Contenu de la décision
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS
Référence : 2010 COMC 44 Date de la décision : 2010-04-14
TRADUCTION
DANS L’AFFAIRE DE TROIS OPPOSITIONS produites par La Brasserie Labatt Limitée/Labatt Brewing Company Limited à l’encontre des demandes d’enregistrement nos 1257441, 1257440 et 1257439 pour les marques de commerce SUPER COLD, EXTRA COLD et EXTRA CHILLED, respectivement, au nom de Molson Canada 2005
Demande no 1257441 en vue de l’enregistrement de la marque SUPER COLD
Le dossier
[1] Le 12 mai 2005, Molson Canada 2005 (« Molson ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce SUPER COLD, fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec :
des boissons alcoolisées brassées, nommément de la bière.
La demande fait l’objet d’un désistement du droit à l’usage exclusif du mot SUPER en dehors de la marque dans son ensemble. La demande en cause a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 28 décembre 2005, et La Brasserie Labatt Limitée/Labatt Brewing Company Limited (« Labatt ») s’y est opposée le 13 février 2007.
[2] Le registraire a fait parvenir copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 20 février 2007, comme le prescrit le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13. La requérante a répondu en produisant et en signifiant une contre‑déclaration, dans laquelle elle nie en bloc les allégations contenues dans la déclaration d’opposition. Aucune des parties n’a produit de preuve et seule la requérante a produit un plaidoyer écrit. Les parties n’ont pas demandé la tenue d’une audience.
Déclaration d’opposition
[3] Suivant le premier motif d’opposition, la demande en cause contrevient à l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce parce que la requérante n’avait pas l’intention d’employer le terme SUPER COLD comme une marque de commerce, mais plutôt [traduction] « comme un descripteur ».
[4] Suivant le deuxième motif, conformément à l’alinéa 12(1)b) de la Loi, la marque visée par la demande n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises, [traduction] « à savoir de l’état dans lequel la bière de la requérante sera vendue ou servie... »
[5] Suivant le dernier motif d’opposition, la marque de commerce faisant l’objet de la demande n’est pas adaptée pour distinguer la bière de la requérante [traduction] « des marchandises d’autres propriétaires compte tenu de sa nature descriptive ».
Thèse de la requérante
[6] Selon la requérante, l’opposante i) n’a pas présenté de faits pertinents dans sa déclaration d’opposition à l’appui de ses allégations et ii) n’a pas présenté d’éléments de preuve pour s’acquitter du fardeau qui lui incombait d’étayer ses motifs d’opposition. Je ne peux souscrire à la première observation de la requérante. À mon sens, si on lit la déclaration d’opposition dans son ensemble, il est évident que les premier et troisième motifs d’opposition reposent sur le deuxième motif, soit que le terme SUPER COLD donne une description claire de la bière. À mon avis, on comprend très bien, d’après le sens littéral et descriptif des termes SUPER et COLD, pourquoi il est légitime de penser que l’emploi projeté du terme SUPER COLD en tant que marque de commerce pour de la bière peut soutenir un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b). J’analyserai la deuxième observation de la requérante plus loin dans les présents motifs.
Question principale
[7] La question principale en l’espèce, telle qu’elle est alléguée dans la déclaration d’opposition, est celle de savoir si la marque SUPER COLD visée par la demande donne une description claire ou une description fausse ou trompeuse de la nature ou la qualité de la bière. Les dates pertinentes pour l’examen de la question de la confusion sont i) la date de la production de la demande en cause (12 mai 2005) quant au premier motif; ii) la date de ma décision quant au deuxième motif et iii) la date de l’opposition (13 février 2007) quant au troisième motif : pour un examen de la jurisprudence relative aux dates pertinentes en matière de procédure d’opposition, voir American Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, p. 206 à 209 (C.F.1re inst.).
Fardeau de la preuve
[8] Il incombe à la requérante de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce qu’affirme l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Cela signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive une fois l’ensemble de la preuve produite, il faut rendre une décision défavorable à la requérante. Il incombe toutefois à l’opposante, conformément aux règles de preuve habituelles, de prouver les faits invoqués au soutien des allégations formulées dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298. L’imposition d’un tel fardeau de preuve à l’opposante concernant une question précise signifie que, pour que cette question soit examinée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.
