Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2013 COMC 17

Date de la décision : 2013-02-05

RELATIVEMENT À UNE OPPOSITION par Keyston Automotive Distributors Company LLC et Keystone Automotive Operations Inc. à la demande no 1,208,979 concernant la marque de commerce KEYSTONE au nom de Keystone Automotive Industries Inc.

Dossier

[1]               Le 9 mars 2004, Keystone Automotive Industries Resources Inc. a déposé une demande d'enregistrement de la marque KEYSTONE (la Marque). Ensuite, la demande a été cédée à Keystone Automotive Industries Inc. (le Requérant).

[2]               La demande déposée est fondée sur l'emploi au Canada depuis au moins le mois de novembre 1999 en lien avec :

pièces de carrosserie d'automobiles, nommément tôles de carrosserie et tôles de réparation de rouille, garde-boue, capots, radiateurs et condenseurs ainsi qu'ensembles de phares et de feux arrières; pare-chocs, nommément pare-chocs en plastique ainsi que couvre-parechocs en plastique neufs et remis à neuf ainsi que pare-chocs en acier et renforts de pare-chocs; peinture, matériaux utilisés dans la réparation de véhicules endommagés, nommément papier abrasif, abrasifs, produits de masquage, nommément ruban-cache, papier-cache et liquide de masquage, agent de remplissage en plastique; roues en alliage réusinées; pare-brise et vitres d'automobiles (les Marchandises).

[3]               La demande a été annoncée en vue de la procédure d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 29 juillet 2009. Keystone Automotive Distributors Company LLC (Distributors LLC) et Keystone Automotive Operations Inc. (Operations), (Distributors LLC et/ou Operations ci-après nommés l'Opposant) ont produit une déclaration d'opposition le 29 décembre 2009, laquelle a été transmise par le Registraire au Requérant le 7 janvier 2010.

[4]               Les motifs d'opposition invoqués sont les suivants :

1.              La demande n'est pas conforme aux exigences prévues à l'alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch T-13 (la Loi), en ce sens que le Requérant ne peut avoir été convaincu qu’il avait le droit d'employer la Marque au Canada en lien avec les Marchandises, étant donné l'emploi précédent des marques de commerce de l'Opposant, à savoir KEYSTONE, KEYSTONE & Design, KEYSTONE AUTOMOTIVE OPERATIONS INC. & Design et KEYSTONE ECOMMERCE (Marques de commerce de l'Opposant), en lien avec des pièces d'automobiles et des accessoires, un catalogue de commande en ligne et des services informatisés de commande en ligne de pièces d'automobiles et d'accessoires; une base de données consultable contenant les pièces d'automobiles à vendre ainsi que des services de catalogue en ligne contenant des pièces d'automobiles et des accessoires; un répertoire en ligne de renseignements commerciaux contenant de l'information sur l'industrie de l'automobile; un magasin informatisé en ligne de vente au détail et des services de distribution en gros de pièces d'automobiles et d'accessoires; des services de publicité et de marketing, nommément la promotion de biens et de services de tiers dans le domaine des pièces d'automobiles; des services d'impartition (les Marchandises et services de l'Opposant);

2.              La demande n'est pas conforme aux exigences prévues à l'alinéa 30b) de la Loi, puisque le Requérant n'a pas employé la Marque en lien avec les Marchandises depuis la date alléguée dans la demande;

3.              Le Requérant n'est pas une personne admise à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'alinéa 16(1)a) de la Loi, en ce sens qu'à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les Marques de commerce de l'Opposant, lesquelles avaient déjà été employées par l'Opposant au Canada en lien avec les Marchandises et services de l'Opposant.

4.              Le Requérant n'est pas une personne admise à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'alinéa 16(1)c) de la Loi, en ce sens qu'à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les noms commerciaux de l'Opposant qui font partie des Marques de commerce de l'Opposant précédemment employées et révélées par l'Opposant au Canada.

