec Sun-Chips, car ni « Crun » ni « Ips » ne sont des mots en anglais. En conséquence, la marque de commerce doit toujours être prononcée rapidement, CRUNCHIPS, en un souffle, contrairement à la pause qui doit se prendre en prononçant SUNCHIPS.

 

Je souligne aussi que dans son plaidoyer écrit, l’Opposante a déclaré que la Requérante avait admis ce qui suit au paragraphe 4 de sa contre-déclaration : [traduction] « La marque CRUNCHIPS de la Requérante se prononce en insistant sur la première syllabe CRUN ». Étant donné que ce qui précède n’est seulement qu’un extrait, j’estime qu’il n’est que juste de reproduire en entier le paragraphe 4 de la contre-déclaration de la Requérante :

         

[traduction] 4.    Sans préjudice des arguments susmentionnés de la Requérante, l’Opposante a mis en évidence l’astre céleste, le soleil, dans sa marque de commerce enregistrée SUNCHIPS et dans le dessin sur le sac contenant ses marchandises (voir la pièce A-1). Aussi, lorsque la marque de commerce SUNCHIPS est prononcée, l’emphase est-elle mise sur la première syllabe SUN plutôt que sur le mot CHIPS.

 

Or, dans la marque de commerce projetée CRUNCHIPS de la Requérante, le sens qui s’en dégage et la prononciation portent sur la première syllabe CRUN plutôt que sur CHIPS, véhiculant ainsi un bruit de croquant ou d’écrasement.

 

Je ne suis pas certaine que ce qui précède constitue une admission, auquel cas l’agent de l’Opposante a convenu lors de l’audience que je n’était pas liée par celle-ci. Après tout, cette citation se présente sous la forme d’un argument (par opposition à une admission sur les faits) et elle a trait à une question que je dois trancher, à savoir le degré de ressemblance entre les marques des parties.

 

Même si la Marque de la Requérante devait se prononcer CRUN-CHIPS, les marques SUNCHIPS et CRUNCHIPS présentent des différences marquées dans le son, la présentation et les idées qu’elles suggèrent.

 

Je signale que les marques devraient être examinées comme un tout mais qu’il est toujours acceptable « d'en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.)., p. 263].

 

autres circonstances

La Requérante a souligné que la marque de l’Opposante est apposée à certains endroits sur ses emballages, etc. en deux mots, plutôt qu’en un seul. Toutefois, la position de SUN au-dessus du mot CHIPS demeure un emploi de SUNCHIPS, conformément au principe 2 de Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535, p. 538 et 539.

 

conclusion relative au risque de confusion

« À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire ». [Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.), p. 149, confirmé par60 C.P.R. (2d) 70]  

 

Je conclus qu’il est peu probable que le consommateur canadien moyen, ayant un vague souvenir de SUNCHIPS, présume (à première vue) que les croustilles CRUNCHIPS et les croustilles SUNCHIPS proviennent de la même source. Malgré la réputation acquise par l’Opposante, il m’apparaît que les différences marquées entre les marques soient suffisantes pour rendre la confusion peu probable.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est donc rejeté.

 

Motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement

L’Opposante s’est acquittée de sa charge initiale en ce qui concerne son motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(3), en établissant que sa marque était employée au Canada avant le

7 octobre 2003.

 

L’analyse du risque de confusion fondé sur ce motif ne diffère pas vraiment de celle faite pour le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). En conséquence, son sort est le même, et le motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(3) est aussi rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

Afin de s’acquitter de sa charge initiale en ce qui concerne ce motif, l’Opposante ne doit seulement établir que sa marque était « connue au moins jusqu'à un certain point » depuis le

21 septembre 2004. [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.), p.58]. L’Opposante s’est acquittée de cette charge.

 

L’analyse du risque de confusion fondé sur ce motif ne diffère pas vraiment de celle faite pour le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d). En conséquence, son sort est le même et le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif est aussi rejeté.

 

Décision

En vertu de la délégation de pouvoirs faite par le registraire des marques de commerce sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 3 JUILLET 2008.

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL. L.

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