Jurisprudence
[9] Dans l’affaire de l’opposition récente Anheuser-Busch, Inc. c. Molson Canada 2005 (15 mars 2010 (décision inédite), demandes nos 1257441, 1257440, 1257439 et 12527360), j’ai eu l’occasion d’examiner si la marque SUPER COLD visée par la demande donne une description claire ou une description fausse ou trompeuse de la nature ou la qualité de la bière. Dans cette affaire, j’ai souligné au paragraphe 15 :
La question de savoir si la marque SUPER COLD visée par la demande donne une description claire de la bière doit être examinée en fonction de la première impression et selon le point de vue du consommateur de bière moyen. Une marque donne une description claire si elle décrit un aspect, un trait ou une caractéristique des marchandises d’une manière qui est [traduction] « facile à comprendre, évidente ou simple » : voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25, p.27 et 28; Promotions atlantiques Inc. c. Registraire des marques de commerce, C.P.R. (3d) 183, p. 186; Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1986), 55 C.P.R. 29, p. 34.
[10] J’ai également souligné ce qui suit au paragraphe 14 de la décision Anheuser, précitée :
Il me semble, du moins dans les circonstances de l’espèce, que les deux questions soulevées par le deuxième motif d’opposition, quant à savoir si la marque SUPER COLD visée par la demande donne une description claire ou une description fausse ou trompeuse i) de la façon dont la bière est produite et ii) de la catégorie ou du type de bière, sont liées de près. À cet égard, si l’opposante peut démontrer que la marque donne une description d’un processus pour produire de la bière, alors il s’en suivra que la marque donne une description de la nature ou la qualité de la bière, c’est‑à‑dire que la bière aura une certaine nature ou qualité parce qu’elle a été faite selon un certain processus : voir, par exemple, l’extrait de la décision Staffordshire Potteries Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1976), 26 C.P.R. (2d) 134 (C.F. 1re inst.), par. [20], reproduit ci‑dessous.
(Non souligné dans l’original.)
[11] L’extrait de la décision Staffordshire, précitée, est reproduit ci‑dessous :
Le mot « Kilncraft » est une combinaison de deux mots courants en anglais : kiln et craft; ces deux mots contribuent, selon moi, à la signification du mot composé. Lorsqu’il est employé à l’égard ou dans le domaine des articles de cuisine, il n’a pas, autant que je sache, de signification reconnue, mais, dans mon esprit, il suggère fortement que les marchandises qu’il désigne ou à l’égard desquelles il peut être employé ont été spécialement traitées par un procédé de cuisson. Je pense que c’est l’idée que le mot pourrait transmettre, comme première impression, à celui qui le verrait écrit sur les articles de cuisine ou sur les boîtes qui les contiennent, ou qui l’entendrait prononcer en rapport avec les mêmes articles, par un commis de magasin ou un vendeur.
Je pense aussi que la personne qui verrait ou entendrait le mot [KILNCRAFT] dans pareilles circonstances serait certaine que les marchandises en question ont été fabriquées par un procédé de cuisson et qu’elles sont de bonne qualité. Pour moi, ceux qui verraient ou entendraient ce mot auraient l’impression que les articles ont été produits de cette façon et qu’ils sont de cette qualité, et c’est pourquoi il constitue une description claire, au sens de l’alinéa 12(1)b), des conditions de production des articles à l’égard desquels il serait employé ainsi que de la qualité de ces articles, si ce n’est pas aussi de leur nature.
(Non souligné dans l’original.)