5.              En vertu de l'alinéa 38(2)d) de la Loi et pour les raisons susmentionnées, la Marque ne présente aucun caractère distinctif au sens de l'article 2 de la Loi.

[5]               Dans une contre-déclaration produite le 14 janvier 2010, le Requérant a essentiellement nié tous les motifs d'opposition.

[6]               L'Opposant a produit en preuve l'affidavit de Patrick Judge, alors que le Requérant a choisi de ne produire aucune preuve. Seul l'Opposant a produit une observation écrite; les deux parties étaient représentées à l'audience.

Obligation légale et fardeau de la preuve

[7]               Il incombe au Requérant de démontrer que la demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, il revient à priori à l'Opposant de présenter suffisamment de preuves admissibles desquelles on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent. Après s'être acquitté du fardeau qui lui incombe, le Requérant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir les décisions Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (COMC); John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company [2005] C.F. 722].

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30i) de la Loi

[8]               L'alinéa 30i) de la Loi exige que le Requérant se déclare convaincu qu’il a le droit d’employer la Marque. Cette déclaration est incluse dans la demande. L’alinéa 30i) ne peut être invoqué que dans certaines circonstances, notamment lorsqu’il est allégué que le requérant a commis une fraude [voir la décision Sapodilla Co Ltd. c. Bristol Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC)]. Il n'y a aucune allégation de cette nature dans la déclaration d'opposition ni preuve au dossier à cet égard.

[9]               Étant donné les circonstances, le premier motif d'opposition est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b) de la Loi

[10]           La date pertinente concernant ce motif d'opposition est la date de production de la demande, dans la mesure où le Requérant doit avoir employé la Marque à compter de la date de premier emploi alléguée jusqu'à la date de production de la demande [voir la décision Georgia-Pacific Corporation c. Scott Paper Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 274 (COMC)]. Il revient à l'Opposant de prouver son allégation, à savoir que le Requérant n'avait pas employé la Marque à la date de premier emploi alléguée dans la demande en lien avec chacune des Marchandises. On considère ce fardeau comme étant peu astreignant. En outre, l'Opposant peut s'appuyer sur la preuve déposée par le Requérant lui-même [voir la décision York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4e) 156 (COMC)]. Toutefois, dans l'affaire qui nous occupe, le Requérant n'a produit aucune preuve.

[11]           En fait, le principal argument de l'Opposant est que le Requérant n'a pas produit de preuve pour corroborer la date de premier emploi qu'il allègue. Je ne suis au courant d'aucune jurisprudence, et l'Opposant n'en a cité aucune, qui puisse soutenir sa contention, à savoir que, la simple omission par le Requérant de produire une preuve pour corroborer la date de premier emploi qu'il allègue suffit pour que l'on considère que l'Opposant se soit acquitté du fardeau initial qui lui incombait. Comme dans le cas de tout autre motif d'opposition, le fardeau initial revient à l'Opposant. L'Opposant n'a produit aucune preuve pour soutenir un tel motif d'opposition. Par conséquent, le deuxième motif d'opposition est également rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)a) de la Loi

[12]           Afin de régler certaines questions soulevées par l'Opposant concernant le fait que le Requérant n'a produit aucune preuve pour corroborer la date de premier emploi qu'il allègue, je dois formuler certains commentaires préliminaires. Aux dires de l'Opposant, il serait trop facile pour un requérant d'alléguer simplement une date de premier emploi « ridicule », un terme mentionné pendant l'audience, et de ne produire aucune preuve, puis d'attendre de voir si l'opposant sera capable de prouver une date de premier emploi antérieure.

[13]           Avant la décision Effigi Inc. c. Canada (2005), 41 C.P.R. (4e) 1 (C.A.F.), une demande dans laquelle la date de premier emploi alléguée précède celle alléguée dans une demande précédente permettait d'écarter une citation de cette dernière sur le fondement de ladite date de premier emploi alléguée précédente, sans présentation de preuve à l'étape de l'examen. Depuis la décision Effigi, une partie qui allègue une date de premier emploi antérieure à celle indiquée dans une demande précédemment produite doit contester cette demande et prouver qu'elle a employé sa marque de commerce avant la date de premier emploi alléguée indiquée dans la demande précédemment produite. Une telle opposition, comme celle du cas qui nous occupe, demeure régie par les règles de preuve et le fardeau susmentionné.

