Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L'OPPOSITION

de Hershey Canada Inc. à la demande no 858,184

produite par Michael Barnett en vue de l'enregistrement

de la marque de commerce OH CANADA

 

 

 

 

 

Le 8 octobre 1997, le requérant, Michael Barnett, a demandé l'enregistrement de la marque de commerce OH CANADA en liaison avec des « tablettes de chocolat et bonbons ».  La demande était fondée sur l'emploi projeté de la marque au Canada.  Elle a été modifiée pour inclure un désistement à l'usage exclusif du mot CANADA, et annoncée pour fin d'opposition le 23 septembre 1998.

 

L'opposante, Hershey Canada Inc., a déposé une déclaration d'opposition le 22 février 1999, dont une copie a été transmise au requérant le 24 mars 1999.  Elle invoque comme premier motif d'opposition que la marque de commerce du requérant n'est pas enregistrable, aux termes de l'alinéa12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes, propriété de l'opposante :

 


 

Marque de commerce

 

No d'enr.

 

Marchandises/Services

 

 

 

466130

 

Services de commercialisation, de promotion et de publicité conjointement avec la vente de bonbons.

 

OH HUNGRY?  OH HENRY!

 

483528

 

Bonbons.

 

 

 

440152

 

Services de commercialisation, de promotion et de publicité conjointement avec la vente de bonbons.

 

OH!  JAI FAIM.

 

447453

 

Services de commercialisation, de promotion et de publicité conjointement avec la vente de bonbons.

 

 

 

447827

 

Services de commercialisation, de promotion et de publicité conjointement avec la vente de bonbons.

 

OH SECOURS, JAI FAIM!

 

439924

 

Services de commercialisation, de promotion et de publicité conjointement avec la vente de bonbons.

 

OH!  JAI FAIM.

 

483664

 

Bonbons.

 

 

 

479699

 

Services de commercialisation, de promotion et de publicité conjointement avec la vente de bonbons.

 

OH HUNGRY?

 

501487

 

Bonbons.

 

Services de commercialisation, de promotion et de publicité conjointement avec la vente de bonbons.

 

OH HENRY!

 

TMDA038673

 

Confiseries.  Produits de crème glacée, nommément tablettes de crème glacée et crème glacée en vrac. Laits frappés.

 

 

L'opposante soumet, comme deuxième motif, que le requérant n'a pas droit à l'enregistrement, suivant l'alinéa 16(3)a) de la Loi, parce qu'à la date où il a produit sa demande, sa marque de commerce créait de la confusion avec les marques déposées susmentionnées déjà employées par l'opposante.  Le troisième motif est que la marque de commerce du requérant n'est pas distinctive parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce susmentionnées, employées au Canada par l'opposante.

 


Le requérant a produit et signifié une contre‑déclaration.  L'opposante a soumis en preuve l'affidavit de sa directrice du marqueting des marques, Brenda Yatabe.  Mme Yatabe a été contre‑interrogée sur son affidavit, et la transcription du contre‑interrogatoire a été versée au dossier.  L'opposante a ensuite été autorisée à présenter l'affidavit de Ruth Palazzolo, lequel sert simplement à déposer la copie certifiée conforme de l'enregistrement numéro TMDA038673 visant la marque de commerce OH HENRY! de l'opposante.  Le requérant a décidé de ne produire aucun élément de preuve.  Seule l'opposante a déposé un plaidoyer écrit.  Une audience a été tenue, à laquelle les deux parties étaient représentées.

 

À l'audience, l'agent de l'opposante a fourni les réponses découlant des engagements pris pendant le contre‑interrogatoire de Mme Yatabe.  Comme le requérant n'a pas élevé d'objection à leur dépôt, je les ai admises comme éléments de preuve au dossier.

 

La preuve

 


L'affidavit de Mme Yatabe décrit l'importante campagne de publicité et de promotion que l'opposante a menée pour la friandise vendue sous la marque  Elle a donné de nombreux exemples du matériel publicitaire dont l'entreprise s'est servi à partir de1994, sur lequel on peut voir la marque OH HENRY! ainsi que diverses variations sur la composante OH, comme OH HUNGRY?, OH SECOURS, JAI FAIM! et OH! JAI FAIM.  Le contre‑interrogatoire de Mme Yatabe sur son affidavit a révélé que certaines de ces variations n'ont été utilisées que pour annoncer les produits OH HENRY!  La preuve ne démontre donc pas que les variations ont été employées comme marques de commerce en liaison avec des services de publicité fournis à des tiers.  