[12] Aux paragraphes 19 à 22 de son plaidoyer écrit en l’espèce, la requérante prétend que le cas qui nous occupe est identique à l’affaire Registraire des marques de commerce c. Provenzano (1978), 40 C.P.R. (2d) 288 (C.A.F.); conf. par 37 C.P.R. (2d) 189 (C.F. 1re inst.). Dans Provenzano, la Cour a accueilli l’appel d’une décision par laquelle notre Commission avait refusé une demande d’enregistrement pour la marque de commerce KOLD ONE en liaison avec de la bière. La Commission avait conclu que la marque KOLD ONE donnait une description claire ou une description fausse ou trompeuse de la nature ou la qualité de la bière. La Cour fédérale a raisonné comme suit en accueillant l’appel de la décision de la Commission, à la page 190 :
L’adjectif « cold » [froid], lorsqu’il qualifie le mot « beer » [bière], ne constitue d’aucune façon une description de la nature ou de la qualité intrinsèques du produit. Contrairement à certains produits alimentaires comme la crème glacée, les aliments congelés, les glaces et les jus, ou à certains appareils comme les réfrigérateurs, les poêles et les grille-pains, la température à laquelle ils peuvent ou ne peuvent pas être livrés, vendus ou utilisés n’a rien à voir avec la nature ou la qualité du produit lui-même. (Voir, par exemple, le mot « frigidaire », dans General Motors Corp. c. Bellows, (1949), 10 C.P.R. 101, [1950] 1 D.R.L. 569, [1949] R.C.S. 678, et les mots « Tastee Freeze », dans Tastee Freeze International Ltd.’s Appln., [1960] R.P.C. 255. Bien que la majorité des gens doivent préférer boire leur bière froide, d’autres peuvent l’aimer mieux à la température de la pièce. En pareil cas, le mot « cold » [froid] ne peut se rapporter qu’à l’état dans lequel le produit, c’est-à-dire la bière, peut ou ne peut pas être vendu ou consommé, et non pas à la qualité ou à la nature intrinsèques du produit. Il ne constitue donc pas une description de la bière elle-même.
[13] Dans l’affaire Anheuser, précitée, j’ai conclu que la marque SUPER COLD donnait une description claire de la façon dont la bière de la requérante est produite (au moyen d’un processus de « brassage à froid ») et qu’en 2005, les termes « super cold » [super froid] et « extra chilled » [extra frais] sont entrés dans le lexique anglophone pour décrire un type particulier de bière. Mes conclusions dans Anheuser, précitée, étaient basées sur la preuve soumise par l’opposante Anheuser-Busch. En particulier, j’ai conclu que l’opposante Anheuser‑Busch avait présenté suffisamment de preuve pour s’acquitter du fardeau qui lui incombait d’établir les éléments prévus à l’alinéa 12(1)b) alors que la requérante n’avait pas étayé sa preuve. De plus, j’ai établi une distinction entre l’arrêt Provenzano et cette affaire au motif que le premier a été tranché avant que le processus de « brassage à froid » ne soit répandu dans l’industrie brassicole ou connu des consommateurs de bières.
Conclusion
[14] En l’espèce, l’opposante Labatt n’a pas démontré qu’un nouveau type de bière, basé sur un processus de brassage à froid, a été introduit sur le marché canadien environ au même moment où la demande en cause a été produite. Par conséquent, je suis d’accord avec la requérante Molson pour dire que l’opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’étayer ses motifs d’opposition. Par conséquent, l’opposition à la demande no 1106425 est rejetée.
Demandes nos 1257440 et 1257439 en vue de l’enregistrement des marques EXTRA COLD et EXTRA CHILLED
[15] Les demandes susmentionnées pour les marques de commerce EXTRA COLD et EXTRA CHILLED ont été produites le même jour que la demande pour la marque SUPER COLD et sont également fondées sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec de la bière. Comme dans l’opposition visant la marque SUPER COLD, aucune des parties n’a présenté de preuve et seule la requérante a soumis un plaidoyer écrit. Aucune des parties n’a demandé la tenue d’une audience.
[16] Les plaidoyers, les questions et les dates pertinentes relativement aux oppositions aux marques EXTRA COLD et EXTRA CHILLED sont identiques à ceux analysés dans le cadre de l’opposition produite à l’encontre de SUPER COLD. En appliquant les mêmes facteurs et le même raisonnement que dans l’opposition produite à l’encontre de la marque SUPER COLD, j’estime que l’opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’étayer ses motifs d’opposition.
Décision
[17] Compte tenu de ce qui précède, les oppositions de Labatt produites à l’encontre des demandes nos 1257441, 1257440 et 1257439 sont rejetées. J’ai pris les présentes décisions conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.
[18] Bien entendu, comme l’issue de l’opposition dans Anheuser, précitée, n’était pas favorable à la requérante Molson, les demandes en cause ne pourront être accueillies, sous réserve de tout appel.
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Myer Herzig
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Mylène Boudreau, B.A. en trad.