[14]           Par conséquent, indépendamment du fait que le Requérant n'a produit aucune preuve pour corroborer la date de premier emploi qu'il allègue, il revient tout de même à l'Opposant de prouver qu'il a déjà employé ou révélé au Canada une marque semblable créant de la confusion. Par conséquent, pour s'acquitter du fardeau qui lui incombe, l'Opposant doit prouver qu'il a employé l'une de ses marques de commerce ou l'un de ses noms commerciaux au Canada avant novembre 1999. Si l'Opposant ne le fait pas, je n'aurai d'autre choix que de rejeter les motifs d'opposition fondés sur le paragraphe 16(1) de la Loi, indépendamment du fait que le Requérant n'a pas établi sa propre date de premier emploi. Toutefois, si l'Opposant s'est acquitté du fardeau qui lui incombait, je dois déterminer s'il existe une probabilité de confusion entre les marques de commerce respectives des parties. Je note que le Requérant n'a formulé aucun commentaire sur cette question.

[15]           M. Judge est vice-président/directeur et secrétaire d'Operations; il occupe ce poste depuis 1998. Il est responsable de toutes les fonctions juridiques et de conformité de l'organisation. Il a aussi été directeur général de 1976 à 1999 et directeur de 1972 à 1976.

[16]           Il fournit des renseignements généraux d'entreprise concernant l'Opposant. Il indique qu'Operations a été constituée en société en janvier 1971 sous le nom Keystone Automotive Warehouse (Warehouse) et que le mot « KEYSTONE » fait partie de son nom de société depuis 1971. En 1998, Warehouse a été achetée et réorganisée pour devenir Operations. En 1999, deux autres entités ont été créées : Keystone Automotive Distributors’ Inc. (Distributors Inc.) et Keystone Automotive Operations of Canada (Operations Canada). En 2005, Distributors Inc. a été fusionnée pour devenir Distributors LLC.

[17]           M. Judge affirme que Distributors LLC est propriétaire des marques de commerce de l'Opposant KEYSTONE, KEYSTONE AUTOMOTIVE OPERATION INC. et KEYSTONE & Checkered Flag Design. Deux ententes de licence ont été produites en tant que pièce B de l'affidavit de M. Judge (une entre Distributors LLC et Operations Canada, et une autre entre Distributors LLC et Operations).

[18]           M. Judge indique que depuis sa constitution en société, Operations a poursuivi ses activités en fournissant les marchandises et les services de l'Opposant sur le marché des pièces de rechange d'automobiles. Selon M. Judge, Operations offre les marchandises et les services de l'Opposant au Canada depuis novembre 1991.

[19]           À l'audience, l'agent de l'Opposant a reconnu qu'il n'y avait aucune preuve au dossier, à l'exception de la déclaration générale faite par M. Judge concernant l'emploi de l'une ou l'autre des marques de commerce de l'Opposant en lien avec des marchandises.

[20]           Quant à l'allégation d'emploi des marques de commerce de l'Opposant au Canada en lien avec les services depuis novembre 1991, il n'existe aucune documentation permettant de corroborer ladite date, à savoir novembre 1991. La documentation la plus ancienne au dossier date de 1999. Il s'agit d'une photocopie d'une annonce faisant partie de la pièce A de l'affidavit de M. Judge. On y indique « Special good through June 30, 1999 » (spéciaux en vigueur jusqu'au 30 juin 1999). On peut donc supposer que cette annonce a circulé avant le 30 juin 1999. Le document provient d'Operations Canada, l'un des titulaires de licence de l'Opposant, puisque le nom de la société Operations Canada figure sur le document. Enfin, l'annonce indique ceci : « Truck delivery available 3 days a week!- Greater Toronto Area- Sudbury & North Bay Region- Ottawa Area- Greater London Area » (Livraison par camion trois jours par semaine! - région du Grand Toronto - région de Sudbury et North Bay - région d'Ottawa - région métropolitaine de London). Par conséquent, ce document me convainc que les services de l'Opposant étaient offerts au Canada avant le 30 juin 1999.