 

Mme Yatabe a déclaré que depuis le 17 janvier 1994, l'entreprise a dépensé plus de 8 millions de dollars pour sa campagne de publicité OH.  Elle a été priée, en contre‑interrogatoire, de ventiler annuellement le montant donné pour la période 1994‑1999; il en ressort que les dépenses totales ont excédé 12 millions de dollars (voir la réponse de Mme Yatabe découlant de l'engagement pris relativement à la question 300).  Bien que Mme Yatabe n'ait pas fourni de chiffres relativement aux ventes de la tablette OH HENRY! parce qu'elle n'avait pas été contre‑interrogée sur ce point, je suis disposé à présumer, vu l'importance des sommes consacrées à la publicité, que les ventes réalisées depuis 1994 ont été considérables.

 

La campagne publicitaire dont a fait état Mme Yatabe a été vaste et a pris plusieurs formes : publicité télédiffusée, publicité extérieure, affichage‑abribus, affichage‑autobus et publicité sur les campus des universités canadiennes.  Pendant les années 1995‑1998, cette campagne a également comporté un volet rattaché aux joutes de hockey des Maple Leafs de Toronto : les panneaux publicitaires et les affiches portaient la marque de commerce OH HENRY! en association avec diverses expressions formées de l'interjection OH et de mots liés au hockey, comme GOh Leafs GOh!, Ohpen Net!, POhke Check et Oh Canada.

 


Les motifs d'opposition

 

           Relativement au premier motif d'opposition, j'examinerai d'abord la question de la confusion entre la marque du requérant et la marque OH HENRY! de l'opposante enregistrée sous le numéro TMDA038673 et visant, entre autres, des confiseries.  La date pertinente pour l'examen des circonstances se rapportant à la question de la confusion avec une marque déposée est la date de la décision (voir Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538, p. 541-542 (C.O.M.C.).  C'est au requérant qu'il incombe de prouver qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause.  En outre, il faut, pour appliquer le critère relatif à la confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, prendre en considération l'ensemble des circonstances, notamment celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi.

 

Pour ce qui est du facteur énoncé à l'alinéa 6(5)a) de la Loi, on peut dire que la marque du requérant, OH CANADA, possède un caractère distinctif inhérent en relation avec des tablettes de chocolat et des bonbons.  Toutefois, la composante CANADA est intrinsèquement faible relativement à l'emploi d'un produit au Canada, ce que le requérant a effectivement reconnu en se désistant de l'usage exclusif de ce mot.  Par conséquent, la marque du requérant n'est pas intrinsèquement forte et, comme le requérant n'a pas présenté de preuve, il me faut conclure que la marque n'est pas devenue connue au Canada.

 


La marque OH HENRY! de l'opposante, n'ayant aucune connotation se rapportant à  des tablettes de chocolat et du bonbon, possède un caractère distinctif inhérent.  Comme je l'ai déjà indiqué, l'opposante n'a pas fourni les chiffres de vente de ses produits OH HENRY!, mais compte tenu des dépenses considérables qu'elle a faites pour la campagne de publicité OH, je suis disposé à considérer qu'elle a réalisé des ventes substantielles au Canada depuis 1994, ce qui m'autorise à conclure que la marque OH HENRY! est devenue très connue ici.

 

Le facteur de la période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise l'opposante.  Relativement aux facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et d) de la Loi, il appert que  les marchandises des parties sont identiques, et on peut présumer qu'il en est de même de la nature de leur commerce.

 

Pour ce qui est du facteur énoncé à l'alinéa 6(5)e), il faut dire qu'il existe une certaine ressemblance visuelle et phonétique entre les marques en cause puisqu'elles commencent toutes deux par OH.  Les idées suggérées par les marques diffèrent, toutefois, du fait que la marque de l'opposante constitue une interjection marquant la surprise, adressée à un dénommé Henry, tandis que celle du requérant est l'équivalent phonétique du titre de notre hymne national « O Canada ».

 


J'ai tenu compte d'une circonstance supplémentaire en l'espèce, soit l'importante campagne publicitaire, axée sur la composante OH de sa marque OH HENRY, que l'opposante a menée à partir de 1994.  Considérant les montants en jeu, il est probable que cette campagne, qui jouait sur des variations d'emploi de la composante OH, a touché la plupart des Canadiens.  Cette circonstance accroît à mon avis la probabilité qu'en voyant une autre friandise portant un nom commençant par OH, les consommateurs présumeraient que le produit est lié de quelque façon à l'opposante.  L'absence de preuve de l'existence au Canada d'autres produits alimentaires portant une marque commençant par OH renforce cette conclusion (voir également la transcription du contre‑interrogatoire de Mme Yatabe, p. 58).