[21]           Il y a au dossier un catalogue daté de 1999, mais rien n'indique à quel moment ce document a été distribué au Canada pour la première fois. Puisque la date pertinente de ce motif d'opposition est novembre 1999, je ne peux pas, sans indication de la date exacte à laquelle ledit catalogue a été distribué pour la première fois, supposer qu'il était en circulation au Canada avant le 30 novembre 1999. Figure aussi au dossier un document daté de 1996 intitulé « Marketing program » (programme de marketing), sur lequel apparaît le nom commercial Warehouse, mais rien sur le document n'indique que celui-ci a été distribué au Canada. On y voit une représentation géographique de l'Est des États-Unis, sans aucune référence au Canada, ni à une région de ce pays.

[22]           L'annonce affichant la marque de commerce KEYSTONE, visant à promouvoir les services de l'Opposant par l'offre de « specials good through June 30, 1999 » (spéciaux en vigueur jusqu'au 30 juin 1999), produite en tant que pièce A de l'affidavit de M. Judge, suffit pour prouver que l'Opposant a employé sa marque de commerce KEYSTONE au Canada avant la date pertinente.

[23]           D'autres documents produits en tant que pièces C et D (il semble qu'il y ait duplication dans la pièce D des documents produits en tant que pièce A ou pièce C) de l'affidavit de M. Judge portent les marques de commerce de l'Opposant, mais rien sur ces documents ni dans l'affidavit de M. Judge n'indique à quel moment ces documents ont été distribués au Canada. Au paragraphe 11 de son affidavit, M. Judge indique que ces documents ont été utilisés « over the years » (au fil des années). Les dates sont importantes dans les procédures d'opposition. Une telle déclaration générale ne me permet pas de conclure que l'ensemble des documents joints à son affidavit, à l'exception du document susmentionné qui fait partie de la pièce A, étaient en circulation au Canada avant novembre 1999.

[24]           Dans la décision Porter c. Don the Beachcomber (1966), 48 C.P.R. 280 (C. de l’É. Can.), la Cour de l'Échiquier du Canada a expliqué comme suit l'emploi d'une marque de commerce au Canada en lien avec des services :

Je considère donc que « l'emploi au Canada » d'une marque de commerce relativement à des services offerts ne peut être établi que par la simple annonce de la marque de commerce au Canada, de pair avec l'exécution des services ailleurs, mais nécessite que les services soient exécutés au Canada et que la marque de commerce soit employée ou affichée dans le cadre de l'exécution ou de l'annonce de ces services au Canada.

[25]           On soutient également que le paragraphe 4(2) de la Loi peut être respecté s'il est démontré que le propriétaire de la marque de commerce offre les services au Canada et est prêt à les exécuter à cet endroit [voir la décision Wenward (Canada) Ltd. c. Dynaturf Co (1976), 28 C.P.R. (2d) 20 (COMC)].

[26]           Il semble que, d'après la documentation pertinente susmentionnée, l'Opposant annonçait ses services en lien avec la marque de commerce KEYSTONE, à savoir l'offre pour la vente et la vente de pièces de remplacement pour automobiles, y compris les pièces d'auto, les accessoires, les roues et les pneus. Les services de l'Opposant étaient donc offerts au Canada avant le 30 novembre 1999.

[27]           L'Opposant doit tout de même prouver qu'il n'a pas abandonné ledit emploi de la marque à la date de l'annonce, à savoir le 29 juillet 2009 [voir le paragraphe 16(5) de la Loi]. D'abord, M. Judge a fourni les chiffres d'affaires annuels de l'Opposant au Canada pour les années 2006 à 2009 inclusivement. Il a également produit, en tant que pièce C de son affidavit, une copie d'une annonce qui contient l'information suivante : NEW CROSS DOCK-OPENING June 8, 2009 – Serving South Dakota, North Dakota & Manitoba, Canada. (NEW CROSS DOCK - OUVERTURE le 8 juin 2009 – Services offerts au Dakota du Sud, Dakota du Nord et au Manitoba, Canada).

[28]           Figurent également au dossier des photocopies de deux documents produits en tant que pièce D de l'affidavit de M. Judge, contenant l'information suivante : « NEW CROSS DOCK-AUGUST 3, 2009 » (NEW CROSS DOCK - 3 AOÛT 2009)  ou « NEW CROSS DOCK-OPENING AUGUST 3, 2009 MOOSE JAW, SASKATCHEWAN » (NEW CROSS DOCK- OUVERTURE LE 3 AOÛT 2009, MOOSE JAW, SASKATCHEWAN). Non seulement le nom commercial d'Operations Canada apparaît-il sur ces documents, mais dans ce nom, on voit aussi une version stylisée du mot KEYSTONE avec le dessin d'un drapeau tel qu'illustré ci-dessous :

[29]           Je considère une telle représentation comme un emploi de la marque de commerce KEYSTONE, puisqu'elle se distingue du nom de la société. La taille des lettres de ce mot est supérieure à la taille des lettres du nom de société Operation Canada et ce mot apparaît en caractères gras. Je ne vois pas la nécessité de reproduire d'autres pièces contenant des annonces sur lesquelles apparaît le nom de société des différentes entités susmentionnées. L'affichage du dessin d'un drapeau à damier (Checkered Flag Design) et du mot KEYSTONE est semblable. Parfois, la police utilisée pour le mot KEYSTONE peut varier, mais le reste du nom de société est toujours écrit sous le mot KEYSTONE et en caractères beaucoup plus petits [voir la décision Road Runner Trailer Manufacturing Ltd c. Road Runner Trailer Co (1984), 1 C.P.R. (3d) 443 (C.F. 1re inst.)].

[30]           D'après les chiffres d'affaires annuels susmentionnés, l'annonce faisant référence à une ouverture le 8 juin 2009 et les annonces concernant une autre ouverture le 3 août 2009, je conclus que l'Opposant n'avait aucune intention d'abandonner l'emploi de sa marque de commerce KEYSTONE le 29 juillet 2009.

[31]           Je vais maintenant aborder certaines questions techniques soulevées par le Requérant concernant la preuve produite par l'Opposant concernant l'emploi de ses marques de commerce. D'abord, le Requérant fait valoir qu'il existe certaines lacunes dans la chaine de titres de propriété des marques de commerce de l'Opposant. M. Judge allègue en effet que Distributors LLC est propriétaire des marques de commerce de l'Opposant. Cette entité est issue d'une fusion qui a eu lieu en 2005, et des ententes de licence pour le confirmer ont été produites, comme indiqué ci-dessus, lesquelles indiquent que le concédant est Distributors LLC. Le fait que ces licences portent exactement la même date que la date d'exécution de l'affidavit de M. Judge ne les rend pas nulles et non avenues. Elles sont confirmatoires. Si le Requérant souhaitait obtenir d'autres explications sur la fusion et la façon dont Distributors LLC est devenu propriétaire des marques de commerce de l'Opposant, il aurait pu contre-interroger le déposant.

[32]           Le Requérant a soulevé le fait que l'entente de licence entre Distributors LLC et Operations fait référence à l'emploi licencié de certaines marques de commerce depuis le 19 novembre 1991, alors qu'Operations n'a été constituée en société qu'en 1998. Ce n'est pas ce que M. Judge indique dans son affidavit. Il affirme qu'en 1998, Warehouse a été achetée par un groupe d'investisseurs et a été réorganisée pour devenir Operations. Si le Requérant souhaitait obtenir d'autres renseignements sur cette réorganisation, il aurait pu contre-interroger M. Judge sur cette question.