 

À l'audience, l'agent du requérant a voulu s'appuyer sur deux marques officielles dont il aurait été fait mention au stade initial du traitement de la présente demande.  La Commission d'opposition possède le pouvoir discrétionnaire de consulter les dossiers du Bureau des marques de commerce, mais elle ne l'exerce généralement que lorsqu'un enregistrement ou une demande d'enregistrement pendante sont invoqués à l'appui d'un motif d'opposition (voir Royal Appliance Mfg. Co. v. Iona Appliances Inc. (1990), 32 C.P.R.(3d) 525, p. 529 (C.O.M.C.).  Il n'est pas justifié en l'espèce que j'exerce ce pouvoir discrétionnaire, sans compter qu'un tel exercice causerait préjudice à l'opposante.  Si le requérant voulait invoquer ces deux marques officielles, il aurait dû en faire la preuve de la façon habituelle.

 


L'appréciation de la confusion fait appel au critère de la première impression et du vague souvenir et, vu les conclusions qui précèdent, en particulier la conclusion relative à la nature identique des marchandises et du commerce des parties, à la notoriété de la marque de l'opposante, à l'importance de la campagne publicitaire axée sur l'interjection Oh et à l'existence d'un certain degré de ressemblance entre les marques, je conclus que le requérant ne s'est pas acquitté suivant la prépondérance des probabilités du fardeau de prouver qu'il n'existait pas de possibilité raisonnable de confusion entre les marques en cause.  Autrement dit, j'estime qu'il subsiste un doute sur la question (c.‑à‑d. que les probabilités qu'il existe ou qu'il n'existe pas de confusion sont égales) et je dois donner le bénéfice du doute à l'opposante.  Le premier motif d'opposition, dans la mesure où il se fonde sur l'enregistrement numéro TMDA038673 de l'opposante, est donc accueilli, et il n'est pas nécessaire de poursuivre l'examen des autres aspects de ce motif.

 

Relativement au deuxième motif d'opposition, fondé sur l'alinéa 16(3)a) de la Loi, l'opposante a démontré qu'elle employait sa marque de commerce OH HENRY! avant la date de production de la demande d'enregistrement et qu'elle ne l'avait pas abandonnée à la date à laquelle la demande d'enregistrement a été annoncée.  C'est donc la question de la confusion qui déterminera le sort de ce motif.  Encore une fois, c'est le requérant qui a la charge de prouver qu'il n'existait pas de possibilité raisonnable de confusion à la date de sa demande d'enregistrement.

 

De façon générale, les conclusions auxquelles je suis parvenu au sujet du premier motif d'opposition s'appliquent au deuxième.  J'estime donc que le requérant ne s'est pas acquitté suivant la prépondérance des probabilités du fardeau de prouver que les marques ne portent pas à confusion.  Dans la mesure où le deuxième motif d'opposition repose sur l'emploi antérieur de la marque de commerce OH HENRY!, il est donc accueilli, et il n'est pas nécessaire d'en examiner les autres aspects.

          


Pour ce qui est du troisième motif, c'est au requérant qu'il incombe de prouver que la marque est adaptée à distinguer ses marchandises d'autres marchandises au Canada ou qu'elle les distingue véritablement (voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R.(3d) 272 (C.O.M.C.).  La date pertinente pour l'examen de cette question est celle du dépôt de l'opposition (c.‑à‑dire, le 22 février 1999) (voir E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130; [1976] 2 C.F. 3 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, p. 424 (C.A.F.).  L'opposante a, elle, le fardeau de prouver les allégations de fait à l'appui du motif du caractère non distinctif.

 

Dans la mesure où le troisième motif invoqué par l'opposante s'appuie sur sa marque OH HENRY!, son succès dépend essentiellement de la question de la confusion entre cette marque et celle du requérant.  Les conclusions que j'ai tirées concernant les deux premiers motifs m'amènent à conclure que le requérant  ne s'est pas acquitté suivant la prépondérance des probabilités du fardeau de prouver que sa marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce OH HENRY! de l'opposante.  En conséquence, le troisième motif doit également être écarté.

 

           Vu ce qui précède, le soussigné, investi des pouvoirs qui lui ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, refuse la demande du requérant.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), CE VINGT‑SEPTIÈME JOUR DE JANVIER 2004.

 

 

David J. Martin,

Membre,

Commission d'opposition des marques de commerce

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