[33]           Quant à l'entente de licence entre Distributors LLC et Operations Canada, le Requérant soutient qu'elle fait référence à un emploi licencié datant du 25 mars 1999, alors que M. Judge allègue dans son affidavit qu'Operations Canada a été constituée en société en 1999. Si le Requérant souhaitait connaître la date exacte de la constitution en société de cette dernière, il aurait pu le demander à M. Judge dans le cadre d'un contre-interrogatoire. Il n'y a certainement aucune contradiction entre le document produit et l'allégation de M. Judge.

[34]           Tous les documents pertinents susmentionnés qui ont été imprimés avant le 30 novembre 1999 font référence à Operations ou à Operations Canada, deux titulaires de licences de Distributors LLC. Par conséquent, tout emploi de la marque de commerce KEYSTONE par l'un ou l'autre de ces titulaires de licence est considéré comme un emploi de cette marque de commerce par Distributors LLC [voir l'article 50 de la Loi].

[35]           Le Requérant soulève en outre l'argument suivant : l'Opposant n'a pas précisément allégué dans sa déclaration d'opposition l'emploi antérieur de la marque de commerce KEYSTONE & Checkered Flag Design, laquelle apparaît sur les annonces pertinentes décrites ci-dessus. L'Opposant a fait référence à l'emploi antérieur de la marque de commerce KEYSTONE & Design dans sa déclaration d'opposition. Si le Requérant avait voulu obtenir des précisions pour savoir à quelle marque de commerce l'Opposant fait référence dans sa déclaration, il aurait pu en faire la demande avant l'étape de présentation des preuves. Le fait que M. Judge fasse référence à KEYSTONE & Checkered Flag Design comme une marque de commerce ne signifie pas qu'il s'agit d'une marque de commerce différente de KEYSTONE & Design. On ne fait aucunement référence à deux dessins de marque distincts dans la déclaration d'opposition, l'affidavit de M. Judge ou les ententes de licences. Si l'on considère le script utilisé pour le mot KEYSTONE et le dessin du drapeau à damier tels qu'ils sont illustrés ci-dessus comme étant la marque de commerce KEYSTONE & Design, l'illustration constitue donc également une preuve de l'emploi du mot servant de marque KEYSTONE [voir la décision Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), C.P.R. (3d) 523 (CAF)].

[36]           Par conséquent, je conclus que l'Opposant s'est acquitté de son fardeau initial et qu'il a prouvé qu'il avait employé sa marque de commerce KEYSTONE avant le 30 novembre 1999 et qu'il n'en a pas abandonné l'emploi à la date de l'annonce. Par conséquent, il incombe au Requérant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec les Marques de commerce de l'Opposant.

[37]           Le critère qui permet de déterminer s'il existe une probabilité de confusion entre les deux marques de commerce est énoncé dans le paragraphe 6(2) de la Loi. Certaines des circonstances d'ensembles dont il faut tenir compte sont décrites au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et il n'est pas nécessaire de tous leur accorder un poids égal [Voir les décisions Clorox Co c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)]. Je fais également référence aux jugements de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4e) 401 et l'affaire Mattel Inc. c. 3894207 Canada inc. (2006), 49 C.P.R. (4e) 321, dans lesquels le Juge Binnie commente l'évaluation des critères énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi.

[38]           Concernant son jugement dans l'affaire Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

[39]           Il n'est donc pas étonnant que le Requérant n'ait pas formulé de commentaires sur la probabilité de confusion entre les marques de commerce KEYSTONE et KEYSTONE & Design de l'Opposant et la Marque. Je limiterai mes commentaires à ceci : la Marque est identique à la marque de commerce KEYSTONE de l'Opposant et l'ensemble des Marchandises concerne soit des pièces de carrosserie d'automobiles ou des produits utilisés dans l'industrie de l'automobile, alors que l'Opposant fournit des services d'offre pour la vente et de vente de marchandises semblables par l'entremise du marché des pièces de rechange de l'industrie de l'automobile. Cela me suffit pour conclure que le Requérant n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a pas de possibilité de confusion entre les marques de commerce des parties respectives.

[40]           Par conséquent, le troisième motif d'opposition est maintenu.

Caractère distinctif de la Marque

[41]           La date pertinente concernant ce motif d'opposition correspond à la date de production de la déclaration d'opposition (29 décembre 2009) [voir la décision Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, (CAF) et Metro-Goldwyn-Meyer Inc c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4e) 317 (C.F. 1re inst.)].

[42]           En vertu de ce motif d'opposition, il revient à priori à l'Opposant de prouver que sa marque de commerce KEYSTONE est devenue suffisamment connue au Canada le 29 décembre 2009 pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc. c. No 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 à la page 58 (C.F. 1re inst.) et Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 C.P.R. (4e) 427 (C.F. 1re inst.)]. Après s'être acquitté du fardeau qui lui incombe, le Requérant a l'obligation légale de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n'était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce KEYSTONE, si bien que, à la date pertinente, elle était adaptée à distinguer ou distinguait véritablement, partout au Canada, les Marchandises des services de l'Opposant [Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272].

[43]           La date pertinente ultérieure me permet de prendre en considération d'autres faits prouvés qui ont eu lieu entre le 30 novembre 1999 et le 29 décembre 2009. J'ai déjà fait référence aux annonces publiées avant le 3 août 2009 au moment d'évaluer le motif d'opposition relatif au droit à l'enregistrement en vertu de l'alinéa 16(1)a) de la Loi, afin de déterminer si l'Opposant avait abandonné l'emploi de la marque de commerce KEYSTONE avant la date de l'annonce de la présente demande. J'ai aussi mentionné que M. Judge a fourni les chiffres d'affaires annuels canadiens concernant les marchandises et services de l'Opposant en lien avec les marques de commerce de l'Opposant pour les années 2006 à 2009 inclusivement. Ils totalisent plus de 225 millions de dollars.

[44]           J'ai aussi mentionné un catalogue daté de 1999, sur lequel apparaît une adresse de Toronto en Ontario, laquelle n'avait pas été prise en compte pour l'étude du motif d'opposition précédent.

[45]           J'ai pris connaissance d'autres documents, postérieurs à la date pertinente, à savoir : une annonce pour la promotion d'une ouverture à Moncton au Nouveau-Brunswick : « NEW CROSS DOCK - JANUARY 18 2010 » (NEW CROSS DOCK - 18 JANVIER 2010 » et le contenu d'un site Web imprimé le 5 novembre 2010. Par conséquent, ces documents ne peuvent être considérés pour ce motif d'opposition.

[46]           À la lumière de toutes ces preuves pertinentes, je conclus que l'Opposant s'est acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que sa marque de commerce KEYSTONE était connue dans une certaine mesure au Canada le 29 décembre 2009. En conséquence, le fardeau revient au Requérant qui doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque a été adaptée pour distinguer, et qu'elle a distingué, les Marchandises des services de l'Opposant à la date pertinente.

[47]           Or, ma conclusion en vertu du motif d'opposition précédent, à savoir qu'il y avait une confusion probable entre les marques de commerce respectives des parties le 30 novembre 1999, s'appliquerait toujours au 29 décembre 2009. Cette dernière date pertinente en vertu de ce motif d'opposition joue en faveur de l'Opposant, puisque je peux examiner un plus grand nombre de preuves d'emploi de sa marque de commerce KEYSTONE au Canada, comme il a été détaillé ci-dessus.

[48]           Par conséquent, le cinquième motif d'opposition est maintenu.

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)c) de la Loi

[49]           Comme deux motifs d’opposition distincts de l’Opposant ont été accueillis, il n'est pas nécessaire d'évaluer ce motif d'opposition.

Décision

[50]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

_____________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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